Chapitre10 M - O (Philosophie - Métaphysique - Grands Initiés - Mystiques - Spiritualité) |
10 M
MAÏEUTIQUE et RÉMINISCENCE - SOCRATE et PLATON |
Divers Auteurs |
ARCADIA |
2009 |
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Quant au terme de Réminiscence, Platon l’attribue toujours à Socrate et en parle dans 4 livres –le Théétète, le Menon, le Phédon et Phèdre –Pour Platon cette réminiscence est liée à l’âme de l’homme, sa racine est : anamnêsis, dérivant de àna qui signifie la remontée et de mnémè qui est le souvenir.
C’est
donc « la remontée des souvenirs ».
Tous ces souvenirs seraient stockés en nous, bien caché, et feraient parti de
cette âme ou mémoire collective et universelle. Jung l’appelle inconscient collectif. Pour Platon cette
Réminiscence permet la restauration de l’idée contemplée ou du souvenir
ramené, d’un savoir maîtrisé. Dans le Phédon la réminiscence reconnue, permet
par la dialectique d’établir la preuve de l’immortalité de l’âme. René
Guénon
dans un article de Renaissance Traditionnelle, explique le terme
« Connais-toi toi-même » avec ses ramifications à l’omphalos et à
la Kaaba Michel
Jaccard
nous fait revisiter Platon et ses diverses théories et fait le parallèle avec
la Franc-maçonnerie Francis
Bardot
expose l’initiation au sein de la Maçonnerie Régulière, voie de bonheur pour
les hommes en quête de vérité, et c’est par la maïeutique et la réminiscence
que l’homme se connaitra mieux, se changera et changera le monde Gérard
Wininger
explique pourquoi l’homme est responsable de sa propre réalisation
spirituelle. Il a un devoir de dépassement de soi et des autres: c’est
l’ascèse maçonnique, c'est-à-dire, suivre la voie initiatique qui est « une ascension descendante au plus profond de soi, à la
recherche de sa réalisation » Didier Cruz dans Connaissance verticale et Connaissance horizontale sur le chemin du Franc-maçon, explique pourquoi le maçon doit sans cesse pratiquer le métier et ainsi participer au Grand Œuvre. René
Eloy
dans son article Initiation et Universalité part de la phrase « Connais-toi toi-même et aime ton prochain comme
toi-même » pour expliquer que si l’initiation est
individuelle, on a besoin des autres pour se perfectionner dans une
réalisation dans l’espace et le temps Thomas Efthymiou remonte aux 7 sages présocratique que sont : Pittakos de Mytilène –Cléobule de Rhodes – Chilon de Sparte –Bias de Priène – Periandros de Corinthe – Solon d’Athènes et Thalès de Milet, qui seraient à l’origine de la phrase « Connais-toi toi-même » et parle longuement de Platon, de son parcours, et du Timée qui est pour lui la synthèse encyclopédique de la science de Platon et de l’hellénisme de l’époque. M. H. Cassagne retrace l’allégorie de la caverne de Platon et fait le parallèle avec le chemin maçonnique. La libération des illusions est le terme central de cette allégorie autant que du maçon. J.
C. Tribout
nous parle de la symbolique du miroir sur le chemin de la sagesse. Ce miroir
révélateur de Dieu mais aussi de notre intériorité, nous invite à réfléchir
sur notre démarche, car le symbole du miroir est intimement lié au symbole de
la mort, de l’au-delà, de l’invisible. Pierre Farvacque nous plonge au cœur de l’Evangile selon Thomas, Evangile gnostique qui en raison de ses textes mystiques et métaphysiques n’a pas été retenu comme écrit canonique, et pourtant…..114 « logia » structure ce texte qui ne parle pas de Jésus, mais à la façon des Hindous, ne retient que l’essentiel : L’enseignement du Maître, et la quintessence de cet enseignement. A l’écoute du Christ, Thomas en a perçu le message, et c’est ainsi qu’il préconise que chacun de nous le vive dans son intériorité, car là est le véritable voyage spirituel, voyage transformateur et transfigurateur. Durant les 114 logia, la sève spirituelle coule comme un suc nourricier venu du fond des âges. Il faut chercher avec son mental mais croire avec son cœur. |
MAÎTRE ECKHART |
Benoît
beyer de ryke |
Edition
ENTRELACS |
2004 |
Eckhart est né en
Thuringe vers 1260. Il entre chez les dominicains d'Erfurt puis étudie à
Cologne où règne encore le souvenir de saint Albert le Grand transmis par
Thierry de Freiberg. Eckhart est appelé à de hautes charges dans
l'Ordre provincial, vicaire général. Il en est déchargé en 1311 pour
pouvoir se consacrer à son activité intellectuelle à Paris, à Strasbourg puis
à Cologne. Il enseigne, il prêche et il publie. Vers les années 1325 la
doctrine d'Eckhart est suspectée par l'archevêque de Cologne. On ne doit pas
sous-estimer dans cette affaire la rivalité, déjà de longue date, entre
mendiants et séculiers, spécialement au sujet du privilège de l'exemption.
Eckhart se défend contre de mauvaises interprétations de sa pensée ou même
tout simplement contre des déformations de ses propos. En 1329, en Avignon, est enregistrée une bulle qui condamne dans les
écrits d'Eckhart dix-sept propositions hérétiques et onze qui paraissent
suspectes. Mais Maître Eckhart est déjà mort, probablement depuis 1327. Sa
condamnation est ressentie comme une injustice chez les Prêcheurs et
n'empêche nullement le rayonnement posthume des grands thèmes eckhartiens que ses disciples sauront mettre en valeur
sans insister sur les paradoxes audacieux du Maître. L'oeuvre
latine d'Eckhart est très théorique, caparaçonnée d'un langage technique;
elle comprend des commentaires des Sentences et de la Bible. Il s'y ajoute
des sermons qui constituent la majeure partie de son oeuvre écrite en
allemand. La pensée de Maître Eckhart est difficile, souvent exprimée en
termes paradoxaux : elle a pu être infléchie en de nombreux sens (gnose, panthéisme,
idéalisme...). C'est une mystique métaphysique à dominante platonicienne mais
on a pu y détecter d'autres influences. Elle est une pensée sur l'être, qui,
veut absolument, s'identifier à Dieu. De cette approche vient la fameuse
distinction entre la Déité, et Dieu. En une dissociation purement
intellectuelle Eckhart dit en effet que la Déité est l'essence divine,
absolue, isolée, au-dessus de tout nom et parfaitement une. Dieu est cette
Déité en tant qu'elle entre en rapport, d'abord dans la Trinité mais aussi
dans la création. Ainsi " Dieu agit; la Déité n'agit pas ". En ce
sens on peut dire, à la limite : " Dieu n'est Dieu que lorsque les
créatures disent : Dieu. " Le
Verbe est l'idée parfaite de toutes les créatures possibles (exemplarisme).
Ainsi toute créature est marquée d'une empreinte divine qui lui donne une
noblesse incomparable, bien que Eckhart souligne l'infinie distance qui
subsistera toujours entre le créé et l'incréé. Au plus profond de l'âme
humaine (Grund) brille une lumière, une étincelle dont Eckhart va jusqu'à
dire qu'elle est, quant à elle, " incréée et incréable ", formule
qui fit grande difficulté parmi ses censeurs, on s'en doute. Eckhart ajoute ;
" Là, le fond de Dieu est mien et mon fond est celui de Dieu. Là je vis
de ce qui m'est propre, comme Dieu vit de ce qui lui est propre. " Le
retour à Dieu, but de l'itinéraire spirituel, va se réaliser par une
participation à la vie intime de Dieu jusqu'à ce fond divin car " l'âme
est une avec Dieu et pas seulement unie " ; elle est de la " race
de Dieu ". Pour
revenir à elle-même l'âme devra d'abord purifier ses propres "
puissances ", en transcendant les images et les concepts, y compris, et
la proposition a aussi été considérée comme audacieuse, en dépassant
l'humanité du Christ puisque ce dernier est là pour nous montrer la route
vers la Déité. Le chrétien doit aussi arriver au complet dépouillement et à
la pauvreté spirituelle, au-delà de tout désir, même du bien, même de la
récompense éternelle. Il doit se trouver anéanti, ébloui de sa pureté et
admiratif " de sa propre beauté ". " Il faut avoir un coeur
pur, car seul est pur celui qui a anéanti tout ce qui est créature. "
Telle fut la Vierge Marie; telle est la tâche de l'humilité; tel est aussi
l'amour chrétien. Aimer Dieu en tout être conduit à l'unité dans la charité
par le rejet du moi et par l'action du Christ qui agit en tous. La pensée
d'Eckhart, avec ses sentiers escarpés, va être reprise et en quelque sorte
monnayée par ses disciples, qui éviteront de paraître s'éloigner de la
doctrine traditionnelle. que " la nature est
bonne et noble ". Il convient seulement de l'émonder, de laisser émerger
ce noyau où Dieu a sa demeure, au prix de souffrances, d'obscurités, certes,
mais elles conduisent à la "lumière essentielle". Condamnées
à l’époque par l’Église, ses thèses furent néanmoins répandues par ses deux
principaux disciples, Jean TAULER et Henri SUSO. Par eux, la mystique rhénane
ou allemande exerça une influence à l’échelle européenne. Il fallut toutefois
attendre le XIXème siècle pour que soit redécouverte l’œuvre de Maître
Eckhart lui-même, prélude à une série d’interprétations, sérieuses ou
extravagantes, de sa doctrine. Aujourd’hui encore, Maître Eckhart suscite une
indéniable fascination. Une
première partie qui traite de l’histoire, sa doctrine et sa postérité. Une deuxième
partie traite de l’anthologie, de son œuvre. |
MAÎTRE ECKHART - aphorismes &
lÉgendes |
Maître eckhart |
Edition PAYOT & RIVAGES |
2006 |
Voici
Maître Eckhart à qui Dieu n’avait jamais rien caché. Bonne
route, ô livre – en son nom, et puisses-tu éviter les esprits fermés. A
la manière des célèbres "Fragments des philosophes présocratiques",
le titre "
Les
thèmes du détachement, du néant divin, de la prière, de la guérison et
l’importance de la joie font de ces aphorismes un excellent condensé de la
spiritualité eckhartienne. |
MAÎTRE ECKHART - CHEMINER AVEC MAÎTRE ECKHART
– Au
cœur de l’anthropologie Chrétienne |
Marie-Anne Vernier |
Edition
Artège |
2015 |
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Les écrits de Maître Eckhart sont donc
revêtus d’une enveloppe religieuse mais une lecture méditative permet à celui
qui le peu de découvrir non pas un sens caché ou secret mais un sens profond
qui permet à l’Esprit de s’ouvrir vers l’Absolu et dépasser les définitions
engendrées par notre univers matérialiste et limité. Nous découvrons à la lecture des écrits
de Maître Eckhart une notion qui illumine toute son œuvre ; c’est la
notion d’Unité qui est une des caractéristiques de la tradition primordiale.
Dans le sermon « De l’homme noble » nous pouvons
lire : « Il n’y a de distinction ni dans la nature divine ni
dans les Personnes dans la mesure où elles sont unies dans la
nature. », « dans l’Un seul on trouve Dieu ; et il faut que
celui qui doit trouver Dieu devienne quelque chose d’Un. ». Cette
notion d’Unité entraîne la distinction entre l’homme intérieur et l’homme
extérieur, le premier attaché aux vérités du ciel ; le second préoccupé
par l’activité terrestre. L’auteur nous confirme que c’est en se tournant
vers le premier que l’on pourra atteindre l’Unité, le Centre ou l’Invariable
milieu, désignations d’autres traditions. Dans son sermon intitulé
« Instruction pour la vie contemplative », nous pouvons lire que
« C’est dans la mesure où l’homme se connaît lui-même qu’il peut en
venir à la connaissance de Dieu ». C’est bien là un des fondements de la
tradition où c’est par la connaissance de sa nature propre et de son
enveloppe individuelle que l’homme, état humain, peut accéder à la
connaissance de sa Personnalité c’est-à-dire du Soi, axe transcendant qui
relie tous les états de l’Etre aussi bien dans le monde manifesté que dans le
non manifesté (précisons, afin d’éviter toute confusion, que l’Etre peut être
dépassé pour accéder au non-être), axe qui a sa source dans le Principe et
qui fait actionner la roue qui nous entraîne inévitablement vers un retour
vers le Principe. Dans le
premier sermon « De la naissance éternelle » Maître Eckhart nous
indique que « la nature et la volonté de Dieu c’est d’être le
commencement et la fin de toutes choses ». Dans le quatrième sermon de
ce même sujet nous pouvons lire que « Si tu veux trouver en toi ce noble
fils, il faut que tu abandonnes la multiplicité et reviennes à ton point de
départ, le fond, d’où tu es venu. ». A cette notion de cycle se rajoute
l’idée de la multiplicité comme opposition à l’unité et c’est bien celui qui
dépasse la multiplicité qui pourra trouver l’Unité et donc retourner vers le
Principe. Maître Eckhart évoque, dans le sermon « De la connaissance de
Dieu », le thème du Premier Principe : « Alors se pose la
question de savoir comment le Premier Principe tient donc tout enfermé
en soi ? Je réponds ceci : Toutes choses sont – en forme finie –
apparues dans le fleuve du temps, et sont pourtant – en forme –
infinies – demeurées dans l’Eternité. Là elles sont Dieu en
Dieu. ». Un peu plus loin, il précise sa pensée en indiquant que : « alors
ressuscitent aussi en toutes choses, non en elles-mêmes, mais bien en celui
qui les a transformées en lui. Là elles sont aussi spiritualisées, et il n’y
a là qu’un esprit, et elles retournent avec l’esprit dans la
source. » La notion de Dieu, quelquefois intitulé
Le Père, ne doit pas être enfermée dans un carcan défini, c’est d’ailleurs
bien là le dépassement que doit insuffler toute démarche spirituelle
traditionnelle, et donc non seulement à cette notion religieuse de Dieu
créateur puisque dans le quatrième sermon évoqué plus haut, l’auteur affirme
que « Dieu opère toutes ses œuvres, en lui comme en dehors de lui, en un
instant. ». On retrouve bien là cette notion de connaissance intuitive
et immédiate qui est la première révélation de celui qui marche sur le chemin
de la tradition. Le Père engendre le fils ainsi Maître Eckhart nous permet de
voir comment cette naissance peut être engendré en nous même, dans notre
intérieur et uniquement là car nos possibilités ne peuvent venir de
l’extérieur. Les textes bibliques prennent alors une nouvelle dimension et
notamment la vie du Christ. Une dimension illimitée et intérieure qui ne peut
être comprise que par une lecture « du cœur » de la bible. Pour
pouvoir lire spirituellement la bible et réaliser cette lecture, qui est dans
la tradition primordiale un des contenus de la Connaissance avec l’étude,
Maître Eckhart donne des instructions spirituelles notamment avec le discours
sur le discernement et celui sur le détachement. On retrouve bien là aussi
les fondements révélés par d’autres textes orientaux, notamment védiques, qui
confirment la démarche de Maître Eckhart dans la voie traditionnelle. L’étude
de la connaissance ne suffit pas à trouver son unité, elle doit être réalisée
afin que celui qui chemine trouve le Centre, son centre d’où émane l’Axe
sacré. Le chemin d’accès balisé par Maître
Eckhart peut nous permettre en occident de nous approcher de la tradition
primordiale. Nous n’avons donc nullement besoin de chercher ailleurs une
autre forme de tradition que nous possédons surtout que le plus souvent cette
tradition extérieure est déformée au point où l’on en arrive à faire croire
que la notion de transcendance est absente des traditions orientales ou
autres. C’est le contresens le plus fréquent car le rattachement est une
autre notion clé de la spiritualité traditionnelle. Nous ne pouvons reprendre toutes les notions contenues dans les écrits de Maître Eckhart car de très nombreuses pages seraient alors nécessaires. Dans notre monde où tout nous pousse à alimenter notre individualité par un matérialisme sans cesse insatisfait, la lecture des œuvres de Maître Eckhart nous donne une liberté intérieure et transcendante que nous ne pourrons jamais obtenir de l’extérieur. Là aussi en conformité avec la démarche traditionnelle, nous pouvons apprendre que nous possédons tous un fragment de la vérité que nous découvrirons si nous portons sur nous même un regard lucide et éclairé par la Lumière qui vient de la ténèbre. |
MAÎTRE ECKHART -
CONSEILS SPIRITUELS |
Présenté
par W. Wackermagel |
Edition
Payot |
2003 |
Ce
livre contient quelques sentences et conseils de ce grand mystique. Il nous
parle de l’obéissance, de l’abandon de soi, du péché et de l’amour de Dieu. Etrange
destinée que celle de la pensée de Maître Eckhart. Elle a nourri, en son
temps, l'expérience mystique rhéno-flamande à laquelle elle apportait
l'appareil conceptuel, le logos, dont elle avait besoin pour faire entendre
autre chose que son chant et toucher des esprits théologiques et
métaphysiques que l'élan du cœur n'avait pas entièrement subjugués. Elle a
exprimé cette part de raison hors des mots de la raison sans laquelle le pur
vécu de l'illumination intérieure n'eût pu frayer sa voie dans le
clair-obscur de l'entendement. Et il est hors de doute que, par
l'intermédiaire de Suso et de Tauler, Eckhart joua, dans les milieux
monastiques, le rôle d'un véritable maître spirituel : un maître qui ne se
contentait pas d'enseigner mais qui apprenait à ses auditeurs à se découvrir
eux-mêmes et à accéder à leur propre parole de vérité. Cette emprise profonde
et fidèle sur les âmes dut se poursuivre dans l'ombre des cloîtres bien après
la condamnation romaine de 1329. Les grands siècles rationalistes la tinrent
en lisière mais ne l'étouffèrent pas. Elle
resurgit en plein cœur du romantisme allemand comme un irréductible noyau de
lumineuse ténèbre, d'irrationalité transcendante et abyssale, auquel la
réflexion philosophique et l'expérience spirituelle n'ont pas fini de se
référer. Les textes ici rassemblés, outre des fragments de l'œuvre allemande
d'Eckhart et de ses disciples, mettent en lumière la féconde actualité du
métaphysicien, du théologien et du mystique que fut le maître rhénan. Elles
se proposent comme un carrefour de disciplines et de cultures où
l'Extrême-Orient, le judaïsme, l'islam sont amenés à exprimer leurs affinités
- métaphysiques, spirituelles, éthiques et linguistiques avec la pensée d'un
esprit profondément chrétien dont on pourrait dire que sa marginalisation
historique a préservé toute la sève, la saveur et la flamme, et qui demeure comme
une permanente puissance d'incitation à l'intériorité, jusqu'à la conjonction
extatique de l'être et du néant Quelques conseils spirituels de Maître Eckhart : Là où finit la créature, là commence l’être de Dieu. Tout ce
que Dieu te demande de la façon la plus pressante, c’est de sortir de
toi-même dans la mesure où tu es la créature, et de laisser Dieu être Dieu en
toi » |
MAÎTRE ECKHART ET la mystique
rhÉnane |
J.A.
hustache |
Edition
SEUIL |
1980 |
Maître
Eckhart et la mystique rhénane Si les mystiques sont ces hommes et ces femmes
qui ont fait l'expérience de la présence de Dieu et qui tentent de la décrire
dans le langage des hommes, alors Eckhart (vers 1260 - vers 1328) est assurément
l'un des plus grands dans toute l'histoire de la mystique en Occident.
Personne peut-être n'a parlé de Dieu comme lui. Ne l'a-t-il pas appelé un
" Néant ", un " Surnéant ",
pour exprimer l'idée que Dieu est ineffable, innommable, que tous les termes
sont insuffisants pour dire ce qu'il est dans son essence ? Qui était Eckhart
? Ce
livre ne présente pas seulement la vie et l'oeuvre, avec des textes choisis. il retrace aussi tout le contexte intellectuel et social
qui l'a précédé et soutenu (ou freiné) et la constellation de la mystique
rhéno-flamande, avec des hommes comme Tauler, Suso, Ruysbroeck, et des femmes
comme Mechtilde et Gertrude. Eckhart a été
l'initiateur et la principale figure de cette mouvance spirituelle sans
équivalent. Le livre est repris de la célèbre collection " Maîtres
Spirituels ", avec une bibliographie actualisée Maître Eckhart, sa vie, son œuvre, son temps, sa mystique, son enseignement, son procès. La
mystique rhénane avant et après M. Eckhart. |
MAÎTRE ECKHART - INITIATION A MAÎTRE ECKHART |
Kurt Ruh |
Edition Cerf – Edition Universitaire de Fribourg |
1997 |
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C’est un des grands mérites de cet ouvrage que d’expliquer comment Maître Eckhart, grand intellectuel, maître en théologie de l’université de Paris, prédicateur itinérant pendant de nombreuses années dans les régions rhénanes, directeur spirituel auprès des maisons de religieuses de son ordre, bref, comment un frère ayant manifestement réalisé de manière exemplaire le programme tracé par sa vocation, pu s’attirer ainsi les foudres de l’église.
L’auteur explique tout cela en retraçant étape par étape, l’itinéraire du dominicain allemand et en proposant une interprétation à la fois sensible et circonstanciée des textes eckhartiens. Cet ouvrage retrace d’une part la vie des dominicains de l’époque et celle de Maître Eckhart en particulier. Toujours au service du texte, et en cela fidèle à son métier de philologue, Kurt Ruh fait parler les textes en les situant dans le contexte originel, qu’il s’agisse de la spiritualité des moniales, du milieu universitaire de Paris, ou encore du procès de Cologne, ses analyses reconstituent avec succès le contexte de la pensée eckhartienne. Maître Eckhart apparait ainsi sous différentes facettes : comme prédicateur, philosophe, théologien, directeur de conscience et mystique. Kurt Ruh est un maître dans l’exégèse des sermons d’Eckhart et cet ouvrage contient quelques paradigmes d’une analyse compréhensive de la prédication eckhartienne. L’auteur fait également des rapports entre la pensée de Maitre Eckhart et la doctrine de Marguerite Porète, cette Béguine martyrisée et brulée pour sa foi trop dévorante et qui faisait peur à l’église, c’est cette même peur issue de l’obscurantisme qui fera un procès à Maître Eckhart. Il n’est pas exagéré de dire que cet ouvrage nous offre la plus exhaustive présentation et la meilleure biographie du Maître thuringien, ainsi que son analyse des textes et des sermons du Maître, un ouvrage incontournable pour comprendre et assimiler la pensée et la doctrine de ce grand mystique. Au sommaire de ces 315 pages de grande richesse : Sa voix venait de l’éternité, mais vous ne la comprenez qu’au présent - Une carrière brillante dans l’université et dans l’ordre - Le spirituel de l’ordre : les Rede der unterscheidunge - Mystique dionysienne : le Granum sinapis - Paradisus anime intelligentis - L’Opus tripartitum - Maître Eckhart et la spiritualité des Béguines - Le Liber benedictus - La prédication dans la région rhénane - Le procès - Maître Eckhart, le mystique - Kurt Ruh est professeur émérite de l’université de Würzburg, il est l’auteur d’une monumentale histoire de la mystique européenne dont quatre volumes ont déjà paru, les autres sont en cours |
MAÎTRE ECKHART - la
divine consolation suivi
de L’HOMME NOBLE |
Maître
eckhart |
Edition
Payot |
2003 |
La
Divine Consolation est aussi connue sous le titre de Benedictus Deus, ce sont
les derniers traités du Maître dédiés à une reine en deuil, ce discours
consolateur est l’héritier d’une tradition philosophique passant par les
stoïciens, Dante et les Cathares avec leur Consolamentum.
Eckhart (1260-1329) tient en peu de lignes. Né à Hochheim
en Allemagne, Eckhart suit des études de théologie à Paris et à Cologne.
Entré dans l’ordre des dominicains, il devient prieur d’Erfurt et commence à
publier les entretiens spirituels qu’il a avec ses frères de l’ordre. Après
une période d’enseignement à Paris, il est élu provincial de Saxe puis
vicaire général de la province de Bohême et enfin de Teutonie.
Mais il est surtout un maître spirituel influent et reconnu. Pour de sombres
questions internes à l’ordre des dominicains, il a maille à partir avec
l’Inquisition. La raison invoquée pour sa mise en accusation est l’influence
supposée de certaines de ses propositions sur les béguines, ces femmes
mystiques caractéristiques de la vie spirituelle du haut Moyen-Âge rhénan.
Condamné par le pape Jean XXII, il réfute les accusations portées contre lui
mais meurt néanmoins dans l’isolement le plus complet, au point que l’on
ignore la date précise de son décès. Son influence est cependant considérable
par la vigueur de sa pensée et la profondeur du cheminement spirituel qu’il
propose. La
voie mystique de Maître Eckhart repose sur deux piliers : le premier est
l’importance du détachement qui seul permet, par la place qu’il
laisse à Dieu dans l’âme, de progresser dans la vie spirituelle, le second
est la foi en cette certitude que c’est la Trinité tout entière qui
vient habiter l’âme de celui qui s’abandonne à Dieu. Le style
littéraire de Maître Eckhart est particulièrement suggestif. Il utilise de
nombreux paradoxes qui, en forçant sa pensée, font image pour le lecteur. Il
est considéré comme le père de la mystique rhénane, un des courants
spirituels les plus importants de la spiritualité chrétienne. Maître Eckhart
a en effet inspiré des penseurs comme Henri Suso, Jean Tauler, Nicolas de
Cues, Jan de Ruysbroek. Redécouvert au XIXe siècle, il est peu à
peu vulgarisé et se trouve aujourd’hui particulièrement apprécié par ceux qui
cherchent une voie mystique radicale et contemporaine. Dans son Traité de « L’Homme Noble », Maître Eckhart ne cesse de rappeler à ceux qui l’écoutent, le
trésor, la source, caché en eux, ce qui fonde la noblesse de leur être. Cette
noblesse n’est pas toujours reconnue, ni de soi, ni des autres ; « elle n’est
pas de ce monde » ; mais pour celui qui accepte de traverser la
non-reconnaissance de ses proches et de travailler à l’émergence de son être
essentiel, la paix et la béatitude ne sont pas vaines paroles, mais
révélation de sa filiation divine … de sa haute noblesse d’enfant de Dieu.
Dans son Épître aux Corinthiens (4/16), Saint Paul rappelle que l’homme
extérieur dépérit. Comme tout ce qui est composé, il ne saurait tarder à se
décomposer. Par contre, l’homme intérieur ne cesse
de se renouveler de jour en jour. Cet homme intérieur, c’est « l’homme noble
» de Maître Eckhart. « Aucune âme raisonnable n’est privée de Dieu ; la
semence de Dieu est en nous … Cette semence, elle peut bien être recouverte
et cachée, elle n’est jamais anéantie ni éteinte : elle est ardente, elle
brille, elle éclaire, brûle, et tend sans cesse vers Dieu ». Saint Paul rappelait aux hommes qu’ils étaient de «
la race de Dieu ». Saint Pierre rappelait qu’ils étaient « participants de la
nature divine ». Maître Eckhart dira : « ensemencés, engendrés de Dieu ».C’est là toute la noblesse de l’homme. Le souvenir d’une
telle origine devrait le délivrer de toute vulgarité et de toute médiocrité.
Cela surtout devrait le rendre humble et simple, comme seuls ceux qui savent
qu’ils ont tout reçu, savent l’être : si simples
qu’ils ne s’aperçoivent même plus d’eux-mêmes et de la connaissance qu’ils
ont de Dieu. L’homme noble vit et respire au-delà de la dualité qui poserait
Dieu comme un objet devant lui. Entre son « moi » et Dieu, il n’y a plus de place
pour un « c’est moi ». « L’homme noble prend et puise tout son Être et toute
sa vie, toute sa béatitude, uniquement de Dieu, par Dieu et en Dieu seul, non
dans la connaissance, la contemplation, l’amour de Dieu ou autres choses
semblables. C’est pourquoi Notre Seigneur dit très justement que la Vie
Éternelle consiste à connaître Dieu seul comme l’unique vrai Dieu, non pas à
connaître que l’on connaît Dieu ». Ce non-savoir nous conduit plus haut que toute
connaissance dans cette puissance incréée où Dieu et l’homme ne font qu’un :
« Qui donc est plus noble que celui qui est né, d’une part du plus haut et du
meilleur de la créature et d’autre part du fond le plus intime de la nature
divine et de la solitude ? ».De telles affirmations
ne vont pas sans choquer l’homme sans expérience intérieure, et celui-ci ne
manquera pas d’accuser l’homme noble « de dire des choses qui dépassent
l’entendement », ou de prétentions diaboliques…C’est ainsi que fut jugé
Maître Eckhart lui-même. C’est ainsi que seront jugés ceux qui débordent
quelque peu la norme commune. La réponse du maître thuringien est de
réaffirmer son expérience et c’est comme un écho de la parole de Jésus aux
pharisiens : « Si je vous disais autre chose, je serais un menteur » : « …
bien des esprits grossiers diront que beaucoup de paroles que j’ai écrites
dans ce livre et ailleurs ne sont pas vraies, mais je répondrai par ce que
dit Augustin au premier livre de ses Confessions : Si quelqu’un ne
comprend pas cela, qu’y puis-je ? … Il me suffit que ce que je dis et écris
soit vrai en moi-même et en Dieu. Celui qui voit un bâton enfoncé dans l’eau
pense que le bâton est brisé alors qu’il est droit. La raison en est que
l’eau est plus grossière que l’air ; pourtant le bâton est droit et non
brisé, en lui-même aussi bien qu’aux yeux de celui qui le voit seulement dans
la pureté de l’air. » Saint Augustin dit : « celui qui, sans de multiples
pensées, sans toutes sortes de représentations et d’images reconnaît
intérieurement ce qu’aucun regard extérieur n’a mis en lui, sait que ces
choses sont vraies. Mais celui qui n’en sait rien rit et se moque de moi, et
j’ai pitié de lui. Cependant, de telles gens prétendent contempler et goûter
les choses éternelles, alors que leur cœur vole encore d’hier à demain ». Des
penseurs plus savants mais tout aussi mal intentionnés pourraient reprocher à
cette doctrine de l’Homme Noble de semer plus de troubles que de lumière et
qu’il ne « faut pas enseigner aux ignorants ce qu’ils ne sont pas capables de
comprendre » (coram vulgo simplici). Tel est le
motif invoqué dans la Lettre de Jean XXII, datée d’Avignon le 15 avril 1329,
à l’Évêque de Cologne, Henri de Virneburg, pour lui
recommander de rendre publique dans ce diocèse la condamnation intervenue à
Avignon le 27 mars 1329. A cela, Maître Eckhart avait déjà répondu invoquant
une fois de plus la lettre même de l’Évangile. « On dira aussi que l’on ne
doit pas énoncer et écrire de telles doctrines pour les ignorants ; je
réponds que, si l’on n’instruit pas les ignorants, personne ne sera jamais
instruit, personne ne pourra enseigner ni écrire. Car on instruit les
ignorants pour que d’ignorants qu’ils étaient, ils deviennent des gens
instruits … « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de remèdes »,
dit Notre-Seigneur (Luc 5,31). Le médecin est là pour guérir les malades.
Mais si quelqu’un comprend mal cette parole, qu’y peut celui qui dit
justement cette parole juste ? Saint Jean annonce le Saint Évangile à tous les
croyants et aussi à tous les incroyants pour qu’ils deviennent croyants ; et
pourtant il commence l’Évangile par les choses les plus hautes qu’un homme
puisse dire de Dieu ici-bas ; et souvent aussi ses paroles, de même que
celles de Notre Seigneur, ont été mal comprises ». (Le livre de la
consolation divine). Mais les obstacles les plus importants que rencontre
l’Homme Noble ne viennent pas de l’extérieur de l’homme mais de l’intérieur
de l’homme lui-même, de sa négligence, de sa superficialité, de sa folie qui
consiste à garder l’écorce et à jeter l’amande, à entretenir ce qui est dans
le temps et à perdre ce qui demeure dans l’éternel. « La semence de Dieu est
en nous. Si elle avait un cultivateur bon et sage, laborieux, elle
prospérerait d’autant mieux et s’élèverait vers Dieu dont elle est la
semence, et le fruit serait semblable à la nature de Dieu … Mais si la bonne
semence a un cultivateur insensé et mauvais, l’ivraie pousse, couvre et
étouffe la bonne semence, en sorte qu’elle ne peut arriver à la lumière ni se
développer ». Un autre obstacle consiste dans notre attachement à
la multiplicité, aux images, aux distinctions, aux opinions, qui
appartiennent au « vieil homme » et qui empêchent la réalisation de l’unité,
de la simplicité, qui est le propre de l’« homme
nouveau » (un autre nom de « l’homme noble ») : « Dans la distinction, on ne
trouve ni l’Un, ni l’Être, ni Dieu, ni repos, ni béatitude, ni satisfaction.
Sois Un, afin que tu puisses trouver Dieu, et en vérité ; si tu étais
vraiment Un, tu resterais Un aussi dans la diversité et la diversité deviendrait
Un pour toi et ne pourrait t’entraver absolument en rien ».Pour
parvenir à cette unité qui nous rend semblables à Dieu, quel est le chemin ?
Maître Eckhart ne nous dresse pas de carte ou d’itinéraire précis. Il nous
donne néanmoins un certain nombre de points de repère qui sont autant de «
degrés » d’intensité ou de proximité de l’Unique Présence. Plutôt que
d’itinéraire, nous pourrions parler d’itinérance … songeant au papillon qui
ne cesse d’aller et de venir, puis de tourner autour de la flamme, avant de
s’y consumer. « Le premier degré de l’homme intérieur, de l’homme nouveau, comme dit Saint Augustin,
c’est que l’homme vit à l’imitation d’hommes bons et saints, mais qu’il
marche toujours en se tenant aux chaises et aux murs et se nourrit encore de lait. Le second degré, c’est qu’au lieu d’avoir les yeux fixés uniquement sur ses modèles
ou encore sur des hommes bons, il court et se hâte maintenant vers les
enseignements et les conseils de Dieu et de la Sagesse divine ; qu’il tourne
le dos aux hommes et la face vers Dieu, quitte le giron de sa mère et sourit
à son Père céleste. Au troisième degré, l’homme se soustrait de plus en plus à l’influence de la mère et
s’éloigne de plus en plus du sein maternel, échappe à la sollicitude et
rejette toute crainte. Quand bien même il aurait la possibilité de faire le
mal ou de porter tort à quelqu’un, sans en recevoir pour autant aucun
dommage, il n’en aurait pourtant aucune envie ; par l’amour il est, en effet,
lié et confié à Dieu dans un zèle constant, jusqu’à ce que Dieu l’ait placé
et établi dans la joie et la douceur, là où lui répugne tout ce qui est
dissemblable et étranger, tout ce qui ne convient pas à Dieu. Au quatrième degré, l’homme croît de plus en plus et s’enracine dans l’amour de Dieu, au
point d’être toujours prêt à assumer, de bon gré et de bon cœur, avidement et
avec joie, toutes sortes de tribulations et d’épreuves, d’ennuis et de
peines. Au cinquième degré, l’homme vit partout et spontanément dans la paix, calme et
tranquille dans la richesse et la jouissance de la plus haute et indicible
sagesse. Au sixième degré, l’homme est dépouillé de lui-même et revêtu de l’éternité de Dieu,
parvenu à la perfection complète ; il a oublié la vie temporelle avec tout ce
qu’elle a de périssable ; il a été entraîné et transformé en une image
divine, il est devenu un enfant de Dieu. Il n’y a pas d’autre degré, de degré
supérieur ; là est le repos éternel, la béatitude. Car le but dernier de
l’homme intérieur, de l’homme nouveau est la Vie Éternelle. » Mieux que cette
description linéaire et encore trop logique du parcours de l’homme vers Dieu,
Maître Eckhart empruntera aux Pères de l’Église et notamment à Origène, des
images, des paraboles, qui suggèrent plus qu’elles n’expliquent le
Dévoilement de l’Être incréé au cœur de la créature. « Au sujet de cet homme intérieur, de cet homme
noble, en qui est imprimée l’image de Dieu et semée la semence de Dieu,
comment cette semence et cette image de la nature divine et de l’essence
divine qui sont le Fils même de Dieu, s’y révèlent et comment on en prend
conscience ; comment il arrive parfois qu’ils soient cachés, tout cela, le
grand maître Origène nous l’expose dans une parabole ; le Fils de Dieu,
dit-il, image de Dieu, est au fond de l’âme comme une source d’eau vive.
Quand on y jette de la terre, c’est-à-dire des désirs terrestres, elle est
recouverte et cachée au point qu’on ne la connaît et qu’on ne l’aperçoit
plus. Mais, en elle-même, elle reste vive ; dès qu’on enlève la terre qui la
recouvre à la surface, elle réapparaît et on la revoit. Et il dit encore que
cette vérité se trouve indiquée au premier livre de Moïse, où il est écrit
qu’Abraham avait creusé dans son champ des puits d’eau vive, mais que des
gens mal intentionnés les avaient comblés de terre ; mais quand on en eut
sorti la terre, les sources redevinrent vives. (Genèse 26, 15-19). Il existe à ce sujet encore d’autres paraboles. Le
soleil luit sans arrêt ; mais quand un nuage ou une brume s’interpose entre
nous et le soleil, nous n’apercevons plus sa lumière. De même, quand l’œil
est malade et infirme en soi, la clarté lui est inconnue. Parfois j’ai eu
recours, moi aussi, à une comparaison frappante : Quand un artiste fait une
statue en bois ou en pierre, il ne l’introduit pas dans le bois ; il enlève
au contraire, les éclats qui cachaient et couvraient la statue. Il n’ajoute
pas au bois, il lui enlève quelque chose, il fait tomber sous son ciseau tout
l’extérieur et fait disparaître les rugosités, et alors peut resplendir ce
qui se trouvait caché au dedans. Voilà le trésor enfoui dans un champ, dont
parle Notre Seigneur (Mt. 1, 44). On le pressent, chez Maître Eckhart, comme
chez les premiers chrétiens, la Gnosis ne se sépare
jamais de la Praxis. Grégoire de Nazianze disait :
« c’est bien de parler de Dieu, c’est mieux de se purifier pour Le connaître
vraiment ». Il ne suffit pas de savoir que la Source est là. Encore
faut-il creuser le puits ; connaître que la lumière ne cesse de briller,
encore faut-il ouvrir ses volets ou nettoyer ses vitres pour que toute la
chambre en soit éclairée. L’or est dans le minerai. Il s’agit de le purifier
de tout ce qui lui est étranger. L’itinérance eckhartienne
est un lent travail d’épuration, de simplification, de désidentification avec
tout ce qui est étranger à notre vie essentielle, toutes ces fausses images,
ces caricatures que nous sommes à nous-mêmes … jusqu’au jour où rayonne, dans
toute sa clarté, la vérité du Fils : « Avant qu’Abraham fut, JE SUIS ». La
noblesse de l’homme n’est autre que la présence dans l’espace et dans le
temps de l’unique et éternel « JE SUIS ». |
MAÎTRE
ECKHART – LIVRE DES PARABOLES
DE LA GENḔSE |
M.
A. Vannier et J.C. Lagarrigue |
Edition
Les Belles Lettres |
2016 |
||
Il faut dire que le sujet que
Jésus veut traiter ici est probablement un point essentiel de l’Évangile,
voire le point essentiel, puis qu’il s’agit du Royaume de Dieu, et que
l’Évangile c’est précisément que « le Royaume des Cieux s’est
approché ». C’est sur ces paroles que s’ouvrent la prédication de
Jean-Baptiste, le précurseur (Mt 3:2), et c’est également sur cette annonce
que s’ouvre la prédication de Jésus (Mt 4:17) dans ce même Évangile selon Matthieu.
Il y a là quelque chose d’essentiel, sans doute, mais quoi ? Qu’est-ce
que cette histoire aux résonances mythologiques de « royaume des
cieux » peut bien vouloir nous dire ? Le Royaume des cieux, c’est une
figure de ce vers quoi nous voulons tendre, la finalité de notre histoire.
Visiblement, Jésus désire complexifier cette notion de Royaume des Cieux,
nuancer sa définition. Il désire brouiller les pistes, troubler les
possesseurs d’idées étroites, ouvrir un espace de réflexion personnelle sur ce
sujet essentiel. Pour certains, le Royaume des cieux, ce serait la vie
future, une sorte de lieux de bonheur où seraient accueillis ceux qui
n’auraient une pas trop mauvaise notre lors du jugement après leur mort. Pour
d’autres, le Royaume de Dieu serait le monde présent où tous les problèmes
seraient résolus, en particulier grâce à l’intervention formidable du Messie . Jésus n’est en fait pas contre ces
idées. Il soutient qu’il y a une vie future (nous verrons bien, le temps
venu). Jésus n’est pas indifférent à la santé, à la justice en ce
monde, au souci de l’autre, il le montrera par bien des paroles et par des
gestes si courageux que cela va lui coûter sa peau. Mais pour lui, le Royaume
de Dieu, cet essentiel qu’il nous propose de considérer comme notre
destination. Ce Royaume, Jésus en parle au présent, il est à la fois à
découvrir comme déjà là et à espérer encore. Ce Royaume n’est pas un lieu, ni
futur, ni présent, ce Royaume n’est pas un état, mais c’est plutôt une
qualité et un processus, un processus de création, un processus
d’humanisation, de bonification que nous pouvons recevoir et auquel nous
pouvons participer. Jésus a besoin de pas moins de 6 paraboles pour nous
parler du Royaume des cieux et pour tenter de nous faire saisir l’essentiel sans
nous enfermer dans une doctrine étroite, une doctrine qui viendrait étouffer
le dynamisme de ce Royaume en nous. Il faudrait une prédication entière pour
chacune de ces 6 paraboles, mais je voudrais ce matin seulement tenter de
jeter un coup d’œil sur l’ensemble de ces 6 paraboles qui se nuancent et se
complètent mutuellement. Ce qui unit ces 6 paraboles, quand
même, c’est qu’il y a toujours une réalité un peu neutre (un champ, la mer,
de la farine, ou un tas de perles quelconques), et il y a quelque chose de
positif et de bon qui évoque le Royaume des cieux. L’espace un peu neutre est
une image de notre existence et ce monde dans lequel nous sommes. Nous voyons
donc bien, à travers ces 6 exemples que le Royaume nous concerne aujourd’hui
Et nous voyons que ce monde n’est ni à rejeter comme mauvais, ni à négliger.
Au contraire, son caractère neutre rendant toute chose possible, le meilleur
comme le pire. Nous voyons que Jésus cherche à nous faire porter un regard
positif sur notre monde : le bien existe, de multiples façons, même si
ce n’est que partiellement, même si ce n’est que sous forme d’un minuscule
germe, ou seulement sous forme d’une espérance comme celle du semeur, du
pêcheur, ou du chercheur de trésors. Ce regard optimiste de Jésus n’est pas
naïf, il évoque aussi le mal qui existe dans le monde :
Nous pouvons remarquer ensuite
que, dans la plupart des cas, le Royaume des cieux est une dynamique :
il est comparé à un homme qui sème, il est comparé à une graine qui pousse, à
du levain qui aère la pâte, à un homme qui cherche, à un filet de pêche jeté.
Ce côté dynamique est ainsi une dimension importante de cette vie selon Dieu
qu’est le Royaume. Mais il y a quand même une des paraboles qui tranche par
rapport aux 5 autres en présentant un Royaume statique : Le
royaume des cieux est semblable à un trésor ayant été caché dans un champ. Qu’on le veuille ou non, qu’on le
sache ou non, qu’on le cherche ou non, il existe un trésor enfoui au plus
profond de notre être et au cœur de l’humanité, il existe un trésor dans
l’univers, trésor dont nous ne sommes qu’une partie. C’est ce que l’on
appelle en théologie chrétienne « la grâce » qui fait en
particulier que tout homme, indépendamment de ses performances, a une valeur
infinie. Même si cette valeur est comme un trésor enterré, totalement
invisible de l’extérieur, le trésor existe. La plupart du temps, nous avons
une valeur objective, par exemple un peu d’intelligence ou quelque autre
capacité. Mais dans des cas extrêmes, par exemple un nourrisson ou une
personne profondément handicapée, la valeur est effectivement plutôt une
valeur subjective : par l’amour, par l’attachement, ou par le simple
respect que quelqu’un a pour elle. La valeur est alors comme cachée, elle est
plus métaphysique que physique. Et même s’il n’y avait personne pour nous
reconnaître comme valant quelque chose, c’est à dire s’il n’y avait personne
pour mettre en nous-mêmes cette valeur cachée (comme ces clochards qui
meurent dans les rues sans que personne sache même leur nom) il y a et il y
aura toujours Dieu pour nous donner de la valeur, nous dit Jésus dans cette parabole
(car c’est Dieu qui est le sujet anonyme du passif « un trésor ayant été
caché »). Le Royaume, nous dit Jésus, est au
dedans de nous, et il est au milieu de nous, dans ces liens spirituels, dans
ces attachements qui nous relient les uns aux autres, dans cette valeur
éternelle reconnue par Dieu. Valeur de chaque homme, valeur de l’humanité,
valeur de la vie en ce monde, valeur d’une culture…Quand on reconnaît ce
trésor que fait-on ? Jésus, là encore, nous étonne avec ses curieuses
paraboles : L’homme qui l’a trouvé le recache dans le champ et, dans sa
joie, il va vendre tout ce qu’il a, et achète ce champ. Le premier réflexe
serait peut-être, une fois la valeur spirituelle reconnue, de la déterrer et
d’abandonner le reste du champ. mais non, nous dit
Jésus, il ne faut pas séparer le trésor du champ : au nom de la valeur
infinie qu’à tout homme sur le plan spirituel, c’est à tout l’homme que Jésus
nous invite à nous intéresser. Le Royaume est ainsi une réalité qui nous
habite, et qui a la stabilité d’un rocher inébranlable, celle de
l’attachement par grâce. Même s’il n’y avait rien d’autre, il y aurait au
moins cela de bon, cela d’éternel, cela qui vaut la peine de s’engager, cela
qui fait que Dieu s’engage pour chacun de nous. La parabole de la perle parle
aussi d’un trésor caché, mais Jésus ajoute une dimension dynamique : le
Royaume est semblable à l’homme qui part en voyage pour chercher un trésor
supérieur à ce qu’il a déjà trouvé. Il y a quelque chose d’essentiel, nous
dit Jésus, dans le fait même de se bouger et de chercher. Et nous avons en
cela bien des affinités avec tout homme qui cherche le bien, les philosophes
et les religieux, les militants, les scientifiques et les penseurs… Il existe
quantité de perles de valeurs vraies. La perle de grand prix nous dit ce
texte est littéralement « poly-valable » et là encore, nous avons
un appel à prendre en compte les multiples dimensions de l’humanité et du
monde de façon globale, pas seulement comme des perles séparées. La vie selon Dieu est une
dynamique, comme cette recherche de la valeur complexe, mais le Royaume est
encore plus dynamique que cela, les autres paraboles nous montrent qu’il est
un processus de bonification. Il le fait de deux façons. D’abord en semant de
bonnes choses : des graines dans la terre et de la levure dans la
farine, et non l’inverse sinon ça ne donne pas grand-chose. A chaque
situation, à chaque réalité de ce monde, il faut trouver une juste façon
d’agir de façon créatrice. On peut ajouter quelque chose comme une bonne
graine ou creuser de l’espace comme la levure… selon ce que nous aurons
à cœur de faire. Le royaume des cieux est donc un élan créatif, nous en
sommes les bénéficiaires, mais aussi parfois les auteurs, même modestement,
d’une bulle d’air ou deux dans la pâte du monde, ou d’une bonne graine (il en
existe de 1000 sortes, et il en est de ridiculement petites qui peuvent
apporter énormément). La seconde façon d’améliorer la
réalité est de purifier, c’est plus délicat. Jésus compare le Royaume de Dieu
à un filet de pêcheur jeté dans la mer et qui rassemble des poissons de toute
espèce, les bons poissons sont ensuite gardés et les mauvais sont brûlés
comme on le fait avec de vieux poissons pourris. Cette idée d'aller à la
pêche et de ne retenir que ce qui est bon est la base même de la
bienveillance proposée par le Christ. En chacun de nous il y a un trésor, un
bon poisson, même s’il est tout au fond ou perdu dans un banc de poissons
toxiques. L'Évangile nous dit que Dieu agit comme ce bon pêcheur, avec une
bienveillance active pour chacun. Face au monde, face à une personne que nous
rencontrons et face aussi à notre propre existence nous pouvons ainsi aller à
la pêche, chercher sous la surface pour trouver ce qui est bon. Quand on va
ainsi à la pêche, on retire plein de choses, de bons poissons, de mauvais et
de vieilles chaussures. Il y a un peu de tout ça au fond de chacun, plus ou
moins. Mais il y a toujours au moins un petit poisson vraiment bon,
l’essentiel c’est d’aller le chercher, de le trouver, de le garder, et de
rejeter le mal. Le Royaume est ainsi une
bienveillance active, délibérée. Cela rend la vie tellement plus belle que de
passer sans voir le bien. Cela rend la vie tellement plus joyeuse que d’aller
à la pêche de ce qui est mauvais et de ne retenir que ça. Le Royaume est un
élan de bienveillance, d’ensemencement et de purification. Dieu est comme
cela et tout élan de ce type participe à cet élan de vie, et de qualité de la
vie, lui donnant une dimension d’éternité. Oui, nous dit Jésus, la
bienveillance a une réelle efficacité pour créer le monde de demain, mais la
parabole du bon grain et de l’ivraie nous place face à la dure réalité de
l’existence permanente du mal. Patience nous dit Jésus, le monde est en cours
de genèse, nous sommes nous-mêmes en cours de genèse, tout l’univers est dans
un lent mouvement d’évolution, une part de chaos demeure sans que nous en
soyons responsables, ni Dieu, ni nous. Par contre,
si nous semons du bien, nous sommes parfois comme cet « homme
ennemi » de la parabole qui sème du chiendent. Parfois, oui, nous
pouvons avec l’aide de Dieu aller à la pêche des bons poissons et éliminer
des mauvais mais parfois ce n’est pas possible. Parfois c’est impossible même
pour Dieu d’arracher le mal. Parfois il pleure devant notre méchanceté. Il
essaye de planter des graines de bonté et de miséricorde, il tente
d’accompagner et de consoler comme une mère console son enfant, il tente
d’appeler le meilleur de nous-mêmes, d’insuffler un peu de sa vitalité dans
la pâte de notre matière, et patiente, malgré son impatience bienfaisante. |
MAÎTRE ECKHART – LE MESSAGE INITIATIQUE DE MAÎTRE ECKHART - N° 64 |
Alain Lejeune |
Edition Maison de Vie |
2015 |
Cet ouvrage est le n°64 de la collection Les Symboles Maçonniques dont il suit la présentation habituelle : texte court, illustrations et index. Après une brève introduction rappelant les points marquants de la vie de Maître Eckhart, l'auteur s'appuie sur de nombreuses citations extraites des Sermons et des Traités, explicitées ou commentées lorsque nécessaire, pour mettre en évidence la cohérence de l'enseignement initiatique du Maître. Eckhart est né vers 1260 d’une famille thuringienne de Hochheim, résidant à Tambach près de Gotha. On ne sait rien de sa jeunesse, ni même de son entrée chez les dominicains. Les seuls documents incontestables nous le montrent bachelier sententiaire à l’université de Paris : De 1294 à 1298, Eckhart est prieur du couvent dominicain d’Erfurt. C’est à cette époque qu’il rédige sa première grande œuvre : Die rede der unterscheidunge (Discours du discernement). En 1302, il obtient la maîtrise en théologie de l’université de Paris : frère Eckhart devient Maître Eckhart De retour en
Allemagne, en 1303, Eckhart est élu premier provincial de la province
dominicaine de Saxonia, qui regroupe 47 couvents de
frères, représentant 11 nations différentes (dont la Hollande). Son siège est
à Erfurt. À ces lourdes responsabilités sera bientôt ajoutée celle de vicaire
général de la province de Bohême. Malgré les interminables voyages à pied que
lui imposent les chapitres généraux et provinciaux, malgré les fondations de
nouveaux couvents et la multiplication des travaux administratifs, cette
seconde période d’Erfurt est marquée par une prédication en langue allemande
qui, d’emblée, connaît un retentissement considérable.
Au début de 1324, Eckhart est envoyé au Studium generale de Cologne, pour y enseigner. Son assistant est Nicolas de Strasbourg, qui devient en août 1325 visiteur de Teutonia. Sans doute pour devancer l’évêque de Cologne, Nicolas entame, dès 1325, une action contre Eckhart, qui n’aboutit pas et qui donne un non-lieu. L’année suivante
cependant, l’évêque de Cologne lance contre le théologien dominicain un
procès d’inquisition. La situation est grave : de nombreux bégards et
béguines viennent d’être brûlés ou noyés dans le Rhin. C’est la première fois
qu’un maître en théologie, qui plus est la principale figure intellectuelle
de son ordre, est objet d’inquisition. Pour défendre son maître le plus
prestigieux contre les calomnies et les abus de pouvoir, l’Ordre se mobilise.
Le 13 février 1327,
Eckhart proteste de son innocence dans l’église des dominicains de Cologne.
Dès le printemps 1327, il décide avec courage et ténacité d’aller porter
lui-même en Avignon son affaire L'enseignement spirituel de Maître Eckhart est essentiellement une invitation au détachement considéré comme la condition nécessaire de l'union à Dieu, et à l'enfantement de Dieu dans l'âme, fruit de la « divinisation » reçue de et par l'union à Dieu. Il s'agit d'un détachement de tout ce qui rend l'être indisponible à l'action de la grâce ; le dernier degré de ce détachement consistant même à s'affranchir de l'effort pour se rapprocher de Dieu. Il s'agit en effet moins de se décharger du poids de réalités contingentes extérieures que de cultiver et entretenir une intériorité conçue comme fragment de l'union à ce monde, autrement que le Christ, qui en sa chair humaine fut attaché au monde. Ainsi disposé, l'esprit libre, le cœur humble, toute attente ou aspiration personnelle éteinte, l'intériorité insensible à toute turpitude, Dieu ne peut faire autrement que de s'y loger, comblant cette vacuité par la félicité ; «l'homme devenant par grâce ce que Dieu est en nature. » (Maxime le Confesseur). C'est ce que l'on appelle la divinisation, thème mal connu, jugé parfois hétérodoxe, alors que remontant, outre Maxime le Confesseur à Augustin, et se prolongeant en de très grands penseurs tels que Nicolas de Cues. Cet apparent empiètement sur la puissance divine et la suspension du mouvement spontané de la piété ont été les prétextes principaux des accusations d'hérésie, confortées par des énoncés dégagées de leur contexte de prédication, Ainsi, contre la tendance générale à l’abandon du monde, Eckhart proclame et justifie théologiquement la possibilité de réintégrer l’identité ontologique Il distingue le Dieu
(Gott) de l’essence divine (Gottheit),
en latin Deus et Deitas. Cette distinction, remise
à la pointe de la théologie par Gilbert de la Porée
au premier quart du XIIe siècle appelle la définition d'un tiers-terme : la divinitas. Selon l'adage « Tout ce qui est en Dieu est
Dieu », alors, demanda Gilbert de la Porrée, par quoi, Dieu est-il Dieu,
puisque ce par quoi on est quelque chose, n'est pas celui qu'on est ? Ainsi
il introduisit la distinction entre Dieu, divinité et déité. Eckhart sans le
suivre dans sa radicalité, montrera dans son ontologie sa connaissance du
maître chartrain. |
MAÎTRE ECKHART - LES
DIALOGUES de MaÎtre ECKHART avec Sœur CATHERINE DE STRASBOURG |
Maître
ECKHART |
Edition
ARFUYEN |
2004 |
||
Je
sais : aucune femme ne peut entrer au ciel à moins de devenir un homme.
Mais voici comme il vous faut l’entendre : les femmes doivent faire
œuvre d’homme et avoir un cœur d’homme dans toute sa puissance afin de
résister aux choses périssables et à elles-mêmes. – Tu t’estimes donc
bien forte ! Je voudrais bien voir comment tu
pourrais souffrir plus que tu n’as souffert jusqu’ici. – Maître, je
peux souffrir tout ce que le Christ a souffert à cause de moi. – Ce ne
sont que des mots ! – Je dis la vérité. » Et la
fois suivante : « Réfléchis encore, lui conseille Eckhart, avant
de te lancer dans cette entreprise. – Taisez-vous, épargnez-moi vos
paroles ! C’est en me tenant de tels discours que vous m’avez fait
obstacle. » Sœur
Catherine s’en va, revient, repart, et le pauvre Maître Eckhart, toujours
assailli de récriminations, doit convenir que cette religieuse bénéficie de
faveurs qu’il n’a jamais reçues. « Ah, pauvre homme que je suis, soupire-t-il,
comment puis-je m’attirer tant de honte aux yeux de Dieu d’avoir si
longtemps porté l’habit religieux et si peu compris des mystères de
Dieu ! Je t’en prie, ma chère fille, par l’amour que tu as pour Dieu,
expose-moi ta vie et tes pratiques depuis la dernière fois que je t’ai
vue. » Peu de
temps après, la voici qui revient : « Seigneur, lui dit-elle
un jour, réjouissez-vous avec moi, car je suis devenue Dieu ! » Cette
exclamation, très souvent citée, ne fait que reprendre la pensée exprimée en bien
des sermons, mais avec une vivacité qui lui donne un tout autre relief.
C’est en quoi ces dialogues si riches et variés permettent de découvrir
Eckhart d’une manière vraiment nouvelle. |
MAÎTRE ECKHART - les
lÉgendes de maÎtre eckhart |
présenté par G. pfister |
Edition
ARFUYEN |
2002 |
Maître Eckhart, ce grand mystique du Moyen-Âge, a expliqué Dieu très simplement. Pour lui, le problème est simple : il faut franchir trois obstacles pour parvenir à trouver Dieu: 1.
Le temps
Ainsi
commence la première des Légendes de Maître Eckhart. Par un savoureux
retournement de situation, c’est Eckhart qui joue ici le rôle de ces clercs
riches de savoir mais faibles d’intelligence qu’il a tant brocardés.
Interrogée par ses soins, la jeune fille l’éblouit de ses réponses, tout
comme une autre fois un mendiant rencontré par hasard ou cet « homme
pauvre » invité à sa table par une demoiselle de Cologne. Le
voici au bord du chemin avec un « enfant nu » : « Maître
Eckhart rencontra un jour un bel enfant qui était entièrement nu. Il lui
demanda d’où il venait. “Je viens de Dieu, lui répondit l’enfant. – Qui
es-tu ? – Un roi, lui répondit l’enfant. – Où donc est ton
royaume ? – Il est dans mon cœur” ». Ce que disent, la
jeune fille, le mendiant, l’homme pauvre ou l’enfant nu est de la plus pure
inspiration eckhartienne. S’ils peuvent l’enseigner
à Maître Eckhart mieux que lui-même ne l’a jamais pu dire, c’est que, chacun
à leur manière, ils sont autant de personnifications de cet être dans lequel
Dieu veut en nous, de toute éternité, s’engendrer.
|
MAÎTRE ECKHART – LES MYSTIQUES RHÉNANS – ANTHOLOGIE – ECKHART, TAULER, SUSO |
Marie-Anne Vannier |
Edition du Cerf |
2010 |
Le terme de mystique rhénane est
relativement récent, il date du XIXe siècle. Il traduisait, tout d’abord,
celui de deutsche Mystik, mystique allemande, puis,
à la suite de l’usage malencontreux qu’en avait fait le national-socialisme,
il a été remplacé par celui de rheinische Mystik, mystique des pays de la vallée du Rhin. Cette
mystique se caractérise par une région, par une époque : le XIVe siècle
et par une langue, la langue populaire de la vallée du Rhin. Peu à peu la
nature de cette mystique va se dessiner, H. Ebeling
la décrit comme l’expérience de l’unité de l’âme avec Dieu, et J. Ancelet fait un pas de plus en montrant que l’originalité
de la mystique d’Eckhart, à la suite de Maxime le Confesseur, est d’inviter à
« devenir par grâce ce que Dieu est par nature ». C’est une
mystique de l’être, fondée sur l’Evangile de Jean et articulée autour de la
filiation divine. L’union à Dieu s’exprime différemment chez les trois principaux
représentants de la mystique rhénane : elle aboutit chez Eckhart à la
naissance du Christ dans l’âme, chez Suso à
l’Alliance avec la Sagesse éternelle, chez Tauler à l’Amitié
divine. Eckhart est représentatif de ce mouvement, il en est aussi
à l’origine, il est à la fois spéculatif et mystique, ce qui fait la
complexité de son œuvre. Pour Eckhart sa théologie et sa mystique,
présente dans son œuvre latine, apparaît encore plus lors du procès de
Marguerite Porete où il dut étudier la mystique
flamande. Le sermon 71, où Eckhart se définit, en quelque sorte comme un
second Paul sur le chemin de Damas, apporte des éléments sur son expérience
mystique, de plus il semble avoir été un mystique dès sa jeunesse, comme en
témoigne son second sermon sur l’Ecclésiastique.
Jean Tauler est le disciple d’Eckhart, c’est
l’une des grandes figures de Strasbourg, où il est enterré. Il est appelé
l’une des colonnes de l’Eglise de la Jérusalem Céleste, car toute sa vie il a
été prêcheur de la Bonne Nouvelle et artisan du Royaume. Il a
marqué tout le Moyen-âge occidental de son impact spirituel et continu à être
admiré par les protestants en raison du jugement positif de Luther
envers lui. Son œuvre est faite de 81 sermons. Si Maître Eckhart s’attache essentiellement
à amener son auditeur à « devenir par grâce ce que Dieu est par
nature », Tauler propose une voie plus morale, celle d’une purification,
centrée sur l’humanité du Christ. Henri Suso, mystique rhénan, né en 1295 est le seul des
trois à avoir été béatifié en 1831, par le Pape Grégoire XVI. Il a très
largement contribué à faire connaître la mystique rhénane et à sa
reconnaissance par l’Eglise. Dominicain comme la plupart des mystiques, il
est comme Tauler un disciple de Maître Eckhart et ont contribué à prolonger
et à diffuser l’œuvre du Maître. Des trois c’est Suso qui a le
vocabulaire le plus riche, son œuvre est dense, plus piétiste que Tauler, il
retient les principales intuitions d’Eckhart et sait les retransmettre.
Souvent il a recours à des images, des enluminures, bien que préconisant de
dépasser l’image, mais ces recours sont appréciés car ils explicitent mieux
ses textes et leur donne de la rondeur. Au sommaire de cette Anthologie nous avons : Œuvre de Maître Eckhart : 26 sermons – commentaire du livre de l’Exode et de l’Evangile de Jean – les dialogues de Maître Eckhart avec sœur Catherine de Strasbourg – Œuvre de Jean Tauler : 13 sermons Œuvre d’Henri Suso : Exemplar – Vie – Livre de la Sagesse éternelle – Lettre IV – L’horloge de la Sagesse – bibliographie – |
MAÎTRE ECKHART - LES ŒUVRES DE MAÎTRE ECKHART. SERMONS
–TRAITÉS |
M.
Eckhart |
Edition
GALIMARD |
1987 |
Lire
Maître Eckhart est un bonheur ; il nous donne les clés du détachement de
nos erreurs et de nos illusions. C’est un support de méditation sans fin. « L'Œuvre
des Sermons » de Maître Eckhart, dernier volet de son grand projet
inachevé « l'Œuvre tripartite », nous restitue tout au long de
cinquante-six sermons une présentation générale de la pensée du Mystique
thuringien. À la différence des Sermons allemands, Eckhart s'adresse ici en
premier lieu à ses frères dominicains : il nous montre un autre visage
d'Eckhart sans effacer celui qui apparaît dans les écrits allemands. Tout autant
attaché à la divinisation de l'homme, à la naissance de Dieu dans l'âme, il
nous en donne les arguments théoriques, scolastiques. Nulle part ne se voit
mieux combien l'intelligence est convoquée à l'union avec Dieu. Cependant, le
frère dominicain, admirateur de Thomas d'Aquin, attaché à l'eucharistie, à la
recherche des vertus apparaît aussi. Et
ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous montrer
comment une spiritualité se vérifie et se construit au cœur d'une vie
chrétienne, consacrée à l'étude et à la prédication. Car c'est bien là le but
d'un homéliaire : exposer les mystères et
inviter à les pratiquer. Adossé au rythme liturgique, il aborde des thèmes
qui ne sont jamais abordés aussi frontalement dans son œuvre allemande :
les sacrements, les vertus, ou même la Trinité. Ainsi, toute une image
d'Eckhart est corrigée, réinsérée en quelque sorte dans la vie conventuelle.
Ce n'est pas pour autant un ouvrage fade : tout le génie de son auteur y
apparaît. Les points les plus marquants de sa pensée sont tous présents, que
ce soit la divinisation de l'homme, l'enfantement de Dieu dans l'âme, le rôle
central de la Trinité. Eckhart nous livre ici les bases intellectuelles sur
lesquelles repose sa pensée. |
MAÎTRE ECKHART - les
œuvres de vie |
selon Maître ECKHART & ABHINAVAGUPTA |
Edition
Les Deux Océans |
2000 |
||
Un
autre trait original de leur métaphysique réunit Maître Eckhart et
Abhinavagupta : il n’y a pas, selon eux, de place pour l’inertie ; le
principe suprême lui-même est un pur dynamisme, acte créateur, vie
surabondante qui, dans la langue imagée d’Eckhart, “ verdoie et fleurit ”,
jaillit comme une fontaine, fulgure et scintille ; pour Abhinavagupta,
vibration, élan, danse cosmique, émerveillement de sa propre essence.
Par-delà leur mode respectif d’expression ces deux mystiques de traditions
différentes traitent avec une profondeur et une vigueur communes, et souvent
étonnantes, de l’Art divin : génération du Verbe ou acte de conscience du
point de vue de l’Absolu, création cosmique pour ce qui est de la
manifestation. Au
cours de la troisième partie nous aborderons le “ Jeu divin ”, charnière
entre l’Absolu et la manifestation (issue du désir divin d’être connu),
source de la temporalité et de la dualité. Quant à l’être humain, il éprouve
en sa conscience cette diversification engendrée par la Mâyâ (illusion
cosmique. Il est néanmoins en son pouvoir de refluer vers la source : instant
d’éternité, hors du temps. Toujours dans cette troisième partie nous verrons
comment ce reflux est rendu possible, quelle est la nature du lien qui limite
la conscience et ce qui peut le délier, enseignement ou grâce. Dans cette
perspective “ les voies de retour ” correspondent aux énergies fondamentales
de l’homme : élan du désir-volonté, connaissance, activité. Les recoupements
entre les pensées d’Eckhart et d’Abhinavagupta ne manquent pas ici non plus :
il existe d’autre part une quatrième voie, ou plutôt une non-voie, chère aux
deux mystiques, supérieure aux autres car elle se passe de moyens. Il s’agit
de la voie de la Reconnaissance, selon la lignée d’Abhinavagupta et de ses
maîtres Somånanda et Utpaladeva : nous nous
appuierons sur la traduction de son œuvre philosophique maîtresse, qui fait
d’Abhina- vagupta l’un
des plus grands philosophes indiens. Bien que ce texte soit ardu dans la
forme et le fond, ce fut un vrai bonheur d’entrer ainsi en contact
directement, par-delà les siècles, avec un écrit d’Abhinavagupta, car la
pensée la plus rigoureuse s’y trouve animée de ferveur.
De
même dans cette étude traitant du Rite et de l’Art, après avoir évoqué ces
aspects particuliers, il reste à envisager le cœur du problème si l’on peut
dire : la vie du quotidien, trop souvent morcelée, privée de poésie, car
dénuée de sa capacité d’élan, d’émerveillement ! Eckhart comme Abhinavagupta
ont nettement insisté sur ce point : plénitude et conscience parfaite ne sont
pas réservées à des moments ou à des activités privilégiées de l’existence.
C’est pourquoi l’un et l’autre préconisent de “ trouver Dieu ” en chaque
instant, selon l’expression d’Eckhart. Le Shivaïsme du Cachemire non-dualiste
propose divers chemins pour y parvenir, parmi lesquels cinq “ moyens ”
envisagés comme autant d’accès vers le Centre. La vie apparaît ainsi comme
l’art le plus complet car il ne laisse de côté aucune sphère de l’existence.
Le dernier thème de la partie sur l’Art abordera les ressorts profonds
communs à l’expérience esthétique et à l’expérience mystique : ce sont la
contemplation, l’intuition illuminatrice, l’état de spontanéité et
l’apaisement. Vécus en pleine conscience ces quatre aspects imprègnent peu à
peu la vie quotidienne, reliant l’être à son principe, le Soi. Ayant
acquis une parfaite conscience du Soi, de ses énergies de connaissance et
d’action, les ayant reconnues identiques à son propre soi, ainsi cet être
jouit des puissances d’action et de connaissance à son gré ”, déclare
Abhinavagupta dans sa glose aux versets sur la Reconnaissance du Seigneur. Il
œuvre au cœur d’un épanouissement de toutes ses énergies, réalisant à la fois
plénitude de l’existence et vacuité des phénomènes dans une vision spontanée,
sachant bien que “ La rivière de la vie est
impétueuse et profonde, ses deux rives glissantes, et le milieu insondable.’’ |
MAÎTRE ECKHART - les
7 vies de maÎtre eckhart |
J.C.
BOLOGNE |
Edition Du Rocher |
1997 |
Grand
penseur du Moyen-Âge, il a eu un grand retentissement. Il fut célèbre pour
ses prises de positions et ses théories, accusé par l’inquisition, il dut se
rétracter. Son
œuvre et sa pensée sont immenses et se redécouvrent. Maître
Eckhart est sans doute le penseur le plus proche d'une mystique qui
transcende les religions. Né en Thuringe, vers 1260, il occupa diverses
hautes fonctions dans l'ordre des dominicains, et enseigna à Paris,
Strasbourg et Cologne. En
1326, une procédure d'inquisition fut entamée contre lui. Deux ans après sa
mort, en 1329, le Pape Jean XXII condamna 28 articles attribués à Maître
Eckhart. Dans son oeuvre - qui se compose principalement de sermons et de
traités en latin et en allemand - on remarque l'influence du platonisme et de
la philosophie scolastique, mais aussi celle d'une tradition spirituelle
féminine, allant d’Hildegarde de Bingen (1098-1179) à Marguerite Porete (brûlée à Paris, en l'an 1310). Eckhart
est né en Thuringe vers 1260. Il entre chez les dominicains d'Erfurt puis
étudie à Cologne où règne encore le souvenir de saint Albert le Grand
transmis par Thierry de Freiberg. Eckhart est appelé à de hautes charges dans
l'Ordre provincial, vicaire général. Il en est déchargé en 1311 pour pouvoir
se consacrer à son activité intellectuelle à Paris, à Strasbourg puis à
Cologne. Il enseigne, il prêche et il publie. Vers les années 1325 la
doctrine d'Eckhart est suspectée par l'archevêque de Cologne. On ne doit pas
sous-estimer dans cette affaire la rivalité, déjà de longue date, entre
mendiants et séculiers, spécialement au sujet du privilège de l'exemption.
Eckhart se défend contre de mauvaises interprétations de sa pensée ou même
tout simplement contre des déformations de ses propos. En 1329, en Avignon, est enregistrée une bulle qui condamne dans
les écrits d'Eckhart dix-sept propositions hérétiques et onze qui paraissent
suspectes. Mais Maître Eckhart est déjà mort, probablement depuis 1327. Sa
condamnation est ressentie comme une injustice chez les Prêcheurs et
n'empêche nullement le rayonnement posthume des grands thèmes eckhartiens que ses disciples sauront mettre en valeur
sans insister sur les paradoxes audacieux du Maître. La
pensée de Maître Eckhart est difficile, souvent exprimée en termes paradoxaux
: elle a pu être infléchie en de nombreux sens (gnose, panthéisme,
idéalisme...). C'est une mystique métaphysique à dominante platonicienne mais
on a pu y détecter d'autres influences. Elle est une pensée sur l'être, qui,
veut absolument, s'identifie à Dieu. De cette approche vient la fameuse
distinction entre la Déité, et Dieu. En une dissociation purement
intellectuelle Eckhart dit en effet que la Déité est l'essence divine,
absolue, isolée, au-dessus de tout nom et parfaitement une. Dieu est cette
Déité en tant qu'elle entre en rapport, d'abord dans la Trinité mais aussi
dans la création. Ainsi " Dieu agit; la Déité n'agit pas ". En ce
sens on peut dire, à la limite : " Dieu n'est Dieu que lorsque les
créatures disent : Dieu. " Le
Verbe est l'idée parfaite de toutes les créatures possibles (exemplarisme).
Ainsi toute créature est marquée d'une empreinte divine qui lui donne une
noblesse incomparable, bien que Eckhart souligne l'infinie distance qui
subsistera toujours entre le créé et l'incréé. Au plus profond de l'âme
humaine (Grund) brille une lumière, une étincelle dont Eckhart va jusqu'à
dire qu'elle est, quant à elle, " incréée et incréable ", formule
qui fit grande difficulté parmi ses censeurs, on s'en doute. Eckhart ajoute ;
" Là, le fond de Dieu est mien et mon fond est celui de Dieu. Là je vis
de ce qui m'est propre, comme Dieu vit de ce qui lui est propre. " Le
retour à Dieu, but de l'itinéraire spirituel, va se réaliser par une
participation à la vie intime de Dieu jusqu'à ce fond divin car " l'âme
est une avec Dieu et pas seulement unie " ; elle est de la " race
de Dieu ". Pour
revenir à elle-même l'âme devra d'abord purifier ses propres "
puissances ", en transcendant les images et les concepts, y compris, et
la proposition a aussi été considérée comme audacieuse, en dépassant
l'humanité du Christ puisque ce dernier est là pour nous montrer la route
vers la Déité. Le chrétien doit aussi arriver au complet dépouillement et à
la pauvreté spirituelle, au-delà de tout désir, même du bien, même de la
récompense éternelle. Il doit se trouver anéanti, ébloui de sa pureté et
admiratif " de sa propre beauté ". " Il faut avoir un coeur
pur, car seul est pur celui qui a anéanti tout ce qui est créature. "
Telle fut la Vierge Marie; telle est la tâche de l'humilité; tel est aussi
l'amour chrétien. Aimer Dieu en tout être conduit à l'unité dans la charité
par le rejet du moi et par l'action du Christ qui agit en tous. |
MAÎTRE ECKHART ou l’EMPREINTE du
dÉsert |
G.
jarczyk et P.J. LABARRIERE |
Edition
Albin Michel |
1995 |
||
En
abandonnant les images et représentations qui envahissent l’esprit, l’homme
découvre une profondeur infinie qui fait de lui un être inappropriable,
irréductible à toute définition. C’est peut-être cela l’humanité de l’homme…
Saisir combien "quelque chose" nous échappe, et ce "quelque
chose" est peut-être la part la plus essentielle de nous-mêmes.
Rappelons qu’Eckhart est dominicain, et le Christ est au centre de sa vie. Le
Verbe de Dieu est la figure par excellence de celui qui sans cesse se dérobe
à toutes les images et représentations. Le Christ est toujours bien au-delà
de nos regards. Il indique ainsi un chemin pour l’homme, un chemin de
pauvreté. Il nous faut constamment renoncer à ce que nous croyons savoir. Eckhart
est un grand écrivain parce qu’il a compris que l’écriture est impossible. Ecrire
n’est pas décrire. On commence à écrire quand on a compris que ce qui est à
dire excèdera toujours nos simples mots. Cependant, il ne faut pas renoncer
au langage. Les mots sont toujours insuffisants pour évoquer certaines
réalités et pourtant c’est à travers l’épaisseur du langage qu’un quelque
chose parvient parfois à se dire. Eckhart nous a laissé un magnifique poème
qui évoque la rencontre entre l’homme et Dieu dans l’intime. Il s’agit du
"Grain de sénevé". Mais toute son écriture est poétique. Le rythme
des phrases, la reprise de certains termes et le jeu des sonorités, tout cela
permet d’évoquer ce qui ne peut être dit, son écriture est comme une
variation infinie autour d’un thème qui toujours nous échappe. Bref, une
belle écriture qui constitue un rempart contre toutes les certitudes mal
assurées et contre toutes les formes d’intransigeance… |
MAÎTRE ECKHART OU LA PROFONDEUR DE L’INTIME |
Eric Mangin |
Edition
du Seuil |
2012 |
Mourir
à soi, naître en Dieu, « percer dans le fond de l’âme »… L’intime chez Maître
Eckhart n’est ni le secret ni la simple intériorité, mais une distance
essentielle en l’âme qui permet à l’homme d’être à la fois uni à Dieu et
présent au monde ? authentiquement humain. Cette expérience apparaît ainsi
comme une expression privilégiée du détachement, objet principal de la
prédication du théologien rhénan. Ouverte sur l’agir et non close sur
elle-même, elle révèle en l’homme une profondeur infinie qui fait de lui un
être libre, inappropriable. Mais dire l’intime est
un défi pour la pensée comme pour le langage, et toute l’œuvre de Maître
Eckhart peut être considérée comme une tentative de décrire cet indicible.
Jamais pourtant, malgré l’insuffisance des mots, le prédicateur ne renonce.
Sa langue atteint au contraire une créativité et une poésie remarquables pour
évoquer le lieu de la naissance de Dieu en l’âme. Situant parfaitement Maître
Eckhart dans le contexte intellectuel et théologique qui était le sien, et dont
il s’est souvent distingué, cet essai offre une relecture passionnante et
sensible de ce théologien mystique parmi les plus originaux. Un ouvrage de
référence. Au sommaire de cet ouvrage :Le détachement comme
chemin vers l’intime - mourir à toutes choses et à soi-même
- le détachement et ses différentes expressions -
l’exigence d’une radicalité - Mors mystica, la mort mystique de l’âme
- la naissance de Dieu dans l’âme - la
naissance éternelle - l’enracinement théologique de cette
expérience - Percer dans le fond sans
fond - Oportet
transire -
l’expérience de la percée - la topographie de
l’impossible - la profondeur de l’intime
- Figures de l’intime
- par-delà bien et mal - Agir et
pourquoi - Entre sérénité et
inquiétude - la figure de Marthe -
L’homme bon et l’étendue sans fin de l’être - Affronter la
souffrance dans toute sa complexité - A l’écoute des
discours philosophiques et théologiques -
L’homme bon et l’expérience du « pâtir
Dieu » - Marie-Madeleine
ou la puissance inexprimable - Amor, caritas, dilectio - les noms de
l’amour - l’intensité de l’amour et le plaisir
d’aimer - L’espace d’où procède
l’écriture - Dire l’intime indicible
- l’insuffisance des mots et l’éloge du silence
- Elaboration d’une parole authentique -
Dévoilement de l’intime - Résonnances intérieures
- une lecture du Granum sinapis
- la poésie et l’art des passages - Entretien avec l’auteur, Eric Mangin au sujet de Maître
Eckhart : En quoi le grand théologien, philosophe et mystique allemand
maître Eckhart est-il encore actuel ? Qu’a-t-il à nous dire aujourd’hui ?
Rencontre avec Éric Mangin, maître de conférences à l’Institut Catholique de
Lyon, philosophe et théologien, qui travaille depuis une dizaine d’années sur
ce grand mystique rhénan et qui vient de publier un essai* introductif à la
fois dense, clair et accessible sur sa pensée et sa spiritualité. Dans quelles circonstances avez-vous découvert maître Eckhart
et pourquoi avez-vous eu envie de lui consacrer la majeure partie de vos
recherches ? J’ai découvert la pensée de Maître Eckhart en 1986 lorsque
j’étais jeune étudiant en philosophie à Strasbourg. La nouvelle traduction
des Traités et Sermons d’Alain de Libera ("GF-Flammarion", 1993) a
rendu les textes du Rhénan plus accessibles sans rien supprimer à leur
profondeur. Mais, c’est à Lyon, quelques années plus tard avec Pierre Gire
que mes travaux de recherche ont véritablement débuté. Ce qui m’intéresse chez Eckhart, c’est la rationalité qu’il
déploie à travers ses œuvres, une rationalité qui ne s’approprie pas l’objet
contemplé, mais bien au contraire qui ouvre au mystère infini de ce qui est à
dire. En d’autres termes, pour Eckhart "expliquer" revient à
exprimer la complexité de l’être, ou encore à montrer combien une chose
demeure toujours fondamentalement insaisissable. Du coup, on ne devient pas
spécialiste de Maître Eckhart, ou plus exactement on ne parvient à le
comprendre qu’en admettant assez modestement que nos interprétations ne
peuvent épuiser la richesse de sa pensée. Le concept d’intime est central dans votre essai. Comment
faut-il le définir et pourquoi ce concept constitue-t-il, selon vous, la clef
de voûte de la pensée et de l’œuvre de maître Eckhart ? Si la littérature a bien développé cette notion, l’intime est
encore très peu envisagé dans la philosophie. D’origine augustinienne,
l’intime désigne ce lieu dans l’âme qui échappe à toute détermination. Il
permet de comprendre l’expérience du détachement qui est un point central
dans l’enseignement d’Eckhart. En abandonnant les images et représentations
qui envahissent l’esprit, l’homme découvre une profondeur infinie qui fait de
lui un être inappropriable, irréductible à toute
définition. C’est peut-être cela l’humanité de l’homme… Saisir combien
"quelque chose" nous échappe, et ce "quelque chose" est
peut-être la part la plus essentielle de nous-mêmes. Rappelons qu’Eckhart est dominicain, et le Christ est au
centre de sa vie. Le Verbe de Dieu est la figure par excellence de celui qui
sans cesse se dérobe à toutes les images et représentations. Le Christ est
toujours bien au-delà de nos regards. Il indique ainsi un chemin pour
l’homme, un chemin de pauvreté. Il nous faut constamment renoncer à ce que
nous croyons savoir. L’un des apports de votre essai, et ce qui vous distingue
d’autres commentateurs, est d’être attentif aux problématiques littéraires
dans l’œuvre d’Eckhart et de le considérer comme un écrivain à part entière
qu’il est effectivement. Vous intitulez ainsi la Troisième partie de votre
livre "L’espace d’où procède l’écriture". Comment s’articuler selon
vous expérience de la pensée, expérience spirituelle et écriture littéraire
dans l’œuvre de maître Eckhart ? Eckhart est un grand écrivain parce qu’il a compris que
l’écriture est impossible. Ecrire n’est pas décrire. On commence à écrire
quand on a compris que ce qui est à dire excèdera toujours nos simples mots.
Cependant, il ne faut pas renoncer au langage. Les mots sont toujours
insuffisants pour évoquer certaines réalités et pourtant c’est à travers
l’épaisseur du langage qu’un quelque chose parvient parfois à se dire. Eckhart nous a laissé un magnifique poème qui évoque la
rencontre entre l’homme et Dieu dans l’intime. Il s’agit du "Grain de
sénevé". Mais toute son écriture est poétique. Le rythme des phrases, la
reprise de certains termes et le jeu des sonorités, tout cela permet
d’évoquer ce qui ne peut être dit, son écriture est comme une variation
infinie autour d’un thème qui toujours nous échappe. Bref, une belle écriture
qui constitue un rempart contre toutes les certitudes mal assurées et contre
toutes les formes d’intransigeance… |
maÎtre eckhart
- sermons de maÎtre eckhart |
Traduit
par G. JARCZYK & Jr. LABARRIERE |
Edition ALBIN MICHEL |
1998 |
(De l’étincelle à
l’âme – Dieu au-delà de Dieu – Et le néant était Dieu) trois volumes
pour expliquer les sermons, de Maître Eckhart, ce grand penseur et mystique
du Moyen Âge. «
Lorsque l'âme parvient à la lumière sans mélange, elle pénètre dans son
néant... ». « L'amour est plus une récompense qu'un commandement ». «
Garde-toi de toi-même : tu auras fait bonne garde ». « Où l'image entre, Dieu
doit s'écarter... Mais quand cette image sort, Dieu entre »... Tout Eckhart
est dans ces formules qui parsèment les Sermons. Commentant la plupart du
temps une simple phrase de l'Évangile, destinés à des moines et des moniales
diversement cultivés, plus concrets que les Traités, ils reflètent pourtant
toute l'expérience mystique du grand dominicain ainsi que son immense
culture, où la grande théologie scolastique se mêle aux influences du
néoplatonisme, de Denys l'Aréopagite, de saint Augustin. Sans doute
transcrits pour partie par les auditeurs, donc sujets à des approximations,
les Sermons, ou plutôt des extraits qu'on en a tirés pour les besoins de la
cause, constitueront la grande pièce de l'accusation dans les procès en
hérésie qui seront intentés à Eckhart et qui aboutiront à la Bulle de
condamnation du pape Jean XXII en 1327 (Eckhart meurt en 1328). Les Sermons
sont traduits ici de l'allemand, c'est-à-dire de la langue dans laquelle ils
furent prononcés par Maitre Eckhart. Les Sermons sont traduits ici de
l'allemand, c'est-à-dire de la langue dans laquelle ils furent prononcés par
Maitre Eckhart. Imaginez des
notes de cours de 1311. Imaginez que le plus grand philosophe du XIVe siècle
s’y soit donné pour tâche d’exposer des choses « nouvelles, brèves et faciles
», jalons d’un projet rationaliste de grande ampleur. Imaginez enfin que vous
entrez dans la cuisine universitaire où furent inventées les plus belles
audaces de la mystique allemande. Vous aurez alors une idée de ce que la
lecture des « sermons latins » fait à celui qui s’y frotte : un mélange de
brutal dépaysement et d’enchantement presque lyrique, d’obscurité
pointilleuse et d’émerveillement étonné. D’une part,
en effet, Eckhart se livre à l’exercice très défini que constitue le sermon
universitaire : il cite un passage de la Bible, puis l’éclaire par d’autres
passages de nouveau empruntés à l’Écriture, ou aux Pères de l’Église, ou
encore aux philosophes grecs et arabes. Évidemment, d’un point de vue formel,
cela semble austère, et à certaines pages ça l’est en effet. Mais, d’autre
part, le texte est également gorgé de ces formules que l’on tourne, quand on
enseigne, pour saisir par les tripes les auditeurs qui s’assoupissent. C’est
ainsi, par exemple, qu’il conclut le sermon VI avec des formules si
cinglantes que l’on croirait lire Spinoza : « Nous ne devons pas remercier
Dieu de nous aimer. La nécessité en effet lui en incombe » p. 93. Plus doux,
dans le sermon XL, il remarque que le commandement « tu aimeras... » peut
être reçu « comme un précepte et comme une annonce, au sens de prophétie et
de promesse » p. 331 : lecture aussi surprenante que généreuse... Cependant,
il faut admettre que les fulgurances sont moins nombreuses ici que dans les «
sermons allemands », et pour cause : destinés à un public plus large, ceux-ci
ont introduit en langue vulgaire les subtilités qu’avaient permises les
sermons latins, rédigés pour des universitaires, en y ajoutant une
incomparable séduction littéraire. |
MAÎTRES SPIRITUELS DU DÉSERT DE GAZA |
|
Edition
SOLESMES |
1966 |
Plusieurs
lettres et sentences de ces Maîtres spirituels qui vivaient cloîtrés dans le
désert de Gaza au 6ème siècle. Des récits écrits par des
grands mystiques. Les premiers à avoir
mené le combat spirituel lié à la vie chrétienne, furent ces hommes et ces
femmes attirés au désert, dès les 3ème-4ème siècles. Pour que Dieu soit le
premier servi, pour que la prière prenne toute la place dans leur vie, il
leur a fallu lutter contre leurs instincts, exercer une réelle ascèse, afin
d'acquérir une vraie liberté pour le Christ. Ces premiers moines, que l'on a
appelés pères du
désert, peuvent, sans nul doute, éclairer notre propre
chemin et nous enseigner au sujet du combat spirituel. Ils
ont été des milliers, selon les historiens, à rejoindre les déserts de Basse
et de Haute Egypte, mais aussi de Palestine, de Syrie, etc., pour mener, dans
la solitude, une vie de prière, de pénitence et de conversion intérieure.
Chacun d'eux, travaillant de ses mains et priant continuellement, vivait
relativement isolé, mais à proximité d'un « ancien » capable de les guider
sur un chemin qui n'était pas sans embûches ni tentations. Vers la fin du 4ème
siècle et le début du 5ème, un certain nombre de paroles dites par ces pères du désert,
retenues et répétées par leurs disciples, ont été rassemblées dans des recueils d'apophtegmes
(ou sentences,
ou dits des anciens).
Ces textes
révèlent une profonde doctrine spirituelle appuyée sur une fine connaissance
psychologique
de l'homme, et une pédagogie tout-à-fait « moderne ». Un
ancien racontait ceci : « Un frère fut tenté par ses pensées pendant neuf
ans, à tel point que dans son anxiété il désespéra de son salut et se
condamnait lui-même : 'J'ai perdu mon âme, et puisque je suis mort, je
retourne dans le monde'. Et comme il s'en allait, il entendit une voix sur le
chemin : 'Les tentations que tu as supportées pendant neuf ans étaient tes
couronnes. Retourne donc où tu étais, et je te soulagerai de tes pensées'. Le
frère comprit alors que l'on ne doit pas désespérer pour les pensées qui
surviennent : ces pensées nous procurent plutôt des couronnes, pourvu que
nous les supportions bien ». |
MASSIGNON LOUIS - BIOGRAPHIE |
DESTREMEAU & moncelon |
Edition
PLON |
1994 |
||
Grâce
à une documentation minutieuse, Christian Destremeau
et Jean Moncelon réussissent la gageure d’éclairer
les multiples facettes de leur héros et de nous faire comprendre pourquoi
Massignon exerce, aujourd’hui encore, une telle fascination !
D’origine
bretonne, Massignon était considéré comme l’un des plus éminents chercheurs
français dans le domaine du monde arabe et de l’islam, et était bien connu
pour ses traductions ainsi que pour ses nombreux ouvrages et articles,
notamment sa thèse magistrale sur le soufi Hallâj (858-922). C’était un
héritier du XIXe siècle au cours duquel l’orientalisme n’était pas
une affaire de spécialiste, mais au contraire embrassait aussi bien la
sociologie, l’archéologie, la littérature que la spiritualité des populations
du monde arabo-musulman. Son érudition, liée à une intelligence fulgurante, était
étonnante. Il entretenait une correspondance internationale très fournie,
écrivant couramment en anglais et en allemand, pratiquant le russe et presque
toutes les langues européennes. Il connaissait admirablement bien les trois
langues de base des orientalistes traditionnels : l’arabe, le turc, le
persan. Massignon avait cependant une affinité particulière avec la langue
arabe à laquelle il se plaisait à rendre un vibrant hommage, que ce soit à l’Académie
Arabe du Caire ou en tant que président du jury d’agrégation d’arabe à
Paris. Pendant
toute sa vie, Louis Massignon fut un inspirateur incomparable du dialogue des
civilisations, et plus particulièrement du dialogue islamo-chrétien. Il
essayait sans cesse d’établir des complémentarités entre les trois religions
sœurs issues d’Abraham dont il proposa une définition longuement
méditée : « Le judaïsme est enraciné dans l’espérance, la
chrétienté est vouée à la charité, l’islam est centré sur la foi ». Il
incarnait un dialogue islamo-chrétien d’autant plus fécond qu’il revendiquait
une double appartenance : par sa naissance, Massignon appartenait à la
tradition de la chrétienté occidentale, et, par son cheminement personnel, il
choisit d’être un frère des arabes, allant parfois jusqu’à épouser leur destin.
Il consacra ainsi sa vie, très active et laborieuse, à faire valoir les
richesses de la civilisation musulmane et à essayer de dégager ce qu’à ses
yeux l’islam avait d’authentique et d’original. C’est certainement en grande
partie grâce à lui qu’un courant favorable au dialogue avec l’Islam put
s’établir peu à peu au sein de l’Eglise catholique. En
1970, les éditions de l’Herne publiaient un cahier rassemblant
l’hommage des amis de Massignon, des études critiques de son œuvre, une
reconstitution des grandes étapes de sa vie ainsi que certains textes
inédits. L’article d’Eva de Vitray-Meyerovitch est
à la fois le témoignage émouvant d’une admiratrice et amie, et une fine
analyse des grands thèmes qui ont marqué la vie et l’œuvre de
Massignon : les mystères de l’intériorité, l’amour de la poésie, la
force universaliste de la langue arabe, l’art de la traduction comme
révélateur de la réalité profonde des choses. L’affinité et la complicité
entre ces deux orfèvres de la traduction s’avère palpable quand elle cite
Massignon parlant du langage des poètes et des mystiques qui nous invite à un
dépassement du langage même et à donner un « sens plus pur aux mots de
la tribu ». Eva de Vitray-Meyerovitch et Louis
Massignon se rejoignent ainsi sur ce qui a nourri une part importante de leur
démarche personnelle d’écrivain et de croyant : la nécessité de
quitter sa langue et sa culture originelles pour mieux percevoir le sens
profond qui jaillit de l’alchimie entre langage et musique. |
massignon louis
– mystique en dialogue |
Divers
Auteurs |
Edition
ALBIN MICHEL |
1992 |
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Quel
curieux personnage ! Excessif, dérangeant, cet homme déchiré par sa
passion de l’absolu et d’autrui continue à nous remettre en question trente
ans après sa mort, le jour de la Toussaint 1962. Car ce chrétien, dont la foi
semble parfois comme outrée, fut le plus ardent propagateur du dialogue avec
l’islam et ses actions iront très loin en ce sens, religieusement,
symboliquement et socialement.
Les
témoignages ici réunis lui rendent hommage, tous travers et qualités
confondus, et nous permettent de mieux le connaître : puisse-t-il continuer
à inspirer, en d’autres voies, le dialogue vrai.
|
MASSIGNON INTḖRIEUR |
Patrick Laude |
Edition L’Âge d’Homme |
2001 |
||
Ecartelé entre le catholicisme de sa mère et le scientisme
laïque de son père, Louis Massignon perd la foi très jeune. Il suit des cours
d'arabe et d'islamologie à l'Ecole des langues orientales, à Paris. Après un
voyage au Maroc et de premières recherches sur Léon l'Africain, il passe huit
mois au Caire, en 1906-1907. Ce séjour en Egypte est doublement déterminant.
D'abord, parce que le jeune orientaliste y vit une passion amoureuse avec un
dandy homosexuel, Luis de Cuadra, qui le poursuivra
jusqu'au suicide de celui-ci, des années plus tard. Ensuite, parce qu'il
découvre un personnage étonnant, Al Hallâj Ibn Mansour, un mystique musulman
mort en martyr à Bagdad en 922 pour avoir osé faire état d'un amour réciproque
entre Dieu et l'Homme, ce que l'islam n'admet pas. Massignon lui consacrera
une thèse magistrale, qui, par sa richesse comme par son style, marquera un
tournant dans les études islamologiques (La Passion de Hallâj, Gallimard,
1975). Mais pour le moment, c'est sa propre vie qui va basculer
lors d'une exploration aventureuse dans le désert irakien. Moqué pour son
homosexualité, soupçonné d'espionnage, menacé de mort et emprisonné, Louis
Massignon cherche à s'évader, puis à se suicider au moyen d'un poignard. Le 3
mai 1908, il est foudroyé par une expérience spirituelle, comme il ne le
racontera en détail qu'un demi-siècle plus tard. C'est désormais un
chrétien mystique, vivant "l'extase de l'abandon", qui va
étudier l'islam. En 1910, en tenue d'étudiant arabe, Massignon assiste aux
cours de la mosquée d'Al-Azhar, au Caire. Mobilisé en 1914, il est envoyé sur
le front d'Orient, sera décoré de la croix de guerre et entrera à Jérusalem
aux côtés de Lawrence d'Arabie. Sans manquer de s’indigner contre le
manquement à la parole donnée aux Arabes de pouvoir créer un royaume
indépendant. Massignon enseigne comme suppléant au Collège de France où il
sera élu en 1926 à la chaire de sociologie et sociographie musulmane. Il
collabore à la Revue du Monde musulman, avant de lancer en 1927 la Revue
des études islamiques. C'est "un savant à la production
océanique, épistolier frénétique, rédigeant jusqu'à vingt-cinq lettres par
jour", souligne François Angelier. Mais il n'a rien d'un orientaliste
de cabinet. Multipliant les voyages et les conférences, en français ou en
arabe, il entreprend aussi de nombreux pèlerinages, qui ont pour lui le sens
d'un exil, d'un décentrement, afin de sortir de soi, "aller vers un
autre pour évoquer avec lui un Absent". Pourquoi un seul Dieu, le Dieu d'Abraham, a-t-il voulu
trois révélations ? Cette question ne cesse de hanter Louis Massignon. "Je
reproche à beaucoup de chrétiens leur attitude de mépris à l'égard de
Mohammed", un homme qui ne s'est pas "déifié", qui
a "transmis avec sincérité et authenticité" un message de
l'au-delà, dit-il en décembre 1947. Comme le souligne François L'Yvonnet, il "accorde à la langue arabe le
privilège inouï d'être la dernière "langue liturgique" dans
laquelle Dieu s'est adressé aux hommes". Louis Massignon - et cela
lui sera beaucoup reproché - étudie l'islam de l'intérieur. "Pour
comprendre l'autre, selon lui, il faut se mettre dans l'axe de sa
naissance." Prendre l'islam par le haut, par sa mystique, et
comparer les deux religions au même niveau, sans opposer l'idéal chrétien au
comportement des musulmans. Ceux-ci n'admettent pas la crucifixion du Christ
? Massignon vivra la croix à leur place. Il a été très marqué par ses
rencontres avec le père Charles de Foucauld, devenu un confident
(Jean-François Six, Le Grand Rêve de Charles de Foucauld et Louis
Massignon, Albin Michel, 2008). Un moment, il a pensé le rejoindre au
Sahara. C'est de lui qu'il tire l'idée de "substitution"
spirituelle (badaliya en arabe), qui donne
naissance en 1934, en Egypte, à une "sodalité de prière" un
peu difficile à saisir : ces chrétiens d'Orient ne cherchent pas à convertir
les musulmans, mais à s'offrir en "substitués" à leur place,
en "payant leur rançon" auprès du Christ. Louis Massignon
n'est-il pas devenu lui-même un chrétien d'Orient ? En 1950, bien que marié,
il est secrètement ordonné prêtre au Caire selon le rite grec catholique... En 1946, l'islamologue est nommé président du jury de
l'agrégation d'arabe. Il s'oppose à la partition de la Terre sainte lors de
la création de l'Etat d'Israël. En juin 1953, il entame un premier jeûne
privé pour la paix en Afrique du Nord. Devenu président de l'association des
Amis de Gandhi, il engage une lutte non violente contre la guerre en Algérie.
Cela ne lui vaut pas que des amis. En 1958, à Paris, il est frappé au visage
avant une conférence sur Charles de Foucauld, et perd l'usage de l'oeil droit. Ce qui ne l'empêche pas, deux ans plus tard,
de participer à un sit-in au camp de Vincennes pour protester contre le
traitement infligé aux Algériens de France...Chrétien engagé, islamologue
contesté, Louis Massignon est aussi un immense écrivain, au style étincelant.
A son amie libanaise Norah Zalzal qui lui demande
quand il publiera "le grand ouvrage" devant couronner sa
carrière, il répond : "Pour qui me prenez-vous ? Notre seul grand
ouvrage c'est notre vie, notre mort surtout." |
MASSIGNON - le grand rÊve de charles de foucauld & louis
massignon |
J.
François six |
Edition
ALBIN MICHEL |
2008 |
Cette
histoire, qui commence en 1909, est celle d’une rencontre intense entre deux
êtres de feu : Charles de Foucauld homme de désert et de mystique, et Louis
Massignon, jeune orientaliste de génie. L’un a cinquante ans, l’autre
vingt-cinq, et tous deux, épris de fraternité universelle, ont connu les
tentations du monde avant de voir leur vie basculer devant la foi et
l’hospitalité des sociétés musulmanes.
En
1890 Charles de Foucauld devient moine trappiste. En 1901, ayant quitté la
Trappe, il se fait ordonner prêtre. Puis il s'installe au Sahara à Béni-Abbès, puis dans le Hoggar. À cette époque, les
Territoires du sud ne sont pas rattachés aux départements français d'Algérie
mais soumis à l'administration militaire. Très peu nombreux, soucieux de
conquérir les Sahariens plus par l'action psychologique que par la force, les
militaires ont besoin de Charles de Foucauld ès qualités de prêtre-ermite ou,
si l'on veut, de « marabout chrétien », afin de dissiper une rumeur
ruineuse pour le prestige du conquérant. Cette rumeur parcourt la société
maghrébine, dès que les fidèles de l'Islam commencent à se faire quelque idée
du mouvement de sécularisation et de laïcisation qui parcourt la société
française : l'occupant ne serait même pas chrétien. Si les Français
n'ont plus de religion, qu'adviendra-t-il de leur prestige en milieu
musulman ? Cette question n'est même pas concevable au nord de la
Méditerranée. Charles de Foucauld permet aux militaires établis au Sahara
d'être des croyants par procuration. Voilà au moins un Français qu'on voit
prier ! Tout en étant resté très proche du milieu militaire et y
comptant de solides amitiés, Charles de Foucauld est parfaitement conscient
du risque d'être ainsi instrumentalisé. Mais sans l'autorisation de l'armée,
ou sans sa protection, il ne peut être question de s'établir au Sahara. Or,
ayant dû renoncer à son rêve de pénétrer de nouveau au Maroc, il est attiré
par le Hoggar. Il veut explorer le monde berbère, côtoyé à Sétif en 1880 et
retrouvé dans le Haut-Atlas en 1883-1884. De 1905 à sa mort en 1916, il
s'attelle à la tâche de connaître et de comprendre le groupe berbère le mieux
conservé dans son état originel, c'est-à-dire le moins transformé par la
religion musulmane et par le contact avec les Arabes, à savoir les Touaregs
du Hoggar. Il en explore la vie sociale, en recueille le patrimoine poétique
et littéraire, établit la grammaire et le lexique du tamazight, leur langue
au demeurant fort complexe, après avoir percé les énigmes du tifinagh, écriture
aussi ancienne, peut-être, que l'alphabet phénicien. L'œuvre scientifique de
Charles de Foucauld est considérable. Elle fait toujours autorité auprès des berbérologues. Comme
tant de connaisseurs de la société arabo-berbère au début du XXe siècle,
il est habité par la conviction que la France n'a pas encore su s'en faire admettre. Il est de ceux qui espèrent qu'à
long terme, un rapprochement social, politique et culturel entre Français et
Maghrébins se produira. Car, comme eux, il est révulsé par l'Algérie
française, telle qu'elle existe alors : ni vraiment colonie ni vraiment
province, ou pseudo-province fondée en fait sur une inévitable ségrégation ethno-religieuse, à l'instar de beaucoup d'autres
sociétés méditerranéennes comme la Bosnie, la Macédoine et la Crète de
l'époque, et bientôt comme Chypre, le Liban et la Palestine. En bref, fondée
sur la négation des principes républicains de Liberté, Égalité, Fraternité.
Comme les militaires de sensibilité républicaine – par opposition à ceux qui
ont conservé un attachement à l'Ancien Régime –, Charles de Foucauld a pour
idéal politique l'intégration de l'Afrique du Nord à la France, et non pas un
système de protectorat ou de vie séparée entre conquérants et conquis. Cette
intégration leur paraît évidemment impossible, à court terme. Si
Charles de Foucauld ou les militaires de sensibilité républicaine se prennent
de passion pour les Berbères, c'est parce qu'ils leur paraissent moins figés
dans leur civilisation que les Arabes ou les Arabisés, plus souples, plus
adaptables au monde moderne et donc susceptibles de constituer dans l'avenir
un pont entre ces derniers et la France. En s'immergeant dans la société
touarègue, Charles de Foucauld a certainement voulu participer à ce grand
dessein politico-social axé sur le monde berbère. À cet égard, il est
remarquable qu'il n'ait point cherché à convertir les Touaregs. Il s'est
appliqué à les connaître et aussi, très concrètement, à y introduire des
principes d'égalité jusque-là inconnus dans cette société de type clanique,
ainsi que des éléments de progrès technique. Il fallait d'abord
« républicaniser » le Hoggar. Plus tard, bien plus tard, d'autres y
introduiraient l'Évangile. Charles
de Foucauld est tué dans son bordj à Tamanrasset le 1er décembre 1916
par des irréguliers appuyés par des éléments venus du territoire libyen,
théoriquement italien depuis 1912, mais livré en fait à l'action d'agents
turcs ou turco-allemands, ainsi qu'à celle de la confrérie des Sénoussis. Dans le cadre de la Grande Guerre, il se
dépense beaucoup pour défendre le Hoggar, dégarni comme tant d'autres
positions sahariennes ou nord-africaines en raison des envois répétés de
troupes sur le front entre Vosges et mer du Nord. L'engagement de Charles de
Foucauld dans la défense de Tamanrasset doit être compris à la lumière de ce
qui fut l'attitude unanime des catholiques, et notamment des prêtres et religieux,
en 1914-1918 : surenchère patriotique destinée à faire taire
définitivement la rumeur infâme, jusque-là colportée dans les milieux
républicains ou anticléricaux, comme quoi l'obéissance à la Papauté
équivaudrait à l'allégeance à une puissance étrangère. Ses agresseurs ne s'en prirent pas à sa qualité de chrétien, semble-t-il, mais à sa qualité de Français. On ne lui demanda pas, d'ailleurs, de renier le Christ. Ce qui l'avait rendu haïssable, et dangereux aux yeux de certains, convaincus comme tous les radicaux de la Guerre Sainte, dont les Sénoussis, c'était le fait qu'en s'étant fait adopter par la société touarègue, il contribuait aussi à la rendre francophile et plus ouverte à la civilisation occidentale, voire à la modernité, qu'envers ceux qui allaient s'employer à l'islamiser pour de bon, voire même à en entamer l'arabisation. La mort de Charles de Foucauld donne la clé de son existence au Sahara et de celle des groupes ou associations qui plus tard, se réclameront de son exemple : c'est la fraternité. Or ce mot de fraternité est commun à deux lexiques : celui de la religion chrétienne et celui de la République. |
MÉDITATION - LES 7 CLÉS DE LA MÉDITATION |
Erik Sablé |
Edition Almora |
2013 |
||
Pourquoi méditer ? - Quelques illusions - 1e Clé : La Sagesse - L’impermanence - Etre à l’écoute de son maître intérieur - 2e Clé : S’ouvrir au souffle et au corps - Connaître et apprivoiser le souffle - 3e Clé : Comprendre les mécanismes du mental - 4e Clé : La concentration - Des efforts d’imagination, de visualisation et une certaine tension de l’esprit - 5e Clé : Etre attentif à la racine de l’illusion - Le point de naissance de la pensée - 6e Clé : La Présence - Domaine de l’ineffable - 7e Clé : La joie et la sérénité - Dilatation de notre être et élargissement de la conscience - Un pouvoir de transfiguration - Méthode et pratique de méditation - Erik Sablé est l’auteur de plusieurs livres de spiritualité,
il se passionne pour le Bouddhisme ; l’hindouisme et le taoïsme, mais
aussi pour toutes les spiritualités qui permettent à l’homme de trouver sa
voie et de pouvoir s’épanouir. La méditation est au cœur de sa pensée. Les
autres livres de méditation sont au chapitre
20 M - |
melkitsedech |
Politica Hermetica |
Edition
L’ÂGE D’HOMME |
2005 |
Ce
roi étranger, sans génération, et dont le royaume est inconnu, aurait dû se
perdre au milieu de la foule anonyme des princes cités dans la Bible ; il
n’en fut rien parce que son éphémère irruption correspondait à un moment
décisif : il a béni Abraham et sa lignée, celui-ci lui a versé la dîme et
comme l’a souligné Saint Paul, ce n’est pas l’inférieur qui bénit le
supérieur. Cette précellence servit à
légitimer le sacerdoce chrétien « selon l’Ordre de Melchisédech ». Elle
devait inspirer également bon nombre de courants de pensée hétérodoxes, entre
les non-dits de son origine ou de sa fonction et le non-lieu de sa cité de
Salem, depuis les gnostiques de l’Antiquité jusqu’à Guénon en passant par les
maçons du XVIIIème siècle. Comme Abraham revenait d'une expédition
victorieuse contre quatre rois, Melkisédek,
roi de Salem, fit apporter du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu
très-haut. Il prononça cette bénédiction : « Béni soit Abraham par le
Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu
très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abraham lui fit
hommage du dixième de tout ce qu'il avait pris. Genèse 14, 18-20
- Le SEIGNEUR l'a juré dans un serment irrévocable : « Tu es prêtre à
jamais selon l'ordre du roi Melchisédech. » Psaume 109, 4 Melchisédech est
nommé deux fois seulement dans l'Ancien Testament, ici dans le livre de la
Genèse et dans le psaume 109/110. Deux fois, c'est peu, mais, curieusement,
ce personnage devait jouer plus tard un grand rôle dans l'esprit de ceux qui
attendaient le Messie et, un rôle bien plus grand encore chez les Chrétiens.
La preuve, il est même cité dans une prière eucharistique ! Il nous intéresse
donc au plus haut point. Nous savons qu'Abraham revenait d'une expédition
victorieuse quand il a rencontré Melchisédech. A vrai dire, les festivités
après une victoire militaire étaient certainement chose courante et la Bible
nous les raconte rarement. Pourquoi celle-ci nous est-elle racontée ?
Certainement parce que plus tard, peut-être même très longtemps après les
événements, on a trouvé à cette histoire un intérêt particulier. Je
commence par vous rappeler l'histoire : une guerre vient d'éclater dans la
région ; deux petites coalitions s'affrontent, cinq rois d'un côté, quatre de
l'autre. Chacun des belligérants s'est évidemment entouré pour la bataille du
meilleur de ses troupes. Le roi de Sodome fait partie des combattants.
Précisons tout de suite que ni Melchisédech ni Abraham ne sont directement
concernés au début. Mais les choses vont changer : à l'issue de la
bataille, le roi de Sodome est vaincu ; or, parmi ses sujets, il y avait Lot,
le neveu d'Abraham, qui est fait prisonnier. Abraham, prévenu, vole au
secours de son neveu et délivre Lot et en même temps le roi de Sodome et ses
sujets. Conformément aux usages de l'époque, le roi de Sodome va désormais
devenir allié d'Abraham. C'est alors
qu'intervient Melchisédech dont le nom signifie « roi de justice » :
probablement pour un repas d'Alliance, mais l'auteur de notre texte ne le
précise pas, car, à partir de ce moment, il change de sujet : il focalise son
récit sur le personnage de Melchisédech et sa relation avec Abraham. Et
que nous dit-il de Melchisédech ? Des choses assez inhabituelles dans la
Bible : Premièrement, il n'a pas de généalogie ; deuxièmement, il est à
la fois roi et prêtre, alors que pendant de nombreux siècles de l'histoire
d'Israël, c'est une chose qui ne devait pas se produire ; troisièmement, il
est roi de Salem : on pense qu'il s'agit peut-être de la ville qui sera plus
tard Jérusalem quand David l'aura conquise pour en faire sa capitale ;
quatrièmement, l'offrande apportée par Melchisédech se compose de pain et de
vin et non pas d'animaux comme le sacrifice qu'offrira Abraham et qui nous
sera raconté au chapitre 15 ; cinquièmement, Melchisédech bénit le Dieu
très-Haut et bénit Abraham en son nom ; enfin, sixièmement, Abraham verse la
dîme (c'est-à-dire le dixième de son butin de guerre) à Melchisédech ; cela
signifie qu'il reconnaît son sacerdoce. Toutes ces précisions
ont certainement un grand intérêt pour notre auteur qui s'attache visiblement
aux relations entre le pouvoir royal et le sacerdoce : par exemple, c'est la
première fois que le mot « prêtre » apparaît dans la Bible ; et, clairement, Melchisédech
a toutes les caractéristiques des prêtres puisqu'il offre un sacrifice, qu'il
prononce une bénédiction de la part du « Dieu Très-Haut qui crée ciel et
terre » et qu'Abraham lui offre la dîme, c'est-à-dire le dixième de ses
biens. - On notera le silence absolu du texte sur les origines de
Melchisédech : alors que, généralement, la Bible attache une très grande
importance à la généalogie, surtout celle des prêtres, ce prêtre-là,
Melchisédech, le premier de la liste, nous ne savons rien de lui... comme
s'il était hors du temps... Voici donc un prêtre reconnu comme tel ;
cela veut dire qu'il existait un sacerdoce bien avant l'institution légale du
sacerdoce dans la loi juive, avant qu'on ne décide que tous les prêtres
devaient être pris dans la tribu de Lévi, lequel est le fils de Jacob et donc
l'arrière- petit-fils d'Abraham. A certaines époques, quand on était
mécontent du pouvoir des prêtres, on était peut-être bien content de leur
rappeler qu'il peut y avoir des prêtres qui ne descendent pas de Lévi, c'est
ce qu'on appelait « être prêtre selon l'ordre de Melchisédech » (c'est-à-dire
à la manière de Melchisédech). Actuellement, aucun
exégète ne sait dire de façon certaine ni par qui, ni quand ni dans quel but
ce texte a été écrit. S'agissait-il de légitimer un sacerdoce différent, et
lequel ? Ce texte pourrait dater de l'époque où la dynastie de David semblait
éteinte à tout jamais et où l'on a commencé à entrevoir un Messie différent :
non plus un roi descendant de David, mais un prêtre, capable d'apporter aux
descendants d'Abraham la bénédiction du Dieu Très-Haut. On comprend alors ses
titres : « roi de justice et roi de paix ». Plus tard, je vous le disais en
commençant, le personnage de Melchisédech a été considéré comme un ancêtre du
Messie. Nous le verrons mieux dans le psaume 109/110 que cette même fête du
Corps et du Sang du Christ nous propose. Enfin, on ne se privera pas
dans l'avenir de faire remarquer que Abraham n'était pas encore circoncis
quand il a été béni par Melchisédech : puisque le rite de la circoncision ne
sera donné à Abraham que plus tard, d'après le livre de la Genèse. Les
Chrétiens, en particulier, en déduiront qu'il n'est pas nécessaire d'être
circoncis pour être béni de Dieu. (On se souvient que c'était une question qui
se posait dans les premières communautés chrétiennes composées de Juifs
circoncis et de non-Juifs). Bien sûr, une offrande de pain et de vin,
scellant un repas d'Alliance, offerte par les mains du roi de justice et de
paix, vrai roi, vrai prêtre du Dieu Très-Haut... nous, Chrétiens, nous y
reconnaissons le geste du Christ : et nous y découvrons la continuité du
projet de Dieu. A chaque Eucharistie, nous refaisons le geste de Melchisédech
accompagnant l'offrande de pain et de vin des mots « Tu es béni, Dieu de
l'univers, toi qui donnes ce pain et ce vin... » Nous sommes au
chapitre 14 du livre de la Genèse : le Dieu de Melchisédech s'appelle le Dieu
Très-haut, exactement comme le Dieu d'Abraham. Mais les chapitres 12-13 et 15
qui sont des chapitres majeurs de l'histoire d'Abraham n'emploient pas le
même nom de Dieu ! Ils l'appellent « le SEIGNEUR » (c'est-à-dire le
Tétragramme YHVH). Le chapitre 14 est-il donc d'une autre venue que les
chapitres qui l'entourent ? - Pour corser les choses, plus tard, on
pensera que cette ville de Salem dont Melchisédech est le roi n'est autre que
Jérusalem qui est justement la résidence du Dieu Très-Haut ; mais alors, cela
voudrait dire que la religion pratiquée à Jérusalem avant sa conquête par
David s'appelait donc déjà la religion du Dieu Très-Haut... Et le plus
étonnant, c'est que, quelques versets plus bas, Abraham dira lui aussi : « Je
lève la main vers le Seigneur, Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre... » L'Ancien
et le Nouveau Testament, avant et depuis Jésus-Christ .Louange, action de
grâce rendue à Dieu. Origines du monde et début de l'action de Dieu parmi les
hommes. Rédempteur, Sauveur annoncé dans l'Ancien Testament. Chrétien qui a
reçu le sacrement de l'Ordre pour être signe du Christ pasteur. Ensemble des
règles fixant le déroulement d'un cérémonial.Etat
de celui qui a reçu le sacrement de l'ordre. |
MELKITSEDEQ - LA TRADITION PRIMORDIALE ET LE MAÎTRE DE JUSTICE |
DIVERS
AUTEURS |
ARCADIA |
2002 |
||
Dans
ce dossier sur Melkitsédeq Jean Tourniac explique sa lecture sur cette
transmission de la Tradition Primordiale
et lui discerne 5 caractéristiques : 1/ Caractéristique cosmique, qui s’enracine dans la profondeur
de la création. 2/ Caractéristique humaine qui se centre dans la conscience de
l’homme, joint entre la création dont il est le roi et Dieu dont il est
l’image. 3/ Caractéristique mystique : Elle s’ajuste sur la
hauteur de la justice surnaturelle, sur le Dieu Très Haut et Très Puissant. 4/ Caractéristique Universelle : Elle s’étend en largeur
sur la terre entière. 5/ Caractéristique perpétuelle : Elle s’étend sur toute
la longueur du temps et de l’espace, des origines à la fin du monde. Puis
il nous parle de cette lumière d’Orient, des chrétientés d’Asie reliés aux
mystères évangéliques. Il nous raconte la cité sainte et l’importance de
Jérusalem dans l’écriture juive, avec ce roi de Salem, qui est non seulement Maître
de justice mais aussi « Roi de Paix », on voyage avec Moïse,
Salomon, David et Jésus à travers cette Jérusalem et son universalisme. René
Guénon
Dans un article publié en 1962 dans les Etudes Traditionnelles,
disserte sur le Christ Prêtre et Roi, et fait ressortir que Melkitsédeq est
supérieur à Abraham puisqu’il le bénit (l’inférieur est toujours bénit par le
supérieur) ce qui marque la vassalité, la dépendance, l’antériorité et
la supériorité du sacerdoce de Melkitsédeq sur celui d’Aaron. Puis nous
visitons « Le Roi du Monde » où R. Guénon nous explique le Soma,
la légende de Dionysos et la symbolique du vin, on voyage en
compagnie des 3 rois-mages qui en réalité n’en font qu’un si on
rassemble leurs 3 fonctions, il nous emmène sur les rives du Gange avec les Ksatriyas, ces chevaliers formant une garde
royale, chevaleresque et spirituelle. Armand
Abecassis
nous emmène à Jérusalem, cité
terrestre, messianique et céleste. Le
jardin des Dragons No 1 explique la notion du sacerdoce, Melkitsédeq,
l’épiscopat et le charisme (don gratuit de Dieu). Un long article sur Melkitsédeq :
« Archétype de l’Homme sacerdotal
primordial », suit un parallèle avec la Divine Comédie
de Dante. Patrick
Meneghetti
nous rappelle le sacre, son rite et son rôle initiatique, la fonction royale,
les rapprochements avec Melkitsédeq et cette transmission intérieure et
extérieure des sacres royaux et sacerdotaux. Pierre
Benzaquen nous explique la symbolique d’une
consécration de loge et ses quatre voyages. Est étudié la symbolique du vin,
du sel, du pain et de l’huile. Début d’une filiation, transmission et
consécration par Melkitsédeq d’Abraham
avec le vin et le pain. |
melkitsedeq ou
la tradition primordiale |
Jean tourniac |
Edition
ALBIN MICHEL |
1983 |
Melkitsedeq qui est « sans père,
sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement de jours, ni fin de vie »
(Heb 7, 3) est-il le Témoin d’une Tradition
primordiale ? Est-il aussi l’équivalent du Christ, puisque « rendu semblable
au fils de Dieu » et « sacrificateur à perpétuité » (Heb
7, 3) ?
Cette
vision, qui transcende les antagonismes de vingt siècles d’histoire, correspond
à l’attente du monde contemporain et corrobore la démonstration de l’ouvrage
et son postulat : Melkitsédeq = la Tradition primordiale. |
MILOSZ
– L’AMOUREUSE INITIATION |
Milosz Oscar Venceslas |
Edition André Silvaire |
2003 |
Etrange récit que cette
"Amoureuse initiation", un texte dense et lyrique, très poétique,
apparemment très intime et qui préfigure cette nuit de révélation qui
marquera Milosz en 1914 et bouleversera sa vie. L’amour charnel est
omniprésent, dans le détail, dans la force, dans le plaisir et la luxure mais
celui-ci est-il essentiel ? Peut-être il être le seul amour, celui qui
transcende et conduit à l’extase ? On pourrait le croire au fil des pages qui
constituent la première partie du récit mais peu à peu l’amour divin prend le
dessus, c’est celui-là qui est le vrai, l’unique, le seul capable de conduire
à la révélation. Elan mystique qui emportera les dernières années de Oscar
Vladislav de Lubicz Milosz et dont on trouve de nombreuses traces dans son
œuvre, notamment par cette nuit d’illumination en 1914 : "Le 14 décembre
1914, vers onze heures du soir, au milieu d'un état parfait de veille, ma
prière dite et mon verset quotidien de la Bible médité, je sentis tout à
coup, sans ombre d'étonnement, un changement des plus inattendus s'effectuer
par tout mon corps. Je constatai tout d'abord qu'un pouvoir jusqu'à ce
jour-là inconnu, de m'élever librement à travers l'espace m'était accordé ;
et l'instant d'après je me trouvais près du sommet d'une puissante montagne
enveloppée de brumes bleuâtres, d'une ténuité et d'une douceur
indicible..." (extrait de L’Epître à Storge,
Revue de Hollande, 1917). Milosz est un homme qui se cherche et qui trouve sa
voie dans la religion mystique et la méditation. Son texte est empreint de
cette foi et de cette quête de la vérité. Henri de
Groux nous montre en 1918 un Milosz qui fréquentait alors assidûment certains
salons parisiens comme celui des Lesseps...Comme Eugène Canseliet qui l'y
rencontra, et donc probablement comme Julien Champagne, et sûrement comme
Fulcanelli. "Au sein du cercle que formaient les logis de la rue
Saint-Benoît et de l'avenue Montaigne, écrit ainsi Canseliet dans ses
Alchimiques mémoires, j'ajoute maintenant le poète Oscar-Wadislas
de Lubicz-Milosz, que nos hôtes tenaient en grande estime." Champagne
l'appelait-il "la classe" comme il le fit pour Raymond Roussel, né
comme lui et comme Milosz en 1877? C'est fort plausible.
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MIRCEA
ḖLIADE -
aspects du mythe |
Mircea
Ḗliade |
Edition
GALLIMARD |
1993 |
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Mircea Eliade (1907-1986)
explique: "Le mythe raconte une histoire sacrée; il relate un
événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des
"commencements"". Quel fondement religieux ? Le mythe relate une histoire sacrée, on l'a bien compris,
mais cette histoire sacrée a été l'objet d'une croyance religieuse.
Contrairement au conte, les personnages et les objets du mythe possèdent une
sorte d'aura sacrée ou sont l'objet d'un culte tel Achille, Hélène ou
Dionysos. Les processions, les sacrifices ou les fêtes, bref cet ensemble de
rites, redonnent vigueur au mythe en le réactivant dans le temps historique
et en l'érigeant en modèle des conduites à suivre et des actions à exécuter.
Cette dimension religieuse peut expliquer alors cette puissance
d'investissement de la sensibilité du lecteur ou de l'auditeur. Car il est
indéniable que le mythe exerce une fascination sur ceux qui l'entendent: par
sa manière de dramatiser les événements, par sa coloration affective, par son
propre dynamisme le mythe est fascinant. Pour Mircea Eliade, le mythe fixe
"les modèles exemplaires de toutes les actions humaines
significatives" et par là il constitue le lieu théâtral où se jouent
les conflits intérieurs et extérieurs livrés par l'homme. Le mythe comme réponse aux
questions des hommes ? Le mythe
cherche à expliquer les causes des choses connus. Cela peut sembler
étrange car il s'oppose bien souvent au discours rationnel, au "logos"
qui démontre. Le "muthos" est forgé par l'imagination,
transmet un message à un destinataire. Il propose une explication des
phénomènes connus, il répond aussi à la question cruciale qui est celle des origines:
la création du monde, la naissance de l'humanité, la fondation d'une cité,
l'établissement d'un pouvoir...tout en s'interrogeant sur la place de l'homme
sur le plan social, politique, religieux. Le mythe donne aussi une
représentation de l'"ailleurs": la descente aux Enfers est pour le
moins effrayante. Le mythe se différencie des contes et des légendes en ce
qu'il est reconnu pour vrai par la société. Parce qu'il faut bien voir que
malgré la charge de surnaturels et de merveilleux, le mythe ramène
toujours à la réalité du monde. Bref, le mythe se distingue de
l'allégorie par son dynamisme, du conte et de la fable par son retour au
réel, de la légende par son aspect général. Y sont expliqués : |
MIRCEA ḖLIADE - le mythe
de l’Éternel retour |
mircea Ḗliade |
Edition
GALLIMARD |
1969 |
Toutes
les sociétés connaissent les conceptions fondamentales de leur histoire, mais
elles s’évertueront à n’en pas tenir compte. L’auteur étudie la récolte des
sociétés traditionnelles contre le temps historique et leur nostalgie d’un
retour au temps mythique des origines. Ce
petit livre se propose d’étudier certains aspects de l’ontologie archaïque,
plus exactement les conceptions de l’être et de la réalité qu’on peut dégager
du comportement de l’homme des sociétés pré modernes. Au sommaire de cet ouvrage, Mircea Eliade nous propose
d’étudier : 1e partie : Archétypes et répétition - Le
problème - Archétypes célestes des territoires, des temples et
des villes - Le symbolisme du centre - Répétition de
la cosmogonie - Modèles divins des rituels - Archétypes
des activités « profanes » - 2e partie : La régénération du temps - Année,
nouvelle année - Cosmogonie et la périodicité de la
Création - La régénération continu de temps - Le cérémonial
du nouvel an - 3e partie : Malheur et Histoire -
Normalité de la souffrance - L’histoire considérée comme
théophanie - Les cycles cosmiques et l’histoire -
Destin et histoire du monde - 4e partie : La terreur de l’histoire - La survivance du mythe de « l’éternel retour » - Les difficultés de l’historicisme - Liberté et histoire - Désespoir et foi - Gengis Khan - Gog et Magog - |
MIRCEA
ḖLIADE -
mÉphistophÉlÈs & l’androgyne |
Mircea Ḗliade |
Edition
GALLIMARD |
1981 |
Si
la découverte de l’inconscient a forcé l’homme occidental à une confrontation
avec sa propre « histoire » secrète, la rencontre avec les cultures extra
occidentales l’obligea à pénétrer très profondément dans l’histoire de
l’esprit humain et à le persuader, peut-être, d’assumer cette histoire en
tant que partie intégrante de son propre être. Tôt ou tard le dialogue avec
les « autres » – les représentants des cultures traditionnelles, asiatiques
et « primitives » – devra s’amorcer non plus dans le langage empirique et
utilitaire d’aujourd’hui, mais dans un langage culturel, susceptible
d’exprimer des réalités humaines et des valeurs spirituelles.
L'androgynie
étant un signe distinctif d'une totalité originaire dans laquelle toutes les
possibilités se trouvent réunies, l'Homme Primordial, l'Ancêtre mythique de
l'humanité est conçu, dans de nombreuses traditions, comme androgyne, à
l'image de Dieu; l'Adam du Paradis terrestre n'est qu'une image de
l'archétype de l'Adam de l'Eden céleste, mais, toutefois, ne le restera que
jusqu'à la création d'Eve, appelée aussi Sophia. Qu'il s'agisse du plan
théologique, anthropologique ou cosmologique, le discours mythico/religieux
fait converger les représentations androgyniques vers l'idée d'origine, ce
qui explique que l'androgynie est dans le champ des désirs et fantasmes
majeurs de l'humanité, car l'homme ressent une frustration et donc un logique
désir de retour au stade originel. Que la séparation des sexes fasse partie d'un
processus cosmique ou que la Chute, au sens judéo-chrétien, soit considérée
comme une dichotomie de l'Homme Primordial, il apparaît probable, sinon
évident, que si Eve est née d'une côte d'Adam, c'est qu'elle préexistait en
lui, ce qui implique donc l'androgynie. Androgyne
est la transcription du grec ancien « Andros » et « gunaïkos
», soit : homme/femme. Asclépius, initié par Hermès
Trismégiste, lui demande : « Quoi, tu dis que Dieu possède les deux sexes, Ô
Trismégiste ? » et celui-ci lui répond: « Oui, Asclépius,
et non pas Dieu seulement, mais tous les êtres animés et végétaux. »]. Bien
avant cela, le mythe de l'androgynie avait été présenté par le « Banquet » de
Platon, et représentait un être double et parfait, un modèle originel métahistorique,
dont la réalité préexistait à la Chute originelle. Les Évangiles, les
Épîtres, les manuscrits de toute provenance, utilisent les mêmes termes : «
ni mâle ni femelle », « ...lorsque vous ferez que les deux soient un, vous
deviendrez fils de l'Homme... ». L'Évangile de Jean comptait déjà
l'androgynie parmi les caractéristiques de la perfection spirituelle. En
effet, devenir « mâle et femelle » ou n'être « ni mâle ni femelle » ne sont
que des expressions plastiques pour décrire la « métanoïa », la « conversion
», le renversement total des valeurs. Il est tout aussi paradoxal,
d'ailleurs, d'être « mâle et femelle » que redevenir enfant, de naître de
nouveau ou de passer par la « porte étroite ». Notons au passage que l'un des noms donné à la Pierre Philosophale est « Rebis » - l'être double, ou Androgyne hermétique, prenant
naissance de l'union du soufre et du mercure, dans l'athanor, où ont lieu les
troublantes copulations des « noces chymiques », le coït symbolique du roi
avec la reine, qui ramène à l'unité. A ce point d'évolution, l'Alchimie
déclare « la première opération du Grand Oeuvre terminée » ; On obtient alors
le « Rebis », entièrement débarrassé de ses
tendances matérielles: il a été « blanchi » alchimiquement. On
rencontre ces idées, ces symboles et des rites incalculables sur toute la
surface du globe, et une telle diffusion ne peut s'expliquer que parce que
ces mythes présentaient une image satisfaisante de la divinité, voire de la
réalité ultime, en tant que totalité indivise, et incitaient, en même temps
l'homme à se rapprocher de cette plénitude par des rites et techniques
mystiques de réintégration. Tous ces mythes de l'androgynie archaïque et
divine et de l'Homme Primordial bisexué, révèlent des modèles pour le
comportement humain. L'androgynisation rituelle se
retrouve en Australie avec la subincision [xi] et le travestissement de
filles en garçon et de garçons en fille, en Afrique, en Asie et en Polynésie Dans
la Grèce antique, le travestissement inter sexuel est un usage nuptial Le
travestissement d'un sexe à l'autre est apparenté au besoin de déterminer des
pratiques efficaces, par un processus de type magique, tel que les
Francs-maçons le pratiquent en Loge.
Il s'agit, en somme, de sortir de soi-même, de transcender sa situation
particulière et de se rapprocher d'une situation originelle, pleine de
sacralité. Unir les contraires et transcender L’auteur y développe le symbole de la lumière dans différentes
religions et philosophies, le mythe de l’androgyne, le renouvellement
cosmique et eschatologique, cordes et marionnettes. |
mircea Ḗliade |
Divers Auteurs |
Edition Les Cahiers de l’Herne |
1987 |
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Il s'intéresse très tôt à la philosophie, la philologie et
l'étude des langues étrangères. Vers 1925, il maîtrise déjà l'allemand,
l'anglais, le français et l'italien. Il parlait et écrivait couramment huit
langues (roumain, français, allemand, italien, anglais, hébreu, persan et
sanskrit), mais la majeure partie de ses travaux universitaires a été écrite
d'abord en roumain, puis en français et en anglais. Au
sommaire de cet ouvrage grand format de 400 pages : Textes de
Mircea Eliade : Souvenirs de jeunesse - L’Inde à 20
ans - Journal himalayen - Fragmentarium : les secrets, le symbolisme du jade,
note sur les malades ; note sur la conversation, Propos sur
l’anthropologie, A propos d’un certain sacrifice, Vêtements et symboles, Mort
vivant, Symbolisme de l’or, le chemin du centre, Vacuité, Solidarité, Orgie,
la connaissance gardienne, Fidélité et mélancolie
- Architecture sacrée et symbolisme
- le mythe de l’Alchimie - la
conception de la liberté dans la pensée indienne
- Le folklore comme moyen de connaissance
- Barabudur, temple
symbolique - L’érotique mystique
indienne - Propos sur une philosophie de la
lune - Jung ou la réponse à Job
- Les Bohémiennes - Phénoménologie
et Herméneutique : Julien
Ries : Histoire des religions, phénoménologie et
herméneutique – Georges
Dumézil : Le message avant la mort David
Rasmussen : Herméneutique structurale et philosophie – Constantin
Noïca : Hiérophanie et sacralité Mc Linscott Ricketts : Mircea Eliade et la
mort de Dieu Stephen
Reno : Hiérophanies, symboles et expériences Douglas
Allen : L’analyse phénoménologique de l’expérience religieuse Spiritualité
et régénération : Maurice
de Gandillac : Répétition et
renaissance Monique
Borie : De l’herméneutique à la régénération par le théâtre I.P.
Coulianu : L’anthropologie philosophique Pierre
Pasquier : L’amer festin, histoire des religions et spiritualité Charles
Long : Le sens de l’œuvre pour l’homme moderne Souvenirs,
rencontres et traces : E. M.
Cioran : Les débuts d’une amitié Alexandre
Rosetti : Eliade au temps jadis Cioranesco : Mircea Eliade Eugene Ionesco : Mircea Eliade à Bucarest Michel Meslin : Mircea Eliade Henry Corbin : Mircea Eliade Paul
Ricoeur: Mircea Eliade Goli Taraghi:
Rencontre avec Mircea Diverses
correspondances entre Mircea Eliade et Gaston Bachelard –Georges
Bataille - Charles Baudouin - Jean Daniélou - C. G.
Jung - Ernst Junger - Pierre
Klossowski - Henri de Lubac - Giovanni Papini -
Jean Paulhan - Louis Renou - Raymond Queneau
- Les voies
du fantastique : Virgil Ierunca : Littérature et
fantastique - Jean
Biès : Chamanisme et littérature Sergiu
Al George : Temps, histoire et destin W.
Richard Comstock : Mythes et cinéma
contemporain Simone
Vierne : La littérature sous la lumière des mythes Jacques
Masul : Mythes et symboles Matei Calinesco :
Imagination et sens William
A. Coates : Métaphysique de la
littérature occulte Ion
Balu : Les débuts littéraires |
MIRCEA ḖLIADE - L’ÎLE
D’EUTHANASIUS |
MIRCEA
ḖLIADE |
EDITION
DE L’HERNE |
1981 |
« Le monde qui est le mien est une vallée entourée
de toutes parts de rochers impénétrables élevés comme une muraille du côté de
la mer, si bien que nul être humain ne peut connaître ce paradis terrestre ». Cette
île où s’achève l’existence d’Euthanasius,
préfigure- t-elle une cosmogonie aquatique, une initiation par immersion ou,
tout simplement, le fleuve des eaux amniotiques menant à l’universelle
symbolique des eaux de la renaissance ? Evoquant, tour à tour, les
points de vue aussi bien d’ethnologues tels que Boas ou Kroeber
que du sociologue Malinowski, de l’historien Calinescu ou du
psychologue Rivers, Mircea Eliade
resitue le mythe comme dramatisation du symbole. Dans sa quête du sens
ultime, il explore au-delà des mythes et des religions, l’archétype sous son
aspect le plus archaïque. Dans
ce recueil d’essais paru en 1943 à Bucarest, l’esprit encyclopédique de Mircea Eliade s’illustre aussi bien dans l’histoire
des cultures et des religions, que dans la littérature. Son érudition
phénoménale soutenue non seulement par la hardiesse de son propos mais aussi
par un enthousiasme passionné, donne à ces textes une actualité toujours de
mise quant aux questions fondamentales de l’humanité. Mircea Eliade traite dans cet ouvrage les sujets
suivants : L’Île d’Euthanasius, son symbole,
obsession du Paradis, île transcendante. Les confessions de Julien Green, son obsession de la mort et
des escaliers/degrés. En quoi et comment les documents ethnographiques et les thèmes
folkloriques peuvent servir comme instruments de connaissance. Barabudur,
nouvelle architecture de temple qui permet au pèlerin d’assimiler magiquement
la doctrine bouddhiste, en méditant dans ses galeries ornées de bas-reliefs,
et en lui permettant de se confondre avec le Temple en se réintégrant dans la
divinité. La conception de la liberté dans la pensée indienne. Neti et éternel retour. Notes sur l’art indien. Pays de la métaphysique la plus pure
et iconographie indienne. Ananda Coomaraswamy, avec son premier ouvrage « la
danse de Civa » en 1922, enchanta Romain Rolland, qui le fit connaître.
Ananda est un immense métaphysicien qui, en plus des penseurs indiens
et orientaux se dirigea vers Aristote, saint Thomas et Dante. Il fut le
contemporain de René Guénon avec qui il échangea des correspondances. Un savant russe à propos de la littérature chinoise :
Basile Alexeïev. Le journal de Sei Shonagon. Journaux de peintres : L’Alaska et les
Marquises. De vieilles controverses avec le livre de Paul-Louis Couchoud « le mystère de Jésus » paru en 1924,
livre dans lequel il tente de démontrer que Jésus est une invention de St
Paul. Les lumières du XVIIIe siècle. Le musée social du Village
roumain. L’histoire de la médecine et de la pharmacie en Roumanie. En Angleterre, un nouveau genre de littérature
révolutionnaire. A propos d’une éthique du pouvoir. Lucien Blaga et le sens de
la culture. Joachim de Flore, son message évangélique et L’âge du Saint
Esprit. Un épisode de Perceval. Le Roi Pêcheur, sa maladie et le
parcours de Perceval pour le guérir. Ce parcours qui est le prototype de Don
Quichotte, préfigure notre destin et notre condition humaine, avec la
faillite de l’homme qui refuse de s’interroger. |
MIRCEA ḖLIADE - TOME I -
HISTOIRE DES CROYANCES ET DES IDÉES
RELIGIEUSES - DE L’ÂGE DE LA
PIERRE AUX MYSTÈRES D’ḖLEUSIS |
MIRCEA
ÉLIADE |
Edition
PAYOT |
1976 |
||
La religion des Indo-Européens, les dieux védiques, les
Aryens, Varuna, Devas et Asuras, Varuna, Mitra, Aryaman,
Aditi, Indra, Agni et son feu sacré, Soma et
Vishnou. |
MIRCEA ḖLIADE -
HISTOIRE DES CROYANCES ET DES IDÉES
RELIGIEUSES - TOME II -
DE GAUTAMA
BOUDDHA AU TRIOMPHE DU CHRISTIANNISME |
MIRCEA
ḖLIADE |
Edition
PAYOT |
1977 |
L’histoire en 3 tomes
de l’histoire des religions par Mircea Eliade, représentent une œuvre
magnifique et irremplaçable. Son érudition et sa puissance intellectuelle
synthétique, apportent au lecteur une vision des religions qui, selon sa
formule, fait apparaître à la fois « l’unité
fondamentale des phénomènes religieux et l’inépuisable nouveauté de leurs expressions ». Ce tome II est consacré aux religions suivantes :
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MIRCEA ḖLIADE - HISTOIRE DES CROYANCES ET DES IDḖES
RELIGIEUSES - TOME
III - DE
MAHOMET A L’ÂGE DES RÉFORMES |
MIRCEA
ÉLIADE |
Edition
PAYOT |
1979 |
Ce tome III et dernier tome de la trilogie,
poursuit, de Saint Augustin au siècle des Lumières, l’Histoire des Eglises
chrétiennes commencée dans le tome II. Il étudie également Mahomet et l’essor
de l’Islam et consacre de longs chapitres aux mystiques juive, chrétienne et
musulmane. Il aborde enfin les hérésies, les pratiques populaires et
l’ésotérisme, jusqu’à l’époque des réformes. S’ajoutent deux chapitres
consacrés aux religions eurasiennes et tibétaines. Religions développées dans cet ouvrage :
Mircea Eliade est né en Roumanie en 1907, il s’installe à Paris après la 2e guerre mondiale et enseigne à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. En 1957, il est nommé professeur au département d’histoire des religions à l’Université de Chicago. Jusqu’à sa mort en 1986 il y poursuit son œuvre d’historien des religions, de philosophie, de poète et de romancier, qui trouve son unité dans une interrogation constante sur le sacré. |
MIRCEA ḖLIADE -
FORGERONS ET ALCHIMISTES |
Mircea
ELIADE |
Edition
Flammarion |
1977 |
||
Yabal (ybl «
conduire »); Yubal (yôbel
« trompette »); Tubal (nom d’un peuple du nord,
au pays des métaux). Tubal-Caïn serait « l’ancêtre de tous les forgerons en
cuivre et en fer ». Cela signifie que les généalogies ne sont pas très
fiables historiquement et que les noms sont plutôt des créations visant à
rendre compte du monde tel qu’il est. Tubal-Caïn fut l’inventeur de l’art du forgeron et
des autres arts des métaux, c’est-à-dire, du fer, de l’acier, de l’or et de
l’argent Tubal-Caïn, descendant de Caïn est l’ancêtre des forgerons En effet,
dans certaines langues sémites, Caïn signifie « forgeron ». Il était déjà
d’usage, au temps des Patriarches, de travailler le fer et le cuivre. Les
forgerons fabriquaient des armes et des chars et aussi des statues,
L’exercice de cette profession était donc réglementé. Les forgerons étaient
des artisans recherchés. Caïn eut pour descendants Mathusalem,
inventeur de l’écriture; Tubal-Caïn, habile à travailler les métaux, et
Jubal, inventeur de la musique. Bref, les Fils de Caïn sont les auteurs des
arts et des métiers. En conséquence, quand Jéhovah choisit Salomon, le rejeton
de la race de Seth, pour construire une demeure en l’honneur de son nom, la
sublime spiritualité d’une longue lignée d’ancêtres, divinement guidés,
s’épanouit dans la conception du temple magnifique appelé temple de Salomon,
bien que Salomon ait été simplement l’instrument chargé d’exécuter le plan
divin révélé par Jéhovah à David. Mais Salomon était incapable de
réaliser en forme concrète le dessein divin. En conséquence, il s’est vu
obligé de s’adresser au Roi Hiram de Tyr, le descendant de Caïn, qui choisit
Hiram Abiff, le fils de la veuve. Hiram Abiff est donc devenu le Grand Maître
d’une armée de constructeurs. En lui, les arts et les métiers de tous les
Fils de Caïn qui avaient vécu jusqu’alors avaient atteint leur pleine
floraison. Il était plus habile que tous les autres dans le travail matériel
sans lequel le plan de Jéhovah serait toujours demeuré un rêve divin, sans
réalité concrète. La perspicacité terrestre des Fils de Caïn était aussi
nécessaire à la réalisation du temple. Il y est question de sacrifices humains, de Tubalcain, des
alchimies chinoise et indienne, des météorites, du feu, et de diverses
traditions. |
MIRCEA ḖLIADE - le sacrÉ
& le profane |
Mircea
Eliade |
Edition GALLIMARD |
1965 |
L’auteur
examine dans ce volume la situation de l’homme dans un monde saturé de
valeurs religieuses. Son livre est une introduction à l’histoire des
religions, une mise au point de nos connaissances dans ce domaine. Pour
Mircea, le langage sacré se manifeste toujours comme une réalité d’un tout
autre ordre que les réalités naturelles. Le langage peut exprimer naïvement
le Trementum, ou la majestas
ou le mysterium fascinants par des termes empruntés
au domaine naturel ou à la vie spirituelle profane de l’homme, mais cette
terminologie analogique est due justement à l’incapacité humaine d’exprimer
la ganz andere. Ce
petit ouvrage de Mircea Eliade se situe dans une autre perspective que
l’ouvrage par exemple de R. Otto, l’auteur prétend présenter et expliquer le
phénomène du sacré dans toute sa complexité et non pas seulement dans ce
qu’il comporte d’irrationnel, en ayant toujours à l’esprit que le sacré
s’oppose au profane. Si
le sacré s’oppose au profane, alors l’état de l’homme areligieux est profane.
Dans cet essai, Mircea Eliade a accompli un miracle théologique : condenser
et trouver le dénominateur commun des croyances de tous temps et de tous
lieux. Le sacré surgit sur trois dimensions –dans les emplacements
géographiques- mais aussi sur quatre dimensions –sur la courbe du temps. Il
implique une dimension cosmique en conférant à l’homme religieux une
importance directement liée au rôle que la nature lui attribue, et lui
enseigne une histoire de la vie et de la mort qui prend sens face à l’absurde
de celui qui a fait mourir ses dieux. La démarche de Mircea Eliade est
d’ailleurs inconsciemment areligieuse : suggérer que le profane existe au
même titre que le sacré, n’est-ce pas lui accorder une légitimité au moins
égale ? Pourtant, le cheminement emprunté par Mircea Eliade oppose le sacré
et le profane dans un combat inégal qui fait la part belle au sacré. Après en
avoir exposé les différentes modalités, après avoir évoqué certains exemples
des manifestations religieuses différemment rencontrées dans le monde et dans
le temps, Mircea Eliade expose l’attitude de l’homme areligieux. Malgré
une apparence de libération et d’intégrisme intellectuel, tout n’est que
perte et désolation pour l’homme rendu à son monadisme primordial. Se
détacher de dieu nécessite de se détacher de la communauté –qu’elle soit
famille, village ou humanité-, du foyer, de la nature et du confort. Face à
l’homme moderne rongé par ses nouvelles angoisses existentielles, l’homme
nourri au sacré cesse de sembler naïf et crédule. Il
paraît au contraire avoir déjà réussi à comprendre ce qui motive l’homme
areligieux d’abandonner toute croyance, mais il possède en plus le savoir
qu’il ne se suffit pas à lui-même pour surmonter le néant. En posant sur le
monde une grille d’interprétation religieuse, Mircea Eliade semble vouloir
nous montrer que le croyant transcende la réalité. Le sacré étant le lieu et
le moment de manifestation du réel, l’homme religieux gagne la possibilité de
vivre avec une conscience augmentée de sa propre réalité. «
Une existence « ouverte » vers le Monde n’est pas
une existence inconsciente, ensevelie dans la Nature. L’ « ouverture » vers
le Monde rend l’homme religieux capable de se connaître en connaissant le
Monde, et cette connaissance lui est précieuse parce qu’elle est « religieuse
», parce qu’elle se réfère à l’Être. » Une autre hypothèse concernant le positionnement de Mircea Eliade quant au sacré et au profane se profile lorsqu’on se réfère à la culture et à la contre-culture qui, comme Pierre Bourdieu l’avait déjà fait remarquer, ne sont que l’opposition d’ « une culture à une autre », d’une culture « dominée » à une culture « dominante » -ainsi pourrait-on dire que le sacré et le profane sont des religions tantôt dominées, tantôt dominantes, l’homme intégralement areligieux (ne croyant même plus qu’il ne croit en rien) n’existant pas. En reconnaissant cette fatalité, Mircea Eliade semble toutefois se diriger vers cet athéisme paradoxal qui s’affirme lorsqu’on reconnaît l’impossibilité de son existence. Extrêmement
court et accessible, le
sacré et le profane s’inscrit dans un vingtième siècle marqué
par la mort des dieux. Si les exemples du sacré proviennent de sources
variées, les exemples du profane proviennent presque exclusivement du monde
contemporain à Mircea Eliade. L’essai devient tragique : l’homme s’imaginant
devenir moderne en se montrant areligieux se coupe de tout contact réel avec
autrui, la nature et le monde. En réalité, il ne devient jamais complètement
areligieux et transmet sa foi à d’autres systèmes « athées ». En ne
conservant que ce qu’il y a de pire dans le sentiment religieux (le
dogmatisme, le fanatisme) et en éliminant ce qu’il y a de meilleur (la
communion, le sens), cette nouvelle religion athée semble vouée à
l’autodestruction. Mais peut-être n’est-ce là que la reviviscence du mythe de
l’éternel retour ? … Au sommaire : L’espace sacré et la sacralisation du monde
- le temps sacré et les
mythes - La sacralité de la nature
et la religion cosmique - Existence humaine et
vie sanctifiée - |
MIRCEA ḖLIADE -
INITIATIONS, RITES ET SOCIḖTḖS SECRḖTES |
Mircea Eliade |
Edition Gallimard |
1976 |
||
René Guénon s’est prononcé sur ce point avec une autorité
et une clarté telles qu’il nous suffira de rappeler ce passage important de
l’un de ses plus remarquables ouvrages (Le passage cité est extrait de «
Aperçus sur l’initiation »,« Nous avons déjà, dans ce qui précède, été amené
continuellement à faire allusion aux rites, car ils constituent l’élément
essentiel pour la transmission de l’influence spirituelle et le rattachement
à la « chaîne » initiatique, si bien qu’on peut dire que, sans les rites, il
ne saurait y avoir d’initiation en aucune façon. » Cette dynamique rituelle est
commune, d’ailleurs, à toutes les institutions traditionnelles ; elle a pour but
de mettre l’être humain en rapport, directement ou indirectement, avec
d’autres niveaux existentiels que les nôtres — qu’il s’agisse soit d’états
infrahumains soit d’états supra-humains, les uns et
les autres pouvant être considérés comme « non humains » au sens le plus
simple et le plus général de cette expression. Il ne faut pas voir dans la
communication de telles influences une opération extraordinaire ni
merveilleuse, car ces relations résultent de l’application et de la mise en
œuvre d’une technique rituelle précise, nettement définie, et qui se veut
aussi entièrement indépendante de la valeur personnelle de l’individu qui
accomplit le rite que le demeure, par exemple, l’utilisation de l’électricité
ou de l’énergie à partir des signes figurant sur le tableau central des
commandes d’une usine. Nous verrons, de plus, dans cet ouvrage que
l’initiation traditionnelle présente peu de relations avec la mystique et
demeure une réalité autonome par rapport aux actes de la morale et aux
pratiques de la religion. De même, les rites concernant l’agrégation d’un
individu à une organisation sociale extérieure et selon lesquels il faut et
il suffit d’avoir atteint un certain âge pour participer à leur célébration
ne sont pas nécessairement « initiatiques » comme le supposent trop souvent
les ethnologues et les sociologues. Mais ils peuvent devenir tels dans
certaines conditions que nous examinerons ultérieurement à propos des
sociétés secrètes primitives. |
moi, je ne juge personne
– l’Évangile au-delẴ de la morale |
Lytta
basset |
Edition
ALBIN – MICHEL |
2004 |
C’est
toujours pour de « bonnes raisons » que nous jugeons autrui, au nom d’une
prétendue morale chrétienne, ou de valeurs laïques qui en dérivent peu ou
prou, oubliant l’affirmation de Jésus : « Moi, je ne juge personne. ». Lytta
Basset, pasteur et professeur de théologie en Suisse, analyse ici notre
besoin de juger l’autre, symptôme d’une peur fondamentale. En entrant dans le
récit évangélique de « la femme adultère », nous devenons acteurs de ce drame
dans lequel on voit les défenseurs de la morale religieuse présenter à Jésus
une misérable « traînée », pour qu’il la juge. Au
fil de cette lecture de l’Évangile de Jean, alors que sont convoquées
quelques autres figures bibliques comme celle de Judas, nous sommes peu à peu
transformés de manière subtile, renvoyés à nos angoisses personnelles,
confrontés à notre être profond. Et là, guéris de toute peur par Celui qui ne
juge personne, nous le suivons enfin dans ce pays où il n’est plus question
de jeter la pierre à autrui. D'où
vient cette compulsion à condamner autrui sans l'avoir entendu?» tel pourrait être un autre sous-titre de cet ouvrage. Le
besoin de juger définitivement va souvent de pair avec le besoin d'occulter
notre peur de l'autre en le maintenant à distance, en se fermant à l'inconnu
ou à la nouveauté qui pourrait surgir dans la relation. L'autre peut toujours
nous surprendre positivement.
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moi –
l’Évidence perdue |
Stephen jourdain |
Edition
L’ORIGINE |
2002 |
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Si le Cogito n’avait pas existé, me
serais-je quand même « éveillé » ? Je me suis souvent posé la question. Je ne
sais pas… Possiblement, oui. La petite phrase de Descartes est merveilleuse,
elle possède peut-être une efficacité particulière, mais elle n’est
certainement pas le seul sujet de réflexion qui puisse devenir l’occasion de
« l’éveil ». L’important est que le sujet de réflexion renvoie l’esprit qui
réfléchit à son propre fait, l’oblige à passer et repasser près de son
centre. Or, à peu près toutes les questions que je me posais à cette époque
avaient cette propriété. Par ailleurs, une autre condition de l’éclatement de
« l’éveil » est une tension extrême, paroxysmale de l’intelligence. Je vous
ai dit qu’il n’était guère de jours qui ne me voyaient réfléchir avec cette
intensité. Je ne peux que constater un rapport
entre certaines circonstances mentales et la venue de cette « chose », il me
semble infiniment probable qu’elle naisse toujours en ce même contexte ; il
est donc bien difficile de ne pas parler de condition et de cause. Mais en
même temps, dès que j’emploie ces mots, dès que je fais de la « chose » un
résultat, une conséquence, elle se rebelle en moi, me hurle que je vais
contre sa nature. « L’éveil est nécessairement « l’avant » de toute chose
autre que lui-même et il n’est « l’après » de rien. A côté de ces
circonstances mentales, existe un autre facteur, beaucoup moins visible, du
rôle duquel je n’ai pris conscience que tardivement, et que je ne crois pas
moins essentiel : un certain état de la vision du monde extérieur. Si j’essaye de préciser la nature
de cette vision, ce que je puis dire est que j’étais dans un monde
essentiellement dynamique. Un monde arc-bouté, tendu, jaillissant,
surabondant, faisant craquer tous ses corsages, un monde en marche aussi,
lancé sur la pente d’un présent intense. Ce qui l’avait fait apparaître,
c’était la lecture des poèmes de Rimbaud. L’univers avait commencé de «
travailler » une ou deux années auparavant, la plante était déjà née, Rimbaud
a brusquement amené un printemps, tout en conférant à la plante un visage
défini. Je suis resté une heure ou deux réveillé dans l’obscurité, œuvrant «
l’éveil », grattant l’allumette et provoquant la flamme — qui était une même
chose que le geste par lequel je la faisais brûler —, et jouant un peu avec
cela, je crois, avec émerveillement. Le lendemain matin, ma première pensée a
été « l’éveil », et savais-je toujours faire le geste ? J’ai découvert que
oui, je savais, que cette chose miraculeuse était toujours là, et qu’elle
serait présente jusqu’à ma mort, car je n’oublierais jamais le geste. Je n’ai jamais pensé à la mort dans «
l’éveil » pour une bonne raison, c’est que je n’y pense pas. Ce qui ne veut
pas dire : le silence de la pensée. Le silence de la pensée et l’absence de
la pensée sont des choses tout à fait différentes. On peut ne penser à rien
avec une grande perfection, et il y aura autant de pensée dans cette soi-disant
absence de pensée qu’en la pensée la plus intense. Il serait donc tout à fait
vain de s’appliquer à faire taire sa pensée, à se vider, se laver l’esprit de
toute pensée. « L’éveil » n’est pas une entreprise de vidange, ni de
blanchissage. Je dis ça, parce que j’ai rencontré une personne qui passait
ses jours et ses nuits à faire ça. Je fais monter la flamme de « l’éveil », «
l’éveil » fait monter sa flamme, et la pensée succombe, et c’est une chose
énorme, et fantastique, que cette mort ! Mais « l’éveil » peut très bien
laisser le rêve se déployer (le rêve dont il n’est pas dupe et qu’à tout
moment il peut foudroyer) et persister. Alors l’être « éveillé » pourra
penser à la mort. Une vérité sur la mort se présentera tout de suite : cette
réalité est une hallucination, une pure pensée. Certainement cette position
est, vis-à-vis de « l’éveil », la plus rigoureuse et la, plus fidèle sur la
question de la mort. Maintenant, si j’accorde réalité à la mort, si j’accepte
de me situer au niveau de la pensée qui voit dans la mort une réalité, je
pourrai essayer de répondre à la question : qu’est-ce que la mort ? À la
lueur de « l’éveil ». Cette « chose » est la conscience de soi, c’est la
possession de soi, c’est le temps du soi. |
monod théodore (1902 – 2000) – dvd film |
Karel prokop |
Edition
INA |
1989 |
Savant
inclassable tant le champ de ses connaissances est vaste, Théodore Monod est
doté d’un savoir encyclopédique en sciences naturelles, dans des domaines
tels que la géologie, la zoologie et la géographie. Il fut membre de
plusieurs académies. Sa devise étant « un continent par existence ». Il a
consacré la sienne à l’Afrique ; il a passé 25 ans en Afrique occidentale et
était l’un des plus grands spécialistes mondiaux du Sahara qu’il a défendu avec
force.
En
1988, Karel Prokop a eu le privilège de suivre le professeur Monod, dans
cette enquête scientifique menée au cœur du Sahara.
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monod thÉodore –
terre & ciel - entretiens |
Sylvain
estival |
Edition
ACTES SUD |
1997 |
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Nul mieux que Théodore Monod n’a
su illustrer au XXe siècle l’une des vocations scientifiques initiée par les
plus célèbres savants du Jardin du Roy, celle de naturaliste voyageur. Dans
toutes les disciplines scientifiques auxquelles il a apporté sa contribution,
Théodore Monod l’a fait avec autant de rigueur et d’exigence qu’en est
capable un homme dont la vie entière a été voué à la science. La création de
l’IFAN (Institut Français d’Afrique Noire, devenu en 1965 Institut
Fondamental d’Afrique Noire), qu’il dirigea de 1938 à 1965, lui avait permis
de développer, à l’image du Muséum National d’Histoire Naturelle, une
institution dédiée au continent africain. Devenu en 1974 professeur
honoraire au Muséum où il continuait encore à se rendre chaque jour - quand
il n’était pas en voyage au Sahara. Bien qu’il ne chercha
pas les honneurs, il fut membre de l’Institut (Académie des Sciences, 1963),
de l’Académie de Marine (1957), de l’Académie des Sciences d’Outre-mer
(1949), de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Marine de Lisbonne, de
l’Académie royale des Sciences d’Outre-mer de Belgique, quatre fois lauréat
(médailles d’or) de la Société de Géographie, de l'Académie des sciences, de
la Royal Geographical Society (1960), de l’American
Geographical Society (1961). Il fut docteur honoris
causa des Universités de Cologne (1965) et de Neuchâtel (1968) et commandeur
dans les ordres de la Légion d'honneur, des Palmes académiques et du Mérite
Saharien (1962). Depuis 1922, date de son entrée au Muséum, il a signé près
de 800 publications et communications sur les sujets les plus divers. En effet, naturaliste au sens
plein et vrai du terme, Théodore Monod, s’il resta officiellement zoologiste,
s’est aussi laissé tenter, au hasard des pistes sahariennes, par la
botanique, la géologie, l’archéologie et l’histoire ; mais au-delà de ses
activités scientifiques, ce fut un humaniste, ouvert aux joies de la
contemplation, au sentiment de l’unité du cosmos, à la splendeur du monde, à
la sympathie et à la pitié pour tous les êtres vivants. Grand défenseur de la
nature, il s’était mobilisé sur tous les fronts de la conservation de la
nature et des droits des animaux : il fut notamment le très actif président
du Rassemblement des Opposants à la Chasse (R.O.C.), vice-président de la
Société Nationale de Protection de la Nature (S.N.P.N.) et membre du Conseil
de la Ligue Française des Droits de l’Animal (L.F.D.A.). L’expression
« respect de la vie » résume au mieux son parcours et justifie ses
engagements. Protestant, philosophe, pacifiste,
non violent convaincu, il défendait sans relâche les valeurs de conscience et
de responsabilité de l’homme face à ses semblables et avait pris position
dans toutes les luttes pour le respect des droits de l’homme et le respect de
la vie. Anti-nucléaire, végétarien, sobre et abstinent, il jeûnait chaque
année le 6 août, lors de l’anniversaire de la destruction d’Hiroshima par la
bombe atomique. « Face aux menaces, disait-il, il faut que l’homme
s’hominise ». Cet « obscur apprenti chrétien » pensait que le
christianisme n’a pas échoué mais qu’il n’a pas encore été essayé. Pierre
Teilhard de Chardin, son ami et correspondant, lui avait écrit : « Vous
êtes le seul homme, parmi ceux que je connaisse, qui ait à la fois et
également en lui le double sens de l’En-haut et de l’En-avant ». Il
n’était déçu de rien, sauf peut-être de la disparition du vocabulaire
universitaire ou académique de ces mots aussi fondamentaux que
« botanique » ou « zoologie ». Après un an d’hospitalisation, il
quitta ce monde terrestre le 22 novembre 2000, à l’âge de 98 ans. Avec la
consigne qu’il répétait inlassablement : « Le peu, le très peu que
l’on peut faire, il faut le faire quand même. Sans illusion. Il faut
espérer. » Naturaliste, botaniste, océanographe et ichtyologue, ancien
directeur de l’Institut d’Afrique noire et professeur au Muséum d’histoire
naturelle, Théodore MONOD (1902 – 2000) a publié une œuvre riche de nombreux
ouvrages. |
MONOD - L’ḔMERAUDE DES GARAMANTES – SOUVENIRS D’UN SAHARIEN |
Théodore
Monod |
Edition
L’Harmattan |
1984 |
Le désert, en près de soixante d'années
d'explorations et de reconnaissances, c'est peu dire que Monod s'en est
imprégné. Ses sables, ses pierres et ses lumières, son silence et son
immensité lui sont intimes : Monod véhicule le désert, à l'image de ses
chameaux, dont il a fini par adopter certains caractères, comme le
ruminement ! Entrecoupé de poèmes, de réflexions sur la guerre, les
animaux, Spinoza et le chevalier de Boufflers, Ramakrisna et la pensée
protestante, L'Émeraude des Garamantes, véritable précis de navigation
en haute mer saharienne, conte un voyage intérieur. Ascète quasi mystique,
Monod sait irriguer son discours aux sources d'une culture exceptionnellement
riche. Les digressions, les cris de révolte devant la bêtise des hommes, ou
d'émerveillement à découvrir telle petite plante solitaire, telle pierre
scintillante sous une nuit étoilée, rythment le récit de celui qui de cet
ailleurs mythique aura su faire son jardin. – Méharées couvrait la période 1922
à 1936 : ce second volume de souvenirs et de réflexions, après un chapitre
" en amont " - enfance et jeunesse - reprendra le récit " en
aval " jusqu'à la date où ce livre, commencé en 1940, est enfin terminé.
La forme sera d'ailleurs, cette fois, un peu différente, en ceci qu'on ne se
bornera plus aux seules curiosités du décor mais que l'on acceptera de
laisser transparaître parfois derrière celles-ci la respiration d'une âme
convaincue que si " l'homme ne vivra pas de pain seulement ", ce ne
sera pas non plus seulement de botanique ou de préhistoire, que les
insatiables appétits de l'intelligence n'ont jamais assouvi ceux du coeur et
que la réalité profonde ne réside pas toujours où l'imagine la traditionnelle
médiocrité des " sages ". Un livre inclassable et sui generis,
précis et terre à terre - ou sable à sable - quand il raconte et décrit, mais
quittant le sol et " décollant " quand les convictions sont en jeu |
MONOD - LE CHERCHEUR D’ABSOLU |
Théodore Monod |
Ed. Cherche-Midi |
1997 |
Qui
aurait pu imaginer que la photographie sépia d'un enfant au visage de fille,
tout droit sorti des Ménines de Vélasquez, représentât Théodore Monod à l'âge
de cinq ans ? Les Français ont en tête le visage d'un vieux sage de
quatre-vingt-sept ans, la tête ornée d'une barbe blanche et d'un bonnet de
laine, arpentant les sables un bâton à la main. C'est celui qu'ils ont
découvert avec le film télévisé de Karel Prokopp, «
Le Vieil Homme et le Désert " diffusé en 1989. L'exposition du Muséum
national d'histoire naturelle, « Le siècle de Théodore Monod » (1902-2000)
rend hommage à un homme aujourd'hui célèbre, qui a sa place dans notre
panthéon imaginaire aux côtés d'un Albert Schweitzer et d'une mère Teresa,
mais, au fond, peu connu. Elle a lieu dans la galerie de minéralogie-géologie
du musée. A gauche, le déroulement de sa vie, depuis la présentation de
l'arbre généalogique des Monod, lignée de pasteurs et médecins protestants,
originaires du pays de Gex, territoire genevois, puis français à partir du
XVIIe siècle. A droite, l'oeuvre scientifique, qui s'ouvre sur des poissons
noyés dans le formol, pêchés sur les côtes mauritaniennes au début des années
20. Quête
scientifique et spirituelle - Sous le jeune Théodore perçait déjà le grand
Monod, l'écrivain (il publie près de 1.900 écrits : articles, ouvrages
scientifiques, livres de vulgarisation), le scientifique, le métaphysicien
tourmenté et l'homme trop grave pour jouer les importants. A quatorze ans, il
écrit déjà, et fort bien. Sous le pseudonyme de « Paganel
», il fait le récit d'un voyage botanique et zoologique dans le Midi. Un an
plus tard, il pose les statuts d'une société d'histoire naturelle, qui aura
pour membre d'honneur, excusez du peu ! André Gide. Théodore Monod est un
dessinateur doué, à l'aise dans les croquis botaniques, inventif dans les
bandes dessinées dédiées à sa fille Béatrice et perspicace dans les
caricatures (voyez celles de Pétain et d'Hitler qu'il fit à Dakar). C'est
aussi, « last but not least », un poète à la Prévert. Lisez son poème «
Abyssinie », sur papier à en-tête de la faculté des sciences de l'université
de Paris : « A tous ses condisciples/Tous ses compatriotes/Tous les
conquérants/Le professeur a dit/Je vous invite tous/Sur mon escarpolette/A
moteur électrique/Pour se taper la cloche/Aux îles sous le vent. » Grâce
à sa correspondance (avec, entre autres, Teilhard de Chardin), ses photos (un
coup d'oeil au portrait dédicacé par de Gaulle
pendant la guerre : « Au président Monod, mon bon compagnon »), ses
collages (à la manière des surréalistes), ses vêtements, son matériel de
voyageur (nous recommandons le « manguesch », un
tire-épine qui coupe la peau, creuse autour de l'épine, puis l'arrache :
utile en zone aride), cette exposition révèle, au-delà de l'image figée du
vieux monsieur à l'élégance sans afféterie, derrière l'icône du « saint
laïque », l'enfant, le jeune homme, l'homme mûr, le sage, que le titre d'un
de ses livres, « Le Chercheur d'absolu » ne saurait mieux qualifier. Car,
au fond, qui est Théodore Monod ? Spécialiste de la vie des fonds marins, il
devient un « fou du désert », un « majnoun », comme
le surnommaient ses amis Maures et Touareg. Formé au moule du rationalisme
scientifique, il ne cesse de s'interroger sur Dieu. Homme de laboratoire et
administrateur, il multiplie les expéditions océanographiques (y compris la
première plongée dans le bathyscaphe du professeur Piccard !) et les
méharées. Avec pour seul but de nourrir cette double quête, scientifique et
spirituelle, qui sera la sienne toute sa vie durant. « Ce qui rapproche du
marin l'homme du désert (...), disait-il à ceux qui l'auraient accusé de
dispersion, c'est peut-être, par-delà l'évidente mais secondaire diversité
des matériaux, une identité du néant »... Comment,
donc, définir cet homme sur le berceau duquel les fées s'étaient assurément
penchées ? « Théodore Monod est le dernier grand voyageur naturaliste »,
tranche le professeur Jean-Claude Hureau, le
commissaire de cette exposition et auteur de l'indispensable catalogue.
Ancien élève, puis collègue en ichtyologie (l'étude des poissons) de Monod,
il voit en lui « le plus grand scientifique du Muséum », par son
éclectisme et son talent de perpétuel découvreur. Botaniste, il constitue un
herbier recensant plus de 5.000 numéros, grâce à son « tape-cul système Monod
» _ deux planches reliées par des sangles, à l'intérieur desquelles il
faisait sécher ses plantes _ et qu'il portait en bandoulière. En 1939-1940,
passionné par son sujet, il traverse le territoire ennemi (la Libye occupée
par les Italiens) et débusque une petite plante nouvelle pour la science, une
gentianacée, baptisée de son nom : « Monodiella flexuosa ». Géologue « amateur », précisait-il, il met au jour, pendant son service
militaire comme chamelier de deuxième classe dans une compagnie méhariste,
une formation de couches rouges, épaisses de plusieurs centaines de mètres,
plissées et tranchées au sommet par la surface du Tassili. Il la nomme «
série pourprée de l'Ahnet ». Il s'agit, disent les
spécialistes, du premier et plus remarquable exemple de molasses panafricaines...
Monod est aussi le premier auteur d'une étude détaillée sur les falaises de
l'Adrar mauritanien et la supercherie de la « météorite de Chinguetti ».
Passionné de paléontologie et de préhistoire, il met au jour en 1927 un
squelette datant de quarante-quatre mille ans, qui constitue l'un des rares
témoignages de la présence au Sahara des hommes du paléolithique supérieur...
Ce
Pic de la Mirandole au palmarès brillant était d'abord zoologiste,
spécialiste des poissons et, plus encore des crustacés, sur lesquels il
n’écrivit pas moins de 185 articles. Les isopodes, stomapodes et décapodes
n'avaient pas de secret pour lui. En revanche, les amphipodes et les
mysidacés, plus connus sous le nom de puces de mer et de crevettes, ne l'ont
jamais attiré, constate Jean-Claude Hureau.
Saura-t-on un jour pourquoi ? Mais, là encore, ses talents de découvreur font
merveille. En 1924, il décrit une nouvelle famille marine, celle des thermosbaenacés. Quant à ses études sur les poissons _ à
tout hasard pour les amateurs, depuis sa « Contribution à la faune du
Cameroun » (1927), à sa « Classification fonctionnelle des engins de pêche »
(1973) _ elles font toujours autorité. Pour expliquer ce cheminement, cet
entrelacs, Monod disait avec ce goût consommé de la litote qu'une extrême
pudeur lui commandait : « J'ai cédé, et si c'est une faute, sans trop de
remords je le confesse, à des fascinations successives, à des tentations qui
me trouvaient désarmé, aux incitations d'une insatiable curiosité. » Monod
fut un homme de son siècle. Epris de désert, il n'avait rien d'un anachorète.
Il veillait sur le monde, s'inquiétait de ses errements. « Violemment non
violent », selon son expression, il sut s'opposer, résister, avec
courage. A la publication du statut des juifs par le régime de Vichy, il
écrit à l'autorité locale de Dakar, où il dirige l'Institut d'Afrique noire :
« Je n'ai pas l'honneur d'appartenir au même peuple que Jésus-Christ,
saint Paul, saint Jean, Maimonide, Spinoza, Mendelssohn, Einstein et Bergson.
Mais ma femme, plus heureuse [Olga Monod était d'origine juive tchèque], a
ce privilège. Puis-je donc vous prier d'avoir l'obligeance de me faire tenir
les imprimés nécessaires à son immatriculation... » Chargé d'une
chronique sur Radio-Dakar pour maintenir le moral des populations, il écrit
des billets, qui, sous couvert d'érudition et d'humour, dénoncent le nazisme.
En octobre 1941, la censure lui demande de tronquer une intervention. Il
refuse. Sa chronique est supprimée. Monod écrit à Pétain pour lui notifier
son refus de prêter serment. Il publie d'autres textes de résistance (repris
dans « Le Chercheur d'absolu »). Il
s'engage à nouveau pendant la guerre d'Algérie, en signant le « Manifeste des
121 » appelant à l'insoumission que viennent de publier les Editions de
Minuit fondées par son ami et ancien condisciple de l'école Alsacienne,
Vercors (alias Jean Bruller, auteur du « Silence de la mer », en 1943). La
sanction est immédiate : son traitement est suspendu. Théodore Monod poursuit
son combat, ardent défenseur de l'environnement et adversaire résolu de la
guerre et de l'arme atomique. Hiroshima et Nagasaki marquent, dit-il, la fin
de l'ère chrétienne et le début de l'ère nucléaire. Sa « ligne » politique
tient en une phrase : « L'utopie, ce n'est pas l'irréalisable, c'est
l'irréalisé. » L'un de ses derniers combats sera celui des Touareg, dont
le nomadisme est entravé par les frontières et la souveraineté des Etats. «
Détruire un peuple qui sait vivre en autarcie, qui souhaite
l'autodétermination et pouvoir circuler librement sur quelques arpents de
sable, est un bel exemple de dictature gratuite », dit-il. Jean-Claude
Hureau a raison de voir en Théodore Monod un «
mystique caché ». La question religieuse le taraude depuis l'enfance.
Adolescent, il hésite entre les études de naturaliste et de théologie, mais
en choisissant la voie scientifique, il n'exclut pas la religion. « Mes
recherches scientifiques, confie-t-il, sont doublées d'une quête
religieuse, d'une exploration intérieure très forte qui s'accomplit
d'elle-même, sans le secours d'une méthode. » Cette quête court tout au
long de son premier livre, « Maxence au désert » (Actes Sud), récit par le
jeune océanographe de sa découverte du désert, avec une caravane qui relie
Port-Etienne (Nouhadibou) à Port-Louis, en
compagnie du « Voyage du Centurion » (1915), petit livre d'Ernest Psichari,
le petit-fils de Renan racontant la vie quotidienne d'un lieutenant méhariste
et les étapes de sa conversion à l'Eglise. « Comme de Foucauld,
écrit-il, il lui avait fallu l'abjection du péché pour passer, en
expiation, au plus ardent mysticisme. N'est-il pas possible d'arriver aux
cimes sans séjourner dans la fange des bas-fonds ? » Vingt-huit ans, le
fils de pasteur publie « Le Livre des martyrs », et plus tard, un « Livre de
prières », exposés au Muséum. Monod
se disait « protestant libéral » : la conduite, la discipline de vie priment
sur la récitation de textes dogmatiques. Mais au fond, le secret, le mystère
du « métaphysicien » Théodore Monod est dans sa fascination pour la solitude.
« La solitude qu'il aimait, qu'il a vécue, nécessaire à l'introspection et à
la réflexion personnelle, lui aura été une force, écrit sa biographe
Nicole Vray, une douleur aussi parfois, parce
que source d'incompréhension. Et le goût de la liberté, le refus d'un
quelconque enfermement, source d'une puissance de l'être, mais cause
également de cette même solitude. " Là est sûrement la vérité
de ce personnage aux mille facettes. |
MONOD - MḖHARḖES ET AUTRES
TEXTES |
Théodore Monod |
Edition Actes Sud |
2017 |
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Au XXe siècle, le Sahara a eu son explorateur-savant, Théodore Monod. Sous le titre Méharées et autres textes, volume de plus de 1 400 pages publié aux éditions Thésaurus-Actes Sud, sont rassemblés ses écrits littéraires dessinant non sans humour une fresque des régions sahariennes, de l’Atlantique au Nil, traversées durant sept décennies. Une façon de parcourir ce monde aujourd’hui évanoui. « Il faut le regarder, ce Sahara, de
plus près, au ras du sol, au triple point de vue du chamelier, du chercheur
et de l’homme. Et tout d’abord parler du vrai désert. » (Théodore
Monod, L’émeraude des
Garamantes) Durant sept décennies, Théodore Monod a arpenté le Sahara pour
construire sur le grand désert un savoir multiple. Botaniste, zoologue,
géologue, ethnologue, préhistorien, Monod fut un encyclopédiste saharien. Les
textes rassemblés dans ce volume par Actes Sud sont la part publique,
littéraire, d’une œuvre scientifique comprenant des centaines d’articles et
de notes. Comme l’Amérique tropicale avait
illustré Alexandre de Humboldt, le Sahara a eu son explorateur-savant,
Théodore Monod. Deux très longues vies consacrées au savoir et à sa
diffusion, tendues entre l’empirisme de l’enquête de terrain et la méditation
sur la portée de ce travail. Monod se distingue de son illustre prédécesseur
par de fréquentes touches d’humour dans la relation de ses explorations et de
ses réflexions. La question de l’eau, la gestion des dromadaires, la
frugalité du bivouac, la distinction des vraies découvertes et des fausses
trouvailles lui permettent de dissiper un mirage, celui du savant-héros. Théodore Monod (1902-2000), descendant
d’une lignée de pasteurs, choisit d’être le compagnon des nomades. Cette
vocation, née dans la fréquentation assidue du Jardin des plantes à Paris,
fait de lui l’expert du paysage minéral le plus étendu de la planète. La
méharée est le parcours mené sur un dromadaire de selle (un méhari), et la connaissance de
l’immensité saharienne, avant le 4 x 4, l’avion et le satellite, a
été permise par cette pratique : Monod est le virtuose tenace de cet
empirisme chamelier. Il a appris de ses guides comment choisir ses méharis
(des pieds sains et une bosse pleine et souple), comment les ménager en
réduisant leur charge (ce qui implique de les soulager en marchant) et
comment adopter pour la nourriture et la boisson un régime très frugal. L’initiation à la vie au désert débute
en 1923 par un Paris-Dakar pour échapper à une épreuve affective, l’épisode
ultime est une expédition en 1993, pour laquelle le nonagénaire accepte
d’être motorisé. L’immensité et la diversité sahariennes offrent au
naturaliste un champ d’explorations et d’études pour plusieurs décennies. Ce
thésaurus est composé de sept textes qui, rassemblés, forment une fresque des
régions sahariennes, de l’Atlantique au Nil, du Maghreb au Sahel. In fine, de campagne en campagne,
l’œuvre de Monod est coextensive du grand désert, elle le couvre dans sa
totalité et ses parties. En faisant halte au long de ces 1 500 pages, on
se demande parfois si notre temps présent, où le Sahara connaît d’autres
tempêtes que celles de ses sables, permettrait une telle ouverture et une
telle continuité dans l’enquête, alors que la technique multiplie les moyens
d’observation. Sous la grande ombre toponymique
« Sahara », Théodore Monod restaure les désignations vernaculaires,
arabes et touareg – Tanezrouft, Majâbat
al-Koubrâ, le Mreyyé… –,
que les Sahariens ont donné à ces unités de plusieurs dizaines de milliers de
km2 mais dont la vraie dimension est donnée par le nombre de
journées de méharée entre deux probables points d’eau potable. Des cartes et
des croquis situent ces récits, tracent les pistes. Des lexiques initient à
la terminologie saharienne : végétation tenace, sables variés, cailloux
anguleux, qualité de l’eau. Dans le désert, la sociabilité est une condition
de survie ; Théodore Monod sait que le savant a besoin de ses guides et
de ses aides, et ceux-ci considèrent avec bienveillance la curiosité
insatiable de ce pair en endurance. Il arrive souvent que cette poignée
d’hommes accablés de chaleur rencontre, foule et observe les vestiges que les
Sahariens d’un passé proche ont laissés : pierre taillée, os travaillé,
harpons, coquillages, enfin, dessins sur parois. Monod évoque ce Sahara vert,
lacustre, non comme un mirage paradisiaque mais comme un moment proche, de
nature et de cultures vivantes. |
MONOD – ARCHIVES D’UNE VIE |
Amboise
Monod et M. Berne |
Edition
Chêne |
2010 |
Grand savant, à la fois
botaniste, géologue, archéologue, spécialiste des poissons et des crustacés,
Théodore Monod était un naturaliste de génie. Mais il était avant tout
l’homme du désert, l’explorateur insatiable n’hésitant pas à partir dans des
conditions difficiles. Cet ouvrage est l’occasion de retracer ses incroyables
méharées à travers les magnifiques photos de ceux qui l’ont accompagné. Parmi
les premiers à s’intéresser et à lutter pour l’environnement, Théodore Monod est
l’homme des engagements forts et multiples. Tout au long de sa vie, il a
résisté, pendant la guerre d’abord, puis contre toutes les injustices
commises envers les hommes, et contre les dégradations de la planète. A
partir des archives personnelles des enfants et de la famille de Théodore
Monod, cet ouvrage dévoile des documents exceptionnels et inédits : du livret
tenu par sa mère à sa naissance jusqu’à ses carnets d’exploration… Suivant un plan chronologique et thématique, l’ouvrage montre, à
travers les photos, les manuscrits illustrés, les lettres, les objets
personnels, toutes les facettes de Théodore Monod : l’homme de science,
l’homme engagé, l’homme de foi. Théodore André Monod, né le 9 avril 1902 à
Rouen et mort le 22 novembre 2000. Ce livre sera un très beau cadeau pour
tous les passionnés d'explorations et de voyages. Un
nouveau livre sur Théodore Monod ? Oui, mais celui-ci édité à l'occasion du
dixième anniversaire de sa disparition, est le premier qu'il n'ait pas écrit
ni relu. Son sous-titre traduit bien son originalité. Il est construit à
partir de l'énorme fonds documentaire que les enfants de Th. Monod ont donné au Muséum, à la fois papiers scientifiques et
personnels, correspondance et dessins, mais aussi du très important fonds
Wilfred Monod (père de Théodore) que conserve la SHPF. Mauricette Berne,
Conservateur général des Bibliothèques, a dû opérer un choix dans cette masse
de documents. Douze personnes ont participé à l'écriture de ce livre, autour
de son fils Ambroise, des collaborateurs au Muséum ou des amis qui avaient
traversé un désert avec lui. La
beauté de cet ouvrage tient à sa magnifique iconographie, des photos et des
dessins. Car, que ce soit Wilfred ou ses fils, tous dessinent admirablement,
dans un genre sérieux ou caricatural. Samuel, le frère de Théodore, sous le
nom de Maximilien Vox, fut un peintre-graveur et publicitaire célèbre. C'est
aussi une famille où l'on écrit beaucoup. Pas d'anniversaire ou de fête sans
un poème. La correspondance est abondante, familiale ou officielle. Théodore
en Afrique écrivait chaque semaine à ses parents, « Mes bien
aimés », ou à sa femme Olga. Il tenait des carnets personnels. Ses
livres - comme d'ailleurs ceux de Wilfred - sont très nombreux. Quant à ses
articles et ouvrages scientifiques, entre 1921 et 1999, il y en a plus de
2000. Ce bel ouvrage est divisé en trois parties. La première, « Les
racines d'une vie », est plutôt familiale. La deuxième, « Une vie
singulière et plurielle », concerne le scientifique, le professeur, le
chercheur, le directeur de l'IFAN, Institut français - Fondamental
aujourd'hui - d'Afrique Noire de Dakar qu'il a créé, avec ses trois musées,
une bibliothèque et deux revues scientifiques. Il l'a dirigé pendant un quart
de siècle. Quant à la troisième, « La quête du Graal », elle est
tournée vers la spiritualité, mais elle rappelle aussi quels furent les
engagements politiques et humains d'un « protestant protestataire »,
antimilitariste, anticolonialiste, signataire de l'Appel des 121 en 1960,
adepte de la non-violence, défenseur des animaux, militant contre la chasse
(ROC), la corrida et ce gaspillage obscène du Paris-Dakar. Celui
qui se disait à la fin de sa vie « le plus ancien paroissien de
l'Oratoire » a participé à la création par son père de l'ordre des
Veilleurs auquel il est resté fidèle toute sa vie, tout comme au culte
familial quotidien. Les photos du vieil homme marchant dans une immensité de
sable rappellent la place que le désert a occupée dans sa vie, non seulement au plan scientifique, mais au plan spirituel, car il y
retrouvait l'austérité, le dépouillement, le silence et l'effort physique qui
permet le dépassement de soi : « on entre au Sahara comme on entre en
religion », disait-il. Ce livre mérite bien son sous-titre
« Archives d'une vie », et quelle vie ! une longue vie (1902-2000)
consacrée à la science et à la foi, ce qui pour lui ne faisait qu'un :
« Les jouissances que me procure l'étude de l'histoire naturelle sont
inexprimables : et loin de détourner de la pensée de Dieu, la Nature nous
remplit de stupeur pour l'œuvre de l'Éternel. C'est un privilège de pouvoir
étudier la vie à la surface du globe ». Ce sentiment qu'il exprimait
ainsi à 16 ans fut celui de toute son existence, et montre que les trois
parties de ce livre, en fait, s'entremêlent pour traduire l'unité d'une vie. |
monsieur de saint-george
– le nÈgre des lumiÈres |
Alain guÉdÉ |
Edition
BABEL |
1999 |
||
Saint-Georges
aurait même pu diriger l’Opéra royal, s’il n’avait été la cible d’une
méchante cabale raciste. Le chevalier fut aussi un grand séducteur, mais là
encore sa qualité de métis devait le condamner à des aventures féminines sans
lendemain, le privant de la perspective du mariage et de la fondation d’un
foyer avec une personne de sa condition. Il passe aussi pour avoir été le
premier homme de couleur reçu dans la franc-maçonnerie – la légende
prétend qu’il fut intronisé avec un sac sur la tête –, circonstance qui
contribua à le rapprocher de la famille de Philippe d’Orléans, alors grand
maître du Grand Orient de France. En 1789, Saint-Georges se rallia tout naturellement à une
Révolution qui proclamait l’universalité des Droits de l’homme et l’unité du
genre humain, en attendant de pouvoir l’appliquer effectivement à l’ensemble
des terres françaises, contre la résistance farouche du très puissant lobby
colonial en France et outre-mer. Devenu, à l’automne 1792, un des premiers
officiers de couleur de la Garde nationale puis colonel dans l’armée
française, le ci-devant chevalier joua un rôle de premier plan dans la
défense de Lille contre les Autrichiens, puis contribua à déjouer la trahison
de Dumouriez en Belgique au printemps 1793. En
dépit de son indéfectible loyauté patriotique, Saint-Georges, qui s’était
opposé à Marat et avait gardé des liens avec les Orléans, fut injustement mis
en cause et même incarcéré sous la Terreur. Ayant semble‑t‑il
échappé de peu à la guillotine en juin 1794, il revint à la vie civile après
Thermidor, période où, passablement désargenté et quelque peu marginalisé, il
reprit la composition musicale (outre de magnifiques quatuors aux adagios
nostalgiques, on lui doit de belles pièces orchestrales et vocales, ainsi que
des opéras, malheureusement presque tous perdus). Sous le Directoire, qui
l’envoya d’ailleurs pour une brève mission à Saint-Domingue, Saint-Georges
resta un fidèle républicain, jusqu’à sa disparition en juin 1799, trois ans
avant que Bonaparte ne rétablisse l’esclavage dans les colonies françaises. C’est
le destin exceptionnel de ce répudié de l’histoire que retrace ici Alain
Guédé, avec une allégresse et un brio qui rendent hommage à la vitalité et la
prééminence dans son siècle du grand Saint-Georges. |
monsieur gurdjieff |
Louis
PAUWELS |
Edition Albin Michel |
1979 |
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- le cherche un homme -
fable du sculpteur qui passe sa vie à polir son ébauche - la
tragédie du moi - la psychologie comme abus de
confiance - le dormeur éveillé - les vieux thèmes du
sacrifice et de la mort à soi-même - Allusion à Jean-Paul
Sartre - une aventure de Raymond Abellio - un petit
cousin de Lucifer - L’annonciateur du bien - des milliers de
pages de musique - les séances de lecture à haute voix
- Le récit de M. Kenneth Walker - Gurdjieff et la
musique - les récits de Belzebuth -
la morale des caméléons - ce que disait Hamlet de son père
- L’étude de M. Denis Munson
- En regard de Gurdjieff, Nietzsche est un iconoclaste
- Dialogue sur le vaisseau interplanétaire - Belzébuth est
meilleur conteur que Shéhérazade - de l’Egypte ancienne à
Léonard de Vinci en passant par le Mont Saint-Michel
- Swift - L’essai de M. L. Travers - les
contes de fées décrivent la totalité du destin humain - la belle
au bois dormant et la vieille lutte contre le sommeil - l’art
orphique - les contes de fées indous et persans -
William Blake - l’œuvre provocante de Gurdjieff
- Les Philosophes de la forêt : - une
carte de Jean Paulhan sur la tricherie - les 6 dernières
semaines du vrai Gurdjieff à Essentuki
- la révolution russe - la rupture avec
Ouspensky - les coups d’essai de Tiflis, Constantinople, Berlin
et Londres - l’arrivée en France - Grande
parade au théâtre des Champs Elysées - grande parade au théâtre
de New York - ce qu’était les mouvements
et les danses - que se passe-t-il au prieuré
d’Avon ? - ce que voyaient les étrangers -
de Tiflis à Fontainebleau - la vie quotidienne au Prieuré
- visite de Denis Saurat à Gurdjieff - la
transformation d’orage - Poincaré voir en Gurdjieff l’ennemi des
soviets - les pouvoirs surnaturels de Gurdjieff -
l’étable de Katherine Mansfield - Féerie dans
le hangar d’aviation - sentiment général du visiteur du
Prieuré - L’exemple Rabelais - Sartre
- le Temps défend Descartes - Ce que vivaient les
disciples - Un psychanalyste chez Gurdjieff -
Analyser et guérir une névrose - Le docteur Young cherche
les secrets de la volonté - le vrai sa voir commence par
l’expérience intérieure - Récits et méthodes du docteur
Young - Gurdjieff avec l’automobile et la
médecine - Georgette Leblanc - Maurice Maeterlinck
- le château de Villennes - coup
de chapeau au Phénix - Colette - Gurdjieff et la
multiplication des obstacles - l’angoisse de n’être plus
rien - le poison religieux - Une intellectuelle
d’avant-garde : Margaret Anderson - Le récit de Margaret
Anderson et sa rencontre au Prieuré avec Gurdjieff - Le
dernier espoir de Katherine Mansfield qui cherche un médecin de l’âme
- John Middleton Murray - Le drame de
Londres - les conversations avec Orage - le docteur Manouchkine - a la recherche de
l’amour conscient - Toutes les lettres qu’écrivit chez Gurdjieff
Katherine Mansfield - Monsieur Gurdjieff et nous : Paris -
Gurdjieff choisit le désordre - Témoins à
charge - le récit de Paul Sérant
- la crise de la jeunesse au lendemain de la guerre - les
insuffisances de l’église - ce qui se passait dans les groupes et
les exercices chez Gurdjieff - pourquoi Pauwels a
quitté l’enseignement de Gurdjieff - l’atrophie de la
raison et l’hypertrophie du moi - un ami de René
Daumal et de Roger-Gilbert Lecomte - les rapports entre la
drogue et la connaissance mystique - Aldous Huxley
- Pierre Minet - Irène-Carole Reweliotty
- les tuberculeux du plateau d’Assy - rencontre avec Luc
Dietrich - Extrait du journal intime
d’Irène-Carole Reweliotty
- René Dazeville
- L’Homme qui risqua sa vie pour tenter de conquérir la
vérité - les malheurs de Sophie - la chronique de
Frances Rudolph - Belzébuth dans la parc de Baltimore
- le nouvel art d’être chrétien - Madame Blank
- la salle Pleyel - je deviens derviche -
Pourquoi tant d’humiliation - le fameux docteur Fish
- Miss Stumble - la
grande peur et pourquoi et comment on nous hypnotise - les mages
noirs - un sage hindou - Témoins à
décharge : Dorothy Caruso - le café chez
Gurdjieff - Georgette Leblanc - Gurdjieff
joue de l’orgue - René Barjavel et son unique rencontre
avec Gurdjieff - Monsieur Salzmann - j’ai
bu à la vérité et je dois tout à l’enseignement - Le vieil homme
et les enfants du siècle - Pierre Schaeffer ou l’intelligence du
désordre - Esotérisme polytechnicien - Un
moderne thaumaturge - dans le salon de Gurdjieff
- un maquignon des reins et des cœurs - la querelle
janséniste - les séances de lecture chez Gurdjieff
- le charabia sacré - L’Ennéagramme - Littérature : Le Verbe qui se fait chair
- exemple des mots arbre et amitié - Rolland de Renéville - René Daumal et la tentation
luciférienne - une aventure qui entraine vers les portes de
la mort - l’agonie de Luc Dietrich, la
« fiancée » - Paul Sérant
fait un roman pour se prouver à lui-même qu’il peut se dégager -
le Champs de Mars - les moutons de Saint-Paul de Vence
- L’œuvre en marche de René Daumal et ce qu’en disent ses compagnons de
route des premières années - la lettre de Pierre Minet contre la
« voie sèche » empruntée par Daumal - les fruits
d’un arbre dont l’ombre est mortelle - la guerre
sainte - quelques mots pour prendre congé, ou la fable du
singe et de la calebasse - |
monsieur gurDjieff
georges ivanovitch |
Les
Dossier H - vircondelet |
Edition
L’ÂGE D’HOMME |
1992 |
La
force du message d’éveil de Gurdjieff apparaît aujourd’hui, avec la
publication de ses textes et de ses partitions musicales, dans toute sa
transparence. Il n’en a pas été de même de son vivant. Gurdjieff reste encore
mal connu en France où il vécut pourtant les dernières trente années de sa
vie.
Aujourd’hui,
quarante ans après, certains d’entre eux et des plus proches, acceptent de
témoigner. C’est un des privilèges très positif des Dossier H d’avoir pu
recueillir leurs témoignages. George Ivanovitch Gurdjieff fut
l’un des maîtres spirituels les plus influents du vingtième siècle. Dans ses
années de jeunesse, il prit part à des expéditions recherchant d’anciens
enseignements ; elles sont en partie racontées dans son livre Rencontres
avec des Hommes Remarquables. Sa quête le conduisit jusqu’à une confrérie
secrète dont il semble avoir rapporté un système unique. En 1910, Gurdjieff introduit ce
système en Russie. Il y a transcrit la connaissance et l’expérience qu’il
avait acquise en Orient en un langage accessible à l’homme occidental du
vingtième siècle. Il nomme cette discipline « La Quatrième
Voie », en référence aux trois voies traditionnelles que sont les voies
du Fakir, du Moine et du Yogi – et aussi pour s’en différencier (pour plus
d’informations à ce sujet, voir l’article La Quatrième Voie (The Fourth Way). Cependant, la
Révolution Bolchévique et la Première Guerre Mondiale forcèrent Gurdjieff à
émigrer ; il se retrouva finalement en France, où il ouvrit son
« Institut pour le Développement Harmonique de l’Homme ».
L’influence de Gurdjieff s’étend alors à travers l’Europe et jusqu’en
Amérique, mais le déclin de l’ordre social et la Seconde Guerre Mondiale
freinent le développement de son organisation. Il doit fermer l’Institut. Il
consacrera la dernière partie de sa vie à écrire des livres : La Vie
n’est Réelle Que Lorsque Je Suis (Du Tout et de Tout), Rencontres
avec des Hommes Remarquables et Les Récits de Belzébuth à son
Petit-fils. Il meurt en France le 29 Octobre 1949. Gurdjieff’ resta discret sur les
origines de son enseignement. Il ne ressentit pas le besoin de révéler
son parcours. Il affirma même que les guerres avaient anéanti toutes traces
des Ecoles ésotériques avec lesquelles il avait été en contact. D’ailleurs,
son enseignement reposait précisément, non pas sur des études
conventionnelles, mais sur une mise en pratique de la Connaissance. Gurdjieff
avait lui-même travaillé dur pour recueillir son enseignement et il avait
acquis, pour ainsi dire, des droits sur lui. Quiconque rencontrant son
travail devait donc travailler dur pour pouvoir mériter ces droits à son tour.
Alors que la connaissance pouvait être donnée, la sagesse devait se mériter.
Par conséquent, Gurdjieff, qui avait obtenu sa sagesse au prix de grands
sacrifices, était peu enclin à la céder à autrui autrement qu’au prix d’un
dur labeur. Dès lors que quelqu’un pourrait acquérir cette connaissance, elle
deviendrait sienne ; il incarnerait ces vérités anciennes que Gurdjieff
avait, paraît-il, retrouvées : le retour de l’ancienne sagesse,
l’expression contemporaine d’une vérité intemporelle. Gurdjieff fut l’un des agents de cette Grande Arche au vingtième
siècle. Il fit comprendre qu’il chargé d’une mission. Non seulement ses
étudiants, mais aussi des personnes moins proches, sentirent qu’il était
l’instrument d’un grand plan. Dans sa jeunesse, ce sens aigu du but se
manifesta dans sa ‘recherche du miraculeux’, qui le fit voyager en Grèce, en
Egypte, en Afghanistan et au Tibet. Vers 1910, cette même conscience du but
s’exprima dans sa vision de l’Institut, qui reçut en 1917 son nom
complet : Institut pour le Développement Harmonique de l’Homme. A
partir de 1912, M. Gurdjieff fit passer la création de l’Institut avant tout
autre objectif pratique, jusqu’à son accident de voiture et la fermeture du
Prieuré. Son sens de la mission se porta alors sur l’écriture (les trois
tomes de La Vie n’est réelle que lorsque je Suis) et sur la
préparation de groupes de personnes (en Europe et en Amérique) chargées de
préparer le public à recevoir ses écrits. A partir de 1925, il s’efforça de
mettre en mots ce qu’il avait espéré accomplir en action, pensant que ses
écrits finiraient par être lus et compris par un vaste public. Gurdjieff connaît un tournant
décisif entre sa période de ‘recherche’ et la période où il se concentre sur
la création de l’Institut ; il semble que ce moment charnière se situe
juste après son séjour dans la Confrérie des Sarmoun,
dans les Montagnes de l’Hindu Kush,
au nord de l’Afghanistan. En 1899-1900, il fait un premier séjour dans le
principal monastère Sarmoun ; et il est fort
probable qu’il y séjourna plus longtemps en 1906-1907. A la fin de 1907,
Gurdjieff se rend à Tachkent en tant que guérisseur. Il y soigne des drogués
et des alcooliques, ce qui lui permet d’étudier l’état d’identification, et
aussi de gagner de l’argent. Ce fut sa dernière phase de préparation avant
d’enseigner. Environ 18 mois plus tard, il commença à attirer des étudiants
autour de lui, puis, en 1912, il quitta Tachkent pour Moscou, où il commença
à rassembler des candidats pour l’Institut. Il semble donc que c’est son
contact avec la Confrérie Sarmoun qui transforma
‘Gurdjieff le chercheur ‘ en ‘quelqu’un qui avait trouvé la connaissance’ et
était prêt à la transmettre. Bien que les origines de la
Confrérie Sarmoun se perdent dans la nuit des
temps, on retrouve des traces des Sarmoun à
Babylone, au temps d’Hammurabi. Le mot ‘Sarmoun’
signifie ‘abeille’. Les ‘Sarmouni’ (les ‘abeilles’)
étaient censés être en possession d’enseignements antérieurs au Déluge. Nous
retrouvons là la métaphore de l’Arche ; il est fort possible qu’il n’y eut jamais de déluge au sens physique du terme, mais que
les Sarmoun voulaient signifier par
là qu’ils étaient chargés de protéger l’Arche de l’Ancienne Sagesse
contre les assauts du temps. Ils enseignaient que la connaissance objective
est une substance matérielle qui peut être recueillie et accumulée tout comme
le miel. La Confrérie des Sarmoun gardait
apparemment le souvenir des cycles de destruction et de renouveau de
l’humanité, et ils croyaient que leur tradition constituait un noyau de
sagesse immuable, éternel, auquel l’humanité devrait toujours avoir accès.
Aux moments critiques de l’histoire, les Sarmoun
distribuaient leur ‘miel’ à travers le monde, par l’intermédiaire d’agents
hautement qualifiés. John Bennett pressentit que le symbole de l’ennéagramme,
la connaissance de la loi de sept, et la doctrine de la division de
l’attention provenaient de la Confrérie Sarmoun.
Gurdjieff laissa entendre qu’un grand nombre de ses danses sacrées
provenaient des Sarmoun. Dans les années 1500, les Sarmoun s’unirent à l’Ordre Soufi Naqshbandî.
Les Soufis Naqshbandî travaillaient dans la manière
de la Quatrième Voie : ils n’avaient rien de dogmatique, et leur travail
était toujours lié à l’accomplissement de certaines tâches historiques. Ils
se spécialisèrent dans l’art dramatique. Bien que les Soufis Naqshbandî et les Sarmoun
n’aient pas constitué une organisation, les maîtres Naqshbandî,
individuellement, faisaient probablement partie de la Confrérie des Sarmoun. ll est vraisemblable
que les Sarmoun inculquèrent leurs compréhensions
aux meilleurs des maîtres Naqshbandî. On trouve
chez les Soufis Naqshbandî des idées, telles que la
‘hiérarchie céleste’ ou le ‘cercle intérieur de l’humanité’, qui proviennent
probablement de leur lien avec la Confrérie des Sarmoun.
On sait que Gurdjieff a passé un certain temps dans les ‘tekkes’
(monastères) des Soufis Naqshbandî. Au Prieuré, et plus tard à Paris,
Gurdjieff dit clairement à plusieurs de ses étudiants qu’il avait un maître
spirituel. Il dit qu’à des moments cruciaux de sa vie, il s’était fait
conseiller avant de prendre une décision finale. Selon John Bennett,
Gurdjieff dit à plusieurs reprises qu’il avait la possibilité de faire appel
à des personnes qui avaient conscience de l’importance de sa tâche. De toute
façon, il est évident que Gurdjieff est retourné en Asie Mineure pour de
brèves visites à des moments cruciaux de sa vie, et nous savons qu’il
entretenait une correspondance régulière avec des personnes de cette région,
même pendant ses dernières années. (Ce ne pouvaient pas être des membres de
sa famille, car il n’avait plus de famille là-bas depuis 1920.) Il est possible que l’idée de
l’Institut soit une idée des Sarmoun et que, dans
une certaine mesure, Gurdjieff ait été leur agent. Gurdjieff ne s’est jamais
présenté en tant que grand maître (ce qui lui aurait été facile), mais comme
un agent chargé d’une mission. Les Sarmoun savaient
sans doute que leur cycle touchait à sa fin. Le gouvernement de Kemal Ataturk en Turquie et les Soviétiques, en Russie et en Afghanistan,
rendaient leur continuation impossible. Peut-être que les Sarmoun,
voyant la fin de leur tradition, se fixèrent le but de transmettre la sagesse
de l’Orient à l’Occident, cette jeune civilisation, où la recherche des
pouvoirs avait si largement supplanté l’être. Selon les anecdotes
autobiographiques de Gurdjieff, la cristallisation de ses buts intérieurs se
produisit quand il résolut d’abandonner ses pouvoirs parapsychologiques,
après avoir été blessé par une balle perdue, au Tibet en 1902. Dans les Third Series,
lorsqu’il mentionne ce à quoi il s’était engagé, il précise clairement que la
fonction la plus élevée qu’il pût acquérir était de réussir à se rappeler
lui-même en permanence. On peut donc dire qu’à ce moment-là, Gurdjieff
comprit clairement quelle était sa mission ‘intérieure’. Quant à sa mission
‘extérieure’ – la création de l’Institut – il semble bien qu’il l’aurait
reçue lors de son second séjour auprès des Sarmoun. Quoi qu’il en soit, nous savons
que dix-sept ans plus tard, en 1924, Gurdjieff dissolvait officiellement
l’Institut. En 1928, il alla plus loin, en écartant de nombreux étudiants de
son propre cercle intérieur. Gurdjieff sentait qu’il avait fait tout son
possible pour réaliser le but de l’Institut et, après consulté ‘une personne
très respectée’, il se fixa de nouveaux buts pour lui-même. En 1935, il
emménagea dans un appartement à Paris, rue du Colonel Renard, où allait se
dérouler la dernière étape de son enseignement. Gurdjieff avait vu
qu’il n’était pas l’instrument de l’ordre nouveau auquel il aspirait, et il
se concentra sur ses disciples, de telle sorte qu’ils puissent transmettre
son enseignement à la prochaine génération. |
MONSIEUR GURDJIEFF
- QUI SUIS-JE ? |
C. BOUCHET |
Edition PARDES |
2001 |
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Né en 1866, à proximité de la
frontière russo-turque, Gurdjieff est décédé le 29 octobre 1949 à l’hôpital
américain de Neuilly. |
MONSIEUR GURDJIEFF - RḖCIT
DE BELZEBUTH A SON PETIT-FILS - (COMPLET EN 2 VOLUMES) |
G. I. Gurdjieff |
Edition du Rocher |
1983 |
Une légende fantastique entoure le nom
de Georges Ivanovitch Gurdjieff. De son enfance à Alexandropol,
aux confins de la Russie et de la Perse, il retient les récits et poèmes
ancestraux que son père, descendant des Grecs Ioniens de Césarée, lui raconte
jour après jour. L'archiprêtre de la cathédrale de Kars remarque Gurdjieff et
lui permet de recevoir une solide formation religieuse et une éducation
scientifique moderne. Profondément marqué par le mélange des cultures (russe,
grecque, iranienne, tartare, arménienne) propre à son Caucase natal, une
conviction l'habite : une connaissance réelle de l'homme et de la nature a
existé, il faut en retrouver la trace. Les " Chercheurs de la Vérité
" qu'il réunit - géographes, archéologues, médecins - recueillent les
fragments dispersés des enseignements traditionnels. Les soumettant alors au feu des
disciplines intérieures les plus rigoureuses, il parvient à les comprendre, à
les appliquer, et à reconstituer enfin l'unité de la connaissance qu'il
cherchait. Les Récits de Belzébuth à son petit-fils constituent la première
série d'une oeuvre monumentale. A travers ce récit mythique " à l'échelle
de l'univers ", forme commune aux grandes traditions, Gurdjieff va au
coeur de ses découvertes : la signification de la vie humaine Dans
les Récits de Belzébuth à son Petit-fils, son œuvre maîtresse,
Gurdjieff parle du temps et de la lutte contre l’entropie et la dispersion.
L’Absolu a créé un macrocosme afin de réduire l’entropie ; sa méthode
consiste à faire naître de la conscience à partir des mondes créés dans le
temps. Le rappel de soi est sacré, non seulement pour l’homme, mais aussi
pour ce Tout qui dépend de cette capacité de l’homme à générer une vie
nouvelle. Ces
Récits sont volontairement écrits de manière à en rendre la compréhension
difficile. Il faut reconnaître que Gurdjieff y a dissimulé profondément
l’essence de son message, le rendant inaccessible à la plupart de ses
lecteurs. Rétrospectivement, la valeur des Récits de Belzébuth est
discutable. Les plus proches disciples de Gurdjieff les considèrent
naturellement comme leur Bible ; mais soixante-dix ans après sa
publication, ce livre est loin d’avoir laissé l’empreinte qu’avait prédite
son auteur. Récit, page 646 : « A ce
moment, Belzébuth soupira profondément, puis, comme à contrecœur, reprit son
récit : - Voici qu’en te racontant cette soirée parmi des êtres tri-cérébraux
actuels de là-bas, dans un restaurant de Montmartre, la « sensation
étrique sarpitimnienne » que j’éprouvais alors
ressuscite involontairement en moi; et les souvenirs que j’ai, en ce moment
même, de toute cette expérience s’associent avec tant d’intensité et
d’insistance dans les trois parties spiritualisées de ma présence générale
qu’ils me contraignent à m’écarter de notre thème, afin de partager avec toi
les tristes et pénibles réflexions auxquelles m’amena ma solitude dans cet
épouvantable milieu montmartrois, après le départ de mon jeune cicérone
persan. Le
fait est que pour la seconde fois de mon existence s’effectua alors en mon
être ce processus de « sensation étrique sarpitimnienne »,
qui avait engendré jadis en ma présence générale un sentiment de révolte
devant les affligeants résultats objectifs qui survinrent et surviendront
peut-être encore sur la planète Terre, ou même dans Notre Grand Univers, du
seul fait de l »‘imprévoyance » de nos Très Hauts et Très Saints Individuums cosmiques. « Comment
ont-ils pu ne pas prévoir, dans leurs calculs de mouvement harmonieux des
concentrations cosmiques, que la planète Kondour et
cette infortunée planète Terre entreraient en collision ?« Si ceux qui
auraient dû le faire avaient prévu la chose, aucun des malheurs qui suivirent
et qui découlèrent les uns des autres ne seraient arrivés. Et il n’aurait pas
été nécessaire d’implanter dans la présence des premiers êtres tri-cérébraux
de cette malencontreuse planète le funeste organe kundabuffer,
qui fut à l’origine de tant de terribles et affligeants résultats.
Ainsi
donc, la vie n’est pas donnée aux hommes pour eux-mêmes, mais pour servir des
buts cosmiques plus élevés, et c’est pourquoi la Grande Nature veille à ce
qu’elle puisse s’écouler sous une forme plus ou moins tolérable, et ne prenne
pas fin prématurément. Nous autres hommes, n’engraissons-nous pas nos moutons
et nos porcs, ne les soignons-nous pas, ne sommes-nous pas attentifs à leur
rendre la vie aussi confortable que possible ? Mais faisons-nous tout cela
parce que nous apprécions leur vie pour leur vie même ? Non ! nous faisons
tout cela pour les égorger un jour, et en tirer la bonne viande dont nous
avons besoin, avec le maximum de graisse. De même, la Nature prend toutes les
mesures pour que nous vivions sans être saisis d’horreur, et pour que nous ne
nous pendions pas, mais vivions longtemps ; puis, dès qu’elle en a besoin,
elle nous égorge ». |
MONSIEUR GURDJIEFF PARLE A SES ḖLḔVES |
Georges Ivanovitch Gurdjieff |
Edition du Rocher |
2003 |
||
Peut-on entendre ici
l’écho des idées de Pythagore, de Platon, du Christ ou de Milarepa?
Peut-on voir certaines ressemblances avec des penseurs modernes tels que
Mendeleïev, Sheldon, Vernadsky, Watson? On se perd
facilement et oublie sa recherche spirituelle dans ce labyrinthe de comparaisons,
et dans la phylogénie des idées. Gurdjieff, lui-même, ne se contentait pas de
paroles; ses Mouvements et danses sacrées symbolisaient les lois universelles
et, en même temps, offraient les conditions à la recherche individuelle.
Lorsque, vers 60 ans, il s’est mis à écrire, c’était une œuvre à lire comme
une incitation à la recherche plutôt qu’un exposé dogmatique, sous une forme
tout à fait inattendue: d’abord un genre original d’épopée cosmologique, puis
une autobiographie également originale. |
MONSIEUR GURDJIEFF
- RENCONTRE
AVE DES HOMMES REMARQUABLES |
Georges Ivanovitch Gurdjieff |
Edition du Rocher |
2010 |
La vie énigmatique d'un des plus
importants personnages du XXe siècle livre-t-elle ici son secret ? En partie,
sans doute. Les premiers chapitres évoquent l'enfance de Gurdjieff au pied du
Caucase, son père, ses premiers maîtres, ses années d'études et de formation.
Les chapitres suivants, ses grands voyages aux pays de la connaissance
perdue, en Asie centrale notamment. Dans son premier livre, Gurdjieff nous
avait invités à chercher, au fond de nous-mêmes, la grande aventure. Dans ce deuxième livre, elle semble se
trouver au bout de la route, au bout des mers et des déserts. A mieux lire,
on s'aperçoit vite qu'il s'agit toujours de la même aventure. Gurdjieff reste
Gurdjieff. Simplement, il change de registre. Après le rébus mythologique de
Belzébuth, il en vient à des récits transparents, à l'anecdote familière.
Mais pour qui veut lire avec l'attention requise, il reste celui pour qui la
vie humaine n'a aucun sens hors de la quête de la conscience. Peter Brook a mis en
scène ces "Rencontres avec des homme remarquables". Fallait-il le
dire: Gurdjieff est au carrefour de bien des existences. Comme si la sagesse
accumulée ne pouvait se distiller qu'au hasard de rencontres, à la faveur
d'un simple échange sans importance. Que serait la philosophie de cet homme qui
semble avoir marqué tant de contemporains, et qui pourtant reste méconnu,
classé parmi les ésotériques? Justement sans doute est-ce le secret: voici un
être dont la philosophie se conjugue au rythme de sa curiosité. Attacher de
l'importance à ce qui guide nos pas, sans se laisser détourner par les
contraintes du monde, chercher au plus profond de soi, la force et les moyens
de cette quête inépuisable: quête de notre humanité, de notre "humanitude". D'entrée le décor est
planté: "Seul peut être appelé remarquable l'homme qui se distingue
de son entourage par les ressources de son esprit et qui sait contenir les
manifestations qui viennent de sa nature, tout en se montrant juste et
indulgent envers les faiblesses des autres". Ne sont donc pas
remarquables les êtres portés au sommet de la société, mais ceux qui, dans
l'ombre, travaillent à l'approfondissement de l'esprit humain, parfois dans
la solitude la plus extrême, et sous les quolibets de la société médiatique. Les rencontres
s'égrènent donc, toutes aussi fascinantes; on traverse sur les pas de
Gurdjieff, les déserts de l'Asie centrale, on rencontre des califes
incroyables, des moines de la plus grande sagesse, perdus au fond de vallées
interdites. Sa quête le mène aux carrefours de toutes les religions, de
toutes les croyances, de toutes les philosophies. Le jeune homme qu'il est
alors, s'en imprègne, boit à la bouche des sages la nourriture qui peu à peu
le transforme lui-même en cet homme remarquable, lui-même au carrefour de
multiples rencontres avec des hommes et des femmes qui le rejoignent, puis le
quittent, pour mieux revenir encore. Ainsi en est-il de ses "Chercheurs
de vérité", sorte de secte hétéroclite aux contours mal définis, à la
philosophie indéfinie. Il est bon de revenir
à la définition, à la lettre, de ne pas se laisser détourner du sens par
l'utilisation abusive des médias contemporains. Au sens de leur quête
philosophique, les "Chercheurs de vérité" de Gurdjieff sont une
secte, un groupe d'hommes et de femmes qui cherchent ensemble à renouveler
leur lien avec la pensée humaine en se nourrissant des mystiques et des
croyances les plus lointaines, quitte à se trouver hors du champ de la modernité.Gurdjieff voyage donc, et, de rencontre en
rencontre, construit une philosophie de l'existence capable de le mener aux
confins de la connaissance, à la source de toute religion. Il mène des
recherches archéologiques dans les déserts d'Asie centrale, argumente avec
des moines soufis, rencontre des théologiens des églises arméniennes. Chaque
rencontre le mène un peu plus loin dans sa soif de savoir, aiguise davantage
sa curiosité. Puis vint Ekim Bey. Gurdjieff a alors expérimenté le Hatha Yoga, suivi des régimes alimentaires purificateurs
divers et variés, a construit son équilibre corporel sur diverses croyances,
pliant son corps aux aléas de sa pensée. Ekim Bey
vient remettre en cause tout cet équilibre. Renversement mais éclairant au
demeurant. Et tout à coup on comprend que Moshé Feldenkrais ait lu ce livre,
qu'il ait trôné en bonne place dans sa bibliothèque. Car Ekim
Bey invite Gurdjieff à une profonde réflexion sur la nature du lien du corps
et de l'esprit. Il l'invite à plonger dans les profondeurs de son corps pour
mieux se connaître et découvrir l'équilibre propre de son organisme. "Pour
maintenir un juste équilibre", dit-il, "il vous faut avoir
une entière connaissance de votre organisme". Gurdjieff, bien sûr,
se jette immédiatement dans la conversation, cherche à approfondir la pensée
d’Ekim Bey. Celui-ci la précise: "C'est
seulement si vous connaissez chaque petite vis, chaque petit rouage de votre
machine, que vous pouvez savoir ce que vous devez faire". Une clé
est livrée. Reste à s'en saisir, et à explorer, à comprendre, sans pénétrer
dans une élaboration intellectuelle de l'être mais pour entrer dans son
intimité, en découvrir l'essence, saisir le fil conducteur de chaque
existence particulière, au-delà de toute représentation dogmatique de l'être
somatique. Peu à peu s'avance l'idée.
L'idée qui grandit au fil de l'existence, et de l'expérience. Que suis-je
aujourd'hui sinon la somme de ce que je fus, le résultat de ma propre
histoire. Gurdjieff peu à peu, au fil de son errance vient s'installer en
France où il reçoit du monde, se taille une réputation d'homme de sagesse, se
voit aussi au nom du glissement sémantique de la notion de secte accusé. Rien
n'y fait, il poursuit sa route, en butte aux difficultés d'argent, mais son
expérience lui a appris à se sortir des mauvais pas. Chaque expérience le
fait avancer vers un plus grand savoir. Il enseigne. Parmi ses élèves on
compte Katherine Mansfield, René Daumal, Louis Jouvet, et le treizième
Dalaï-lama. Il organise des spectacles dans lesquels le public ne regarde que
le spectacle quand Gurdjieff y met toute une philosophie. Il compose la
musique de ses ballets... Tout contribue à cette ouverture vers la
connaissance, une connaissance venue des profondeurs. Car il ne s'agit pas
seulement d'accumuler du savoir, il s'agit de comprendre. Car "seule
la compréhension peut mener à l'être. Le savoir, par lui-même, n'a qu'une
présence passagère: un nouveau savoir chasse l'ancien, et en fin de compte,
ce n'est que du néant versé dans du vide." Ne pas se contenter du
savoir, aller vers la compréhension des choses, et en particulier passer par
la compréhension de soi, pour acquérir une certaine compréhension des choses.
On comprend qu'une telle philosophie ait pu choquer ses contemporains, on
comprend aussi l'influence qu'il a pu avoir sur un certain nombre d'entre
eux, dont la quête pouvait rejoindre les préoccupations de Gurdjieff. "La
compréhension résulte de l'ensemble des informations intentionnellement
acquises et des expériences personnelles. Tandis que le savoir n'est que de
la mémoire automatisée d'une somme de mots appris dans une certaine
suite". Il ne s'agit donc pas de fuir le savoir, mais de le
relativiser, de le soumettre à l'expérience vécue pour mieux en tirer la
compréhension. Gurdjieff meurt en
1949, dans une indifférence quasi générale, sauf le discours de l'architecte
Franck Lloyd Wright qui déclare: "Kipling a dit une fois que ces
jumeaux - il entendait l'Orient et l'Occident- ne pourraient jamais
s'entendre. Mais dans la vie de Gurdjieff, dans son œuvre et dans sa parole,
il y a une philosophie, sortie des profondeurs de la sagesse de l'Asie, et il
y a quelque chose que l'Homme d'Occident peut comprendre. Et dans l'œuvre de
cet homme et dans sa pensée - dans ce qu'il a fait et dans la manière dont il
l'a fait - l'Occident rencontre vraiment l'Orient." Ainsi disparaît
celui dont la philosophie pourrait se résumer par cet aphorisme: "vivre,
c'est concilier l'utile pour les autres et l'agréable pour
soi-même". Plus tard, bien plus
tard vint Peter Brook qui mit en scène ses "Rencontres avec des hommes
remarquables", mais le silence et le mystère demeurent épais autour d'un
homme qui marquât mystérieusement son époque, et influençât bien des pensées,
au-delà de ses propres élèves. |
MONSIEUR GURDJIEFF - notre
vie avec monsieur gurdjieff |
O.
& T. de hartmann |
Edition du Rocher |
2004 |
Le
grand maître spirituel George Ivanovitch Gurdjieff encouragea le
développement de la pensée consciente volontaire et s’opposa à toute
adulation aveugle chez ses adeptes. C’est
en 1917, lors de l’éclatement de la révolution en Russie, que Thomas de
Hartmann, le compositeur russe, et son épouse Olga se joignirent à Gurdjieff
à Saint-Pétersbourg et l’accompagnèrent, à titre d’élèves et de confidents,
jusqu’en 1929, soit tout au long de la croissance de l’institut fondé par
Gurdjieff.
Un
voyage passionnant pour comprendre la psychologie et la vie de Gurdjieff. |
MONSIEUR GURDJIEFF
|
Seymour B. Ginsburg
|
Edition Almora
|
2019
|
L'influence de Gurdjieff (1866-1949) a été très importante
pour de nombreux artistes, écrivains ou philosophes du XXe siècle comme Peter
Brook, Kate Bush, Keith Jarrett, Timothy Leary, Louis Pauwels, Alan Watts,
Frank Lloyd Wright, René Daumal, Arnaud Desjardins... et son œuvre continue
d'être une référence pour la spiritualité contemporaine. Le Travail, le nom
par lequel cet enseignement est le plus usuellement connu, tire son
appellation de l'alchimie, ou le Grand Œuvre signifie le raffinage et la
purification des métaux de base en or aussi bien que la transmutation de
l'âme en un état spirituel plus élevé. Les enseignements de Gurdjieff ont
semblablement pour but la transformation de la substance intérieure de
l'homme. à travers des connaissances cosmologiques,
métaphysiques et psychologiques, à travers le travail manuel, la vie en
communauté, la musique et les danses sacrées, Gurdjieff propose une méthode
spirituelle pour harmoniser le microcosme de l'être humain au macrocosme de
l'univers et ainsi réunifier l'homme avec l'Infini. Presque un siècle après l’ouverture, en 1922, à
Fontainebleau, de son institut dédié au Travail l’influence de George
Ivanovitch Gurdjieff (1866-1949) demeure et c’est heureux. Si son influence
sur de nombreux artistes, scientifiques et auteurs est connue de Kate Bush à
René Daumal en passant par Timothy Leary, c’est surtout auprès des nombreux
anonymes qui se sont engagés dans une pratique régulière qu’elle s’est fait
sentir. L’auteur de cet ouvrage, Seymour B. Ginsburg, qui a collaboré avec
Nicolas Tereshchenko, proche de Jeanne de Salzmann, fut le co-fondateur de
l’Institut Gurdjieff de Floride. Il est un témoin de ce mouvement et de ce
rayonnement discret. Nicholas
Goodrick-Clarke, chercheur renommé, Directeur du Centre pour l’ésotérisme
occidental de l’Université du Pays de Galles, précise l’intérêt de ce livre
dans un avant-propos : « Ce livre est
un condensé remarquable des enseignements de Gurdjieff dans une conscience
plus vaste de l’ésotérisme occidental. Suivant les propres techniques de
Gurdjieff, le livre est d’abord et avant tout un guide pratique, commençant
par la proposition fondamentale que les humains doivent s’éveiller à la
conscience de soi, à la réalisation que derrière « notre
personnalité », influencée par un grand nombre de circonstances, repose
notre « essence », qui est identique avec la réalité universelle.
L’enseignement n’est ainsi pas concerné par la réalisation de quelque chose
qui manque, mais plutôt par la découverte, la prise de conscience de notre
identité réelle. » Pour Seymour B.
Ginsburg, comme pour Nicolas Tereshchenko, le Travail s’organise
autour de trois éléments principaux : « 1) travailler avec un
groupe engagé dans des pratiques pour étendre la conscience, 2) une
méditation régulière et 3) l’étude du texte principal de Gurdjieff, les Récits
de Belzébuth à son petit-fils ». L’ouvrage propose six
parties, six leçons. La première leçon est intitulée « Qui
suis-je ? ». Après une rapide notice historique sur Gurdjieff, elle
présente la Quatrième voie de Gurdjieff, telle que Seymour B. Ginsburg et Nicolas
Tereshchenko l’ont appréhendée. La deuxième leçon aborde « l’expansion
de la conscience ». Sont décrits les quatre états de la conscience
humaine et la nécessité de l’attention. La troisième partie traite de la
transmutation de l’énergie. Il est question de la loi des trois forces, de la
loi d’octave et de l’ennéagramme, si mal compris dans notre monde
consumériste. La quatrième leçon poursuit la question de l’énergie et cette
fois de sa conservation par la prise de conscience des multiples « fuites »
d’énergie entre mensonge, soliloque stérile, identification, paroles
inutiles, etc. La cinquième leçon insiste sur la méditation et la sixième
leçon évoque le travail en groupe notamment les fameuses danses de Gurdjieff.
Chaque partie propose des exercices et les appendices sont riches. Nous
trouverons notamment l’étude des rêves selon Gurdjieff, des exercices
psychologiques et des lectures des Récits de Belzébuth à son petit-fils. Avant de conclure,
Seymour B. Ginsburg dit quelques mots sur l’amour : « On
n’insistera jamais assez sur l’opinion de Gurdjieff que l’amour authentique
est une impulsion d’être sacrée. Une distinction doit être faite entre
l’amour authentique et ce qui passe pour de l’amour dans notre société, et
qui est basé sur la polarité ou le type. C’est seulement quand nous sommes
complètement libres de toutes les peurs et de tous les désirs, et que notre
moi personnel est intégré dans une unité d’être consumant tout, que nous
faisons l’expérience de l’impulsion d’être sacrée de l’amour authentique.
Dans cet état-là, nous savons que nous sommes l’infini, comme toutes les
autres choses, et notre amour de ce fait s’étend à tout le monde et à toutes
les choses parce qu’elles sont toutes nous. » |
MON TESTAMENT – LE FEU DE L’ALLIANCE |
André
CHOURAQUI |
Edition
BAYARD |
2001 |
||
Ce
retour fut suivi du conflit arabo-israélien que l’auteur juge “paradoxal” vu
les trois millénaires de cohabitation pacifique entre les Arabes et les Juifs
et la fécondité des relations entre ces peuples sémites. C’est, selon
Chouraqui, le XVIème siècle qui vit la décadence des peuples musulmans et la
ruine du monde juif établi en terre d’Islam. “Les Arabes se heurtent aux
méfaits du colonialisme à l’heure même où les Juifs doivent à peu près
partout faire front devant le déchaînement de l’antisémitisme. Je crois qu’en
quelques lignes, après avoir montré la renaissance du monde juif et du monde
arabe avec la Révolution française, la coïncidence de la Nahda arabe
et de la Haskalah juive, le parallèle
à établir entre le sionisme qui “tend à utiliser sur le plan politique les
forces spirituelles du judaïsme” et l’arabisme “celles de l’Islam”,
l’écrivain dépeint parfaitement les origines du conflit actuel dues, non pas
à l’arrivée des premiers sionistes en Palestine où ils furent bien accueillis
en général par la population arabe, se heurtant bien sûr aux janissaires
autant que les autochtones, mais en grande partie à l’attitude du
gouvernement britannique qui joua sur deux tableaux en préconisant d’une part
l’installation d’un foyer juif en Palestine et d’autre part en
envoyant le lieutenant Lawrence à la rencontre des chefs de tribus arabes
pour leur demander de lutter à ses côtés contre les Turcs Ottomans. Cette
impossibilité de respecter les commandements quels qu’ils soient a été bien
évidemment exacerbée par l’émergence des fondamentalismes qui ont interprété
les Livres d’une manière scandaleuse. “Ils n’ont pas hésité à mobiliser leur
Dieu, juif, chrétien, musulman ou autre, à la rescousse de leurs intérêts et
de leur haine.” L’auteur, dans son souci légitime de montrer que les
commandements sont aussi valables aujourd’hui qu’hier trouve des exemples
contemporains pour illustrer sa thèse. Sans vouloir les citer tous mais en
constatant que tous sont valables aujourd’hui (Tu ne tueras point,
Glorifie ton père et ta mère, Tu ne voleras pas, Tu aimeras ton prochain
comme toi-même...) je choisis les tragiques conséquences de ce
non-respect des commandements vis-à-vis de la Terre nourricière si
indispensable à l’homme qu’il doit lui laisser le temps de respirer, de se
reposer comme il devrait se reposer lui-même: Les
commandements qui ont constitué une alliance entre Dieu et l’humanité
seraient, selon Chouraqui, en forme de pyramide, le bas de la pyramide étant
l’alliance entre Dieu et Adam et Eve, le haut “l’ultime Alliance, l’Alliance
messianique qui couronnera cet édifice par le salut de l’humanité entière”.
Dans ce bel édifice, je retrouve les tenants des trois religions révélées et
je ne peux bien sûr que souhaiter cette symbiose des temps messianiques en
espérant même que nous n’aurons pas besoin d’attendre jusque-là pour qu’elle
se réalise. Cependant je pose la question: est-il possible de parler de
l’humanité entière quand sont occultés non seulement les adeptes des autres
religions du monde, hindouistes, bouddhistes, mazdéistes, animistes... mais
tous les athées, les agnostiques...qui représentent plusieurs milliards
d’individus? Ces
questions existentielles et devrais-je dire “super existentielles” appellent
quelques réponses car je suis bien sûre que l’écrivain n’attend pas de moi
(qu’il lira ou ne lira pas) une apologie inconditionnelle. Si André Chouraqui
a sans doute inventé le mot “matriciel comme attribut fondamental du
Dieu créateur” (celui des trois religions révélées), le concept remonte à ce
qu’il est convenu d’appeler “la plus haute antiquité” païenne qui exista
parallèlement à la première religion révélée. Je citerai pour illustrer
mon propos deux exemples de l’attribution par Zeus à lui-même des
caractéristiques matricielles de la gestation féminine: celui de la naissance
d’Athéna et celui de la naissance de Dyonisius. |
MORT, RÉGRESSION ET RENAISSANCE selon la psychologie jungienne |
Marie-Louise Von Franz – Barbara Hannah - Alfred Ribi - Gotthilf Isler - Hansueli F. Etter |
Edition Entrelacs |
2014 |
En partant de la vision jungienne de l’au-delà, avec quatre autres auteurs qui abordent ces questions, et en chef de file de la réflexion sur ce thème, Marie-Louise Von Franz propose quelques considérations de nature à la fois théorique et pratique sur le processus du vieillissement, le grand âge et la préparation à la mort. Barbara Hannah, sa collègue et amie, se penche ensuite sur le cas d’un homme qui, ayant perdu sa foi en abordant le versant déclinant de sa vie, se voit confronté à l’impérieuse nécessité de se forger une attitude nouvelle, de nouveaux concepts, de nouvelles théories, c'est-à-dire presque tout revoir par rapport à la vie et à son image de Dieu. Dans l‘essai suivant, Alfred Ribi nous offre tout un florilège de songes et visions sur le thème et développe l’idée selon laquelle le processus de la mort est autant pour chacun de nous que pour toute l’espèce humaine, une tâche à accomplir afin de se persuader que quelque chose existe après la mort, ce qui débouchera sur le fait de naître à une autre vie. A la lumière des légendes populaires collectées en Suisse, Gotthilf Isler nous apporte les témoignages de sagesse du peuple, hommes et femmes, au sujet de la mort et de l’éternité telles qu’elles transparaissent à travers d’impressionnants événements synchronistiques, avec en toile de fond les théories jungiennes. Reprenant la parole, Barbara Hannah nous initie à la confection du corps de diamant selon l’alchimie et l’hermétisme chinois ou, en termes occidentaux, à la distillation du lapis, la pierre philosophale, couronnement de la vie terrestre et entrée dans l’immortalité avec son corps de gloire. Pour finir, nous suivons, sous l’égide de Hansueli F. Etter, la légendaire vie et mort de saint Meinrad, l’ermite d’Einsiedein en Suisse, qui illustre l’intégration de l’ombre personnelle, la rencontre avec l’image de Dieu et l’acceptation du côté sombre de la divinité en la personne de la Sainte Vierge. L’auteur met du même coup en perspective les images archétypiques et leur lent développement à travers les siècles. Au sommaire de cet ouvrage magnifique : Marie-Louise Von Franz : le grand âge et la mort, leur signification pour la thérapie analytique des personnes âgées, selon la conception de C.G. Jung Barbara Hannah : Régression ou renouvellement dans la vieillesse. Morceau choisi de Jung à ce sujet, tiré du Rosaire des Philosophes au congrès de Zurich en 1941. Alfred Rabi : La vie après la mort selon la psychologie jungienne. L’inconscient collectif et les couches inconscientes de la Psyché. Gotthilf Isler : Le grand passage. L’individuation. La brutalité et l’arbitraire de la mort peut conduire au doute d’un Dieu miséricordieux. Barbara Hannah : De l’au-delà. Les divers cotés sombre et clair, noir et blanc que l’on trouve dans diverses traditions et civilisations. Hansueli F. Etter : L’ermite Meinrad de la forêt sombre, sa vie, son image de Dieu, sa décapitation, sa biographie, sa légende et son interprétation. |
10 N
nature humaine & nature divine |
O.M.
aïvanhov |
Edition
PROSUETA |
2000 |
Combien
de fois pour justifier certaines faiblesses on entend dire : « C’est humain »
! Et en réalité, si l’on y réfléchit bien, «c’est humain» signifie tout
simplement : c’est animal. Alors, comment peut-on définir la nature humaine ? S’il
est dit dans les textes sacrés : «Vous êtes des dieux», c’est bien
pour rappeler à l’homme la présence enfouie en lui d’une essence supérieure
qu’il doit apprendre à manifester. C’est
là le véritable sens de notre destinée, nous dit le Maître Omraam Mikhaël Aïvanhov , et c’est pourquoi il revient
inlassablement sur cette question, en nous donnant les moyens de faire
apparaître ces dieux que nous sommes et que nous ne connaissons pas encore. |
NATURE VIVANTE ET ÂME PACIFIÉE |
Mohammed Taleb |
Edition Arma Artis |
2014 |
||
En ces temps de crise, ces disciplines, à la fois spirituelles, philosophiques ou chevaleresques, sont un désaveu cinglant de la modernité capitaliste, de la profanation de l’environnement qu’elle propage, avec son lot d’injustices sociales, de domination des peuples. L’écopsychologie est une exhortation pour en finir avec le désenchantement capitaliste de la Nature, et à entrer dans les lueurs vivifiantes de l’Aube, de « l’Aurore naissante » comme dit Jacob Boehme. Le coran, dans une sourate, appelle les humains à chercher la protection du Seigneur de l’Aurore naissante, par-delà les formes et la singularité des langages, le défi est là : dans la perspective d’un dialogue des civilisations, il nous faut réactiver la portée cosmique de nos cultures. Ce livre donne la parole à 49 personnalités ou personnages spirituels qui, à leur façon ont marqués et expliqués le rapport de l’être et de son âme avec la Nature Au sommaire de cet ouvrage : Philosophia gréco-orientale : Pythagore et les mathématiques sacrées - Plotin, le chantre de l’Un - Porphyre, la raison philosophique et les Oracles - Jamblique, maître égyptien en théurgie - Proclus, architecte du cosmos vivant - La voie héroïque et cosmique de l’Islam : Le Coran, ou la voie de la chevalerie - Le prophète Mohammed, l’éthique d’un héros de Dieu - Ibn Abdullah Ibn Sina, maître de la falsafa - Moheyddin Ibn Arabi ou l’unité de l’existence - Abu Hamid al Ghazali, artisan d’une écologie musulmane - Abd al-Raman Djami ou la poésie divinement inspirée - Al’Arabi Ad-Darqawi, du cosmos et de l’âme - L’émir Abd el-Kader, rebelle et mystique - Alchimie et christianisme cosmique : Jean Scot Erigène et l’invention de l’unus mundus - Saint François d’Assise en dialogue avec le soleil et la lune - Hadewijch d’Anvers et la chevalerie célestielle - Maître Eckhart et la passion de la déité - Michael Maier et l’alchimie mythologique - Paracelse ou l’intransigeance alchimique - Robert Fludd, le résistant de l’âme du monde - Jacob Boehme, le théosophe cordonnier - Serge Boulgakov ou le panenthéisme orthodoxe - Nicolas Berdiaev, un métaphysicien russe contre l’objectivation - Olivier Clément, un hermétiste au pays de l’orthodoxie - Le feu de l’insurrection romantique : Johann Wolfgang Goethe et la plante archétypale - Novalis, l’Orient, l’âme et la Nature - Caroline Von Gunderode, la beauté jusque dans la mort - Franz Von Baader, ésotérisme, sophia et révolution - Henry David Thoreau, l’ermite de Walden et le révolutionnaire - Lady Grégory, la lady du Celtic Revival - William Butler Yeats, théosophe et anti-impérialiste celte - Romand Rolland et le sentiment océanique - Khalil Gibran, un poète arabe sur les chemins de l’âme - Orients, de l’Inde au Japon : Rabindranath Tagore, un indien au service de l’âme universelle - Moreiheio Ueshiba ou l’Aïkido comme voie cosmique - Toshihiko Izutsu, ou le défi de la rencontre du Zen et de l’Islam - Science et Psychologie des profondeurs : Carl Gustav Jung et la psychologie des profondeurs - Carl Gustav Carus, le romantisme de la psyché et de la nature - Alfred North Whitehead, maître du procès et de la poussée créatrice - James Hillman et la psychologie archétypale - David Bohm, une science de l’unité du monde - Contreculture, pensée écologique et sagesse contemporaine : Louis Cattiaux et son message retrouvé - Théodore Roszak, visionnaire de la contreculture - Paul Shepard, chantre de l’écologie radicale - Bernard Gorceix et la vision de l’âme comme un « tout » - Pierre Hadot, ou la philosophie comme exercice spirituel - Georges Gusdorf, romantisme et prise de terre - Gilbert Durant et la ration hermetica - Emmanuel d’Hooghvorst, disciple d’Homère - |
nicolas de cues |
Maurice
de gandillac |
Edition
ELLIPSE |
2001 |
Né
en 1401 à Cues entre Coblence et Trèves d’une famille de vignerons, Nicolas
étudie à Padoue les mathématiques et le droit. Canoniste renommé, il affirme
en 1433 dans sa Concordance catholique, que, les hommes
naissant libres et égaux, tout pouvoir légitime repose sur l’élection
(ainsi le pape « patriarche d’Occident », n’a pleine autorité que dans le
monde latin et avec l’aval d’un collège de cardinaux, représentants des
fidèles). Sa
Docte Ignorance (1440) s’inspire de la « voie négative » des mystiques mais
use des paradoxes de l’infini (« coïncidence des opposés ») pour proposer une
méthode d’ « approximation » où se manifeste la puissance inventive et
constructive de l’entendement à partir de l’observation et de la mesure
précise de tous les phénomènes. Décrivant,
avant Giordano BRUNO, un monde infini, qui n’a ni centre ni circonférence,
Nicolas suggère une vision hardie de l’Incarnation et de la Trinité.
Convaincu que les hommes, usant de mots et d’images variés, en divers temps
et lieux, pensent et croient les mêmes vérités, l’année même où les Turcs
s’emparent de Constantinople, il suggère, dans l’esprit de Raymond Lulle, une
conférence internationale pour établir ce qu’il nomme la « Paix de la foi ». Auteur
de traités et de dialogues d’un ton libre, où l’homme simple (idiota) fait la leçon aux doctes professionnels, ce
cardinal, mort en 1461, édité d’abord par le français Lefèvre d’Étaples,
longtemps oublié ou négligé, est considéré aujourd’hui en Allemagne comme le
précurseur de Leibniz, de Lessing, voire de Kant et de Hegel. |
NIETZCHE - GUIDE DES CITATIONS |
OLIVIER
MEYER |
Edition
PARDES |
2005 |
||
Ce
guide des citations nourrit cette ambition. Car il est temps, Dieu est
mort, mais son cadavre- le nihilisme- nous empoisonne encore. Le
remède ? Nietzche nous a montré la voie, celle de Dionysos, la joie de
la destruction dans le jeu divin de la création. « Je suis de la
dynamite », le philosophe au marteau explose les préjugés – au premier
rang desquels, il place la morale – pour mieux créer les conditions de
la venue du Surhomme. Vous êtes prévenus, alors bonne lecture et
attention à la déflagration…
Si tu veux le repos de l’âme et le bonheur, crois ; Si tu
veux être un disciple de la vérité, alors cherche. Nietzche
a sacrifié sa vie, les honneurs, pour la vérité. Elève surdoué, professeur de
philologie classique à l’université dès l’âge de 24 ans, ami de Wagner, il
avait tout pour réussir dans la vie, et mener une vie bourgeoise sans soucis
où tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais Nietzche,
en bon Européen à l’image de ses ancêtres germains, n’est pas de la race des
moutons, mais bien des bêtes de proie, rebelle à tous les conformismes,
faisant la guerre à tous les préjugés au nom de la vérité. Armé d’une
intelligence supérieure, il s’attaque d’abord aux classiques, au premier rang
desquels il place Socrate, qu’il juge décadent et source de toutes les
décadences en tant que penseur abstrait dialecticien. Il renouvelle la vision
de l’antiquité grecque en mettant en relief l’importance de la tragédie
et son esprit incarné par les archétypes Dionysos et Apollon. Influencé par Schopenhauer,
la naissance de la tragédie perçoit le monde comme un phénomène esthétique et
la tragédie comme l’art de la consolation métaphysique par excellence. Il
trouva un temps cet art en Wagner, avec qui il se lie d’amitié. Là encore, il
aurait pu se contenter de vivre dans l’ombre du Maître et ses
grand- messes de Bayreuth. Mais c’est mal récompenser un maître que de
rester éternellement un élève. Nietzche, dont l’audience des cours à
l’université faiblit à cause de ses théories iconoclastes, rompt avec Wagner
et son romantisme, en adoptant un tournant d’esprit libre, voltairien et
critique. Son style se précise, il se fait fulgurant, cherche la concision et
la clarté sous la forme d’aphorismes, fidèle en cela aux moralistes français
qu’il admire, tels que La Rochefoucauld et Chamfort. Son
œuvre est d’abord celle d’un psychologue discernant le vrai du faux dans de
nombreux sujets de société, mais toujours animée par un souci de grandeur. La
grandeur contrepoison de la décadence et du nihilisme est une idée-force qui
sous-tend toute son œuvre, que traduit bien une question qu’il se posa
souvent depuis son plus jeune âge, dans ses notes de
réflexions : l’ennoblissement est-il possible ? Cette motivation
l’éloignera de la société et de ses contemporains pour prendre le chemin de
l’altitude, au sens propre comme au sens figuré, lui « l’aéronaute de l’esprit », pour se réfugier dans les massifs
alpins, marcher, méditer et murir son œuvre. La maladie – des douleurs
oculaires et des céphalées -, d’origine peut être syphilitique, lui donnera
l’opportunité de quitter l’université avec une pension et de devenir en 1879,
à 35 ans un chevalier philosophe en quête du graal, errant entre la riviera
italienne et la riviera française, en hiver, à Venise, au printemps et
en Engadine (Suisse) en été. Le
graal va venir à lui en août 1881 sous la forme d’une vision, la vision de Surlei en Haute Engadine, au bord du lac Silplana, au pied d’un gigantesque roc de forme
pyramidale. Cette vision « à 6000 mille pieds par-delà l’homme et le
temps » est la vision de l’Eternel
Retour, l’idée force qui
va donner naissance au type du Surhomme. Si toutes choses reviennent
éternellement et nous avec, le Surhomme est l’homme dont la nature est assez
riche et la personnalité suffisamment forte pour s’en réjouir. C’est
à la suite et sur la base de cette révélation que Nietzche va écrire
Ainsi parlait Zarathoustra « le plus
grand présent que l’humanité ait jamais reçu ». Nietzche a recours à
la figure historique de Zarathoustra à des fins parodiques. Instigateur du
monothéisme et de la morale dans l’histoire, le réformateur perse devient
avec Nietzche le destructeur des anciennes tables et le chantre des
nouvelles, surhumaines. |
NIETZSCHE QUI SUIS-JE ? |
BRUNO
FAVRIT |
Edition
PARDES |
2002 |
Nietzsche n’a jamais prétendu
appartenir à la moindre école ou chapelle. Pas même à celle des philosophes,
c’est ce qui fait sa force mais aussi ce qui le rend suspect aux yeux des
bienpensants. Ils ont été nombreux, ceux qui auront tenté de faire parler sa
pensée, de lui faire intégrer le camp d’une vérité. Le travail d’exégète est
colossal. Ce livre montre que l’œuvre de Nietzsche est à l’image de l’homme
et de l’esprit qui l’a conçue : jaillissante, poétique, erratique,
aristocratique, imprévisible, contradictoire, surprenante. Elle
ne peut laisser quiconque indifférent. « Sois celui que tu es »,
commande Nietzsche à son lecteur, et pour ce faire, commençons par renverser
les vieilles idoles et les vieilles valeurs. Commençons par faire le choix
d’une grande santé. Mais Nietzsche explore bien d’autres directions :
Grand Midi, Eternel Retour, Volonté de Puissance, art, morale, tragédie
grecque, affirmation dionysiaque de la vie…Une telle singularité dans la
pensée occidentale, qui recourt à la fois à l’héritage grec et à
l’individualisme, ne peut être lue selon une logique manichéenne.
Il
a rendu à l’action et à l’instinct leurs lettres de noblesse, mais il a fait
bien plus que cela : il a osé revisiter des principes qui ont toujours
appartenu à l’Europe des origines, trop étouffés sous 20 siècles d’éducation
judéo-chrétienne. Il est un éveilleur que les âmes nobles et fortes se
doivent de connaître et de fréquenter. |
noël & pÂques dans la tradition
initiatique |
O.
Mickaël AIVANHOV |
Edition
PROSUETA |
1982 |
Les
fêtes de Noël et de Pâques, annuellement célébrées dans toute la chrétienté
pour commémorer la naissance et la résurrection de Jésus, s’inscrivent dans
une longue tradition initiatique bien antérieure à l’ère chrétienne. Leur
place dans le cycle de l’année – solstice d’hiver et équinoxe de printemps –
qui fait apparaître leur signification cosmique, nous enseigne que l’homme,
par son appartenance au cosmos, participe intimement aux phénomènes de
gestation et d’éclosion qui se produisent dans la nature. Noël et Pâques, la
deuxième naissance et la résurrection, sont en réalité deux aspects d’un même
processus : la régénération de l’homme, son entrée dans le monde spirituel. |
NOUVELLE TERRE |
Eckhart tolle |
Edition
ARIANE |
2005 |
||
L'égo
est non seulement le mental non conscientisé, la petite voix dans la tête qui
prétend être vous, mais également les émotions non conscientisées qui
sont les réactions du corps à ce que cette voix dit. Nous avons déjà vu le
genre de pensée dans lequel cette voix s'engage la plupart du temps et le
dysfonctionnement qui est inhérent à la structure des processus de la pensée,
peu importe leur contenu. Cette pensée dysfonctionnelle est ce à quoi le
corps réagit par des émotions négatives. La voix dans la tête raconte une
histoire à laquelle le corps croit et réagit. Ces réactions sont les
émotions. A leur tour, les émotions alimentent en énergie les pensées qui ont
en premier lieu engendré l'émotion. Tel est le cercle vicieux des pensées et
des émotions non conscientisées, cercle vicieux qui génère la pensée
émotionnelle et les mélodrames émotionnels. La
composante émotionnelle de l'égo diffère d'une personne à une autre. Chez
certains égos, elle est plus importante que chez d'autres. Les pensées qui
déclenchent les réactions émotionnelles dans le corps peuvent parfois arriver
si vite que, avant que le mental ait le temps de les verbaliser, le corps a
déjà réagi avec une émotion, et celle-ci est devenue une réaction. Comme ces
pensées existent à un stade préverbal, on pourrait les qualifier de
suppositions inconscientes non verbalisées. Elles prennent leur source dans
le conditionnement de la personne, en général dans celui de la tendre
enfance. L'énoncé "on ne peut pas faire confiance aux autres" est le genre de supposition inconsciente que fait une
personne dont les premières relations avec ses parents et ses frères et
sœurs, n'ont en rien permis d'inspirer ou de susciter la confiance. Voici
quelques autres suppositions inconscientes communes : "personne ne
me respecte ni ne m'apprécie". "J'ai toujours besoin de me battre
pour survivre" "je n'ai jamais assez d'argent», la vie nous
laisse toujours tomber". "Je ne mérite pas l'abondance".
Je ne mérite pas l'amour". Ces suppositions inconscientes créent des émotions
dans le corps qui engendrent ensuite une activité mentale et des réactions
immédiates. C'est ainsi qu'elles créent votre réalité personnelle. La voix
de l'égo dérange continuellement l'état naturel de bien-être du corps.
Presque tous les corps humains subissent une grande quantité de stress et de
fatigue. Pas parce qu’ils sont menacés par des facteurs extérieurs, mais à
cause du mental. Le corps est rattaché à un égo et ne peut faire autrement
que de réagir à tous les schèmes de pensées dysfonctionnelles fabriquées par
l'égo. Il s'en suit ainsi que le flot incessant de pensées compulsives est
accompagné d'un flot d'émotions négatives. Qu'est-ce qu'une émotion négative?
C'est une émotion qui est toxique pour le corps et qui interfère avec
l'équilibre et l'harmonie de ce dernier. La peur, l'anxiété, la colère, le
ressentiment, la haine, la jalousie, l'envie sont toutes des émotions qui
dérangent la circulation de l'énergie dans le corps, qui troublent le cœur,
le système immunitaire, la digestion, la production d'hormones, etc...Même le courant médical traditionnel commence à
reconnaitre le lien entre les états émotionnels négatifs, et les maladies
physiques. Une émotion qui fait du tort au corps affecte également les gens
avec qui vous entrez en rapport, et indirectement par un processus de
réaction en chaîne, d’innombrables autres personnes que vous ne rencontrerez
jamais. Il existe un terme générique chapeautant toutes les émotions :
le malheur ou la misère. Alors,
est-ce que les émotions positives ont des effets positifs sur le corps?
Est-ce qu'elles renforcent le système immunitaire, revigorent et guérissent
le corps? Oui, effectivement. Mais il faut faire ici une distinction entre
les émotions positives générées par l'égo, et celles plus profondes qui
émanent du lien naturel que vous entretenez avec l'ÊTRE en vous. Les émotions
positives générées par l'égo contiennent déjà en elles-mêmes leur opposé en
qui elles peuvent rapidement se transformer. En voici quelques exemples. Ce
que l'égo appelle l'amour est de la possessivité et de la dépendance, pouvant
basculer vers la haine en quelques secondes. L’anticipation, qui correspond à
une valorisation trop grande d'un évènement futur par l'égo, se transforme
facilement en son opposé, lorsque cet évènement est passé ou ne comble pas
les attentes de l'égo. Les louanges et la reconnaissance vous rendent vivant
et heureux une journée, alors que les critiques et l'ignorance des autres
vous font sentir abattu et malheureux le lendemain. Le plaisir d'une soirée folle
se transforme en noirceur et gueule de bois le lendemain matin. Il n'y a pas
de bien sans mal, de haut sans bas. Les émotions générées
par l'égo proviennent de l'identification du mental aux facteurs externes qui
sont bien entendu, tous instables et sujets aux changements à n'importe quel
moment. Les émotions profondes ne sont pas des émotions mais plutôt des états
de l'ÊTRE en nous. Les émotions se situent dans le domaine des opposés, alors
que les états de l'ÊTRE se situent dans le domaine dénué d'opposés. Même si
elles peuvent par contre, être étouffées, elles
émanent du plus profond de vous sous la forme de joie, d'amour et de paix,
autant d'éléments faisant partie de votre véritable nature. |
10 O
ŒUVRES COMPLÈTES DU PSEUDO DENYS l’ARÉOPAGITE |
Préface
et traduction de Maurice GANDILLAC |
Edition
AUBIER |
1943 |
Denys
L’Aréopagite est très connu par sa hiérarchie céleste et par son apophatisme
-négation des appellations de DIEU- (ce qu’il appelle la négation
transcendante). La pensée de Denys exerça au Moyen Âge une véritable
fascination. Le fait qu’on tienne Denys pour un converti de Paul et pour un
témoin de quelque enseignement apostolique secret y contribuait, mais la
raison de la profonde influence de l’Aréopagite est à chercher dans la
richesse de sa doctrine mystique. Hugues de saint Victor, Albert le Grand,
Bonaventure, Thomas d’Aquin Robert Grosseteste et Scot Erigène ont tous puisé
leurs idées dans l’œuvre et les pensées de Denys Denys
représente une des tentatives les plus radicales de réconcilier le message
évangélique et la tradition néoplatonicienne, tentative séduisante pour une
Eglise jeune encore qui n’a cessé de platoniser tout en se méfiant de Platon.
De plus, malgré les difficultés de son système, il rapproche les démarches
non réfléchies du simple fidèle des symboliques du mystique : le premier
attribue spontanément à Dieu les noms dont use l’Ecriture, le second,
conscient de leur impropriété, en use en les dépassants, mais tous deux doivent
finalement reconnaitre que le dernier mot de la science de Dieu est le
silence et la négation de tout ce qui est. Le
corpus Dionysien comprend dix lettres et quatre traités. Au sommaire de cet ouvrage : Le mythe dionysien - le corpus dionysiacum - l’influence
dionysienne - Les noms divins 6 Un Dieu aux noms en nombre
infini - La théologie mystique, discrète et commune - La
négation transcendante ou apophatique La hiérarchie céleste des anges, archanges et autres Séraphins
- La hiérarchie ecclésiastique Lettres à Gaïos –à Dorothée
- à Sosipater - à
Polycarpe - à Démophile - à Titos
- à Jean - |
ORPHḖE
- LA FḖCONDITḖ DU
CHAOS |
Dominique Bertrand |
Ed. Signatura |
2016 |
||
l’inconnu. Orphée en fit un art : l’art des rythmes
que le corps capte en résonance, l’art de l’onde dont l’élan exhausse la
parole hors d’elle-même, viatique ultime... Poétique, l’épreuve implique le
travail du langage-qui-fait-l’humain-qui-fait-le-langage,
cette boucle tragique qui peut tout autant enfermer que libérer, selon les
orientations de l’obscure dynamique désirante. Ici la voix rappelle que nul
ne traversera le chaos extérieur sans être initié au chaos intérieur, source
obscure du verbe qui ouvre les mondes. L’écoute en est la loi.- Orphée, apparu 13 siècles avant le
Christ, fut un grand réformateur religieux. Si l'on en croit l'historien
latin Horace, il fut l'interprète sacré des dieux. Il était le fils d'un roi
de Thrace Œagre, mais selon les légendes, il serait
fils d'Apollon, dieu solaire, et de la muse Calliope. D'ailleurs, il était
lui-même musicien et poète. Sans qu'aucun auteur ancien n'en fasse mention,
dès sa jeunesse, il quitta le pays pour l'Egypte, où il fut accueilli par les
prêtres de Memphis. Après vingt ans dans les écoles de mystère, il retourna
en Thrace et entreprit de profondes transformations dans l'organisation
religieuse. Sa tombe devint un lieu de pèlerinage. Orphée est surtout connu par
la légende de sa descente aux enfers. Mi-homme, mi- dieu, il est devenu un
personnage mythologique dont le nom signifie "la lumière de
d'amour". Il serait à l'origine des mystères d'Eleusis qui apparaissent
dès le VIIe siècle. Prélude au christianisme, l'orphisme constitue
à la fois une religion secrète à caractère initiatique et une philosophie :
l'âme, prisonnière du corps, porte le fardeau d'un crime originel ; elle ne
sera libérée qu'au terme de nombreuses incarnations en se purifiant par les
jeûnes, l'ascétisme et l'initiation spirituelle. C'est aussi la promesse
d'une vie post-mortem. Ces rapprochements avec le christianisme ont été mis
en lumière par André Boulanger, qui cite un autre auteur dans son livre Orphée.
Voici l'opinion de ces auteurs : "Le passage du christianisme judaïque
au christianisme hellénique, du fait historique de Jésus au fait mystique du
Christ, se serait opéré grâce à l'orphisme, la christologie de Paul étant
purement et simplement une transposition de l'orphisme. Entre les deux
doctrines, il y a mieux que des ressemblances, il y a identité pour tout
l'essentiel. Par conséquent, établir que les éléments mythiques du Christ
paulinien dérivent de l'orphisme équivaut à chercher jusqu'à quel point la
résurrection mystique dans le christianisme dérive de l'orphisme Au
sommaire de cet ouvrage : Orphée, le dernier chaman
- Eurydice, le Grand Dire -
Orphée - Le nocher des enfers -
En puissance - Charon
- La puissance de la
puissance - Cerbère
- les des damnés de sous-terre - Sisyphe
- Orphée le civilisateur -
Tantale - Hermès
- Eurydice -
Pythagore - Les dieux de l’enfer -
Perséphone - Le retour
- L’écoute -
Sans nom, Danaïde - L’explication orphique de la terre -
Transmission - La musique, le silence et la puissance -
le Baptiste - Kalis et Thero,
2 ménades - Dionysos
- Les Ménades -
Vers l’accomplissement - les Erynies -
|
OO
- L’ART DU CHAOS |
Dominique Bertrand |
Edition Signatura |
2017 |
«
Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce
clair-obscur surgissent les monstres ». Gramsci nous alerte ici sur les
risques propres à la transition impliquant aujourd’hui l’humanité entière,
menaçant tout ordre établi, générant de sourdes passions apocalyptiques qui
font la joie des trafiquants d’âmes. Spectaculaire, cette face sombre du
chaos empêche d’en saisir une dimension bien plus subtile, enjeu d’un art de
vivre où forme et informe ne s’opposent plus, mais collaborent secrètement à
l’énigme des transformations. Guidés par Nietzsche et Rabelais, nous
traverserons mythes, sciences et sagesses ancestrales pour réaliser que, si
l’on ne peut passer d’un ordre à un autre sans passer par le désordre, ce
n’est que par le chaos que nous traverserons le chaos. L’extérieur reflète bien les
divisions intérieures. Ce qui se met en place dans la manipulation des
foules, soigneusement planifié depuis très longtemps, est arrivé dans une
nouvelle phase de déstabilisation qui amène dans un premier temps
l’être dans un état de réactivité émotionnelle. A ce stade, par
pure identification, un égrégore puissant est créé qui nourrit les êtres qui
l’ont voulu au plus haut niveau. Ceux nombreux qui s’identifient un peu
partout aujourd’hui savent-ils vraiment ce à quoi ils s’identifient en
brandissant une pancarte commune ? Les évènements qui se
succèderont auront pour objectif d’attiser la division – donc le
sentiment de séparation – jusqu’à la haine. A cet ultime stade, l’être
touche inconsciemment au désespoir du sentiment de séparation et cherche
alors à adhérer au groupe qui le sécurisera. C’est là que le nouvel ordre
tant attendu par ceux qui l’ont fomenté pourra se mettre en place avec le
soutien ignorant du plus grand nombre. L’adhésion ou la non
adhésion au groupe déterminera notre liberté. Parce que finalement nous
ignorons qui nous sommes réellement alors que nos peurs nous
séparent, nous nous identifions toujours à quelque chose dont nous
épousons la cause et nourrissons la croyance par notre adhésion. Nous
ne pouvons au mieux que nous défaire de ces peaux que nous revêtons, au fur
et à mesure d’une meilleure connaissance de nous. Ce qui implique donc
d’avancer non à travers de nouvelles identifications qui se présenteraient
sur le chemin – et il va s’en présenter encore – mais en nous
dépouillant pour n’être qu’un observateur lucide et attentif qui nourrit sa
maîtrise non par la recherche extérieure à laquelle il s’identifierait
encore, mais dans l’espace intime de son être où l’amour de toute chose
réside. Là il peut véritablement agir en conscience, si cela lui est demandé
ou si cela naît d’un plaisir nourrissant pour son âme. Être dans ce monde
mais pas de ce monde. L’amour n’est pas ce concept
mielleux souvent véhiculé au sein des adeptes du New Âge et qui n’est rien
d’autre qu’une stratégie d’évitement de ses douleurs, propice à nous éloigner
de notre libération de la matrice à laquelle nous avons adhérée.
L’amour n’a rien de mielleux, c’est la force suprême, parfois impitoyable,
qui régit la Création et dont nous ne sommes en aucun cas séparés. Il réside
en nous et ne demande qu’à rayonner, malgré les blessures et les peurs qui le
masquent, nécessitant de ne pas brûler les étapes. L’épée de lumière ne se brandit
pas avant d’avoir été forgée, nombre de pèlerins l’ont oublié et se
nourrissent de l’illusion de la brandir, souvent à travers la force du
groupe, qui s’auto valide par son souci permanent de cohésion pour maintenir
sa force et son pouvoir, et dont il convient pourtant de se défaire. Je l’ai
dit et redit et le répète encore, c’est un chemin éminemment solitaire, où
les aides sont acceptables tant que l’on ne joue pas le jeu de l’adhésion au
chemin d’autrui, tant que l’on n’est pas dupe des jeux de pouvoir plus ou
moins conscients qui s’exercent en toute communauté qui éprouve le besoin
d’elle-même. De même, vouloir aider autrui d’après ce que l’on croit et
même si on nous le demande ne nous oblige pas à nous investir d’un
rôle d’enseignant ni encore moins de marchand et ne nous astreint pas non
plus à devoir présenter une image de l’impeccabilité. |
OSER
LA BIENVEILLANCE
- |
Lytta Basset |
Edition Albin Michel |
2014 |
Qui croit encore au péché originel ? Les églises elles-mêmes n’en parlent plus guère, et la sécularisation nous a fait ranger ce dogme au rang des vieilleries moralisantes. Et pourtant ! Après avoir terrorisé nos ancêtres, il fait encore sentir ses ravages dans bien des domaines, et notamment celui de l’éducation : que nous le voulions ou non, nous avons intégré cette perception négative de la nature humaine, et la reproduisons sans cesse. Lytta Basset décrit ici la généalogie et l’impact de cette notion profondément nocive qui remonte à Saint Augustin, et qui contredit les premiers Pères de l’église ; elle montre comment ce pessimisme radical est totalement étranger à l’évangile : tout au contraire, les gestes et paroles de Jésus nous appellent à développer un autre regard sur l’être humain fondé sur la certitude que nous sommes bénis dès le départ, et le resteront toujours. Appuyé sur le socle de la Bienveillance originelle, chacun de nous peut et doit oser la bienveillance envers lui-même et envers autrui, et passer ainsi de la culpabilité à la responsabilité. Mobilisant les ressources de la psychologie, de la philosophie et des sciences humaines, voici un ouvrage novateur et fondateur, propre à renverser notre vision de l’humanité, de son potentiel et de ses limites. Au sommaire de cet ouvrage : Les ravages de la doctrine du péché originel : Une société souffrante - Une doctrine toxique - Un autre regard sur les humains - La dynamique du livre - Quelques balises personnelles - Saint Augustin - L’humanité vouée à l’enfer - Une dérive pathologique propre à l’occident - Mécompréhension des textes bibliques - la Genèse - Une doctrine incompatible avec le judaïsme et l’enseignement de Jésus - De la propagande culpabilatrice à nos fléaux sociaux - Une traque obsessionnelle - La surdité au message de libération - les dualismes destructeurs - La condamnation scientifique e l’espèce humaine - Psychologie et psychanalyse - Prendre en compte toute la réalité humaine : Naissance et survie - L’expulsion du paradis intra-utérus - La capacité innée à se défendre - L’empathie inscrite en l’humain - les justes - L’empathie divine - La lente prise de conscience - Les faits et les effets - Violence éducative et type de société - Malheur et malfaisance, la part du mystère - le mystère de la cécité - les héritages transgénérationnels - l’énigme du serpent - Le « péché » biblique sur fond de malheur : Souffrance, repli sur soi et rupture de relation - La non-relation à l’autre, une variété de symboles - sortir de soi, un combat spirituel au quotidien - Ex nihilo ? - Choisir de refuser la fatalité - L’humain, ni bon ni mauvais mais à l’image de Dieu - Une bienveillance qui incite à devenir responsable : Zachée ou la bienveillance originelle - Une bienveillance à l’abri du désir et qui traite d’égal à égal - Une bienveillance désireuse de relations qui durent - Une bienveillance qui pousse à des actes responsables et qui accueille autrui dans ses limites du moment - Une bienveillance qui rend clairvoyant et qui réveille en l’humain sa capacité relationnelle - Une bienveillance restauratrice du tissu humain et qui est capable de faire abandonner la culpabilité et le perfectionnisme - Evangile de Luc - Caïn ou que faire du mal que j’ai fait ? - De l’irresponsabilité collective à l’autorité du « je » - |
ouspensky - fragments d’un enseignement inconnu |
P. D. ouspensky |
Edition
STOCK |
1961 |
Au
cours de ses voyages en Europe, en Égypte et en Orient, à la recherche d’un enseignement
qui résoudrait pour lui le problème des relations de l’Homme à l’Univers,
P.D. Ouspensky avait été amené à connaître Georges Gurdjieff dont il était
devenu l’élève. C’est de Gurdjieff qu’il est question tout au long de ce
livre sous l’initiale « G ». Fragments d’un enseignement inconnu est le récit
de huit années de travail passées par Ouspensky auprès de Gurdjieff. Cette
idée des dimensions fascine Ouspensky, qui apparemment a hérité cet
enthousiasme de son père ; il s’intéresse au rapport du temps à la
quatrième dimension : si l’homme pénétrait une dimension supérieure, il
pourrait percevoir son « long corps temporel », il pourrait être
témoin de son passé, de son présent, de son futur, et vivre en conséquence.
Pour Ouspensky, c’était là une vision inestimable, capable de modifier le
cours entier d’une vie. Ouspensky entreprend aussi d’étudier d’un point de
vue théorique des dimensions plus hautes que la quatrième, notamment celle de
l’éternel retour – une dimension où notre vie présente a déjà été vécue un
nombre infini de fois. Ces idées sont à la base de son roman L’étrange vie
d’Ivan Osokin. ‘’J’étudiai
la littérature consacrée aux sciences occultes ; je fis toutes sortes
d’expériences psychologiques inspirées des Yogi et des méthodes magiques, je
publiai plusieurs livres, dont Tertium Organum, et je fis des conférences sur
le Tarot, sur Superman, sur les Yogis,
etc. ». Ouspensky déclara plus tard que le stimulant le
plus efficace pour la connaissance de soi et le rappel de soi était l’insatisfaction
provoquée par notre état actuel, et que rien ne peut inciter davantage à
progresser sur la voie de l’évolution intérieure que la répugnance envers le
sommeil. Ouspensky
continue de chercher une solide pierre angulaire de sagesse ; il étend ses
recherches à d’autres domaines de la littérature et se rend dans des contrées
encore plus exotiques. Ressentant le besoin d’un enseignement direct, il
cherche à entrer en contact avec des écoles de sagesse, qui, croit-il,
pourraient subsister, comme les derniers vestiges d’anciennes traditions à
présent disparues. Mais beaucoup d’autres éléments se mêlaient aussi à
tout cela : « « la peur de m’égarer
dans une mauvaise direction, la peur de commettre une erreur irréparable, la
peur de perdre des possibilités. Toutes ces peurs disparurent quand je
commençai, d’une part, à acquérir de la confiance en moi-même et, d’autre
part, à avoir une foi pratique dans le système. » Au début
des années 1900, Ouspensky s’aventure au Moyen-Orient et en Extrême-Orient,
recherchant des traces de la Connaissance perdue. De retour en Russie, il
donne des conférences sur sa recherche du miraculeux. Ses présentations
attirent de nombreuses personnes intéressées par le sujet. Lors d’une de ces
conférences, il est abordé par deux auditeurs qui lui conseillent de
rencontrer un étranger mystique visitant la Russie à ce moment-là. En
1915, Ouspensky rencontre George Gurdjieff et il reconnaît immédiatement
que celui-ci possède cette connaissance qu’il avait cherchée au loin. Il
devient l’élève de Gurdjieff, qui lui enseignera pendant dix ans les
principes de la Quatrième Voie. L’enseignement a pour toile de fond le déclin
de l’ordre social en Russie, qui, d’une certaine façon, le complète. Le
‘Travail’, comme l’appelle Gurdjieff, ne peut avoir lieu que sous
pression ; rien ne peut être considéré comme acquis et les étudiants
sont soumis à des tests essentiels visant à faire primer le spirituel sur le
physique. L’actualité force Gurdjieff et Ouspensky à déménager. Entretemps,
l’enseignement de Gurdjieff a changé de forme et a pris une direction
différente, ce qui amène Ouspensky à le quitter et à continuer à travailler
séparément. Ouspensky s’installe à Londres en 1930. Là, il commence à
enseigner la Quatrième Voie, tout en rédigeant des textes se rapportant au
système que lui avait enseigné Gurdjieff. Ouspensky décède en Angleterre, à
Lyne Place, le 2 Octobre 1947. |
OUSPENSKY - UN NOUVEAU MODÈLE DE L’UNIVERS |
P. D. OUSPENSKY |
Edition STOCK |
1996 |
||
Au sommaire de cet ouvrage :
Chapitre 1 : L’ésotérisme et la pensée moderne : La légende
Salomon, celle du Saint Graal, mysticisme et connaissance cachée
- Evolution et transformation - La religion des mystères et
leur évolution - L’ésotérisme , son contenu, comment le
pratiquer, la culture des civilisations - les
différents niveaux chez les homme - le barbarisme et ses
ramifications - le grand laboratoire - Chapitre 2 : La quatrième dimension : L’idée de la
connaissance cachée - le problème du monde invisible
- Qu’est-ce que la quatrième dimension ? - Deuxième et
troisième dimension - notre relation avec l’invisible
- relation de temps et d’espace dans la matière - la
quatrième dimension en nous - Alchimie, métaux, Magie,
matérialisation et dématérialisation - Chapitre 3 : Le Surhomme : Permanence de l’idée du
surhomme dans l’histoire de la pensée et nouveauté imaginaire de l’idée de
surhomme - le surhomme d’après Nietzsche peut-il être un
être compliqué et contradictoire ? - le surhomme
et la connaissance cachée - le Christ d’après
Nietzsche et Renan - le diable de Dostoïevski -
Pilate et Judas - le magicien et le rituel
- L’éternité et la possibilité des mondes infinis - le
Sphinx et son énigme - la légende de Moïse dans le Talmud
- Chapitre 4 : Le Christianisme et le nouveau Testament : L’ésotérisme
dans les évangiles et son élément émotionnel - Légendes et
doctrines, le drame du Christ, sa filiation, son enseignement et sa
mort - les écoles de mystères grecs - la
Rédemption - Que ceux qui ont des oreilles entendent
- les paraboles de Jésus - le grain de blé de Jésus en
rapport avec les mystères d’Eleusis - la prière de Socrate
- Compassion et sacrifice - le Saint Esprit -
les miracles et guérisons de Jésus - Chapitre 5 : Le symbolisme du Tarot : Son
histoire
- Système et synopsis des sciences hermétiques et occultes, symbolisme de
l’alchimie, de la Kabbale et de la magie - le nom de Dieu et les
quatre principes - Oswald Wirth - Divers
commentaires sur la force de la magie - Eliphas Levi
- la philosophie hermétique - les diverses disciplines que
l’on peut développer dans l’étude du Tarot - Chapitre 6 : Qu’est-ce que le Yoga ? : Les
enseignements secrets de l’Inde - les yogis et les
fakirs - les écoles de Yoga avec leurs maitres, leurs
enseignements, les bienfaits, les différentes disciplines, le Hatha Yoga, le Raja Yoga, le Karma Yoga, le Bhakti Yoga,
le Jnana Yoga - Chapitre 7 : De l’étude des rêves et de l’hypnotisme : La vie
étrange des rêves - la psychanalyse - les différents
sommeils - les grandes différences entre les rêves
- le contrôle de la conscience par l’hypnotisme
- les phénomènes de médiumnité - l’hypnose
particulière et celle de masse - hypnose et médecine
- Chapitre 8 : Le mysticisme expérimental : Magie et
mysticisme - méthode des opérations de base - la
respiration et le souffle - le cœur - les voix de
l’état transitoire - les divers mondes inférieur et
extérieur - tentatives de visions à distance - Chapitre 9 : A la recherche du miraculeux : Notre Dame de
Paris, l’Egypte et les pyramides, le Sphinx, les derviches tourneurs Chapitre 10 : Un nouveau modèle de l’Univers : La
forme de l’univers - L’espace et le temps séparé - le
principe de la matière et sa conservation - la gravitation
- l’éther - Einstein - le temps en forme de
spirale - les trois dimensions du temps - les
divisions de la vitesse - la septième dimension
- l’espace céleste - les phénomènes de temps et
d’espace - Chapitre 11 : L’éternelle récurrence et les lois de
Manu :Enigme
de la naissance et de la mort - Transmigration des âmes -
Paul, Origène, Jésus, - La courbe du temps et de l’éternité
- Réincarnations - le Christianisme et le juif errant
- Chapitre 12 : Sexe et évolution : Mort et
renaissance - Evolution du sexe - les diverses
composantes et pathologies du sexe - transmutation et
ascétisme - Bouddha et le Christ…… .. Né en 1878 à Moscou, Ouspensky fut longtemps élève de
Gurdjieff, il le quitta pour partir à Londres où il fonda sa propre école. Il
est l’auteur de nombreux ouvrages dont le plus connu est :
« Fragment d’un enseignement inconnu » (voir le livre précédent).
Il est mort à Londres en 1947 |
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