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Chapitre10   A - D (Philosophie - Métaphysique - Grands Initiés - Mystiques - Spiritualité)

 

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10 A

ABELLIO - APPROCHES DE LA NOUVELLE GNOSE

Raymond ABELLIO

Edition Gallimard

 1981

L’actuelle crise des fondements de la science classique rend caduc le postulat essentiel de celle-ci, qui pose comme allant de soi l’indépendance des phénomènes.

 

De plus en plus, tant en physique quantique que dans les sciences dites humaines, s’impose au contraire le postulat d’une interdépendance universelle impliquant l’emploi de modes de pensée étrangers à la logique cartésienne, en fait une nouvelle dialectique de la globalité, une nouvelle gnose.

 

Paru en 1965, l’ouvrage fondamental de R. Abellio, intitulé « la structure absolue », se donnait précisément pour objet l’étude de ce nouveau postulat et d’un certain nombre de ses applications, notamment à l’ontologie, la théologie, et à l’anthropologie.

 

Bien qu’ils aient été écrits à des époques différentes avant la parution de cet ouvrage, la plupart des articles et des préfaces rassemblés dans le présent recueil, même s’ils ne se référent pas expressément à ce texte de base, y préparent l’esprit.

Ils nous présentent différents versants de l’œuvre d’Abellio : la philosophie (éthique, esthétique, logique), la critique littéraire appliquée à des auteurs considérés ici comme des précurseurs d’un roman métaphysique toujours à venir (Balzac, Meyrink, Dostoïevski), les sciences dites traditionnelles (astrologie, alchimie, tarot), l’histoire invisible (le destin des Cathares et celui des Juifs).

Autour de l’œuvre d’Abellio, des mathématiciens, des chercheurs, des philosophes se sont rassemblés. Ardente, secrète minorité. La « structure absolue » n’est pas, pour eux, un système ou une idéologie parmi d’autres, mais un outil que chacun peut employer à la mesure de ses moyens dans le domaine particulier de sa compétence.


Au sommaire de cette nouvelle gnose :

Abellio le baptiste

Gnose et philosophie : le problème de la transfiguration – Malcom de Chazal – L’homme et la connaissance – L’esthétique de la fin des temps – Marxisme et Phénoménologie – les aventures de la dialectique –

La littérature de la Gnose : Gustav Meyrink, la nuit de Walpurgis – Balzac, la recherche de l’absolu et Louis Lambert – L’adolescent et l’idiot par Dostoïevski –

Les Arts sacrés : L’or du millième matin par Armand Barbault – Ne brulez pas la sorcière par Elizabeth Tessier – Quand l’astrologie rencontre la science par Jean Barets – Retour au zodiaque des étoiles par Jean Dorsan – Histoire, structure et symbolisme du Tarot –

L’histoire invisible : Le cinquième empire par Dominique de Roux – Trotski et la guerre – La généalogie de l’Occident et le destin des juifs – Montségur -

 

ABELLIO - COLLOQUE DE CERISY : RAYMOND ABELLIO

Divers Auteurs

Edition Dervy

 2004

Le polytechnicien Raymond Abellio (1907-1986) est sans doute le plus grand écrivain « gnostique » français de la seconde moitié du XXe siècle.

A l’instar de René Guénon, dont il diffère dépendant sur bien des points, il a joué pour nombre de ses lecteurs un rôle d’éveilleur. La rencontre d’un maître spirituel en 1943 l’a détourné d’un engagement politique intense, qui l’a conduit à se perdre et, par réaction, à se trouver.

Il s’est alors consacré à l’expérience intérieure et à l’écriture, cultivant des genres variés (quatre romans, de nombreux essais, trois tomes de mémoires) et traitant de divers domaines : l’amour, la politique, la science, la philosophie et ce faisant il a exploré maintes traditions de la pensée ésotérique comme la kabbale, l’astrologie, l’astronomie et les symbolique des nombres.

Le présent ouvrage porte sur tous ces aspects. Il présente l’homme et l’œuvre, et fait apparaitre la fécondité d celle-ci dans le contexte de la réflexion contemporaine.

Ce colloque de Cerisy a été conçu pour mieux connaitre Abellio, en le situant dans le contexte de l’époque et de pouvoir s’interroger sans concessions sur l’actualité des divers enjeux et controverses qu’ils ont soulevés et soulèvent toujours au sein du paysage culturel français

L’histoire des engagements d’Abellio dans la cité, son œuvre de romancier et de mémorialiste, enfin les divers aspects de sa philosophie, tels sont les thèmes majeurs autour desquels s’articulent les diverses parties de cet ouvrage collectif, lesquelles, comme il est naturel et inévitable, se recoupent sur bien des points.

Au sommaire de cet ouvrage important de 430 pages :

Politique :

Jean-Claude Drouin : Lecture historique du tome III de la dernière mémoire, Sol Invictus

Christine Tochon-Danguy : Le rôle de Soulès-Abellio dans la France de Vichy

Jérôme Rousse-Lacordaire : Abellio et la théologie de la Libération : un moment du communisme sacerdotal.

Actualité de Raymond Abellio :

Jean-Baptiste de Foucauld : Raymond Abellio entre totalité et totalitarisme

Anne Biadi- Imhof : La question du sens en science humaine : « structure absolue » et relation thérapeutique.

Jean-Loup Herbert : Lecture musulmane de Raymond Abellio.

Littérature et Imaginaire :

Nicolas Robert-Serebriakov : Le fantasme comme support de réalisation chez Raymond Abellio

Viviane Barry : L’image de la femme dans l’œuvre romanesque d’Abellio

Philosophie et Science :

Michel Camus : Abellio et la phénoménologie transcendantale de Husserl

Bernard Guibert : La « structure absolue » chez Abellio et chez Marx.

Basarab Nicolescu : Raymond Abellio et la conversion de la Science.

Gnose, Esotérisme :

Eric Coulon : Eléments d’introduction à la gnose abellienne

Jean-Louis Schlegel : Esotérisme : l’ère de la désoccultation selon R. Abellio

Daniel Verney : Abellio et l’astrologie comme laboratoire d’une connaissance future.

Marie-Reine Renard : Pierre de Combas.

Jean-Pierre Brach : Entre Bible et Kabbale : Abellio et la symbolique des nombres.

Antoine Faivre : R. Abellio en contexte : De quelques structures absolues, liées aux courants ésotériques occidentaux modernes.

Nicolas Roberti-Serebriakov : Bibliographie, présentation des auteurs et index des noms. 

 

ABBELIO - LA FIN DE L'ÉSOTÉRISME

Raymond Abellio

Edition FLAMMARION

 1973

Cet ouvrage contient cinq exposés consacrés à l’ésotérisme, à ses doctrines d’abord, apparemment disparates, à ses applications ensuite, souvent réputées aventureuses, sinon fantaisistes. Un sujet immense qui concerne toutes les civilisations, depuis soixante siècles, leurs mythes, leurs symboles, leurs religions, leurs philosophies et aussi certaines de leurs activités plus ou moins souterraines, telles que l’alchimie, la magie, l’astrologie, etc.

L’auteur n’a pas voulu ici faire œuvre didactique et exhaustive, mais seulement dégager quelques fils conducteurs et surtout exposer une thèse : à savoir qu’en cette fin de cycle historique, nous entrons dans une période de désoccultation de la tradition cachée et que, dans cette désoccultation, l’Occident doit tenir un rôle éminent et faire confiance à son exigence fondamentale, moins expressive qu’opérative, moins objective que transfiguratrice, moins exégétique que productive, ou plutôt le tout ensemble.

Quand Raymond Abellio parle de « La fin de l’Ésotérisme » il faut prendre le mot fin dans un double sens et l’interrogation qu’il pose dans ce livre est double également : quel est l’objet, le but que se propose l’ésotérisme ? Mais, en atteignant ce but, ne disparaît-il pas en tant que tel ?

 

ABELLIO - Œuvre de RAYMOND ABELLIO - L’HERNE

Divers auteurs 

Edition de L’Herne

 1979

430 pages grands format pour comprendre et analyser l’œuvre de Raymond Abellio.

L’oeuvre d’Abellio est difficile à classer car il fut un écrivain et penseur éclectique.

Depuis 1945, il écrivit 3 romans, 6 essais, des mémoires et une pièce de théâtre, pour les uns il appartient aux ‘’littéraires’’, pour d’autres il est un « « penseur philosophique ésotérique’’. Abellio intègre à sa pensée des domaines aussi variés que la philosophie, l’art, la politique, l’ésotérisme et les sciences humaines.

Son œuvre tout entière s’enlève sur le fond de la triple fonction du sexe, de l’art et de la métaphysique, ce qui correspond pour lui au Tryptique : corps, âme et esprit dans le monde, c’est pourquoi cet ouvrage-référence insiste sur les thèmes de l’amour, de l’éthique, de l’esthétique et de la méditation métaphysique.

Toute l’œuvre de Raymond Abellio témoigne d’un intérêt vif et sévère pour ce qu’il est convenu d’appeler l’ésotérisme, c’est à dite le corpus traditionnel, le fond métaphysique universel, sous-jacents à l’ensemble des cultures et des civilisations.

Bien que sa position ai été toujours claire à ce sujet, il laisse planer sur son œuvre un parfum de mystère et d’ambigüité entre sa recherche métaphysique et l’ésotérisme. Faut-il le ranger parmi les ésotéristes ?  Rien n’est moins sûr, quoique son travail sur les Tarots dont il a peint 22 magnifiques aquarelles, correspondant aux 22 lames majeures, prouve qu’il était un chercheur ésotérique, simplement il plaçait l’ésotérisme au service de la phénoménologie, d’ailleurs dans ce sens il s’est aussi servi de la Kabbale et du Yiking.

Il disait ‘’J’ai perdu l’habitude de fonder mes pensées sur des textes si vénérables soient-ils, et, j’essaie d’interroger ces textes sur leurs raisons au nom de ma raison’’

Au sommaire de cet important ouvrage sur l’œuvre d’Abellio :

Approches : Le postulat de l’interdépendance universelle par R. Abellio

La mort ou la provocation absolue par Michel Camus

La voie héroïque et gnostique vers le Soi, par Yves Dauge

L’accomplissement de l’homme selon R. Abellio par Pierre Borgue

Les yeux d’Ezéchiel, refus et fascination de l’histoire par Monique Rousselle

Réflexions sur la structure absolue par Louis Bolle

Le phénomène Abellio vu des Etats-Unis par Branko A. Lenski

Positions et Ethique : Considérations théoriques sur la phénoménologie d’Abellio par Jean-Pierre Lombard

Fondements d’éthique par Raymond Abellio : De la dialectique du Maitre et du disciple à celle du Père et du fils – note sur le libre arbitre et la liberté – De l’éthique sartrienne à la praxis marxiste  –  Les limites de l’enseignement initiatique – Enseignements, exemples et influences – Morale naturelle et éthique transcendantale –

Esthétique : Que faut-il entendre par « transfiguration », fascination et communion  par Raymond Abellio

La chute d’Icare, de Bruegel, et une pédagogie du ‘’Je transcendantal’’ par Jean-Pierre Dautun

L’écriture et la conscience intime du temps par Henry Zipper

Abellio et la tache aveugle par Christian Noorbergen

La genèse de l’œuvre par Guy Gervais

Devant la fosse de Babel par Louis Bolle

Un quaternion pour Abellio par Pierre Schaeffer

Erotique : Eléments d’érotique transcendantale par Michel Lafond

Les femmes d’Abellio par Geneviève Armleder – Lettre de Miche Lafond et lettre de Jacqueline Capelle

Logique : Préambule à la logique de la double contradiction par Charles Hirsch

La science par le haut par Robert Gouiran

Un fil d’Ariane entre Abellio et Lupasco par Marc Beigbeder

Prophétique : Les tours de Salem par Jean Parvulesco

Un témoin prémonitoire par Geoges Laffly

Sur l’Europe de Raymond Abellio, étoile polaire de la constellation du monde par Alain de Benoist

Témoignages : Journal de Suisse - Correspondance avec Antoine Faivre - Le cercle d’étude métaphysique -

 

A LA RENCONTRE DE MYSTIQUES EXTRAORDINAIRES

Christian Pujalte

Ed.  Trédaniel

 2017

Gemma Galgani, Anna Schäffer, Yvonne-Aimée de Malestroit et bien d’autres femmes et hommes. Peu connues du grand public, ces hommes et ces femmes font pourtant partie des mystiques du XXe siècle canonisés ou béatifiés ou dont les causes sont en cours d’études.  Les mystiques sont de retour ! Et avec eux certains phénomènes qualifiés d'extraordinaires, de surnaturels, de prodigieux... Plus exactement, ils n'avaient jamais été éradiqués. Ce n'est pourtant pas faute de les avoir combattus. Mais tel le phénix qui ressuscite éternellement de ses cendres, ils sont toujours parmi nous. Et, bien que cachés, volontairement occultés, ils n'en demeurent pas moins étonnamment vivants et lumineux. Dans une société toujours plus vide de spiritualité et de sacralité, un nombre croissant de ses membres est plus que jamais en quête de divin. Face à des questions existentielles qui peuvent conduire à l'angoisse, la mort étant la plus incontournable d'entre elles, l'existence de Dieu, si l'on y adhère, est la réponse la plus satisfaisante. Partons donc à la découverte de ces trésors inestimables, trop souvent méconnus, qui constituent autant de signes tangibles et fiables de la présence du monde invisible. Pour Arthur Rimbaud la "vraie vie" était absente, elle ne le sera plus si, grâce aux clés précieuses que nous donnent les mystiques présentées dans ce livre, nous apprenons à ouvrir les portes qui conduisent, dès à présent, vers ces lieux où la lumière qui ne décline jamais éclaire ainsi le "verso" de toute chose, et nous donne comme un avant-goût de l'aurore nouvelle qui nous est promise, celle du "Ciel".

 

Etats extatiques, faculté de clairvoyance, rêves prémonitoires, stigmates de crucifixion, attaques dites « démoniaques », xénoglossie, bilocation... Des événements totalement invraisemblables ont émaillé la vie d’Yvonne-Aimée de Malestroit. Des phénomènes dont la réalité a pourtant été attestée par une multitude de traces tangibles et de nombreux témoins dignes de confiance : les sœurs du monastère de Malestroit dont elle fut la Mère supérieure, des prêtres - son ami l’Abbé La Butte, et l’Abbé Laurentin - mais aussi un médecin, Patrick Mahéo, qui s’est intéressé de près à son dossier médical. Difficile de croire à ces phénomènes étranges, pourtant Yvonne-Aimée de Malestroit n’est pas un cas isolé. Dans l’histoire du christianisme, de nombreux autres personnages religieux ont vécu des expériences similaires, défiant les lois de la nature et du simple bon sens. Comme Padre Pio, Sainte Elisabeth de la Trinité, Sainte Thérèse de Lisieux, Sainte Agnès de Langeac ou encore Marthe Robin. Cette dernière - dont le dossier, comme celui d’Yvonne-Aimée, a été déposé auprès des autorités diocésaines en vue d’une éventuelle béatification - a vécu près de cinquante ans sans manger ni quitter son lit, souffrant chaque jour la Passion. Qui sont réellement ces personnages religieux au destin fascinant ?

 


Si ces expériences mystiques ne seraient finalement « que » des états de conscience modifiés, peut-on imaginer qu’elles puissent être vécues par n’importe qui sans pour autant être considérées comme un épisode psychotique ? « Ces expériences n’arrivent pas seulement aux grands saints, assure Djohar Si Ahmed. Mais on ne va évidemment pas considérer de la même manière le récit d’une personne qui a passé sa vie au couvent et celui de quelqu’un qui a toujours vécu à Paris et qui, soudain, dirait voir Jésus au pied de son lit. La réaction du sujet à son expérience sera un critère de différenciation dans la mesure où le psychotique ne sera pas capable de donner un récit cohérent de ses expériences et de ses hallucinations, souvent de type paranoïde, alors qu’un sujet en crise psycho-spirituelle pourra, à certains moments, en donner un récit voire des interprétations cohérentes.
« Je pense qu’Yvonne-Aimée de Malestroit, Marthe Robin, Padre Pio, et tous ces religieux dont on dit qu’ils ont vécu des expériences mystiques, sont simplement des sujets PSI (personnes douées de capacités extrasensorielles) dont les prédispositions existaient depuis l’enfance mais qui ont véritablement émergé et pris une tonalité divine en entrant dans les ordres, répond Paul-Louis Rabeyron.

 


Le phénomène de bilocation - qui signifie parvenir à se trouver simultanément dans deux endroits en même temps -, reste, qu'’en lui, particulièrement troublant, et ni la science, ni l’Eglise, n'y trouve d’explication conventionnelle. Pourtant, là encore, des témoins dignes de foi affirment avoir vu Yvonne-Aimée de Malestroit dans deux endroits en même temps, séparés par plusieurs centaines de kilomètres. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce phénomène inexpliqué aurait, lui aussi, été vécu par des femmes, des hommes et des enfants qui n’ont aucune appartenance religieuse. Ces états mystiques nous ouvrent sur le champ immense des mystères de la conscience. Une étude systématique de toutes ces expériences vécues par les grands mystiques et des milliers de laïcs pourrait-elle nous éclairer sur la nature de cette frontière - parfois bien poreuse - entre le monde spirituel et le monde matériel ? Pourrait-elle aussi nous aider à distinguer la folie du surnaturel ?

 

Dans l’expérience mystique, le corps est à la fois l’intime et l’étranger. Le corps se trouve comme « exproprié » de lui-même et situé dans un lieu Autre. Reprenant les approches de Jacques Lacan et de Michel de Certeau, Jean-Daniel Causse montre d’abord que la mystique peut verser dans la folie, le sujet étant alors livré à un Autre sans limites et sans règles. Il ne faut pourtant pas faire une lecture trop rapide de certaines attitudes mystiques qui, par le biais de symptômes, cherchent à faire entendre une vérité subjective. De façon centrale, la mystique est un dispositif de dépouillement du moi, c’est-à-dire un dénuement radical de tout ce qui constitue les attributs imaginaires de l’être, cela afin de donner un nouveau statut au manque auquel il s’agit de rester fidèle. Le manque donne alors naissance, de manière productive, à des compositions du corps. À partir de ce second temps du développement, l’article s’attache enfin à montrer que le discours mystique est à l’image du corps : sans cesse manquant, il quête un impossible à dire et, par-là, produit un langage tout autant inventif que foisonnant.

 

La question du corps est au cœur de l’expérience mystique, en tout cas de la mystique chrétienne que je vais ici évoquer. La mystique est un rapport tout à fait particulier au corps. Dans sa grande tradition, la mystique représente une façon singulière de faire du corps le lieu d’une énigme. Elle place le corps dans un rapport d’étrangeté à lui-même, marquant, à sa manière, la place centrale d’un Autre en soi. Il y a ici ce qui intéresse la psychanalyse : le corps qui est l’intime – ce que nous avons en propre – devient tout à coup notre étranger. Il fait l’objet d’une « expropriation » dans le sens où le propre se trouve délogé de son lieu. Il est l’intime de l’intime et en même temps, en devenant le lieu d’habitation d’un Autre, il se trouve dans une extériorité à soi. La mystique fait ainsi du corps le lieu de l’Autre. C’est pourquoi, l’expérience mystique rend exemplaire ce que Lacan appelle l’extime, qu’on peut ici comprendre comme situant hors de soi l’intime de soi ou comme faisant – en un point de pure extériorité – du dedans un dehors

 

aLBRECHT  DURERMÉLANCOLIE(s)  d’Albrecht Dürer  et  Lucas Cranach

Claude Makowski

Edition d’Art Samogy

 2012

Gravure d’Albrecht Dürer réalisée en 1514, en pleine Renaissance, a beaucoup intéressé les commentateurs par ses aspects énigmatiques. Le visage de l’ange présent au premier plan renvoie à un type de visage androgyne qu’a affectionné Dürer, y compris dans ses autoportraits et permet dans un premier temps d’évoquer l’œuvre de l’artiste.

 

Comme les autres artistes de son époque il a participé à l’expression d’un temps nouveau, plein d’espérance et de certitude qui place l’humain au centre et affirme sa capacité à saisir le monde. Or, la Mélancolie tranche par rapport à cette position.

 

Les éléments constituant l’image sont extrêmement touffus. Un personnage, un ange est assis au premier plan. Son inactivité et l’expression de son visage renvoient au titre de la gravure. A ses pieds plusieurs outils de travail qui semblent abandonnés. Devant lui une sphère, un chien endormi et un polyèdre (pierre taillée?) de forme énigmatique. Au second plan à gauche, une ouverture vers un paysage.

Dürer utilise un dispositif spatial familier des artistes de la Renaissance. Pourtant, relié à un soleil levant (ou couchant), s’accroche un phylactère porté par une chauve-souris grimaçante où s’inscrit le mot “Mélencolia”.

Plus près de lui, un angelot assis sur une pierre de meule. Lui est absorbé par un travail d’écriture. Le personnage principal est assis devant une construction à laquelle sont accrochés divers instruments de mesure : balance, sablier, cloche et un carré magique qui a particulièrement intrigué les commentateurs.

 

Le temps semble s’être arrêté. L’ange porte sur tout ce qui l’entoure, un regard fatigué et dubitatif. S’il s’agit dans un premier temps de décoder le symbolisme médiéval et renaissant utilisé par l’artiste, ce n’est que pour mieux tenter de comprendre le sens de cette gravure. Dürer s’interroge sur les limites des actions et du savoir humains. Doute d’un artiste perpétuellement inquiet qui écrivit : “il n’appartient qu’à Dieu de soumettre à la mesure la beauté absolue”. Lucidité, scepticisme ou pessimisme de Dürer dans un temps qui affirme au contraire un humanisme triomphant ; ou plus généralement leçon de philosophie sur l’inutilité et la vanité de toute entreprise humaine.

Il va sans dire que Melencolia I (1514) est un tournant dans l'évolution d'une idée qui, depuis son apparition, avait subi pas mal de transformations. Avec la gravure de Dürer, elle gagne en mystère et devient ce qu'elle est encore aujourd'hui : quelque chose d'énigmatique et de profond qui concerne la substance intime de l'être. Car il n'est pas facile d'expliquer l'attitude désœuvrée du personnage ailé, entouré d'objets épars, abandonnés comme par découragement. Rien qu'à eux seuls, ces objets signifient l'art et la science : ce sont des instruments qui permettent de mesurer, de tracer, de polir des surfaces, mais aussi de créer ce que se représente la faculté imaginative. Dans l'état d'abandon où ils se trouvent, il y a comme un manque d'unité et de cohérence, une absence quasiment totale de sens ; on dirait qu'ils ne servent plus à rien. Mais ce qui fait l'énigme ne relève pas de la dispersion dans laquelle ils gisent. Leur éparpillement, leur état de fragments déchus d'un ordre utilitaire en dit long sur la mélancolie. Pourtant, l'énigme n'est pas là.

 

Elle n'est pas non plus du côté de l'angelot en train de scribouiller, de la sphère dont pourtant on a du mal à s'expliquer la présence, du polyèdre qui introduit une idée de géométrie minérale échappant au savoir du maître, du phénomène astral semblable à un soleil dont le rayonnement obscurcit plutôt qu'il n'illumine, et surtout de ce grand personnage ailé aux traits de femme, qui conserve toutefois quelque chose de masculin (membres gros, attitude manifestement virile) et qui serait, au sens restreint du terme, l'allégorie de la mélancolie. Les nombreuses analyses consacrées à cette gravure ont relevé les principaux éléments qui rattachent la création de Dürer à la représentation traditionnelle de la mélancolie. Ce sont des raisons strictement artistiques, ainsi que des points de doctrine concernant la mélancolie elle–même qui ont déterminé Dürer à introduire dans son oeuvre toute une série de détails dont certains justifient leur présence selon des critères purement historiques. C'est dans cette catégorie que rentrent le putto  en train d'écrire, la sphère et la plupart des objets épars, dépourvus d'utilité immédiate si on les rapporte à l'indifférence du personnage ailé, pourtant courants dans les beaux-arts au XVe siècle et dans l'oeuvre de Dürer.

 

Parmi les antécédents de Melencolia I, il faut compter également toute une tradition iconographique, notamment médiévale, qui avait popularisé la figure du mélancolique à travers les siècles, mais en lui imprimant, comme nous l'avons vu, une tonalité négative, conservée telle quelle dans l'imaginaire collectif jusqu'au début de la Renaissance. Ce sont probablement les représentations médiévales du péché de paresse (acedia)  qui se trouvent à l'origine de cette valorisation négative. Il faudrait sans doute chercher le « prototype du mélancolique » précisément du côté des publications illustrées qui « traitaient du thème des vertus et des vices », où l'acédie était synonyme de paresse et ennui « de bien faire ». Notons par ailleurs que vers la fin du Moyen-Age l'acédie était devenue l'équivalent de la mélancolie

 

Une autre variante de ce type d'illustration est l'une des sources possibles de la Mélancolie  de Dürer. Il s'agit d'une xylographie des vertus et des vices, datant de 1490 environ, où l'acédie est représentée sous les traits d'une fileuse endormie ou indifférente au travail. L'attitude du personnage féminin, dont la tête penchée s'appuie sur le bras gauche, est sans doute d'une importance décisive pour l'établissement de cette filiation. Le sommeil ou l'ennui « coupable » de cette femme a à voir avec le désœuvrement du génie ailé, dont inactivité procède d'un mal profond, qui fait perdre le sens de la vie et des choses. Pourtant, les sources de la Mélancolie  de Dürer ne se limitent pas à l'image populaire de l'acédie. Les nombreuses analyses consacrées à cette gravure célèbre ont relevé la présence de plusieurs motifs, communs à toute une série d'ouvrages, dont le sujet est le typus melancholicus. A peu près chaque objet ou phénomène représenté chez Dürer est emprunté soit aux productions artistiques du Moyen-Age finissant, soit à l'art du début de la Renaissance, ce qui ne veut nullement dire que Melencolia I  soit le résultat d'un mélange de motifs censés suggérer un état d'esprit. Il s'agit au contraire de l'unité de chaque motif avec l'ensemble, qui n'est pas donnée par l'observation des différentes théories sur la mélancolie, mais par ce qu'il y a en elle de nouveau et de surprenant. En d'autres termes, cette gravure est par rapport à l'époque antérieure une synthèse dont l'originalité la situe précisément au–delà de l'horizon physiologique et médical de l'art médiéval. Il est vrai que celui–ci, en représentant souvent une femme endormie près de sa quenouille pour illustrer le péché de paresse, en a fourni le modèle  

 

La différence entre l'oeuvre de Dürer et la tradition iconographique concernant la mélancolie est par conséquent importante. Illustrer la paresse ou le type du mélancolique en en appelant à chaque fois à une attitude considérée comme spécifique est évidemment autre chose que représenter la Mélancolie elle–même sous les traits d'une femme ailée, entourée d'objets qui évoquent tantôt le métier d'architecte, tantôt la menuiserie ou la géométrie. Y ajouter des phénomènes comme l'arc–en–ciel, une étendue d'eau qui n'est pas la mer, mais plutôt une inondation, et un astre rayonnant qui est plutôt l'explosion d'une comète, voilà qui rend les choses moins claires ; mais la présence de plusieurs instruments de mesure (balance, sablier, cadran solaire), d'un carré où figurent des nombres, et d'un putto  en train d'écrire finira par déconcerter complètement le spectateur qui n'a reçu aucune initiation dans les méandres symboliques de cette oeuvre. Tout cela est dû, comme nous le disions tout à l'heure, moins à la diversité des sources, qu'au fait que « la gravure de Dürer est le résultat d'une synthèse, celle de certaines images allégoriques de la mélancolie et des arts, dont le contenu spéculatif, non moins que le pouvoir expressif, a pu changer, sans doute, mais ne pouvait guère se perdre entièrement. Aussi est-il essentiellement probable que les motifs caractéristiques de la gravure doivent s'expliquer soit comme symboles de Saturne (ou de la Mélancolie), soit comme symboles de la Géométrie ».

 

En d'autres termes, les sources de Melencolia I sont elles–mêmes multiples : à côté du typus melancholicus  et des croyances concernant Saturne, on peut compter un autre type essentiel, celui de la Géométrie, qui forme une tradition à part dans le système traditionnel des beaux–arts  « Du point de vue de l'histoire des types, la gravure de Dürer se compose, en ses détails, de certains motifs mélancoliques ou saturniens traditionnels (clés et bourse, tête dans la main, visage sombre, poing serré) ; mais, prise comme un ensemble, on ne peut la comprendre qu'en la regardant comme une synthèse symbolique du ”typus Acediae” (l'exemple popularisé de l'inaction mélancolique) et du ”typus Geometriae” (la personnification scolastique d'un des ”Arts libéraux”) ». En effet, la représentation de la géométrie sous les traits d'une femme était chose courante. Une illustration de l'ouvrage Margarita philosophica  de Gregor Reich (1504) fournit un exemple éloquent à ce sujet : « Geometria », assise devant une table couverte de figures et d'instruments, mesure une sphère avec un compas ; en bas et à droite, des personnages de taille réduite exécutent des opérations qui représentent la mise en pratique des acquis théoriques dus à la géométrie. L'équerre et la règle n'y manquent pas non plus. Dans une autre gravure de Dürer, Le Songe du docteur  (vers 1498), qui représente le sommeil coupable de l'acédie, en bas des figures principales il y a une sphère et un angelot qui essaie de monter sur des échasses à sa taille.

 

Il y a par conséquent, à part la sphère, toute une série d'objets qui évoquent l'univers de la géométrie : compas, règle, équerre, rabot, marteau, tenailles etc. sont les outils qui servent à mesurer ou à mettre en pratique l'art des proportions. Ils se divisent en plusieurs catégories de valeurs symboliques particulières :« Dans la main de Melencolia, le compas symbolise  le projet intellectuel unificateur qui gouverne la grande diversité d'outils et d'objets dont elle est entourée ; et si nous voulons subdiviser, nous pouvons dire que le compas, et avec lui la sphère et le nécessaire à écrire, signifient la géométrie pure ; que l'édifice en construction, le rabot à moulures, l'équerre et le marteau signifient la géométrie appliquée à l'artisanat et au bâtiment ; que le phénomène astral fait supposer la géométrie au service de l'astronomie et de la météorologie ; et enfin que le polyèdre représente la géométrie descriptive ». Même le livre que la Mélancolie garde fermé sur ses genoux est ici destiné à amplifier le symbolisme du compas parce qu'il « met l'accent sur la théorie plutôt que sur l'application de la géométrie ». Quant aux instruments à mesurer le poids et le temps (balance, sablier, cadran solaire, clochette), ils relèvent du même type puisque, dans le système des arts libéraux, le rôle qui revenait à la Géométrie était celui de peser.  D'ailleurs, « Dürer lui–même tenait l'activité purement manuelle des arts mineurs pour de la géométrie appliquée ».

 

En plus de tous les motifs se rattachant à la géométrie et à ses activités spécifiques dont il a été question jusqu'à présent, il y en a d'autres qui ont trait de manière plus ou moins évidente à la mélancolie. Même cette dernière série d'objets ne fait pas exception par la manière dont ils sont représentés : la balance est en parfait équilibre ; dans la partie supérieure du sablier, il y a autant de sable que dans la partie inférieure ; le battant de la petite cloche est parfaitement immobile ; enfin, « l'aiguille du cadran solaire n'engendre aucune ombre, alors qu'en revanche le sablier en projette une importante sur le mur ». Il est peut-être midi, heure favorite du démon méridien, moment à partir duquel les moines du désert sont tentés par le sentiment de l'inutilité de toute prière et de toute activité qu'ils sont censés effectuer dans leur communauté. La présence d'une « brune », ou « lumière intermédiaire », nous empêche de dire exactement l'heure qu'il est, bien qu'il y ait des objets qui font de l'ombre. Mais ce twilight  « qui plonge l'image dans l'extrême du fantastique, ne tient pas tellement aux conditions naturelles d'une certaine heure du jour : elle indique la brune inquiétante de l'esprit qui ne peut ni rejeter ses pensées dans l'ombre, ni les ”amener à la lumière” ». De toute façon, l'une des obsessions majeures du mélancolique est relative à l'écoulement du temps ; il n'arrive pas à saisir autre chose qu'un éternel présent, d'où l'impression puissante d'être exclu du monde ou, du moins, d'une profonde inadéquation entre celui–ci et soi–même. Dans la gravure de Dürer, « le temps paraît suspendu, ”temps entre les temps”, qui lui aussi peut participer de la mélancolie ».

 

Parmi les autres motifs spécifiquement mélancoliques, il faut rappeler le chien, dont l'organisme est dominé, selon une tradition très ancienne, par la rate. « Si cet organe, décrit comme particulièrement sensible, dégénère, le chien est supposé perdre sa vivacité et devenir la proie de la rage. C'est dans cette mesure qu'il symbolise l'aspect sombre de cette complexion. Par ailleurs on se fondait sur le flair et l'endurance de cet animal pour reconnaître en lui l'image du chercheur et du penseur infatigable. (...) Sur la gravure de Dürer l'ambivalence de ce symbole est enrichie surtout par le fait que l'animal est représenté en train de dormir : si la rate est à l'origine des cauchemars, les songes divinatoires sont l'apanage du mélancolique ». Pour les auteurs de Saturne et la mélancolie,  le chien est une figure auxiliaire souvent représentée dans les portraits des savants, qui rehausse l'impression de tragédie essentiellement humaine se dégageant du personnage allégorique principal ; il signifie également la « morne tristesse d'une créature qui s'abandonne entièrement à son ... malaise ». Par ailleurs, le chien « se trouve mentionné dans les sources astrologiques comme animal typique de Saturne ». Dans la traduction d'un texte grec portant sur les Mystères de l'alphabet égyptien,  faite par Pirckheimer (à laquelle Dürer avait contribué en réalisant les illustrations), il est écrit que « le hiéroglyphe d'un chien signifie, entre autres, la rate, les prophètes et les écritures sacrées, : toutes notions que, depuis les jours d'Aristote, l'on avait étroitement associées au mélancolique ; que le chien, plus doué et plus sensible que les autres animaux, est très sérieux de nature et peut être victime de la folie ; et que, pareil aux profonds penseurs, il est porté à être toujours en chasse, à flairer les choses et à ne plus les lâcher. Le meilleur chien est par conséquent celui ”qui montre une tête, comme on dit couramment, plus mélancolique”. On peut le dire en toute justice du chien gravé ici par Dürer ».

 

La chauve–souris, dont le déploiement des ailes soutient le titre de la gravure, est un motif indépendant des autres images. Elle était considérée comme « l'animal symbolique des mélancoliques. De même elle est mentionnée  comme un signe d'homme malade et incontinent. En outre les humanistes de la Renaissance l'ont employée (pour le meilleur et pour le pire) comme un exemple de la veille de nuit ou du travail nocturne. Selon Agrippa de Nettesheim, sa caractéristique dominante est l'habitude de veiller, la ”vigilantia” ; selon Ficin, c'est un exemple et semonce des effets ruineux et destructeurs de l'étude nocturne ».

 

Et les exemples pourraient se multiplier avec les attributs du personnage central : la bourse et les clefs signifient, selon une explication donnée par Dürer lui–même, la richesse et la puissance ; le poing serré « est un signe d'avarice, typique du tempérament mélancolique, aussi bien qu'un symptôme médical spécifique de certains fantasmes mélancoliques » ; le visage sombre de Melencolia est la réminiscence d'une croyance ancienne, mais très en vogue au Moyen-Age, selon laquelle les mélancoliques ont le teint terreux. En revanche, cette facies nigra  est en contraste avec le regard ”suréveillé” de la Mélancolie. Par ailleurs, les yeux lumineux de celle–ci marquent une opposition nette avec le chien et l'angelot ; en effet, les yeux du premier sont fermés, ceux du second cachés par la position du corps.

 

Le motif de la tête penchée est très ancien : on le rencontre même sur les sarcophages égyptiens. Sa signification première c'est le chagrin, « mais ce peut être aussi la fatigue ou la pensée créatrice ». La tête penchée soutenue notamment par la main gauche est devenue par la suite l'une des attitudes typiques du mélancolique. Une explication possible de ce phénomène est le symptôme du sifflement dans l'oreille gauche, lui aussi considéré comme spécifique de la mélancolie, dans la tradition médicale antique. « C'est vraisemblablement à ce symptôme (et non à la somnolence de l'acedia,  apparemment mise en cause par Panofsky mais démentie par l'autorité d'Aristote qui affirmait que les mélancoliques ne désirent pas le sommeil) qu'il faut attribuer le geste de la main gauche soutenant la tête, caractéristique des représentations du tempérament mélancolique. Selon toute probabilité, cette posture a été par la suite interprétée à tort comme un indice de somnolence et rapprochée de l'acedia; par le truchement peut–être de la théorie médicale des effets nocifs de somnus meridianus,  mis en relation avec le démon de midi propre à l'acedia ».

 

En effet, dans les traités médicaux du Moyen-Age, le type du mélancolique est assez souvent représenté se comprimant l'oreille gauche avec la main, même s'il se tient debout. Pourtant, ce détail n'est pas nécessairement le seul qui puisse se trouver à l'origine de la tête penchée, soutenue par la main gauche, posture fréquemment utilisée dans la représentation des mélancoliques. Il se peut que les images concernant l'acedia  aient pu elles aussi participer à la naissance de ce motif puisque, de toute façon, l'acédie signifie non seulement sommeil (coupable ou pas), mais aussi paresse, donc inactivité. Et les mélancoliques sont éminemment inactifs. Il ne s'agit pas de faire l'arbitre entre Panofsky et Agamben et de donner raison à deux autorités en matière de mélancolie pour éviter à l'un ou à l'autre la honte d'avoir tort. Sincèrement, et cela arrive souvent dans l'interprétation des oeuvres artistiques qui manifestent un certain degré de complexité, nous croyons que ce motif peut avoir des origines épistémologiques doubles. Les deux critiques se situent sur des niveaux d'interprétation différents, mais en réalité elles sont complémentaires. D'ailleurs, pour reprendre le mot de Nietzsche, « la vérité commence à deux ».

 

Nous n'allons pas insister sur d'autres détails importants pour l'analyse de cette gravure, dont nous mentionnons le carré magique et la couronne de cresson et de renoncule d'eau que porte la femme ailée. Leur influence était considérée comme bénéfique dans le combat contre la mélancolie : le carré était «  magique » au sens propre du terme, parce qu'il était censé attirer l'influence curative de Jupiter, dont il était le substitut mathématique ; d'autre part, la couronne qui signifie les puissances intellectuelles de Melencolia (traditionnellement, c'est l'ornement que portait l'homo literatus) est aussi un antidote à la mélancolie, puisque les deux plantes nommées plus haut étaient censées avoir, de par leur nature aquatique, des effets opposés à la sécheresse terreuse du tempérament mélancolique. Enfin, la présence affairée de l'angelot à côté de la Mélancolie, apparemment difficile à expliquer, est porteuse d'une signification particulière :« l'industrie du putto écrivant signifie l'insouciante équanimité d'un être qui vient tout juste d'apprendre le contentement d'être actif, même si l'on est improductif, et qui ne sait rien encore du tourment de la pensée, même quand elle est productive ; d'un être qui n'est pas encore capable de tristesse, parce qu'il n'a pas encore atteint la stature humaine ». 

 

C'est donc en opposition avec la Mélancolie même qu'il faut entendre la présence de l'angelot en train de travailler ; mais, d'autre part, l'ombre dans laquelle il est plongé donne lieu à des ambiguïtés qu'il est difficile d’expliquer : par exemple, ce qu'il tient dans sa main est un crayon, un sextant ou un burin ? Certains sont même allés jusqu'à lui attribuer un air méchant, et ont vu en lui un démon à cause de ses yeux sans éclat et du fait qu'il a l'air de dissimuler ce qu'il écrit avec la main. Malgré cette ambivalence, l’angelot n'en reste pas moins complémentaire du personnage central, précisément parce qu'il est actif et que son activité s'oppose à l'abandon auquel se livre, malgré son regard vigilant, la femme ailée. D'ailleurs, si la gravure de Dürer représente une certaine idée de la Mélancolie, le personnage du putto est également censé avoir une certaine valeur symbolique « L'enfant signifie la ”pratique”. Cet enfant est assis dans une attitude quasi semblable à celle de la femme, et pourtant - la chose va presque jusqu'à la limite de la parodie - il en renverse la présentation dans tout le détail : le regard ne se lève pas, n'est pas fixe, n'est pas sans but ; les mains ne sont ni oisives ni fermées, mais au contraire très affairées. Il se peut bien que le putto (ailé, lui aussi, mais malgré cela petit adjoint sans plus, n'offrant qu'activité manuelle en échange de la puissance de l'esprit) ne soit un exemple d'activité sans pensée, tout comme Melencolia, elle, est un exemple de pensée sans activité. Il ne prend aucune part à la création intellectuelle, mais il ne participe pas non plus à l'angoisse inséparable de cette création. Si Art a le sentiment de s'être heurtée à des bornes infranchissables, l'aveugle Pratique ne s'aperçoit d'aucune limitation. Même en ce moment, dans la plus fâcheuse des heures de Saturne, où ”Ars” et ”Usus” se sont séparés, et même en ces instants où Art est vaincue par le découragement, Pratique peut encore se laisser aller à une activité qui ne rime à rien ni ne raisonne rien ». 

 

Cette longue présentation des motifs qui réfèrent aux types de la Mélancolie et de la Géométrie dans la gravure de Dürer est destinée à mettre en évidence un fait incontestable : les attributs qui accompagnent le personnage allégorique de la Mélancolie deviennent à un certain moment de l'analyse indissociables non pas des deux types, mais du personnage lui–même, qui parvient à incarner à la fois la Mélancolie et la Géométrie. Mais la fusion de ces deux types entraîne un échange mutuel d'attributs, qui prête à la représentation de la Mélancolie une valeur symbolique entièrement nouvelle 

 

« L'idée que recouvre la gravure de Dürer, définie aux termes de l'histoire des types, pourrait être celle de Geometria s'abandonnant à la mélancolie, ou de la Mélancolie s'adonnant à la géométrie. Or cette union des deux figures en gravure, incarnant l'une l'idéal allégorisé d'une faculté mentale créatrice, l'autre l'image terrifiante d'un état d'esprit destructeur, signifie plus qu'une simple fusion de deux types ; en fait, elle établit une signification entièrement nouvelle, une signification qui, si l'on tient compte des deux points de départ, équivaut presque à une double inversion du sens. Quand Dürer fondit le portrait d’un ”ars geometrica” avec celui d'un ”homo melancholicus” (...) il dota l'un d'une âme, l'autre d'un esprit. Il eut assez de hardiesse pour faire descendre le savoir et la méthode intemporels d'un art libéral dans la sphère de la lutte et de l'échec humains ; assez de hardiesse aussi pour élever la lourdeur animale d'un tempérament ”triste, terre à terre”, à la hauteur d'une lutte avec des problèmes intellectuels. L'atelier de Geometria, cosmos d'outils nettement disposés et employés à bonne fin, s'est changé en un chaos d'objets inutilisés ; leur dispersion toute fortuite reflète une indifférence psychologique.  la notion d'une ”Mélancolie” dans la nature de laquelle la distinction intellectuelle d'un art libéral se combinait avec cette capacité de souffrir que possède l'âme humaine ne pouvait prendre qu'une seule forme, celle d'un génie ailé ».

 

aLBRECHT DÜRER  -    AQUARELLES  §  DESSINS

Friedrich  Piel

Edition Bibliothèque de l’image

 1994

Albrecht Dürer est considéré par tous les aquarellistes comme le précurseur de ce procédé consistant à fixer des pigments de couleur au moyen d’un solvant soluble à l’eau ; l’eau est le solvant et par son évaporation les pigments se fixent sur le papier. Jusqu’au début du 19ème siècle, l’aquarelle a été un procédé pictural peu apprécié, un genre qualifié de "mineur".

 

Du temps de Dürer, les aquarelles étaient seulement considérées comme ayant une valeur documentaire, comme esquisses pour les oeuvres à l’huile. Ses aquarelles et gouaches nous renseignent sur les modifications entre l’homme, la nature et l’art. Elles préfigurent l’art des Temps Modernes. C’est grâce à ses voyages en Italie que Dürer "découvre" réellement la couleur ; ce pays a été un révélateur pour lui, non seulement pour la découverte simple de l’importance que revêt la couleur dans la peinture, mais aussi pour la sensualité que la couleur offre, pour l’énergie qui s’en dégage et surtout pour sa modernité.

 

Dürer professait une vraie passion pour la nature et les animaux, ainsi qu’en témoignent "Le lièvre" et "La touffe d’Herbes", dont le procédé est proche de l’hyper-réalisme. Ses aquarelles furent d’abord considérées comme inférieures à ses dessins et gravures qui lui apportèrent la notoriété et qui sont une oeuvre considérable. Lorsque l’aquarelle fut enfin reconnue comme un procédé en soi, les oeuvres de Dürer fascinèrent les artistes par la vie qui se dégage de leur couleur.

 

Son oeuvre fut variée et appréciée de son vivant, tant en Allemagne qu’en dehors de son pays ; la France et l’Italie le connaissaient bien, l’Italie surtout qui l’honorait comme un maître incontestable. Venu dans ce pays pour apprendre, il y fut accueilli à bras ouverts et entretint des relations personnelles avec des artistes comme Bellini et Raphaël. Son besoin de nouveauté, son élan créateur le poussaient vers le monde et c’est là que l’Italie trouvera toute son importance.

 

Les relations qu’Albrecht Dürer entretint avec ses amis humanistes, ainsi que les expériences acquises au cours de ses voyages, ont révélé ce que l’artiste avait au plus profond de lui : couleur et dessin, sensualité et spiritualité, expression créatrice et classicisme. Tout comme son contemporain, Leonard de Vinci, Dürer fut un chercheur, un sceptique tentant de traduire l’existence en images. Sa vie fut longue et créatrice, ses chefs d’oeuvre se déploient au fil des supports de son art : craie, fusain, plume, pinceau, offrant tous une totale fusion avec le papier.

 

Friedrich Piel met énormément l’accent sur la personnalité de cet artiste, sur le contexte de son époque et sur la personnalité intellectuelle et spirituelle de cet artiste, laissant un peu de côté les détails de la vie privée, finalement secondaires.

 

ALETHEIA  -  ÉTUDES,  INITIATIONS et TRADITIONS

 Divers  Auteurs

 Edition UBIK

 2010 – 2014

Aletheia, par ce mot les anciens grecs désignaient la « Vérité dévoilée ». Cette réalité que traque le cherchant qui ne se reconnaît ni comme philosophe, ni comme sophiste, ni comme chercheur, mais comme femme ou homme de corps, d’âme et d’esprit. Cette aspiration non seulement vaut d’être vécue mais nous vaut de vivre, et pas seulement d’exister.

 

Telle est la raison première d’Aletheia, né d’un projet collectif nourri de la conscience que ses artisans ont de l’importance de partager les voies initiatiques, de commenter sans tabou ni œillères les textes que la Tradition nous transmet, de scruter attentivement et le cœur aux aguets, ce que disent et ce qu’écrivent celles et ceux qui sont animés d’une conscience exigeante, même lorsque nous pouvons estimer qu’ils pourraient se tromper.

 

C’est une initiative de cherchants qui ne se fixent, effectivement, aucune limite à la recherche de la Vérité, et qui veulent témoigner et transmettre ce qu’ils ont reçu. Le cherchant curieux et avisé trouvera dans Aletheia des textes anciens, plus ou moins récents, oubliés ou mal connus, des extraits commentés susceptibles d’ouvrir des perspectives à la réflexion, et somme toute, de pratiquer un certain art de la mémoire vivante.

 

Les rédacteurs s’autorisent les rapprochements les plus inattendus comme les plus évidents, pourvu qu’ils leur semblent propices à nourrir une pratique spirituelle effective. Cahier d’études, d’Initiations et de Traditions, Aletheia veut s’inscrire dans la conviction que l’héritage des traditions ne se reçoit pas mais se conquiert, individuellement. Cette revue s’est arrêtée avec le N° 8 -

 

Au sommaire du N° 1 (Décembre 2010) on y trouve:

Le Temple et l’Art de la mémoire  par Phil Savoye

Introduction à la géométrie sacrée par François Marchiani

René Guénon et l’arrivée de l’Orient bouddhique en Occident par J. P. Schnetzler

De la création du monde à la construction du Temple intérieur par Rachel Franco

Fondement initiatique à la non mixité dans la Franc-maçonnerie du rite Ecossais Ancien et Accepté. Texte rédigé en 2009 et encore non diffusé par Jean François Rebiffé.

Un peu de lumière sur les illuminés de Bavière par Katia Sadoun, suivi de Spartacus Weishaupt, fondateur des illuminés de Bavière par  l’Abbé Augustin Barruel.

Découvrir l’Alchimie par Hervé Philippe Babin

Nouvelle assemblée des philosophes chymiques avec des  aperçus sur le Grand Œuvre des Alchimistes. Par  Claude d’Ygé,  Eugène Canseliet, Dom Pernety et Patrick Rivière

La guerre sainte par René Daumal

                                                                    

Au sommaire du N° 2 (Avril 2011) on y trouve :

Retraverser le Lêthê (fleuve de l’oubli)

De la création du monde et les ailes de l’aigle par Rachel Franco

La voie de l’Art divin selon Maître Eckhart et Abhinavagupta par Colette Poggi

Ce que le Yoga peut apporter à l’Occident par Axel de Saboulin

Le Mutus Liber. Tableaux pour Nicolas Flamel par André Ughetto

La confusion du psychique et du spirituel par J. P. Schnetzler

La femme dans la tradition occidentale par Serge Caillet

La Raison tonne en son cratère ! par Michel Lecour

Enseignement et tradition par Eric Unger

Dante, Maître secret, une étude du chant 1 de l’enfer par François Marchiani

                                                              

Au sommaire du N° 3 (Décembre 2011) on y trouve :

Aller vers l’Un par le deux puis le trois

De la création du monde à la construction du Temple intérieur de l’Homme par Rachel Franco

De Qohélét à Gargantua ou l’Ecclésiaste lu par Frère Jean des Entommeurs par Lanzo Famora

Alchimie et surréalisme. Des poèmes hermétiques aux « hermétiques poètes ». « Je cherche l’Or du temps » disait André Breton. Article écrit par Patrick Rivière. 

La Vierge au buisson ardent, une œuvre johannique ? Contexte historique d’un tryptique énigmatique à Aix en Provence par Henri Berron

La licorne dans les marques typographiques d’imprimeurs et libraires par Ph. Subrini

Le silence de la psychanalyse à la méditation par Jean-Pierre Schnetzler

Le rire initiatique par Ange Duino

De l’injustice du sort à la justesse du sens par Alain Lekern

Esprit saint et intellect transcendant par Elie Lemoine

Le Tarot de Marseille et l’Initiation par Wilfried Houdouin

 

Au sommaire du N° 4 (Avril 2012) on y trouve;

Poursuivre l'oeuvre commencée

Des marranes à Spinoza par Francis Laget

De la création du monde à la construction du temple intérieur par Rachel Franco

Peuple primitif ou peuples primordiaux, esquisse d'une approche du monde intermédiaire par Hervé Philippe Babin

Les voies insolites de l'initiation soufie par Rachel Bouvet

Dans l'ombre chaude de l'Islam par Isabelle Eberhardt

Le bouddhisme et l'illusion par Jean Pierre Schnetzler

Stanislas de Guaita par Steve Fayadas

 

 

Au sommaire du N° 5 (Octobre 2012) on y trouve :

L’ascension vers les profondeurs

La bouche totalitaire de Babel  par Rachel Franco

Des initiations de métiers à la Franc-maçonnerie par Francis Laget avec des illustrations et des commentaires de Jean-Michel Mathonière

Les agapes, une forme de transmission par Georges Rela

René Guénon et le dépassement du monde moderne Par Léopold Ziegler

René Guénon précurseur par Mario Meunier

Comment situer l’œuvre de René Guénon ? par Jean Thamar

Le symbolisme et la voie de l’unification dans le tantrisme par J. P. Schnetzler

Basilique et cathédrale, deux modes d’expression du pouvoir religieux dans la région d’Aix-en-Provence  du XIIe au XVIe siècle) par Myriam Jacquemier

De ceci et de cela

Divers salons et rencontres Aletheia

 

 

Le sommaire du N° 6 (Juin 2013) comporte :

Passeurs et passages par Hermès

Pierre Gordon : présence de la Tradition Primordiale par Ange Duino

L’homme et son ange d’Henry Corbin par Aurélie Ferrand

Le noble état de pauvreté par Eric Unger

Préface du livre de la pauvreté et de la mort par Arthur Adamov

Le livre de la pauvreté et de la mort par Rainer Maria Rilke

Une expérience fondamentale par René Daumal

La voie de René Daumal du Grand Jeu au mont Analogue par Hermès

La vie simple de René Guénon par Pietro Nutrizio

Références islamique relatives au Labyrinthe de Chartres par Michel Gimbert

Les agapes, une forme de transmission par Georges Rela

Le siècle et sa culture par Henri Medioni

Discours à la Grande Loge de Colombie par Salvador Allende

Une œuvre initiatique exemplaire : De Harmonia Mundi de F. Zorzi Veneto par M. Jacquemier

Diverses lectures et rencontres, salons du livre

Livres reçus et des libraires

 

 

Le sommaire du N° 7 (Décembre 2013)  comporte :

Hommage à Simone Weil  par  Michel Lecour

Les symboles du Verbe par Matgioi

Le Verbe architecte de la Mère Suprême d’après le Zohar  par Patrick Geay

Du psychologisme moderniste à la méditation maçonnique par Jean-Pierre Schnetzler

Ephèse et Anne-Catherine Emmerich  par Aurélie Ferrand

La montagne des prophètes  par Anne-Catherine Emmerich

Les sept dormants d’Ephese, réflexions sur la caverne, seuil de la troisième naissance par Aurélie Ferrand

René Guénon, ou la voie métaphysique par  Gérard de Sorval

De Harmonia Mundi  par  Philippe Subrini

René Alleau, étoile scellée  par  Frédérick Tristan

Un musicien de l’âme  par  David Bisson

L’hermétisme et les cycles cosmiques  par  Gauthier Pierozak

Diverses lectures, des rencontres comme P. Gordon et Ange Duino aux éditions Signature, etc.

 

 

Le sommaire du N° 8 (Juillet 2014) comporte :

Pierres et tailleurs de pierre  par Francis Laget

Epitre à Storge  par  Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz

Aspects ésotériques de l’œuvre de Milosz  par  Francis Laget

Une expérience extatique fondamentale  par  Jean Cocteau

Que faut-il dire aux hommes ?  par Antoine de saint Exupery

L’enracinement  par  Simone Weil

Le symbolisme de la rose  par  Louis Charbonneau-Lassay

Notice introductive sur Louis Charbonneau-Lassay  par  Georges Tamos

Chroniques d’art  par  Ivan aguéli

Fraternité et voies initiatiques à la lumière de la thora  par  Atha vé-Pô

Regard sur l’œuvre de Jean Hani  par  Jean Borella

Jean Borella et le christianisme retrouvé  par  Jean Hani

De ceci et de cela…

Avec des recensions de Aurélie Ferrand, Frédérick Tristan, Denise Alleau et David Bisson 

 

ALPHABET DES DIEUX

Jean Haab

Edition  Les Textes Essentiels

 1979

L’auteur nous invite à un voyage intérieur qui à travers de nombreuses disciplines comme l’Alchimie, la Kabbale, l’Hermétisme, la Magie, l’Astrologie, l’Astronomie, les Tarots,  et la Mythologie vont nous baliser le terrain et nous faire réfléchir sur ce chemin ardu mais exaltant afin de nous faire parvenir au sommet de cet arbre séphirotique qui est le but ultime que nous recherchons.
 

Depuis que la première Conscience a animé l’argile humaine, depuis que par décret divin, le premier homme s’est engagé dans le périple des incarnations, une onde transcendante n’a jamais cessé de couler sur la terre, ni les paroles divines de retentir aux oreilles de l’humanité pour tirer celle-ci de son animalité.

 

La somme de cet enseignement portant le nom de Tradition se ramifia par la suite en traditions particulières à chaque peuple, à chaque race, comme à chaque temps, puis en religions, expressions terminales de la Grande Tradition Primordiale, émanations appauvries, voire dénaturées, de la Parole Perdue.

 

Sa source doit être recherchée dans l’insondable abîme que le pauvre langage humain, incapable d’atteindre le Très Haut, appelle Dieu. Et cette source ne s’est jamais tarie, parfois même ses ondes vives ont coulé à grands flots. Ce fut le temps où, selon Hésiode, les dieux, revêtus d’un corps spirituel, marchaient parmi les hommes.

Ce fut le temps de la grande Atlantide, de l’Egypte éternelle, des écoles de Mystères d’Orient et d’Occident, de Cakyas Muni enseignant ses disciples, et du Sage de Samos établissant à Crotone un nouvel ordre social.

Ce fut le temps où, dans les forêts profondes, les Druides révélaient la Trinité issue de l’Unique, où, sur les bords de l’Ilyssos, les paroles sacrées jaillissaient de la bouche de Platon, puis enfin les heures bénies de Palestine, quand le Nazaréen, Fils de Dieu en vérité, s’efforçait de répandre dans toute l’humanité une connaissance jusqu’alors réservée à un petit nombre. Selon une loi traditionnelle fondamentale, un mythe, un égrégore, une divinité, sont d’autant plus puissant qu’ils sont plus anciens. C’est ainsi que les anciens Grecs manifestaient d’autant plus le respect aux dieux, qu’ils appartenaient à une génération plus reculée. Les puissances cosmiques ne meurent jamais sinon dans la frêle mémoire humaine. Selon notre conception, elles dorment tout au plus, attendant pour se manifester qu’un mage plus savant ou plus puissant opère pour leur grand retour un téméraire rituel.

Le monde antique, par conséquent, détient un fabuleux héritage, plus précieux à coup sûr que les trésors d’Alaric ou des Templiers.

 

Formé de la chair même des dieux, inaccessible à la grande masse des hommes au cours de l’ère des poissons, étranger aux Eglises, ce céleste patrimoine abandonna la terre avec l’empereur Julien, lorsque ce dernier rendit son âme au soleil. Sous une forme à peine différente, c’est le mythe du Graal enlevé au ciel par les anges lorsque les péchés de l’humanité rendirent impossible la présence sur terre de la Coupe Sacrée.

L’intolérance, mère de tous les crimes, s’est d’abord faite religieuse et l’on alluma des bûchers avec la croix de Jésus-Christ. Cette intolérance gagna enfin le monde scientifique et l’on persécuta les libres chercheurs au nom d’un pseudo-rationalisme tissé d’intérêt ou au nom de dogmes établis par d’antiques fossiles.

 

Comme toute chose, les civilisations sont mortelles et finissent rarement en beauté, souvent leur agonie s’accompagne de dégagements nauséabonds provenant d’une sorte de putréfaction spirituelle. Or nous vivons actuellement la fin d’un cycle, la fin du Kali-Yuga et nous étouffons sous  ces résidus, sous des cadavres psychiques accumulés par les générations disparues. Emergeant à peine de ce bourbier, rares sont ceux à qui les dieux délivrent encore leur céleste message, leur enseignement et leur lumière. De plus nous sommes souvent devenus sourd et aveugle, nous sommes comme Dante dans sa Divine Comédie « car j’avais perdu la voie droite », nous sommes incapable de comprendre et d’entendre la harpe d’Apollon, la sagesse d’Athéna ou la Science d’Hermès Trismégiste.

 

Lorsque Constantin décida de faire du christianisme la religion officielle de l’Empire, il s’attacha en premier lieu à réaliser son unité doctrinale. Ce fut la raison d’être du concile de Nicée qu’il mit 12 ans à préparer. L’importance de ce concile fut immense car c’est véritablement à partir de lui que le christianisme tel que nous le connaissons a pris son essor et que l’Eglise réalisa une certaine unité doctrinale. Ce concile marque la fin du paganisme et surtout la fin de tout sacerdoce éclairé par la Lumière des Mystères. Dans l’Antiquité tous les Alphabets étaient sacrés et chaque lettre était et est encore un symbole graphique dans le plein sens du terme et constitue de par sa forme « la demeure d’une divinité ».

 

Chaque lettre disait Jacob Boehme, a une origine au centre de la nature. Cette origine est merveilleuse et les sens ne la peuvent saisir qu’à la clarté de l’intelligence. Socrate estimait déjà qu’étudier la signification des lettres, est le meilleur moyen pour acquérir la connaissance.

 

Les 100 premières pages nous proposent un voyage dans l’Alchimie, la Magie, la Kabbale, l’Astrologie et la Mythologie. Les 500 autres pages nous font circuler dans l’arbre séphirotique avec les lettres centrales, les lettres hors de l’arbre, les lettres matricielles, les lettres joviennes, les lettres ignées et les lettres ultimes.

 

On y parle aussi de :

 Apollon, dieu du Soleil et de l’intelligence. -  Neptune.-  Orcus – Cupidon – Janus dieu des portes et grand initiateur, détenant les clefs des portes de l’enfer et du ciel  -  Diane  - Poséidon, dieu de la mer  - Saturne  -  Jupiter  -  Uranus  - Hypnos – Apophis (Je suis le dieu UN mais trois dieux sont en moi)  -  Géa – Pallas -  Héra  -  Cérès -  Zeus -  Cybèle – Déméter – Perséphone – Héraclès -  Athéna – Bacchus  - Dionysos – les bacchanales – Artémis – Aphrodite – Isis – Osiris – Hipta -  Hermès -  Ares -  Latone  - Thémis  -  Fortune  - Vénus -  Ishtar -  Mercure  - Vulcain  - Héphaïstos -  Estias -  Pluton  - Hécate  - Zagreus – Ecce Homo – L’Immaculée Conception – Lucifer et l’antéchrist

 

De très nombreuses illustrations couleur du grand ésotériste Johfra, sur son fameux Tryptique Séfirotique,  illuminent ce livre et lui donne un air de fête

 

altÉritÉ & transcendance

Emmanuel levinas

Edition FATA MORGANA

 1995

« Altérité et transcendance » : le titre qu’Emmanuel Lévinas a choisi pour le présent livre qui rassemble douze textes allant de 1967 à 1989, nous conduit droit à cette idée que la transcendance est « vivante dans le rapport à l’autre homme » (p. 131).

Comment percevoir les enjeux de cette thèse de Levinas ? En rappelant d’abord que la « transcendance » s’entend en plusieurs sens. Lévinas souligne que « la transcendance signifie étymologiquement un mouvement de traversée (trans), mais aussi de montée (scando) ». En son sens étymologique, la transcendance signalerait le paradoxe d’une relation avec ce qui est séparé. « Elle est une façon pour le distant de se donner ».
Cette tension vers l’au-delà, ce regard en direction des hauteurs, s’accomplit d’abord à travers le sacré. Les hommes auraient alors à s’incliner devant ce qui les dépasse. Leur grandeur viendrait de leur dissolution dans un domaine supérieur de l’être, qui serait celui de l’absolu ou de l’éternel.


Dans Altérité et transcendance – le dernier ouvrage de philosophie publié de son vivant –, Emmanuel Lévinas confronte des écrits récents avec des pages des années 1960 – 1970, arrachées au silence.
Ces textes nous offrent de nouvelles et percutantes analyses sur la proximité et la paix, sur l’interdit de la représentation, sur les droits de l’autre homme, et développent une saisissante réflexion sur la mort. On y retrouve, également, le thème de la « métaphysique du visage » qui est au cœur de son paysage conceptuel.


L’œuvre d’Emmanuel Lévinas compte désormais parmi les plus emblématiques dans l’histoire de la philosophie du XXème siècle.

 

anthologie de la non-dualitÉ

V. loiseleur

Edition LA TABLE RONDE

 1988

Préfacé par Arnaud DESJARDINS. Cette œuvre de synthèse, l’Anthologie de la non-dualité, composée par Véronique LOISELEUR (épouse de Desjardins), fait ressortir de manière saisissante le point de rencontre de toutes les Sagesses, orientales ou occidentales, religieuses ou métaphysiques. Elle rassemble les paroles des maîtres spirituels d’autrefois comme de ceux d’aujourd’hui : l’adhésion au réel, ici et maintenant, est la voie royale vers la libération de la conscience. C’est « le miracle du oui ».

La Non-Dualité, indique qu'il n'y a jamais eu 2 éléments dans l'univers. Alors qu'Unité implique l'union d'au moins 2 éléments. En Non-Dualité, aucune séparation, aucune frontière, aucune limite, aucune détermination, aucun "individu", aucun objet. C'est l'océan illimité, les vagues étant tous les objets dont notre cerveau établit la représentation, les catégories qui remplissent abondamment notre vie quotidienne.

La Non-Dualité, concept d'origine sanskrit (advaita), puisqu'elle fait fi des représentations, se vit plus qu'elle ne se définit. Elle est le vécu, le constat, de l'unité absolue de tout ce qui est, de la Conscience et du monde, selon l'expression de Jean Klein, les yeux grands ouverts sur le monde tel que vous le voyez, et non pas un Samadhi méditatif ou une transe lointaine, fruit d'une ascèse rigoureuse dans les froidures himalayennes.

Et cette expérience inouïe qui volatilise la conscience restreinte et séparatrice du "moi" survient souvent spontanément, c'est-à-dire sans technique, et sans motif. Les hommes les plus divers ont eu la grâce de la goûter et certains ont pu même en parler, ce qui n'est pas facile.

Elle bouleverse définitivement la vision de celui qui l'expérimente. Elle peut survenir aussi à la suite d'une pratique spirituelle, guidée par un maître réalisé. Mais ceci n'est nullement indispensable, à la différence de voies techniques yogiques et autres pratiques d'éveil de kundalini. Et, ce qui est plus intéressant, cette expérience peut survenir à la simple lecture de textes non-dualistes. *Et même le terme "expérience" ne rend pas compte de ce que l'on peut dire de la non-dualité, qui est Ce qui sous-tend toute expérience et toute manifestation, et qui ne change jamais. Gardons-nous d'en sécréter la moindre image !!

Ajoutons à cela que la non-dualité ne s'oppose pas à la dualité : elle la couronne. Il ne s'agit pas de dépasser la dualité, mais de l'accepter tout à fait, en tant que dualité, dans ses paires d'opposés enfin mis en relation paires par paires duelles, alors que souvent nous avons tendance à aspirer à un des opposés en fuyant l'autre : vouloir l'amour et fuir la haine, aspirer à la lumière et fuir l'ombre, par ex. Nous accueillons alors la manifestation dans toutes ses dimensions, et c'est cet accueil inconditionnel qui ouvre à la non-dualité. Autrement dit, accueillir la dualité, c'est trouver la non-dualité. Et pour cause! Où pourrait bien être la "non-dualité" ailleurs qu'ici et maintenant, incluant toutes ces limites qui vibrent sous nos yeux? La Non-Dualité n'est pas quelque chose d'autre que ce que nous avons sous les yeux, que ce qui voit ces objets actuels... C'est plutôt un regard différent sur ce-qui-est.

Et comme le "moi", l'ego, se nourrit justement de "j'aime ceci et je n’aime pas cela", accepter la dualité, c'est aussi accepter de dépasser cette représentation limitante du "moi-je", celle de se croire séparé du monde et des autres. Les traditions spirituelles culminent parfois dans l'expérience de non-dualité, surtout en Orient, où la vision impersonnelle de la Déité aide à dépasser les concepts réducteurs qui séparent le pratiquant de Dieu, dans les traditions occidentales, trop souvent. Alors qu'au fond, même en Occident, des maîtres comme Eckhart ont goûté clairement à cette unité sans nom et sans pensée, mais n'ont pas toujours osé en parler publiquement.

Si l'on devait situer dans l'espace-temps la non-dualité, nous pourrions dire que c'est en Asie centrale qu'elle fût pour la première fois exprimée le plus simplement. La tradition Dzogchen Bön, Yungdreung Beun, qui se dit remonter à 18000 ans, en rend compte encore aujourd'hui. Ensuite, en Chine, par le Ch'an et Hui Neng, elle fut exprimée de façon plus lapidaire et aussi profonde. Mais nous allons voir que toutes les traditions, peu ou prou, mènent à l'essence non-duelle, pourvu qu'elles soient basées sur l'expérience intérieure, et non pas seulement sur des lettres mortes...

La non-dualité répond à la question : « Qui suis-je? ». Question que nous nous sommes tous posé un jour. Ramana Maharshi en a fait l'interrogation essentielle et guide de la quête de Soi. Se poser cette question ouvre un chemin dont on imagine rarement l'issue, si l'on ne se contente pas des réponses habituelles « je suis Untel », « je suis moi »... Et cette issue peut être la réalisation ici et maintenant de l'état non-duel, si nous sommes mûrs pour abandonner les représentations dans lesquelles nous nous sommes emprisonnés. C'est ainsi que nous pouvons passer de « je suis moi » à « (je suis)

 

On y trouve les sujets suivants :

 

LA NON-DUALITÉ MÉTAPHYSIQUE

o La non-dualité : doctrine universelle
o Non-dualité entre l’homme et le monde
o Non-dualité entre l’homme et Dieu
o Non-dualité entre Dieu et le monde
o L’unique réalité
o Voies dualistes et non dualistes

LA NON-DUALITÉ DANS LA VIE QUOTIDIENNE

Enseignements contemporains :
o Le réel
o La libération par la connaissance
o Le « matérialisme spirituel »
o Tout est enseignement

Voies religieuses :
o La volonté divine
o Les ordres monastiques et l’obéissance
o Historique du thème de la soumission à la volonté divine dans le christianisme
o Soumission à la volonté divine dans l’hindouisme
o Soumission à Dieu dans les monastères chrétiens de nos jours
o Mystiques et sages

Épictète et le stoïcisme :
o Le bonheur
o La liberté
o Le défi des obstacles
o La Providence
o Marc Aurèle

 

anthologie sur l’illumination spirituelle

Erik sablÉ

Edition DERVY

 2006

Certains êtres vivent, à un instant donné de leur existence, une « ouverture sur un autre état de conscience ».


Cette expérience, marquant une rupture totale avec les modes de pensées et de perceptions ordinaires, arrive brusquement et bouleverse les structures habituelles de la Psyché.

 

L’individu pénètre une autre réalité que d’aucuns appellent Satori, Nirvana, Éveil et d’où notre monde apparaît comme une ombre illusoire.


Érik Sablé, dans une première partie, explique ce que l’on appelle l’éveil et réunit dans une seconde partie un florilège de témoignages appartenant à divers courants religieux et spirituels : hindous, chrétiens, islamiques.
Ainsi, le lecteur, dans cette visée transversale peut mieux comprendre les convergences et divergences entre ces différents vécus.

 

APERÇUS SUR L’OPÉRATION INTELLECTUELLE ET LA CONNAISSANCE INITIATIQUE

Jacques   Thomas

Edition ARCHE MILAN

1998

La philosophie pérenne affirme que l’âme humaine est d’une certaine manière toutes choses du fait que sa nature la destine précisément à connaitre toutes choses.

 

En faisant acte de connaissance, l’homme, cependant, ne saisit pas selon leur essence les objets qu’il connait, mais selon le mode de sa propre faculté cognitive. En cela, dans la mesure du possible, il participe à la connaissance de l’Omniscient et s’assimile à Celui qui Se connait Soi-même par Soi-même.

 

C’est dans un tel cadre que le présent ouvrage examine les modalités de l’appréhension des réalités, depuis les sensibles extérieurs jusqu’aux formes universelles. A cette fin sont analysées les fonctions de l’intellect, ainsi que les natures hiérarchisées des species ou similitudes conçues comme moyens de connaissance intellectuelle.

 

Ces aperçus sur l’opération intellectuelle sont complétés par deux exemples, de caractère typiquement initiatique, empruntés aux écrits des Fidèles d’Amour de la Toscane des années 1300, principalement ceux de Dante et de Francesco Barberino.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Le paradigme divin de la connaissance   -   Connaissance de l’image par l’homme   -   Connaissance des réalités extérieures et des sensibles   -   Intellect possible et intellect actif   -   Le rôle de la mémoire   -   Espèces et symboles   -   Connaissance humaine et connaissance divine   -   Amore e cor gentil sono una cosa   -   Dunque io son ella   -   Les Fidèles d’amour et Dante   -

 

APERÇUS SUR LA CONNAISSANCE SACRÉE

Titus Burckhardt

Edition ARCHE MILAN

 1987

Réflexions sur la connaissance sacrée dans les 3 religions du livre avec une approche de la nature.

 

Partant du préjugé moderne de ne voir dans les symboles des peuples primitifs qu’un naturalisme rudimentale, tout au plus avec le sens obscur d’un « culte de la nature », certains chercheurs ont interprété leur récolte de figures symbolique dans le sens d’une notation astronomique naïve. Cette interprétation eut l’avantage de donner un certain nombre de résultats positifs, et cela en raison de la nature symbolique des cycles astronomiques mêmes.

 

En vérité, à l’origine de tous les motifs ornementaux sont les symboles de la Tradition primordiale, c’est ainsi qu’ils sont conservés par la conscience passive de la « collectivité »

 

Au sommaire de cet ouvrage :

Le cercle et la carré  -  La spirale dans le yin et le yang  -  Le folklore dans l’art ornemental  -  Principes et méthodes de l’art traditionnel  -  Généralités sur l’art musulman  -  Nature de la perspective cosmologique  -  Le Temple, corps de l’homme divin  -  La symbolique du miroir dans la mystique islamique  -  De la Tora, de l’Evangile et di Coran  -  Le prototype unique  -  La danse du soleil  -  Chevaucher le tigre  -  La Tora et les 9 tables révélées à Moïse : La lumière, la conduite, la sagesse, la force, la servitude, le chemin menant à Dieu, les révélations des secrets que Moïse reçus mais ne devait pas dévoilé car ses fidèles n’étaient pas prêt à les recevoir  -

     

APOPHATISME- UN OBSCUR ET LUMINEUX SILENCE – LA THÉOLOGIE MYSTIQUE DE DENYS L’ARÉOPAGITE

Jean-Yves Leloup

Edition Albin Michel 

 2013

La théologie mystique est l’œuvre d’un auteur anonyme connu sous le nom de Denys l’Aréopagite ou Denys le théologien. Ce court traité datant du 6e siècle fut le texte le plus lu et médité par les penseurs orientaux et occidentaux du Moyen Âge. Son influence, déterminante pour les différents courants de la mystique rhénane et flamande, continue de se faire sentir jusqu’à aujourd’hui.

Jean Yves Leloup nous offre ici une traduction intégrale, augmentée des 7 lettres de Denys qui en prolongent la réflexion. Il propose un commentaire faisant suite au texte, et poursuit la réflexion par une mise en résonnance de la théologie apophatique du Corpus dyonisiacum avec différents auteurs et traditions issus du christianisme mais aussi du judaïsme, de l’islam et des mystiques orientales et occidentales.

Dans son parcours, Denys va devenir l’archétype du philosophe converti au christianisme, et que la tradition appelle « un vrai philosophe ». Son goût de L’Ultime Inconnu l’ayant éveillé, la triple sensibilité au mystère, à la recherche des causes de la Vie, du mouvement et de l’être, et celle du Christ ressuscité, sera le leitmotiv de sa théologie patristique en écho avec la « Ténèbre supra-lumineuse » ou « l’obscur et lumineux silence ».

Dans sa lettre à Dorothée, Denys écrit : L’obscur et lumineux silence, la ténèbre divine est cette « lumière inaccessible » où il est dit que « Dieu habite ». C’est l’excès de sa clarté qui la rend invisible, le débordement de ses manifestations lumineuses et suressentielles qui la dérobe à tous les regards, c’est dans cet obscur et lumineux silence que naît quiconque digne de connaitre et de comprendre qu’il s’élève vraiment dans ce qui est au-delà de la vue et de la connaissance.

Ne sachant rien de lui, sinon qu’il transcende le sensible et l’intelligible, il s’écrit avec le prophète « savoir prodigieux, qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre ».

C’est en ce sens qu’on a pu dire de Paul (celui de Damas) qu’il a vu Dieu, parce qu’il a vu que Dieu transcende tout acte de l’intelligence et tout mode de connaissance, ainsi peut-il affirmer que « ses voies sont impénétrables et ses décrets insondables et que  sa paix surpasse toute intelligence, car il a découvert Celui qui est au-delà de Tout, et il a su, selon un mode qui dépasse toute connaissance, que Celui qui est à l’origine de toutes choses n’est lui-même aucune de ces choses »

Au sommaire de cet ouvrage l’auteur décrit :

La théologie mystique et les 7 lettres de Denys

La prière inaugurale et la vie de Moïse

De l’adequatio à l’aletheia, de quelle vérité parlons-nous ?

L’exercice proposé à Timothée – explication de l’apophase et cataphase

Petit résumé de la voie dionysienne – Résonnances et variations

Une béguine anonyme : Hadewijch d’Anvers et le nuage d’inconnaissance

Denys – Eckhart - Jean de la Croix, trois témoins de l’avant et de l’au-delà de Dieu

L’infini (Ein Sof) et sa réception (Shekhina) dans la tradition juive.

Ni ceci, ni cela : l’Apophatisme par Denys et Çankara, théologie mystique et advaïta vedanta

Denys et Nagarjuna : autour du tétralemme

Une traduction « dionysienne » de la Prajnaparamita ou le sutra du cœur.

Taologie mystique. Et Xinxin Ming

 

ATLAS DE LA PHILOSOPHIE

Kuzmann, Burkard, Wiedmann

ENCYCLOPÉDIE D'AUJOURD'HUI

 1993

Véritable manuel d’initiation, cet atlas est aussi une façon nouvelle d’aborder l’univers de la pensée. Il y est expliqué la philosophie orientale, antique, du Moyen-Âge, de la Renaissance, du 17é, 18é, 19é, 20é. Siècle. Un excellent livre de base sur la philosophie de l’Univers.

 

Or nous ne nous posons pas la question « pourquoi la science » : pourquoi ? ... L'intérêt de la philosophie est qu'elle peut permettre d'accéder à une conscience du réel et des choses en général. Et l'intérêt de cette conscience est de permettre de maîtriser notre réalité humaine, non pas de manière parcellaire comme le fait la science, mais d'un point de vue très général. Et l'évolution de nos consciences individuelles est absolument nécessaire si nous voulons assurer l'avenir de l'espèce humaine et de sa viabilité. Je maintiens donc que la pratique de la philosophie si réduite dans notre système d'enseignement est une nécessité. Je maintiens également que la philosophie et la Raison sont aujourd'hui l'antidote contre l'irrationnel et le retour de la magie La philosophie qui est l'apprentissage de la pensée, devrait être placée au-dessus de tout. Ce pourrait être l'antidote de notre monde aux technologies surdéveloppées qui amènent par un effet inverse de celui qu'on aurait pu attendre, une régression vers un stade plus primaire caractérisé par une certaine en la croyance en la « magie » (de la technique).  
Mais cela est une position de principe.

 

 En pratique, et malheureusement, à entendre les discours de nombre de philosophes ou à lire nombre de textes philosophiques on peut parfois se demander si la philosophie ne serait pas, non la recherche de la compréhension des choses, mais à l'inverse l'art d'embrouiller. Le discours philosophique paraît obligatoirement abscons volumineux tortueux peu précis et confus. À tel point qu'un discours clair concis et lucide n'est bien souvent pas apparenté à de la philosophie! Par conséquent, si je pense que la pratique de la philosophie peut être salutaire, je pense également que nous devons impérativement chercher à la débarrasser de cette tendance à l'amalgamer avec la rhétorique, voir même avec ce que l'on appelle en terme argotique la « masturbation intellectuelle ». Il est absolument impératif de chercher particulièrement ici, la concision et la précision du langage; et à l'inverse de la tendance actuelle (à exprimer des choses simples de manière compliquée et confuse), il faut s'efforcer d'être capable d'exprimer des choses complexes de la manière la plus simple et la plus compréhensible possible, sans pour autant les réduire

 

au-delà de la parole perdue     -    V.I.T.R.I.O.L.

José bonifacio

Edition Telete

 2002

C’est à travers 11 chapitres que l’auteur nous invite à découvrir l’homme immanent et sa quête. Dans ce troisième et dernier volet de son étude sur la Kabbale Initiatique, José Bonifacio nous propose d'élargir notre quête et notre conscience au-delà de la Parole Perdue. Cette quête est résumée dans le mot-clef "v.i.t.r.i.o.l." qui peut se traduire par « Descends en toi-même et, en rectifiant, tu trouveras la Pierre Cachée ». Elle permet à l'Homme véritable de devenir Celui qui est : L'Homme immanent, pour qui Dieu n'est plus un dogme mais un concept logique, fusionné en un univers multidimensionnel. À travers onze chapitres, nombre qui justement exprime l'infini, Ain Soph, union du Macrocosme et du Microcosme, José Bonifacio nous fait vivre cette quête de l'Immanence, ce qui est, ici, et maintenant, l'Or de l'alchimiste

 

AIN SOPH union de macrocosme et du microcosme les voiles d’Isis, du Zéro à Un, le mystère Adam, Dieu concept logique ou dogme ? L’expression géométrique de DIEU, l’Univers, à la gloire de SHADDAÏ, au commencement était le Verbe et que la lumière soit.

 

Du Profane au Sacré : Ainsi le mot "Parole " recouvre t’il plusieurs acceptions dont nous devons tenir compte et dont la principale, en ce qui nous concerne, est avant tout la Transmission d'une certaine Connaissance au travers de certains Mythes et de certains Rites, le REAA en particulier. La Parole est donc à la fois le véhicule et le moteur de cette transmission, le Rituel en est le Gardien. Mais au fil du temps le langage évolue et les mots déforment le sens des idées; la pensée peut s'égarer, le sens disparaître ... c'est le revers de toute Tradition, orale ou écrite : le Sens de la Parole se dilue, s'étire, se transforme, .... et se perd.

 

Il peut également disparaître parce qu'il n'est plus accessible à une compréhension qui aurait elle aussi évolué ou dégénéré en " Zizanie " ... Or, la Tradition nous donne la Langue, le Mythe nous fait réfléchir au Sens et le Rite nous fait passer du monde Profane au Sacré. Pour nous Francs-maçons, il demeure un langage d'initié qui nous permet une Quête, celle de la Parole perdue.

 

Tout d'abord l'adjectif "Perdue "ne saurait s'appliquer à quelque chose qui a été égaré. La Parole est perdue parce que jusqu'à ce jour nous n'avons pas pu ou su la Recueillir. Elle est sans doute toute proche, mais pour le moment Inaccessible: "Aures habent et non audirent " (ils auront des oreilles mais n'entendrons point) dit Ecclésiaste; ce à quoi il convient d'ajouter: "Oculus habens et non vidèrent" (ils auront des yeux mais ne verront point) compte tenu de l'espace pris par l'image au détriment de la parole dans la communication. L'expression "Parole Perdue "apparaît pour la première fois dans le Rituel d'Initiation au 4° degré. On notera qu'elle n'est jamais employée seule et qu'elle accompagne les mots: Vérité et Lumière.

 

La notion du Sacré : Selon la Légende, Dieu voulant punir les hommes de leur prétention à monter jusqu'à Lui (la Tour de Babel!) leur fit parler au lieu d'une langue accessible à tous, une multitude de langages, créant la Zizanie ... A s'en tenir au monde profane, c'est peut-être aussi cela, la Parole Perdue ! Une parole accessible à tous, quel que soit la langue dès lors qu'elle s'adresse à l’Ame et cherche à toucher les Cœurs. Mais il arrive que cette parole "commune "soit investie d'une mission particulière: permettre à l'Homme de communiquer avec le Sacré. Il faut entendre ici par " Sacré " tout ce qui présente un caractère Transcendantal, religieux ou laïque. Pour cela, selon le vers de Stéphane Mallarmé, il convient de " Donner un sens plus pur aux mots de la Tribu "; la Parole va être magnifiée, le Mot glorifié.

 

Mais la Parole n'est pas uniquement une prière qui monte de l'Homme vers le Sacré; elle est aussi un moyen pour le " Sacré " de s'adresser à l'Homme. L'aspect est alors essentiellement Religieux, c'est le Verbe: " Car le mot c'est le Verbe et le Verbe c'est Dieu ", écrit Victor Hugo. Cela suppose que l'on soit disposé à Croire à une existence divine susceptible de s'adresser directement aux hommes et dans ce cas, ce message peut prendre l'aspect de la Parole.

 

De tous temps, l'Homme a cherché à communiquer avec le Sacré (Mircea Eliade), parfois dans l'attente d'une Réponse à ses angoisses ou à ses incertitudes, souvent à la recherche de l'apaisement ou de la réparation (faute ou dette). Cette recherche a pris et prend encore les formes les plus diverses et pas seulement vocales (gestuel, chant, prière, extase, isolement, dépouillement, arts ... etc.) ; nous autres Francs-maçons utilisons gestes et paroles mais aussi les symboles et la Parole que nous cherchons ne saurait être assimilée au Verbe Créateur, même si d'aucuns pensent qu'elle doit nous venir " d'en haut «.

10 B

blaise pascal – l’ordre du cœur – philosophie, thÉologie & mystique dans les pensÉes de pascal

H. michon

Edition CHAMPION CLASSIQUE

 2007

Pascal étonne par sa modernité. Celle-ci a souvent donné lieu à des rapprochements avec des auteurs du XXème siècle : Bergson, Kierkegaard ou Teilhard de Chardin.

 

Il se révèle en réalité héritier d’une longue tradition philosophique et théologique marquée par la pensée néo-platonicienne, le symbolisme des Médiévaux, l’apport de la Réforme.

 

Ce livre souligne les liens multiples et cachés qu’entretient Pascal avec certains grands noms qui m’ont précédé : Grégoire de Nysse, Bonaventure, Nicolas de Cues, Benoît de Canfeld…


Apparaît alors la construction scalaire des Pensées :

 

l’Apologie, loin d’être un assemblage de fragments autonomes, comprend trois niveaux de discours distincts : philosophique, théologique et mystique commandant chacun un type d’argumentation et un choix de thèmes particuliers : philosophie de la « disproportion de l’homme », théologie des rapports de la nature et de la grâce, mystique du « Dieu caché ».

 

Déterminer à quel discours appartient chaque fragment permet ainsi d’envisager une lecture synthétique des Pensées.

 

BONARDEL   -   PRENDRE SOIN DE SOI  

   Françoise  Bonardel

Edition  Almora

 2016

Héritée des Grecs, puis remise à l’ordre du jour par des philosophes contemporains comme Pierre Hadot (1922-2010) et Michel Foucault (1926-1984), l’idée que tout être humain ait à prendre soin de lui-même est devenue centrale aujourd’hui, en témoigne la pensée américaine du «care». Mais que signifie «prendre soin de soi-même» ? Retrouver le calme, se sentir en sécurité, redécouvrir son corps, développer sa créativité et pourquoi pas renouer avec le sacré ? Le but de l’ouvrage est de donner une assise philosophique, psychologique et spirituelle à ce besoin de «soin». Françoise Bonardel nous rappelle que ce soin à soi-même était déjà présent dans la philosophie antique et elle nous dresse le développement de la notion jusqu’à l’époque moderne.

Elle se demande aussi si cet intérêt à soi ne cache pas finalement un égoïsme voire une forme de dandysme ; elle s’attache donc à nous montrer comment entretenir ce réel souci de soi dans le quotidien et notamment dans les périodes de crise. L’auteur ouvre enfin la question du soin de soi à la dimension religieuse et sacrée ; pour les mystiques cette expression de soin de soi-même revient à inscrire son devenir dans un processus de transformation et de maturation jusqu’à une ouverture vers la splendeur du Grand Soi. Ce livre nous présente pour la première fois en français une perspective complète et pratique sur le soin de soi-même.

On assimile souvent à tort l’épicurisme avec la recherche des plaisirs charnels : la fête, la bonne chère, le vin et le sexe… L’épicurien ne serait rien d’autre qu’un « bon vivant », qui ne pense qu’à se faire plaisir. Pourtant Épicure (341-270 av. J.-C.) n’était pas un partisan de la débauche. Le philosophe soutient que, pour atteindre le bonheur personnel, il faut savoir tempérer ses envies, repousser les plaisirs futiles et factices comme le luxe, le pouvoir et la gloire, fuir les passions. La passion amoureuse elle-même est pour lui une source de souffrance plus que de satisfaction. Le bonheur se trouve donc dans la sagesse. C’est en tout cas sur ce modèle qu’Épicure a copié sa vie. À Athènes où il s’était établi, il est resté en marge de l’agitation de son temps. Ayant acheté un bout de terrain, il y fonde une école philosophique : « l’école du jardin ». À l’écart de la vie agitée de la Cité, de ses ambitions démesurées, de ses troubles, il a mené une existence simple, cultivant l’amitié, l’art et les sciences. Son école fut une sorte de confrérie, ouverte à tous, hommes et femmes, jeunes ou vieux, Athéniens ou étrangers.

 

L’épicurisme est un refus de la course effrénée des plaisirs. Il se démarque d’un hédonisme uniquement préoccupé par les plaisirs immédiats, tel les préceptes enseignés actuellement. Il se démarque aussi de l’ascétisme, qui est un renoncement total aux plaisirs de ce monde. Être heureux, pour Épicure et les siens, c’est choisir entre l’essentiel et l’accessoire, entre les ambitions futiles et celles qui comptent vraiment.Le stoïcisme désigne un vaste courant de pensée qui eut une très grande influence dans l’Antiquité gréco-romaine. Comme l’épicurisme, le stoïcisme est entré dans le vocabulaire courant, mais le sens initial en a été déformé. Être « stoïque », au sens courant, c’est garder son sang-froid, résister à la souffrance et au malheur qui peuvent nous affecter. Il y a bien de cela dans le stoïcisme, mais la philosophie stoïcienne était une doctrine beaucoup large qui comportait aussi une théorie physique, une conception de la nature humaine, une morale et un style de vie. Le stoïcisme ne peut être attribué à un seul auteur mais à toute une école qui s’est déployée durant cinq siècles. On lui associe des penseurs grecs (Zénon de Citium, Antipater de Tarse) et romains (Sénèque, Épictète et l’empereur Marc-Aurèle).

  

Pour les stoïciens, le monde est uniquement un monde matériel gouverné par des lois et non le caprice des dieux (c’est aujourd’hui une évidence, mais ne l’était pas à l’époque.) En matière morale, la doctrine stoïcienne prônait les vertus d’une « vie simple » et naturelle. Bien vivre, c’est vivre en harmonie avec la nature et avec soi-même. Et pour cela, il faut maîtriser ses passions, repousser les fantasmes et illusions qui nous égarent. Le bonheur repose donc sur la tempérance, c’est-à-dire la limitation des désirs. Il vise à atteindre l’ataraxie, un état de quiétude marqué par l’absence de désir et de troubles, une sérénité et une paix intérieure qui s’apparentent à celles du repos tranquille (voir encadré).

 

Épictète, un ancien esclave devenu philosophe, fut l’un des illustres représentants de l’école stoïcienne. Né esclave, Épictète était au service d’un certain Epaphrodite qui, bien que parfois brutal à son égard, lui donna une éducation philosophique et l’affranchit (c’est-à-dire lui redonna sa liberté) à l’âge adulte. Devenu homme libre, Épictète partit pour Rome et y ouvrit son école philosophique. À l’époque, on pouvait en effet « s’installer » comme philosophe, comme aujourd’hui on ouvrirait un cours privé. Une « école » philosophique désignait à la fois un lieu d’enseignement (où on apprenait toutes sortes de disciplines) et un courant de pensée (car chaque fondateur d’école y professait une doctrine particulière). Menacé par la politique répressive à l’encontre des philosophes, en particulier les stoïciens, que connut Rome au temps de l’empereur Domitien, Épictète se réfugia à Nicopolis et y refit sa vie à l’âge de quarante-trois ans. 

  

D’Épictète, on a surtout retenu la distinction célèbre entre « les choses qui dépendent de nous et celle qui n’en dépendent pas ». Les choses qui dépendent de nous – la pensée, le désir, les amours et haines – nous pouvons les contrôler, les diriger par la volonté. Là est notre liberté et nous devons l’employer pleinement. Les choses qui ne dépendent pas de nous – la chance, la maladie, la mort, le monde extérieur – il faut les prendre comme elles viennent puisque « elles ne sont pas notre œuvre propre. Pourquoi donc s’émouvoir de ce qui est inévitable ? Pourquoi s’attrister de la mort, de la maladie, voire de la disparition d’un être cher puisqu’on n’y peut rien ? » La doctrine d’Épictète est stoïcienne en ce qu’elle enseigne à renoncer aux désirs factices. Mais ce n’est pas qu’une école de renoncement. C’est aussi une philosophie de la liberté intérieure et de la volonté. En se déprenant de ses illusions et aspirations déraisonnables, on conquiert une certaine liberté.

 

Épictète nous dit que la sagesse et la maîtrise de soi, dont doit faire preuve le philosophe, ne peuvent survenir d’un seul coup. L’exercice de la sagesse suppose un apprentissage et un entraînement régulier. « On devient philosophe comme on devient athlète », écrit Épictète, en commençant par des « petites choses » c’est-à-dire des petites épreuves personnelles.Ce faisant Épictète ne fait que reprendre une idée centrale dans la philosophie grecque : vivre est un art et comme tout art, cela s’apprend. De même qu’il existe un art du combat, un art culinaire, un art de la chasse, un art du jardin…, il existerait donc aussi un art de vivre. Apprendre à vivre suppose un enseignement (par un maître), un entraînement régulier, une expérience et une discipline de vie.

 

En Grèce, le philosophe n’était pas qu’un penseur dont le but ultime était la recherche de la vérité. Le philosophe est un « ami de la sagesse » et la philosophie un art de vivre. Le sage s’employait donc à mener une « bonne vie ». Cette bonne vie impliquait non seulement l’étude mais comprenait d’abord une certaine « éthique » impliquant une discipline, une maîtrise de ses pensées et de ses passions. Le sage devait adopter un modèle de vie pouvant servir d’exemple à tous et livrait ses enseignements à qui voulait l’entendre. (Une pensée pour Bernard Stiegler, grand philosophe).

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Où commence la négligence ?  -  se témoigner de l’amitié  -   Religiosité de soin  -  les ambigüités du ‘’care’’   -   le prix e l’autonomie  -   pour une réhabilitation du souci   -   une tradition thérapeutique   -  Guérison et initiation   -   la vie intemporelle de l’âme  -    Souci et connaissance de soi  -   le salut par la gnose   -  Vertus du clair-obscur   -  Egoïsme ou altruisme   -   Indépendance et autosuffisance   -   amour de soi et amour-propre   -  Prendre soin de l’impersonnel   -  Individualisme, narcissisme et dandysme   -   du paramédical au religieux   -   Eloge de la sobriété   -  Vers un sacré sans sacrifice  -  une voie de réintégration  -   le soin de l’épreuve au quotidien   -   Hic et nunc   -  s’asseoir et méditer   -   et si le soi n’existait pas ?   - 

 

 

BONARDEL    -    la voie hermÉtique

Françoise bonardel

Edition Dervy

 1985

Qu’est-ce qu’une Voie, sinon l’ouverture propice au cheminement, l’orientation nécessaire à la transformation ? Parler de Voie hermétique a donc de quoi surprendre, si l’on s’en tient à l’usage courant du terme, suggérant le repli plus que le déploiement, l’obscurité plus que la lumière inhérente à toute authentique Révélation.

 

Or, c’est bien en terme de Révélation que s’est imposé, depuis l’Antiquité gréco-romaine-égyptienne et pour de nombreux siècle, le message spirituel attribué à Hermès Trismégiste, prophète païen en qui certains hommes de la Renaissance croiront   reconnaitre le Père d’une sagesse primordiale et immémoriale bien antérieure au Christianisme.

 

C’est à reconstituer l’identité polymorphe d’Hermès le messager divin, et à « comprendre » comme le préconise le Trismégiste –le jeu incessant du clos et de l’ouvert que s’emploie ici l’auteur- ; décryptant pour cela quelques-unes des figures les plus significatives de l’hermétisme occidental, tour à tour doctrine de salut (gnose), voie de transmutation (alchimie), herméneutique,  toutes à des titres divers placées sous le patronage d’Hermès, de sa doctrine.

 

Le caractère composite de la doctrine hermétique, et la richesse multiforme de sa postérité semblent dus autant à la personnalité protéiforme d’Hermès qu’à la nature de l’enseignement consigné. Dans le Corpus Hermeticum, c’est bien de révélation qu’il s’agit, écrite sous sa forme philosophique et religieuse.

 

Rapporté à l’hermétisme, le mot tradition doit être pris dans son acceptation originelle de transmission ; non pas d’us et coutumes accréditant une vision passéiste et conservatrice des idées et des mœurs ; mais pérennité d’un savoir de type initiatique d’abord transmis par le Verbe d’Hermès à quelques rares disciples en quête de régénération spirituelle, puis au cours des siècles à ceux des mages, adeptes et artistes qui en ont ensuite perpétué l’esprit par leur pratique en matière de philosophie occulte et d’alchimie.

 

Fondée sur les Hermetica, et condensée dans la fameuse Table d’Emeraude (Tabula Smaragdina), la tradition hermétique peut en effet se prévaloir –comme toutes les traditions- d’un fondateur mythico-religieux doté d’une personnalité charismatique, de Livres quasi sacrés, et d’un mode de transmission d’inspiration « gnostique » dont la continuité est avérée tant d’un point de vue historique qu’initiatique. La question se pose par ailleurs de savoir si l’hermétisme n’est qu’une tradition parmi d’autres, ou si le rôle de « Père des sages »(selon Henri Corbin), et d’herméneute spirituel reconnu à Hermès, autorise à voir dans son enseignement le noyau ésotérique commun à la plupart des grandes traditions religieuses et initiatiques.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Première partie : Origines mythiques et historiques   -   les métamorphoses d’Hermès   -  les témoignages antiques   -  le creuset alexandrin   -   la Révélation Hermétique   -  au cœur du monde ; révélation et occultation   -   Cosmos et anthropogonies   -   la création des âmes   -   les paradoxes de l’agnosia-gnosis   -   la « compréhension » hermésienne   -   L’éternité vivante du lien  -   la méditation solaire et le culte des images   -   l’astrologie hermétique   -   Art et musique   -   le dépôt des livres qui est une gnose herméneutique   - 

Deuxième partie : La tradition hermétique et la Renaissance  hermétiste   -   Unité et diversité   -   les grands conciliateurs   -   le chaîne d’or du triple monde   -   Sagesse et magie   -   L’Art d’Hermès   -  Une tradition aux origines mythiques   -   le labyrinthe hermétique   -   la vase d’Hermès   -   Naturphilosophie et théosophie   -   L’équivoque occulto-hermétiste    -  D’étranges hybrides    -  L’hermétisme populaire   -   Hermès inconnu      -  Transitions et ambigüités    -   Hermétisme et Herméneutiques   -   Hermès messager de l’être   -   C.G. Jung et l’esprit Mercure   -   Herméneutique spirituelle, phénoménologie et alchimie   -   Récurrence hermésienne et anthropologie    -   L’hermétisme fertile et la synchronicité magique   - 

 

BONARDEL   -    philosopher par le feu

Françoise  bonardel

Edition  Du Seuil

 1995

C’est une anthologie de textes alchimiques occidentaux que l’auteur nous offre.

 

Le feu fut un élément principal des alchimistes dans leur recherche de l’or spirituel. Le feu étant la base de toute spiritualité.

 

Philosopher par le feu : tels se voulurent les alchimistes, en vertu de certaine alliance –entre l’œuvre de sagesse et l’élément igné – devenue bien étrange pour des esprits comme les nôtres, tenant désormais leurs lumières, et leur éventuelle sérénité, d’autres sources de clarté.

 

De la flamme ; spontanément associée à l’inflammabilité de l’esprit privé du pouvoir de raisonner, n’avons-nous pas appris à nous défier ?

 

Et d’Héraclite seul la philosophie retiendra qu’il ait choisi le Feu pour exprimer, d’un monde encore mal ordonné par la pensée, l’unité cachée, l’ardeur invincible en même temps que l’incessante mobilité :  « Le feu tire joie de sa forme », dira plus tard William Blake.

 

Une anecdote rapportée par Aristote puis commentée par Heidegger, nous montre le plus obscur des physiciens-penseurs antérieurs à Socrate se réchauffant un jour auprès d’un modeste four de boulanger et justifiant sa présence insolite en ce lieu par un mot si limpide qu’il en devint énigmatique : « Ici les dieux sont présents. »

Que l’amateur de choses divines sache bien que notre voie n’est ni historique, ni païenne ; mais que nous nous dirigeons vers la lumière de la nature extérieure, pour nous luisent les deux soleils » - proclamait le théosophe Jakob Boehme (1575-1624), en cela fidele à l’esprit alchimique et à cette double source de luminosité dont se recommandait avant lui Paracelse (1493-1541) – s’émerveillant de ce que le feu ‘a puissance de dévoiler ce qui est caché et de le rendre manifeste », et concluant : « C’est de cette vision que nait la science des remèdes qui en sont le témoignage ».

 

L’auteur nous offre des textes anthologiques de : Abraham  - Julius Africanus  -  Albert le Grand  -  Aristote  -  Aros  -  Artéphius  -  Avicenne  -  Roger Bacon  -  Beauvais  -  Jacob Boehme  -  Petrus Bonus  -  Calid  -  François Cambriel  -  Eugene Canseliet  -  Claude Chevalier  -  Coenders  -  Le Cosmopolite  -  Oswald Crollius  - Crosset de la Haumerie  -  Démocrite  -  Espagnet  -  Marcil Ficin  -  Nicolas Flamel  -  Fulcanelli  -  Geber  -  Glauber  -  Grasseus  -  Grosparmy  -  Hermès Trismégiste  -  Kirchweger  -  lambsprick  -  Bruno de Lansac  -  Lavinius de Moravie  -  le Breton  -  Le Pelletier  -  Etienne Libois  -  Limojon de Saint-Didier  -  Nicolas Locques  -  Raymond Lulle  -  William Salmon  -  Michael Scot  -  Petrus de Silento  -  Stéphanus d’Alexandrie  -  Michael Mayer  -   Marie la juive  -  Montador  -  Philippe Muller  -  Samuel Norton  -  Olympiodore  -  Ostanès  -  Pantheus  -  Paracelse  (  Pontanus  -  Dom Pernetty  -  Jean Perreal  -  Philalèthe Eyrénée  -  Philothaume  -  Planis Campis  -  Albert Poisson  -  Psellus  -  Richard l’anglais  -  George Ripley  -  Philippe Rouillac  -  Martin Ruland  -   Stolcius  -  Chevalier de Stuart  -  Synésius  -  Tauladanus  -  Jacques Tesson  -  Bernard le Trévisan  -  Salomon Trismosin  -  Philippe Ulstad  -  Basile Valentin  -   Nicolas Valois  -  Laurent Ventura  -  Arnaud de Villeneuve  -  Denis Zachaire  -  Zozime de Panopolis  -

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

L’alchimie peinte par elle-même   -  Dialogue entre Ciel et Terre : Hermès  Trismégiste   -  Le mortier mystique égyptien   -  L’art d’Hermès   -   L’esprit du Monde : alchimie et cosmologie   -   Grand Œuvre, Genèse et embryologie   -   Dialogue de l’artiste avec la Nature   -   la déontologie opérative : ora et labora   -   énigmes et paraboles   -   Fables, songes et visions   -   les ingrédients de l’œuvre : Eléments et Principes   -   Clôture du Vase et couleurs du Temps   -   la matière aux mille noms   -   L’œuvre du Lion vert   -  Clefs du Magistère   -   Feux croisés   -   Le Feu secret des Sages   -   Nigrum nigrius nigro ( œuvre au noir)   -   une gestualité opérative (solve et coagula)   -   le Ciel chymique : teindre et quintessencier   -    une royauté métallique : l’Or Philosophal   -   un souveraineté bénéfique : la Pierre des Sages   -    une charité prolifique : la médecine universelle   et sa révélation cabalistique    - 

 

En fin d’ouvrage l’auteur nous donne 16 pages de glossaire sur les mots alchimiques

 

BONARDEL    -     l’irrationnel

Françoise bonardel

Edition  PUF

 2005

L’irrationnel est-il l’Autre de la Raison ou son ombre portée ? Souvent employé de façon incantatoire, ce terme paraît regrouper toutes les extravagantes de l’errance et les divagations de l’erreur. Ces irrationalités proposent en fait une autre histoire de la rationalité, écrite en filigrane des discours officiels sur le rôle civilisateur de la raison. Cet ouvrage expose les différents aspects de l’irrationnel, de la philosophie grecque aux turbulences de la pensée scientifique contemporaine, des pratiques magiques aux constructions de la foi, du sens inné du mystère aux élans mystiques.

 

L'irrationnel de Françoise Bonardel, philosophe agrégée et professeur à Paris I, connue déjà par ses remarquables travaux sur «les raisons hermétistes» et cette anthologie des textes alchimiques occidentaux, Philosophies par le Feu, Seuil, éd. 1995) nous livre ici en six brefs chapitres l'inventaire précis de cette notion «erratique» que fut celle d'irrationnel, contrepoint et marge inséparable, durant trente siècles de la litanie occidentale, de la toute-puissante «déesse Raison». De la «Grèce de l'ombre» (chap. 2) redécouverte timidement par Schelling, délibérément par Nietzsche «inventant» déjà «l'Ombre de Dionysos» (M. Maffesoli), jusqu'aux «turbulences» de la rationalité dans «les effervescences scientifiques actuelles» posant les fondements d'une très post-moderne «pensée sauvage» occidentale (chap. VI), en passant par tous les mouvements de cette longue «fugue» civilisationnelle qui ne cesse d'orner, de divertir - et quelquefois de pervertir! - la Raison sacralisée par les «enragés» de 1793...

 

C'est d'abord, face à un rationalisme redoutable hérité de la patristique et de la scolastique s'installant dans les universités naissantes, face à une pensée où Descartes et Spinoza prennent le relais de St-Augustin puis de St-Thomas, qu'émergent peu à peu les inquiétudes d'un docteur Faust, ou le «scepticisme» de Montaigne, ou la «démesure» de Shakespeare... et finalement la découverte «à côté» du rationnel d'un «je ne sais quoi de terrible, de grand et d'obscur» (Diderot), le «sublime» introduit avec effraction dans la raisonnable «beauté» classique

 

Ce pas «romantique» étant franchi, et la «raison du plus fort» n'étant plus la meilleure, c'est-à-dire la seule, Françoise Bonardel peut aborder les fondements du procès «d'obscurantisme» (ch. IV) fait au pluriel par la langue - de bois! - d'une «raison» totalitaire naïvement identifiée - depuis le XVIIIe siècle - à la science de la matière. Sans se douter que ce matérialisme naïf allait lui-même se pluraliser au cours des deux derniers siècles et ainsi démentir ses prémisses «d'identité» et de «tiers exclu»... La fracture romantique étant effectuée malgré les «limites de la simple raison» kantienne, les dénonciations attardées «d'infantilisme» par Freud, de toxicomanie par Marx, on peut examiner alors sans être excommunié  les «trans-rationalités» dont témoignent les «logiques» du mysticisme, de l'apophatique, des «savoirs initiatiques», des «ésotérismes», de la «magie», des «techniques de l'invisible» (J. Servier)... Dès lors bien des «irrationalités» se résolvent en une «trans-rationalité» - «hyper-rationalité» disait Fourier - possédant ses lois, ses postulats, ses axiomes propres, et englobant comme simple cas particulier feu la raison «classique».

 

Le chapitre V est consacré à une brève étude «monographique» - et génétique: l'auteure reprend ici les «racines» historiques de cette émergence - où du prolongement de l'illuminisme romantique, de la «Natur-philosophie», émergent Schopenhauer, Schelling, Kierkegaard, le Nietzsche «chantre du dionysiaque», Dilthey, et aussi Wagner, Dostoïevski, Bergson, Chestov, Berdiaev, etc., et enfin Heidegger.

 

Dans l'ultime chapitre de ce brillant petit livre (ch. VI), l'auteure s'installe au cœur de ces victoires historiques des «transrationalités». Et d'abord dans ce retournement véritablement éthique, ces «critiques de la raison mythique» où des auteurs comme de Diegez, Ortega, Gasset, Cioran, Unamuno, J. Grenier - le maître de Camus - renversent les perspectives de Comte, de Renan ou plus proches de nous, d'Adorno ou d'Horkheimer, en dressant le constat réduisant le rationalisme «classique» (pur et dur) à un «mythe aveugle»; aveugle parce qu'aveuglant de façon terroriste et totalitaire (intégriste!) toute la vivante liberté du Découvrir. Mythe gigantesque, orné des plumes de la démystification, qui s'enfle peu à peu du pragmatisme industriel, du culte de l'avenir de la science et du diktat positiviste, de la dictature du prolétariat, et finalement - dans la lucidité d'E. Jünger - du Moloch du «Travailleur» fondement de tous les Auschwitz et de tous les «goulags», le mythe des «Temps Modernes» qui sous sa raison de fer est «l'irrationnel et, de ce fait l'immoral par excellence...» (E. Jünger).

 

Telle est bien la «Tragédie» de notre culture (G. Simmel)! Cette «démystification à l'envers», qu'appelait de ses vœux Mircea Eliade, est confortée par toute la «poétique» contemporaine issue de Rimbaud, de Rilke, de Breton, par les découvertes des mondes nouveaux des ethnologues (Cl. Lévi-Strauss, J. Servier, R. Bastide...) et des «historiens» des religions (M. Eliade, R. Otto, H. Corbin, J. Ries...), par l'exploration des états de conscience - ignorés par la raison classique! - (Freud, Jung, etc.), par toutes les «réflexions» philosophiques qui, déjà, structurent l'horizon «post-moderne»: Th. Mann, D. H. Lawrence, Caillois, J. Bousquet, R. Daumal - courant qui nous porte et porte toute notre mouvance de «Recherche sur l'imaginaire»

 

boehme – qui suis-je ?

Marc vivenza

Edition Pardès

 2005

Ce « Qui suis-je ? » Boehme nous montre comment l’extraordinaire cordonnier allemand, doté d’une exceptionnelle capacité à expliquer les moindres phénomènes rencontrés dans le règne de la nature, parvient, dans un identique mouvement, à nous faire accéder aux secrets célestes touchant à la primitive origine du Principe.

Véritable voyage d’un genre peu commun, la rencontre avec l’œuvre de Jacob Boehme est, bien souvent, à la source d’une réorientation spirituelle radicale, un moment inoubliable ; en effet, s’agissant de l’énigme révélées de la silencieuse présence intérieure de la Sagesse de Dieu, le visionnaire de Görlitz manifeste une renversante pertinence. On lui doit cette incomparable perception de la sainte Sophia, celle qui inspire l’âme plongée dans les ténèbres du monde, Sagesse qui nous guide vers la véritable gnose, c’est-à-dire vers la connaissance indicible de l’indéfinissable « sans-fond » (Ungrund), l’essence de toutes les essences.

Ce fut, selon son expression, « par l’esprit de Dieu » que Boehme put atteindre ces terres lointaines où l’intellect transcendant communique librement avec le suressentiel, où il perçoit clairement la Parole non émanée qui subsiste au cœur de la Sainte Trinité, et il nous en livra, dans ses fascinants ouvrages, avec quel génie et souveraine maîtrise, l’admirable témoignage directement inspiré du Ciel.

Jacob Boehme (1575-1624) est un personnage hors du commun. Hegel voyait en lui le premier philosophe allemand. Il a exercé une influence sur Newton, Novalis, Schlegel, Goethe, Fichte et Schelling. Quant à Louis-Claude de Saint-Martin, il le considérait comme son second maître.

Boehme est né en 1575, près de Görlitz, une ville proche de la frontière qui sépare l'Allemagne de la Pologne. Après avoir fréquenté l'école de son village, il apprend le métier de cordonnier. Dès l'enfance, sa vie est ponctuée de signes étranges, annonçant une destinée exceptionnelle. Un jour, tandis qu'il gardait la boutique de son maître qui s'était absenté, un étranger entra. L'homme s'approcha de lui et le regarda comme s'il pénétrait jusqu'au fond de son âme. « Jacob, tu es peu de chose, lui dit-il, mais tu seras grand et tu deviendras un autre homme, tellement que tu seras pour le monde un sujet d'étonnement. C'est pourquoi sois pieux, crains Dieu, et révère sa parole, surtout lis soigneusement les Saintes Écritures, dans lesquelles tu trouveras des consolations et des instructions, car tu auras beaucoup à souffrir ; tu auras à supporter la pauvreté, la misère et des persécutions ; mais sois courageux et persévérant, car Dieu t'aime et t'est propice. »

 

Celui qu'on surnommera « le Philosophe Teutonique » devient maître cordonnier. En 1599, il épouse Catharina Kuntzchmann qui lui donnera quatre enfants. Il se lie avec Martin Möller, pasteur de son village, et participe aux activités d'un petit groupe de chercheurs que cet ecclésiastique réunit autour de lui pour étudier les idées de Paracelse et de Valentin Weigel. Dans ce groupe, parfois présenté comme un cercle rosicrucien, Boehme recevra les germes d'une formation dont il saura tirer des fruits par ses propres méditations. « Jacob Boehme est bon époux et excellent père, il s'applique à sa profession d'une manière si laborieuse et si honnête que dix ans plus tard, il devient propriétaire d'une maison à l'intérieur de la ville », nous dit son biographe Abraham Franckenberg.

 

L'existence du jeune homme prend un tournant décisif en 1600, année pendant laquelle il connaît une expérience marquante. Il est tout à coup saisi par la vision d'un vase d'étain, ce qui l'entraîne dans une profonde extase mystique, une communion universelle. « J'ai vu, dit-il, et compris plus en un quart d'heure que je n'eusse appris en de longues années dans les écoles et les universités ». Quelques années plus tard, en 1610, il écrit l'Aurore naissante ou la racine de la philosophie, de l'astrologie, et de la théologie, un texte dans lequel sont consignés les enseignements qu'il a retirés de cette expérience.

 

En 1612, le nouveau pasteur de Görlitz, Gregorius Richter, est informé des révélations dont Boehme est le bénéficiaire. A partir de cette époque, il n'aura de cesse de persécuter le cordonnier. Malgré ce harcèlement, celui-ci tente de rester serein, se réfugiant dans la prière et le recueillement. Dans les années qui suivent, il connaît plusieurs expériences mystiques marquantes qui le conduisent à braver les foudres du pasteur pour prendre à nouveau la plume. C'est ainsi qu'en 1619, il écrit Des Trois Principes de l'essence divine, ouvrage dans lequel il tente de comprendre les fondements du mal en se penchant sur la question de l'origine et de la Création. D'autres ouvrages suivront, comme De la triple vie de l'homme selon le mystère des trois principes de la manifestation divine, écrit au cours de l'hiver 1619. Ses textes circulent sous forme de manuscrits, et ses lecteurs, souvent des personnages illustres, viennent l'interroger ou lui écrivent pour obtenir des éclaircissements sur les mystères divins. C'est pour répondre à l'un de ses amis, Balthazar Walter, qu'il écrit Quarante questions sur l'origine, l'essence, l'être, la nature et la propriété de l'âme et sur ce qu'elle est d'éternité en éternité.

 

Parmi les ouvrages les plus connus du Philosophe Teutonique, figure De la signature des choses, texte datant de 1621. Ce livre reprend la théorie des « signatures », une notion clé de la médecine paracelsienne qui veut que les corps ne soient que des figures extérieures dont les caractéristiques révèlent les aspects de l'âme. Ce livre est probablement l'un des plus complexes que Jacob Boehme ait écrit. Parmi ses textes majeurs, il convient de signaler également le Mysterium Magnum, écrit en 1623. Il s'agit d'une œuvre volumineuse qui porte comme sous-titre : « Commentaire explicatif du 1e livre de Moïse ». Son auteur s'y efforce de dévoiler le sens secret du texte de la Genèse. Il propose une réflexion particulièrement originale sur le néant – qu'il désigne sous le nom d'Ungrund –, qui précède la Création. Ses observations, qui sont proches de celles des kabbalistes à propos de l'Aïn-sof, auront une grande influence sur des générations de penseurs, notamment sur Nicolas Berdiaeff.

 

La philosophie de Jacob Boehme repose sur une cosmogonie d'une grande complexité, celle de « l'Éternelle nature » et des sept sources-esprits. Ses théories sur la Sofia, l'épouse céleste du premier Adam, sont empreintes d'une grande profondeur. Dans ses œuvres, il insiste sur l'androgynat primitif de l'homme en présentant une théorie qui aura un retentissement important dans l'ésotérisme occidental. Il utilise un langage qui puise en grande partie dans l'alchimie paracelsienne. Ses textes sont empreints d'une étrange poésie qu'Émile Boutroux qualifiait de « brouillard étincelant ».

 

Grâce aux livres qu'Alexandre Koyré, Pierre Deghaye et Basarab Nicolescu lui ont consacrés, la pensée de celui que l'on présente parfois comme le « prince de la théosophie chrétienne » est plus facilement abordable. Ce n'est qu'après la mort de Jacob Boehme, survenue en 1624, que ses œuvres furent publiées. Johann Georg Gichtel (1638-1710), l'un de ses disciples posthumes les plus importants, s'attacha à leur publication à la fin du XVIIe siècle. A la même époque, elles furent également traduites en anglais et leur auteur compta de nombreux disciples en Angleterre, comme John Pordage, Jane Lead ou William Law. En France, c'est grâce aux traductions de Louis-Claude de Saint-Martin qu'on a découvert la pensée de Jacob Boehme. Les transcriptions de Saint-Martin, sont parfois jugées plus claires que les textes originaux, et c'est souvent en les lisant que les Allemands ont saisi la profondeur des écrits du Philosophe Teutonique. Grâce à Nicolas Berdiaeff et à Serge Boulgakov, la philosophie de Jacob Boehme a rayonné jusqu'en Russie.

 

BÖHME jacob

Gérard wehr

Edition Albin Michel

 1991

Les Cahiers de l’hermÉtisme

 

Ce grand théosophe chrétien mort en 1624 exerça sur la pensée  allemande et européenne une grande influence, car il fut dans sa pensée un philosophe puissant attachant et génial. Ce livre condense l’essentiel de sa pensée qui devrait provoquer chez chacun des motifs de réflexions spirituelles.

 

Jacob Boehme (1575-1624) est un personnage hors du commun. Hegel voyait en lui le premier philosophe allemand. Il a exercé une influence sur Newton, Novalis, Schlegel, Goethe, Fichte et Schelling. Quant à Louis-Claude de Saint-Martin, il le considérait comme son second maître.

 

Boehme est né en 1575, près de Görlitz, une ville proche de la frontière qui sépare l'Allemagne de la Pologne. Après avoir fréquenté l'école de son village, il apprend le métier de cordonnier. Dès l'enfance, sa vie est ponctuée de signes étranges, annonçant une destinée exceptionnelle. Un jour, tandis qu'il gardait la boutique de son maître qui s'était absenté, un étranger entra. L'homme s'approcha de lui et le regarda comme s'il pénétrait jusqu'au fond de son âme. « Jacob, tu es peu de chose, lui dit-il, mais tu seras grand et tu deviendras un autre homme, tellement que tu seras pour le monde un sujet d'étonnement. C'est pourquoi sois pieux, crains Dieu, et révère sa parole, surtout lis soigneusement les Saintes Écritures, dans lesquelles tu trouveras des consolations et des instructions, car tu auras beaucoup à souffrir ; tu auras à supporter la pauvreté, la misère et des persécutions ; mais sois courageux et persévérant, car Dieu t'aime et t'est propice. »

 

Celui qu'on surnommera « le Philosophe Teutonique » devient maître cordonnier. En 1599, il épouse Catharina Kuntzchmann qui lui donnera quatre enfants. Il se lie avec Martin Möller, pasteur de son village, et participe aux activités d'un petit groupe de chercheurs que cet ecclésiastique réunit autour de lui pour étudier les idées de Paracelse et de Valentin Weigel. Dans ce groupe, parfois présenté comme un cercle rosicrucien, Boehme recevra les germes d'une formation dont il saura tirer des fruits par ses propres méditations. « Jacob Boehme est bon époux et excellent père, il s'applique à sa profession d'une manière si laborieuse et si honnête que dix ans plus tard, il devient propriétaire d'une maison à l'intérieur de la ville », nous dit son biographe Abraham Franckenberg.

 

L'existence du jeune homme prend un tournant décisif en 1600, année pendant laquelle il connaît une expérience marquante. Il est tout à coup saisi par la vision d'un vase d'étain, ce qui l'entraîne dans une profonde extase mystique, une communion universelle. « J'ai vu, dit-il, et compris plus en un quart d'heure que je n'eusse appris en de longues années dans les écoles et les universités ». Quelques années plus tard, en 1610, il écrit l'Aurore naissante ou la racine de la philosophie, de l'astrologie, et de la théologie, un texte dans lequel sont consignés les enseignements qu'il a retirés de cette expérience.

 

En 1612, le nouveau pasteur de Görlitz, Gregorius Richter, est informé des révélations dont Boehme est le bénéficiaire. A partir de cette époque, il n'aura de cesse de persécuter le cordonnier. Malgré ce harcèlement, celui-ci tente de rester serein, se réfugiant dans la prière et le recueillement. Dans les années qui suivent, il connaît plusieurs expériences mystiques marquantes qui le conduisent à braver les foudres du pasteur pour prendre à nouveau la plume. C'est ainsi qu'en 1619, il écrit Des Trois Principes de l'essence divine, ouvrage dans lequel il tente de comprendre les fondements du mal en se penchant sur la question de l'origine et de la Création. D'autres ouvrages suivront, comme De la triple vie de l'homme selon le mystère des trois principes de la manifestation divine, écrit au cours de l'hiver 1619.

 

Ses textes circulent sous forme de manuscrits, et ses lecteurs, souvent des personnages illustres, viennent l'interroger ou lui écrivent pour obtenir des éclaircissements sur les mystères divins. C'est pour répondre à l'un de ses amis, Balthazar Walter, qu'il écrit Quarante questions sur l'origine, l'essence, l'être, la nature et la propriété de l'âme et sur ce qu'elle est d'éternité en éternité. Parmi les ouvrages les plus connus du Philosophe Teutonique, figure De la signature des choses, texte datant de 1621. Ce livre reprend la théorie des « signatures », une notion clé de la médecine paracelsienne qui veut que les corps ne soient que des figures extérieures dont les caractéristiques révèlent les aspects de l'âme. Ce livre est probablement l'un des plus complexes que Jacob Boehme ait écrit.

 

Parmi ses textes majeurs, il convient de signaler également le Mysterium Magnum, écrit en 1623. Il s'agit d'une œuvre volumineuse qui porte comme sous-titre : « Commentaire explicatif du 1e livre de Moïse ». Son auteur s'y efforce de dévoiler le sens secret du texte de la Genèse. Il propose une réflexion particulièrement originale sur le néant – qu'il désigne sous le nom d'Ungrund –, qui précède la Création. Ses observations, qui sont proches de celles des kabbalistes à propos de l'Aïn-sof, auront une grande influence sur des générations de penseurs, notamment sur Nicolas Berdiaeff.

 

La philosophie de Jacob Boehme repose sur une cosmogonie d'une grande complexité, celle de « l'Éternelle nature » et des sept sources-esprits. Ses théories sur la Sofia, l'épouse céleste du premier Adam, sont empreintes d'une grande profondeur. Dans ses œuvres, il insiste sur l'androgynat primitif de l'homme en présentant une théorie qui aura un retentissement important dans l'ésotérisme occidental. Il utilise un langage qui puise en grande partie dans l'alchimie paracelsienne. Ses textes son empreints d'une étrange poésie qu'Émile Boutroux qualifiait de « brouillard étincelant ».

 

Grâce aux livres qu'Alexandre Koyré, Pierre Deghaye et Basarab Nicolescu lui ont consacrés, la pensée de celui que l'on présente parfois comme le « prince de la théosophie chrétienne » est plus facilement abordable. Ce n'est qu'après la mort de Jacob Boehme, survenue en 1624, que ses œuvres furent publiées. Johann Georg Gichtel (1638-1710), l'un de ses disciples posthumes les plus importants, s'attacha à leur publication à la fin du XVIIe siècle. A la même époque, elles furent également traduites en anglais et leur auteur compta de nombreux disciples en Angleterre, comme John Pordage, Jane Lead ou William Law. En France, c'est grâce aux traductions de Louis-Claude de Saint-Martin qu'on a découvert la pensée de Jacob Boehme. Les transcriptions de Saint-Martin, sont parfois jugées plus claires que les textes originaux, et c'est souvent en les lisant que les Allemands ont saisi la profondeur des écrits du Philosophe Teutonique. Grâce à Nicolas Berdiaeff et à Serge Boulgakov, la philosophie de Jacob Boehme a rayonné jusqu'en Russie. 

 

BÖHME JACOB   (1575-1624)

DIVERS  AUTEURS

ARCADIA

 2001

Jacob Boehme né en 1575 à Görlitz (Silésie), il fut tout d’abord cordonnier, puis mercier, il eut des visions qu’il expliqua dans des livres, ce qui lui valut d’être persécuté par l’Eglise luthérienne à travers son pasteur : Gregor Richter. C’est lors de son premier livre « Aurora », que Richter lui interdit d’écrire, Boehme respectera cet ordre 5 ans (1613-1618), puis reprendra sa plume au grand dam du pasteur. Boehme est un esprit profondément religieux, et la religion est le centre de sa vie, il fera cohabiter dans ses œuvres l’hermétisme et la mystique, ce qui donnera naissance à la théosophie allemande. La théosophie est une doctrine inspirée de Dieu, ayant pour principe, comme le mysticisme, l’illumination et l’intuition directe.

 

Jean Servier explique le parcours et l’influence qu’eut J. Boehme sur la pensée chrétienne européenne, il développe sa théodicée, en expliquant pourquoi et comment J. Boehme  justifie Dieu en expliquant le mal.

 

Gérard Jarlan, donne sa version sur les aspects du mal dans l’œuvre de J. Boehme, et trouve chez Boehme un Philosophe mystique de la nature, qui explique pourquoi toutes choses sont nées de l’eau et du feu. La pensée et la doctrine de J. Boehme, peuvent être perçu comme source de réflexions, ainsi le bien et le mal sont ils complémentaires au sein de la nature de l’homme, et faut il l’accepter ainsi. Dans un autre texte, il nous parle de l’Aurore naissante, premier ouvrage de J. Boehme. Cet ouvrage expose les qualités requises et développées pour aller chercher dans la nature divine : l’intuition Primordiale et l’abandon de soi

 

Pierre Breton nous explique la transmutation du désir ténébreux par la volonté triple chez J. Boehme ou Du rien primordial à l’Être par les sept formes. Il nous explique les différents courants de pensée de son époque, sa théosophie, sa connaissance des choses divines dans le miroir de la nature, les sources de vie spirituelle pour les hommes de désir, enfin sa création, son désir et le cycle septénaire.

 

Françoise Bonardel décortique la pensée de Boehme, et passe chez Johan Scheffer, appelé Angelus Silesius (Le pèlerin chérubinique), lequel naquit l’année ou mourut J. Boehme (1624), et fut l’admirateur et le continuateur de la doctrine de Boehme.

 

Pierre Deghaye, professeur à l’Université de Caen et spécialiste de Boehme, développe dans un premier article, la cité sainte ou la demeure de Dieu dans la théosophie de Jacob Boehme. Dans un second et superbe travail, il décortique chez Jacob Boehme la difficulté du discours sur Dieu, avec cette recherche de ce qu’il appelle la langue primordiale, qui était celle d’Adam et Eve et que R. Guénon reprendra avec sa Tradition Primordiale, et pour les Francs-Maçons se sera la Parole Perdue.

 

Quelques articles supplémentaires, approfondissent l’œuvre de Jacob Boehme, et lui donne ainsi une aura particulière, dans la continuité de la théologie des mystiques rhénans, dont un des fondateurs fut Maître Eckhart.

 

Nous n’oublierons pas que l’œuvre de Jacob Boehme fut traduite et introduite en France par le théosophe Louis Claude de Saint Martin (1743-1803) qui l’a mis au cœur de son message, ainsi pour les Martinistes, Jacob Boehme est- il l’un des piliers théosophiques avec Louis Claude de Saint Martin et Martinez de Pascually.

 

10 C 

ce qui est

Tony parsons

Edition L’ORIGINEL

 2002

Tony Parsons est aussi abordable qu’étonnamment ordinaire, mais son message est unique et révolutionnaire. Il est délivré avec douceur, mais assorti d’une autorité impersonnelle qui visiblement émane de la clarté absolue.

 

Ce texte éclaire l’esprit plus qu’il ne chercher à satisfaire la curiosité du mental. Le chercher est orienté vers la découverte qu’il est déjà l’illumination même qu’il convoite avec tant d’âpreté.


À travers la perception directe et radicale de « ce qui est », Tony Parsons nous invite à vivre notre vie dans une perspective totalement différente, centrée sur la conscience infinie de notre vrai soi. La nature de la libération est directe, simple, et aussi naturelle que la respiration.

 

Ce moment-ci, ici même, est tout ce qui est. Dans ces corps/mental, une vue claire s’opère à chaque instant: il y a simplement un voir. Mais quelque part dans l’esprit il y a cette idée – et c’est tout le drame – qu’il y a quelqu’un opérant cette vision. C’est toute la subtilité et l’évidence de la chose. Lorsque se produit l’éveil (comme cela arrive maintenant très souvent), ce que les gens disent plus que toute autre chose est que Crequi est vu à présent est absolument évident. Tellement évident.

C’est étroitement accolé à ce que vous vous imaginez qui se passe en ce moment. Vous pensez que vous me voyez – en fait tout ce qui se produite réalité est qu’il y a un voir, vision de moi qui survient, ou de quoique ce puisse être.

 

La différence entre éveil et pas d’éveil -entre voir et ne pas voir- est simplement la reconnaissance qu’il n’est personne là. Il n’y a aucun « moi ».Si vous voulez, vous pouvez fermer les yeux et vous mettre en quête du« moi ».

 

 Ce qui surgit à la conscience sont des sensations. Il peut avoir des sensations dans le corps, des pensées … Peu importe ce qui surgit – un « moi » ne peut être trouvé là-dedans. Cherchez donc « moi », il n’est pas possible de trouver une localisation fixe, un point fixe qui soit « moi ». Où est votre « moi » ? Continuez à chercher « moi » Et tout ce que vous trouverez en fait, sont des sensations, sensations corporelles, conscience du corps, conscience de la pensée « je ne peux trouver ‘moi’ « …Et la chose étrange est que ce qui cherche « moi » est ce que vous êtes. Vous êtes celui qui cherche. Ce que vous êtes est unicité. L’unicité ce qui voit, ce qui voit toute chose. L’unité est tout et voit tout comme étant elle-même. Tout ce qu’il y a, c’est que d’une façon ou d’une autre nous nous sommes mis en quête de quelque chose d’autre, quelque chose de personnalisé, un objet nommé illumination. Quelque chose qui se trouve là-bas au loin et qui devrait nous tomber du ciel et nous emplir d’une énergie nouvelle ; quelque chose qui surgit et s’ajoute à nous.

 

 En fait, ce que nous cherchons, c’est la perte de l’idée d’un « moi ».Il s’agit simplement de la perte de l’identité personnelle -qui ne fut, de toute façon, jamais une réalité. Nous sommes en quête de la perte d’une irréalité. Tout tombe et dans un sens le « moi » est tout. Nous sommes des riches essayant de trouver le royaume des cieux. Tout le temps où il y a un « moi » qui chérit des concepts sur lui-même, sur l’importance de la vie et l’importance d’atteindre l’illumination, nous sommes des gens riches. Et tout cela tombe et il ne reste plus rien outre la vision de ceci : simplement une claire vision des sensations, de la vie apparemment en marche. Cette claire vision de vient de nulle part. C’est comme s’il n’y avait personne là pour voir la vie se dérouler. Sans aucun sentiment que ce qui se passe a besoin d’être changé, pour le meilleur ou pour le pire. Sans aucun jugement, ou une quelconque idée que tout cela va quelque part. Et au-delà de la vision claire réside l’unicité.

 

Au sommaire de l’ouvrage de ce grand penseur et métaphysicien :

 

Réflexions  -  S’éveiller du rêve  -  Rien à atteindre  -  Personne ne devient illuminé  -  Le temps  -  Attentes et objectifs  -  Le Par cet la présence  -  Le choix sans choix   -   Mon mode  -  La mort du corps/mental   -   L’abstraction  -  La peur et la culpabilité   -   La pensée   -  Les relations   -  Je ne suis pas, mais je suis   -

 

CHEMINS  DE  LUMIÈRE - 365 JOURS AVEC LES MYSTIQUES DE L’ORIENT CHRÉTIEN

ALAIN  DUREL

EDITION  MEDIASPAUL

 2009

Ce livre constitue une anthologie de sentences des Pères du désert d’Egypte, de Syrie, de Palestine et du mont Athos. «  Prière et Lumière » est le thème qui a guidé le choix de ces paroles de vie. Ce petit livre spirituel se lit ou plutôt se rumine comme un calendrier : 365 jours en compagnie des Pères de l’Eglise d’Orient. Dans son introduction, Alain Durel nous rappelle les traits communs aux spiritualités copte, syriaque ou byzantine : l’importance donnée à l’attention du silence, à l’amour du prochain, aux méthodes corporelles, mais aussi à la présence mystérieuse du Royaume des cieux dans le cœur, et sa manifestation lumineuse – photophanique- dans l’union mystique.

 

Chemin de lumière fera découvrir et aimer quelques grandes figures de l’Orient mystique souvent méconnues en Occident. Il est un appel pour une prière contemplative, pacifiante et une ascension progressive vers la clarté du Christ transfiguré.

 

Ces 365 sentences avec les mystiques de l’Orient chrétien et en particulier du Mont Athos où a séjourné l’auteur, sont une invitation à une ascension progressive vers la clarté du Mont Thabor : L’Egypte nous apprendra l’humilité, la Palestine le discernement, la Syrie l’amour fou, et Byzance la vision de la lumière incréée.

 

chevaucher le tigre

Julius evola

Edition Trédaniel

 2002

Dernier écrit important d’un iconoclaste sans passion, chevaucher le tigre, dresse une critique implacable des idoles, des structures, de théories et des illusions de notre époque de désillusion et de dissolution.

 

Le marxisme et la démocratie bourgeoise, l’existentialisme et la connaissance scientifique, le « retour à la nature » et le phénomène de la drogue, le roman et le mythe de la patrie, le jazz et la « pop music », le mariage, la famille et l’émancipation de la femme, sont tour à tour examinés à la lumière des événements internes, purement doctrinaux et indestructibles, de la Tradition. Il en va de même de la philosophie de Nietzsche elle aussi soumise à une longue analyse.

 

Sans faire de concessions au spiritualisme humanitaire et à son ascétisme frileux, l’auteur trace la figure d’un type humain aristocratique, capable de « chevaucher le tigre », c'est-à-dire de transformer en remède, en vue d’une libération intérieure, des processus extrêmes,

 

presque toujours destructeurs pour la majorité de nos contemporains. Aussi éloigné des crispations d’un traditionalisme viscéralement passéiste que de tout projet révolutionnaire naïvement utopique et optimiste, « l’homme différencié » ne compte que sur lui-même et n’a qu’un but : donner un sens absolu à sa vie dans un monde où il n’y a plus rien à aimer, plus rien à défendre et plus de rêves.

Au sommaire de cet ouvrage majeur de Julius Evola :

Le monde moderne et les hommes de la Tradition  -  Fin d’un cycle  -  Chevaucher le tigre  -  Le nihilisme européen, dissolution de la morale  -  Des précurseurs à la jeunesse perdue  -  Nietzsche  -  Etre soi-même  -  La dimension de la transparence  -  Au-delà des théismes, des athéistes  et des déismes  -  Invulnérabilité. Apollon et Dionysos  -  L’action sans désir  -  La loi causale  -  L’impasse de l’existentialisme  -  Sartre et la prison sans vie  -  Heidegger : la fuite en avant et « être pour la mort »  -  Double aspect de l’anonymat  -  Destructions et libérations dans le nouveau réalisme  -  L’idéal animal  -  Dissolution de la conscience  -  La phénoménologie  -  Le domaine de l’art de la musique aux stupéfiants  -  Musique moderne et jazz  -  Parenthèse sur les drogues  -  La dissolution du domaine social  -  L’apoliteia  -  Mariage et famille  -  Les relations entre les sexes  -  Le problème spirituel  -  La deuxième religiosité  -  La mort et le droit sur la vie  -

 

CHOISY MARYSE -  l’Être et le silence

Maryse CHOISY

Edition Mont-Blanc

 1965

Ce livre ne ressemble à aucun autre, il concerne chacun de nous au plus profond de lui-même. Dans l’univers écrasant que les savants nous révèlent, quelle est la place de l’homme ? le sens de sa vie ? Maryse Choisy écarte les fausses réponses du rationalisme, des théories et des morales desséchées, de la psychanalyse elle-même. La réponse vraie, elle la trouve à travers les initiations et les mythologies, dans le vécu mystique, qui est un en tout temps et lieux. Et la physique nouvelle ne dira pas non : l’Amour chanté par Platon et par six mille ans de sagesse coïncide avec l’énergie cosmique.

 

Cette œuvre lumineuse, aux arrière-plans poétiques, conduit à l’expérience de l’être, en nous faisant accéder à un certain silence, « océan où se jettent les fleuves de toutes les religions et de tous les savoirs ». L’angoisse de la mort n’est plus alors qu’un faux problème.

 

Ce livre est la confidence d’une âme engagée sur le chemin balisé par les Grands Sages, autant que le fruit d’une immense recherche personnelle. L’auteur donne une clé nouvelle pour comprendre les grands mythes : Hercule, Orphée, Œdipe, Narcisse et beaucoup d’autres. Elle bouscule les frontières où s’isolent les spécialistes. Sa place est au premier rang des « généralistes », ces encyclopédistes du XXe siècle qui mettent de l’ordre dans le chaos des connaissances actuelles.

 

Maryse Choisy apporte une synthèse originale de la science et de la spiritualité, qui est un message d’espoir. Elle s’adresse à l’honnête homme d’aujourd’hui dans un style merveilleusement clair et vivant, qui préfère à l’abstraction pédante le riche langage des apologues à plusieurs dimensions, elle opère une révision des idées et des valeurs qui fait voir le monde avec des yeux neufs et démontre une fois de plus qu’elle ne pense pas avec la tête des autres mais qu’elle sait tout dire et faire entendre par l’humour. Elle vécut longtemps en Inde et reçut l’enseignement des Sages.

 

Ce livre comporte 500 pages et 11 chapitres qui traitent de :

 

Chapitre 1: L’angoisse de la mort  -  La mort chez les anciens  - la résurrection  -  l’angoisse secrète des incroyants  -  Pascal  - les purgatoires  -  la cassure du moi  -  les 5 masques  -  le jugement de Salomon  -

Chapitre 2 : La vie dans notre Univers  -  Archimède  -  les quanta  -  Bohr  -  Heisenberg  -  énergie des énergies  -  Champs électromagnétiques  -  les particules étranges  - l’anti-matière  -  principe d’exclusion de Paumi  -  nouvelle classification de Gell-Mann  -  ordre et désordre  -  l’entropie  -  la conscience  -  le zéro  -  la thanatologie  -  Etrifier  -

Chapitre 3 : L’homme social et l’Homme universel  -  Contes chinois et caucasiens  -  la peur de la liberté  - dialectique existentiel  -  la guenon de Kolher  -  l’objectif et le réel  - le problème fondamental  -

Chapitre 4 : Les religions, les morales et les rites  -  la prière de Henry VIII  -  la morale des amours de David et de Bethsabée  -  Hou-man ou humanité  -  l’oblique géniale de Teilhard  -  la réponse du verbe  -  les Ecritures  -  l’âge politico-agressif  -  la domination et la colère  -  l’agressivité  - la foi  -  le problème du mal  -  la souffrance des théologiens et chez les Hassidim  -  Ramana Maharshi  -  le mal chez Teilhard de Chardin  -  les rites  -  la névrose obsessionnelle  -  les rites conservent  -  le cercle se referme  -

Chapitre 5 : Le défi du rationnel  -  Descartes était-il cartésien ?  -  le temps des angoisses  -  le retournement  -  Descartes et Francis Bacon  -  le doute méthodique  -  le scientisme  -  les vérités mortes  -  la gérontologie  -  écologie des vieux  -

Chapitre 6 : La pioche de Freud  -  Freud arriva  -  Le diable qui mène à Dieu  -  Découverte de l’inconscient  -  l’angoisse freudienne  -  les Parques  -  Freud et Jung  -  l’homme assis et l’homme couché  -  le rationalisme de Freud  -  la recherche de l’immortalité  -  Au-delà des instincts de la mort  -  les deux nirvanas  -  la croissance du 3e âge  -  Détachement et impasse  -

Chapitre 7 : Eros contre Thanatos  -  la lutte contre la mort  -  les rites funéraires  -  accroissement de vie au seuil de la mort  -  Tristan et Yseult  -  l’orgasme-agonie  -  le cinquième orgasme  -  l’érotisme sacré de l’Inde  -  la magie sexuelle  -  les sexes devant l’humain et le social  -  le Çabda yoga et le mariage sacré  -  le baiser à Moïse  -

Chapitre 8 : La résurrection dans l’utérus et les quêtes  -  le destin  -  Traditions  -  Résurrection dans l’utérus  -  le taureau et le serpent  -  combat du héros contre le dragon  -  le héros solaire  -  Héraclès  -  les 12 travaux  -  les voyages  -  la descente aux enfers  -  les pommes des Hespérides  -  Thésée  -  Œdipe  -  la fondation de Thèbes  -  la Sphinge et le Sphinx  -  le complexe d’Œdipe  -  le commentaire de Nietzsche  -  les masques de Dionysos  -  la théorie de Bachofen  -  Arganatha  -  les Argonautes  -  Orphée  -  Descente aux enfers  -  Eurydice et le doute  -  la théophagie  -  l’orphisme yoga du verbe  -  Narcisse  -  mythe de l’Advaïta  -   le reflet chez Rumi  -

Chapitre 9 : Forces et faiblesses du monde moderne  -  Initiations sociales  -  Bona Dea  -  l’initiation d’Horace  -  les Pères de l’Eglise  -  la chevalerie  -  l’ange de l’œuvre  -  les dieux païens  -  les idoles anthropophages  -  le bon sauvage de Rousseau  -  le sel de la terre  -  les exercices spirituels des jésuites  -  les rêves des morts  -  le Bardo Thödol  -  le cas de Maria Goretti  -

Chapitre 10 : Le baiser de Dieu  -  L’Un et le multiple  -  le péché de la connaissance  -  Caïn  -  le rythme binaire  -  la nacelle du couple  -  le portrait de Moïse  -  Universalité de l’expérience mystique  -  l’hésychasme byzantin  -  Mourir avant la mort chez les mystiques rhénans  -  Devenir Dieu  -  l’amour  -  rapport entre l’Absolu et le dieu personnel  -  les deux amours  -  l’amour est-il possible aujourd’hui ?  -

Chapitre 11 :  Le zéro absolu  -   le paradoxe de l’anti-matière  -  la mort : une question mal posée  -  le paradoxe de l’intelligence  -  les sophistes  -  le roi et l’éléphant  - L’Atmavicara ou la recherche du Soi  -  l’acteur sur la scène  -  la doctrine du vide de Huang-Po et sa maïeutique  -  le raisonnement est une forme d’attachement  -  La Transmission  -  le paravent de Dieu pour ne pas éblouir l’homme  -  La libération n’est qu’une étape  -  Le renversement et la voie glorieuse  -   Vers un Dieu sans forme  -  les idées de Platon  -  le non-voir et le néant essentiel  -  La vie continue dans l’agapé  -  La vérité est le premier mensonge  -  l’échec existentialiste  -  Pourquoi le Zen séduit l’Occident  - l’angoisse de la mort est une grâce  -  la téléspititualisation  -  le silence et la grâce  -  la civilisation des mots  -  Etapes de la sublimation dans les diverses techniques  -

 

Livre central de Maryse Choisy dans sa recherche spirituelle

 

 

CHOISY MARYSE -       LE VEAU D’OR

Maryse Choisy

Edition Gallimard

 1932

Avec cet ouvrage (qui est un de ses premiers livres), Maryse Choisy s’essaye au reportage-roman, genre difficile car il pénètre les arcanes politiques et financiers, ce qui est toujours délicat.

Si le roman obéit à certaines règles, comme l’unité d’action, l’intérêt centré autour d’un unique personnage, la nécessité d’un commencement et d’une fin, le reportage est plus vaste et peut se perdre dans le grouillement de la foule financière et politique.

Cet ouvrage comporte des études de types variés, des expériences personnelles, des théories, des enquêtes de documentation, des arrangements esthétiques des vérités, la vision d’un événement en profondeur ou en futur, en un mot : la vie directe. M. Choisy envoi ses flèches dans les comportements des hommes politiques ou financiers, pour qui la principale préoccupation est de faire de l’argent à tout prix, sans tenir compte de la morale ni de la déontologie. Le veau d’or est leur but principal avec son corolaire de magouilles. Elle parle toujours entre les lignes de cette morale spirituelle absente chez ces hommes mais qui annonce chez elle ses prochains ouvrages que sont –L’être et le silence qui paraitra en1965 –et Moïse qui paraitra en 1966

 

Au sommaire de cet ouvrage :

Le temple de la vraie foi -

Le temple du plaisir, du snobisme et de la vérité –

 

Sir Herbert Silberstein –

Une tournée de grand-duc de la finance

Louis Brutinel ou l’histoire financière des 30 dernières années

L’arrestation de Séraphin Bayle –

Nuits sans sommeil et le temple du jeu –

Les tribulations d’un empereur du milieu –

La confusion des langues et le crépuscule d’or –

Le renard aux abois et Paris sex-appeal – 

 

CHOISY  MARYSE – MÉTAPHYSIQUE DES YOGAS   -

  Maryse  Choisy

Edition  du  Mont Blanc

 1948

Fondatrice de l’Alliance Mondiale des Religions, Maryse Choisy apparaît comme l’apôtre de l’amoureuse sagesse, c’est-à-dire de la connaissance par l’amour. Cet amour dont elle défend l’unité fondamentale, de la bête à Dieu, du physique à la métaphysique, quelques vives réactions que ces idées aient pu entraîner, notamment au sein de l’Eglise. « Docteur en philosophie après des études supérieures à la Sorbonne et à Cambridge (Angleterre), Maryse Choisy a débuté à Paris dans le journalisme et la littérature pendant les « années Folles » qui ont suivi la guerre de 14. De cette époque datent les grands reportages qui lui ont valu très tôt une grande notoriété: c’est « Un mois chez les Filles », enquête d’une rare audace menée dans les maisons closes et qui en réclamait l’abolition. (Ainsi devançait-elle la loi d’interdiction qui fut prise seulement après la guerre de 39.) C’est « Un mois chez les Hommes », récit d’une visite aux moines du Mont Athos, dont aucune femme n’avait auparavant forcé la clôture. Maintenant elle va « chercher Dieu dans tous les cieux ». Et c’est à la veille de la guerre de 39 qu’un hasard providentiel la met en présence du Père Teilhard de Chardin. Le savant jésuite, alors peu connu, rayonnant d’intelligence et de charité, a tôt fait de la ramener à la foi de son enfance, par l’exemple vivant d’une synthèse entre science et religion. Se noue alors une amitié qui durera jusqu’à la mort, en 1955, du grand penseur catholique.

 

La paix rétablie, Maryse Choisy, toujours en quête des « choses cachées », se voue à la psychanalyse, cette science neuve qui explore l’inconscient, les motivations obscures des hommes, responsables des temps de barbarie que l’on vient de vivre. Maryse Choisy a visité l’Inde pour la première fois au lendemain de la guerre de 14. Son deuxième voyage, elle le fait en 1952. Elle passe plusieurs mois à faire retraite à l’ashram de Sivananda à Rishikesh. Un nouveau tournant s’amorce là dans sa carrière. Entre l’Est et l’Ouest, il est temps de jeter un pont. L’œcuménisme est dans l’air. En 1965, Maryse Choisy prend part à Delhi -c’est son troisième voyage en Inde- à un grand congrès interreligieux sous l’égide d’un maitre sikh. Alors un grand dessein germe dans son esprit.

 

Dès son retour à Paris, Maryse Choisy crée l’Alliance Mondiale des Religions. Le Congrès constitutif a lieu au début de 1966, sous le double patronage du Vatican et du Dalaï Lama. Il s’agit de faire en sorte que les différentes religions et spiritualités du monde, tout en restant elles-mêmes, se connaissent, se comprennent et s’aiment mieux, en découvrant par un travail commun de recherche, leur unité profonde. « Tout ce qui monte converge », a dit Teilhard de Chardin. Maryse Choisy dira « la mystique rapproche ceux que la théologie sépare ». L’autre aspect de l’entreprise, le plus original, est de faire dialoguer librement hommes religieux et hommes de science. Une philosophie de l’amour. De l’oeuvre de Maryse Choisy,  se dégage la connaissance par l’amour.

 

De fait, l’apport principal de Maryse Choisy a la pensée actuelle, c’est une vision du monde fondée sur l’amour. L’amour, à ses yeux, c’est la parole perdue de la Bible, après laquelle soupire une humanité en détresse. C’est l’amour qui peut faire la paix entre les sexes, entre les hommes et les nations. C’est l’amour qui peut faire notre salut en remportant la victoire sur la mort. Pourvu que nous sachions mettre nos vibrations intérieures en résonance avec l’énergie cosmique, source de toute vie. Entendons qu’il s’agit de l’amour élevé au plan divin, celui dont les saints offrent le modèle. Certes il se nourrit d’abord de la force sexuelle. Mais il faut savoir la transmuer, cette force sauvage, en énergie spirituelle. C’est ici que les techniques orientales pour la montée de la force nerveuse (de la kundalini) à travers les çakras – que Maryse Choisy, avant beaucoup d’autre, a contribué à nous faire connaître – peuvent être d’un grand secours aux Occidentaux, quand la seule dévotion ne suffit pas pour susciter la sublimation nécessaire. 

 

Extrait du dernier chapitre du livre de par Maryse Choisy.

 

Si nous nous plaçons à un point de vue purement scientifique, la plus grande valeur des yogas réside incontestablement dans leur psychologie. Tout au long de cette étude des comparaisons se sont imposées involontairement. Quand on met en parallèle la psychologie de nos écoles européennes et la psychologie hindoue, la balance penche quelquefois en faveur des yoguins. Le professeur Laubry et Mlle Thérèse Brosse l’ont déjà constaté. Le Radja yoga est à la fois plus poussé, plus subtil et plus expérimental. Cependant quelques-unes de ses pratiques ont été soit retrouvées spontanément par nos psychologues, soit reprises sans indication de source le plus souvent.

 

Ainsi, par exemple, toute la rééducation de l’attention tentée chez nous a toujours été tirée des procédés du yoga. Montrer d’abord un objet, puis deux, puis plusieurs et demander au sujet de les décrire est du Radja yoga pour jardin d’enfants. Rudyard Kipling a vulgarisé ces méthodes dans Kim. Elles sont maintenant à la portée de tous les vendeurs de succès en vingt leçons. L’éducation sensorielle, l’entraînement à la concentration, les exercices sur la volonté qui sont tout de même d’une autre classe ont aussi mystérieusement glissé d’Orient en Occident. Le médecin suisse Vittoz semble s’être inspiré de ces procédés indiens.

 

Avec cette différence que les yoguins ont proposé l’hypothèse des « petites vies ». Tandis que j’ai vainement cherché une bonne explication de la suggestion dans la psychologie occidentale. Et Freud s’est « révolté » contre la manière de penser d’après laquelle « la suggestion qui expliquait tout n’aurait besoin elle-même d’aucune explication ». Pierre Janet l’appelle « la provocation d’une impulsion à la place d’une action réfléchie ». Mais le processus de cette « provocation » demeure mystérieux.

 

M. Robert Desoille admet qu’« un certain degré de suggestibilité est une aptitude normale commune à tous les hommes ». Il est pourtant obligé d’avouer qu’il manque quelquefois a ces recherches une méthode s’inspirant de principes d’ordre général ». Il se contente de constater que « la suggestion nous permettra de placer le sujet dans un état d’attention passive qu’il ne faut pas confondre avec l’état de crédulité de l’hypnose, état incompatible avec la conservation d’un esprit sain ».

 

Au premier abord on ne voit pas le rapport entre la psychanalyse et les méthodes yoguies. Il est probable que Freud ignorait le Radja yoga. Je dis : « Il est probable ». La culture de Freud était immense. Il pouvait fort bien avoir connu quelques procédés indiens qui traînaient dans l’air des bibliothèques. Freud avoue lui-même sa parenté métaphysique avec Schopenhauer. Mais le schopenhauerisme à son tour, n’est-ce pas de l’indianisme déguisé ?… Malgré les déguisements, malgré les déviations, quelques étincelles du foyer primitif ont survolé le temps et l’espace. Tous les philosophes influencés par Schopenhauer retrouvent, sans connaître l’Inde, un concept hindou sous la cendre. Nous savons par exemple combien le bovarysme d’un Jules de Gaultier est proche de la Chandogya Oupanisad et de la mâyâ védantine. Jules de Gaultier en fut le premier étonné quand je le lui dis. Il n’avait pas lu les Upanisads. Il aimait Schopenhauer.

 

Je veux croire pourtant à une rencontre merveilleuse dans le sur-moi, dans le sentiment de culpabilité, dans l’assassinat mental, dans l’ambivalence amour-haine, et surtout dans cette classification des états inconscients que la psychanalyse a donnée à l’Europe. La sympathie intellectuelle ignore les frontières. Deux psychologues de génie peuvent arriver aux mêmes résultats par des moyens différents.Ainsi cette notion d’âhimsa qui nous avait tant intrigués chez Pâtangndjali s’éclaire par le « désir de tuer » de Freud. Pourquoi chez les yoguins une pensée mauvaise équivaut-elle au meurtre ?… La psychanalyse nous l’expliquera deux millénaires plus tard. « Le premier et le plus important commandement qui ait jailli de la conscience à peine éveillée était : tu ne tueras point. Il exprimait une réaction contre le sentiment de satisfaction haineuse qu’à côté de la tristesse on éprouvait devant le cadavre de la personne aimée et qui s’est étendu peu à peu aux étrangers indifférents et même aux ennemis détestés. »

 

Dans cette ambivalence amour-haine, la psychanalyse est encore très schopenhauerienne… et donc indienne. On connaît le célèbre passage des porcs épics de Schopenhauer: « Un jour d’hiver glacial, les porcs-épics d’un troupeau se serrèrent les uns contre les autres afin de se protéger contre le froid par la chaleur réciproque. Mais, douloureusement gênés par les piquants, ils ne tardèrent pas à s’écarter de nouveau les uns des autres. Obligés de se rapprocher de nouveau, en raison du froid persistant, ils éprouvèrent une fois de plus l’action désagréable des piquants, et ces alternatives de rapprochement et d’éloignement durèrent jusqu’à ce qu’ils aient trouvé une distance convenable où ils se sentirent à l’abri des maux. » Voici surtout ces lignes qui pourraient être signées de Pâtangndjali. Elles sont la traduction européenne de l’âhimsa.

 

« Notre inconscient se contente de penser à la mort et de la souhaiter, sans la réaliser. Mais on aurait tort de sous-estimer cette réalité psychique par rapport à la réalité de fait. Cette réalité est déjà assez grave et grosse de conséquences. Dans nos désirs inconscients, nous supprimons journellement, et à toute heure du jour, tous ceux qui se trouvent sur notre chemin, qui nous ont offensés ou lésés. » « Que le diable l’emporte ! » disons-nous couramment sur un ton de plaisanterie destiné à dissimuler notre mauvaise humeur. Mais ce que nous voulons dire réellement, sans l’oser, c’est : « que la mort l’emporte !» et ce souhait de mort, notre inconscient le prend plus au sérieux que nous ne le pensons nous-mêmes et lui donne un accent que notre conscience est prête à désavouer. Notre inconscient tue même pour des détails. Comme l’ancienne législation athénienne de Dracon, il ne connaît pas d’autre châtiment pour les crimes que la mort, en quoi il est assez logique, puisque tout tort infligé à notre moi tout-puissant et autocratique est, au fond, un crimen laesoe majestatis.

Au sommaire de cet ouvrage :

Avant-propos de Paul Masson-Oursel   -   Introduction aux philosophies hindoues  -   l’ontologie du vedanta, du samkhya et du djgnana yoga   -    la métaphysique du mouvement, la cosmologie et l’évolutionnisme du djgnana Yoga   -  La morale yoguique et le Karma Yoga   -   la panpsychisme du yoga et ses plans de conscience   -   la Çakti dans le macrocosme et dans la constitution des corps humains   -   La théorie du logos, du son et du rythme dans le mantra yoga   -   le son primordial  -  le jeu hédonique des gounas dans le corps   -        

 

CHOISY MARYSE  -   moïse

Maryse CHOISY

Edition MONT-BLANC

 1966

Un grand livre sur un très grand personnage. 14 chapitres qui nous expliquent à travers les réflexions et les recherches de Maryse Choisy pourquoi Moïse est à la base non seulement des 3 grandes religions monothéistes, mais a fait d’Israël un des deux pôles spirituels de l’humanité : Prophète, législateur, conquérant, Moïse a délivré Israël captif en Egypte et l’a mené à travers le désert à la Terre promise.

 

Moïse a reçu sa mission de l’Eternel qui lui parle face à face, mais il est un homme pleinement engagé dans la condition terrestre, la mort est pour lui une terrible épreuve, à la mesure de son amour passionné de la vie, il la surmontera par le « baiser de Dieu ».

 

Le récit porté par un style aérien où le familier se marie à l’insolite et au merveilleux, où tout à la fraicheur de ce qui est dit pour la première fois, se déroule à la façon d’un conte de fées. Il est, à chaque pas, chargé de symboles. Un commentaire philosophique qui fait sa juste part à la psychanalyse, en dégage les significations.

Les fidèles de Maryse Choisy retrouveront ici le meilleur d’elle-même : la sensibilité poétique, la chaleur humaine, la vivacité d’un esprit nourri d’une culture encyclopédique. Pour pénétrer le mystère de la révélation en Israël – qui est avec l’Inde, un des pôles spirituels de l’humanité – Maryse Choisy se sert des clefs qu’elle a découvertes dans « l’être et le silence » en interprétant les grands mythes de l’histoire, ces documents de l’âme, elle taille dans la tradition, une conception neuve et salutaire de la relation avec le Cosmos.

Au sommaire de ce livre de 320 pages et de 14 chapitres :



1. Tu n’auras pas d’autres dieux : Monothéisme et Polythéisme – le patriarcat – le premier commandement – retour aux anges -

2. Le peuple juif : La vitalité juive – le massacre des innocents – vie des corps ou énergie spirituelle -

3. La naissance du prophète : Le fils de Dieu – la Shekinah – Israël et Inde – la faille de Moise – sauvé des eaux – le complexe de Phaéton -  l’arche de joncs flottant sur l’eau – les 7 pas –

4. L’apprentissage du héros : L’initiation d’Osiris – Le Sabbath – La fausse confession - le meurtre – le châtiment -  Moise, chef des armées – Moise roi d’Ethiopie –

5. Le combat avec l’ange et la Shekinah : Au bord du puits – L’épreuve de l’arbre cannibale – l’épreuve de la fosse – le mariage de Moïse – la bon pasteur – le buisson ardent – les 7 cieux -  la descente aux enfers – Moise refuse la mission – le Nom de Dieu – La Shekinah emmène Moise vers son troisième voyage –

6. Le Dieu unique est aussi le Diable : La circoncision – le sang – les Habiru et les Canaanéens les Baals – le serpent – la dualité des sexes – le conformisme de l’époque – le monde du schizophrène – les paradis – la 2e énigme du Sphinx – les masques de Dieu – les religions sans diable – le dieu vengeur – Moise bégaye à nouveau –

7. L’Exode : Moise et Aaron devant les notables – la première visite au Pharaon – les épreuves des magiciens – les 10 plaies de l’Egypte – la sortie de l’Egypte –

8. Le passage de la mer rouge : Le parfum de Joseph – Israël en péril – la force de la prière – le tribunal des anges – la lutte avec la mer – la mer divisée – la destruction des égyptiens – l’initiation de la mer rouge – la place des anges – le vol de feu –

9. Du temps cyclique au temps linéaire : La manne – le problème du temps -  le temps cyclique et le temps linéaire – la 5e dimension – l’angoisse de Moise –

10. La transfiguration du Sinaï : L’arrivée de Jethro -  les gentils refusent la Torah – la querelle des montagnes – les 10 commandements – l’Ascension au Sinaï – le malentendu sur la continence – Moise reçoit la Torah – La Transfiguration –

11. L’affaire du veau d’or : La création du diable – le complot – le trafic sur l’or – L’arrivée de Moise – le châtiment des pécheurs – Moise demande grâce pour les coupables –

12. Les Saints sont haïs : La jalousie des gens simples – le symbolisme du Tabernacle – l’ingrate multitude – les calomnies de Myriam et d’Aaron – la lèpre et les dermatoses – L’ânesse de Balaam – le rapport du juste avec les animaux –

13. La culpabilité juive : Ceux qui ne voient jamais la Terre Sainte – la mort de Myriam – les eaux de Méribah – la mort d’Aaron – le serpent d’airain – le nombre de la purification – le bouc émissaire – le mariage victime-bourreau – l’exemple des bohémiens – les tabous sexuels –- Ceux qui échouent et se détachent dans le succès –

14. La mort et l’immortalité de Moïse : L’amour de la Vie – La mort de Moise irrévocablement décidée – la prière de Moise – Dieu tente de consoler Moise – Moise sert Josué – les derniers jours de la vie de Moise – Moise rencontre le Messie – Moise gifle l’ange de la mort – la vaine recherche de Samuel – les 7 étapes du dépouillement et du détachement –

 

Excellent livre de grande spiritualité en rapport avec une démarche spirituelle moderne

 

CHOISY MARYSE - POTALA EST DANS LE CIEL

Maryse Choisy

Editions du Mont-Blanc

 1974 

« J’ai tout caché sous des dehors frivoles », écrit Maryse Choisy, et pourtant jamais personne jusqu’ici n’est allé aussi loin sur ce pont jeté entre Est et Ouest que dans le dialogue d’âme à âme que Maryse Choisy eut avec S.S le Dalaï Lama à Dharamsala, sous l’œil neigeux des Himalayas.

S.S le Dalaï-lama est le visage le plus mystérieux de la Terre. Les gens simples projettent sur lui un halo de mage, les intellectuels, eux, n’ignorent pas combien la théologie tibétaine est savante, combien délicate, aussi la situation du pape des bouddhistes, qui est en même temps un chef d’état en exil.

En portant témoignage sur ce grand saint qu’est le quatorzième Dalaï-lama, Maryse Choisy a le sentiment d’avoir mieux fait comprendre à l’Occident un certain état d’âme. « Les Occidentaux le croient étranger, mais en chacun de nous il dort profondément et chez les Tibétains il veille ».

Cet ouvrage est donc avant tout un enseignement du bouddhisme tibétain, aussi utile pour les érudits que pour les profanes. Outre l’étude comparée entre le tantrisme et la psychanalyse, les conclusions de Maryse Choisy sont inattendues, surprenantes mais attrayantes, car pour elle le bouddhisme tibétain est en fin de compte plus optimiste que Leibniz.

Du coup la mort devient un « point mineur ». Par la porte qu’ouvre le Dalaï lama, Maryse Choisy voit que l’angoisse de la mort est une « maladie infantile comme la rougeole ». Une lumière nouvelle est projetée sur le passage entre la vie et la mort, sur la force de l’amour, sur la compassion envers les ennemis, c’est pour elle une découverte plus importante que la bombe atomique.

Que ce dialogue entre « le Dieu vivant » de l’Asie et une occidentale, soit un ouvrage spirituel, cela ne doit pas nous faire oublier que pour la culture tibétaine, l’au-delà est toujours présent ici-bas. Le toit du monde se trouve au carrefour de l’Inde, de la Russie, de la Chine et des intérêts occidentaux, c’est là son destin géographique.

Après avoir forcé les barrières du Mont Athos en se déguisant en garçon, M. Choisy continu son aventure en dialoguant avec le Dalaï lama et en sort un excellent ouvrage, malgré la question épineuse de l’occupation chinoise au Tibet et du massacre des tibétains.

Au sommaire de ces entretiens avec le Dalaï lama :

Chapitre 1 : Les quatre périodes de sa Sainteté le Dalaï lama - Bonheur et joie - le problème cyclique et linéaire - un mantra pour la route - la montée vers les Himalayas - Art et religion - la grande mère de l’agriculture - la polyandrie - le rire tibétain - petit portrait du Dalaï lama - le bouddhisme au Tibet - une culture trois fois millénaire - Vie religieuse et vie politique - des balises pour le ciel -

Chapitre 2 : Le rapport entre Dieu et l’homme - la clairvoyance - la résonnance - la grâce et le karma - la souffrance et l’optimisme - le pessimisme du Bouddha -

Chapitre 3 : Le mantra de l’incarnation - étymologie du mantra - du grossier au subtil - involution et évolution - un lama incarné - Gyalva Rimpoché - la théocratie - le Potala est le paradis des Bouddhas - les 11 têtes de chenresig - le miracle - quand le Dalaï lama avait 16 ans - l’honnêteté -

Chapitre 4 : La force de l’amour - Méditation sur l’amour - le tantrisme - le murissement de l’esprit - le champ de force du serpent - les poèmes et les amours du 6e Dalaï lama - les épreuves des inconscients - le s quatre aveugles - le rêve du serpent - la force du salut -

Chapitre 5 ; J’aime Mao - Une tasse de thé - la difficile ascèse - les variétés du bouddhisme - toutes les initiations - amour intérieur et amour social - qui est mon prochain - l’incarnation de la force primordiale - la non-violence - vérité et justice - la compassion -

Chapitre 6 : La mort…et après ? - que cherche t-on ? - amour et mort - le monde sans masque - théories sur les rêves - les rêves des gens qui ont été dans le coma - le Bardo Thödol - l’angoisse de la mort et la réponse du Dalaï lama - les deux voies - il y a plusieurs demeures… -

Chapitre 7 : La naissance…et après ? - petit portrait d’une grande dame - Mariage de deux cultures - les fleurs de l’amour - la femme dans la culture tibétaine - Jean Jacques Rousseau -

Chapitre 8 : Le renversement des soupirs et des désirs - conclusions nostalgiques - le destin des livres - les rires des dieux - la maïeutique de Socrate - Saint Barlaam - le pont entre deux civilisations - Immanence et transcendance - le tournant du 4e âge - tout se joue dans l’invisible -

 

CHOISY MARYSE - SUR LE CHEMIN DE DIEU ON RENCONTRE D’ABORD LE DIABLE

Maryse Choisy

Edition Emile-Paul

 1978 

« Pour tous les trésors de Rothschild et de Rockefeller réunis je n’eusse voulu être jeune à Paris à une époque autre que 1925. Personne ne soupçonne la joie de vivre qui régnait alors. Le monde était Paris et Paris était le monde ». M. Choisy

Dans ces mémoires d’une pudique impudeur, Maryse Choisy nous expose les grands thèmes qui ont été les moteurs de sa vie : La recherche de DieuL’Inde, le Tibet et Teilhard de ChardinLa psychanalyse et ses dépassements par le haut et par le basla naissance de sa fille

Née à Saint Jean de luz au Pays basque le 1e Février 1903, M. Choisy est docteur en philosophie. Elle a publié une cinquantaine de livres avec comme thèmes, les contes, le roman, des questions philosophiques, la psychanalyse, le domaine religieux, ésotérique et métaphysique, la sociologie et la pédagogie.

En 1946, Maryse Choisy crée Psyché, la première revue de l’après-guerre traitant de la psychanalyse et des sciences, elle dirigera cette revue durant 20 ans.

En 1965, après le congrès de Delhi, elle fonde L’Alliance mondiale des Religion. Ses colloques réunissent des théologiens de toutes appartenances et des chercheurs des sciences de pointe pour approfondir les grands problèmes du moment. (La survie, les anges, le retour de mort imminente, les apocalypses, les rites, l’amour, la prière, le temps, la métaphysique et l’éternel).

Pendant les années folles de 1920-1938, Maryse devient célèbre par des reportages vécus qui bravent les tabous, elle multiplie les expériences tous azimuts : dompteuse de lions dans un cirque ambulant, aviatrice, journaliste parlementaire, elle force sous un déguisement masculin la clôture des moines du Mont Athos…

Maryse est bouillonnante, elle suit des cours de psychanalyse avec Freud, prendra du recul et reprendra les cours avec René Laforgue et Philippe Bouvet. Toute sa vie elle exercera son métier de Psychologue.

En 1929 elle se marie avec le seul homme qui n’a pas peur d’elle : le journaliste Maxime Clouzet, ils auront une fille (Colette) en 1932. Toujours en 1929, elle fréquente les cercles spirites, va régulièrement en Inde, apprend les techniques de yoga, donne des conférences à Bénarès et publie de nombreux articles sur le yoga et les techniques des maîtres à penser hindou.

En 1939 elle rencontre le Père Teilhard de Chardin et trouve en lui, à travers ses paroles, son regard et son sourire lumineux, une force qui va la transformer et lui faire prendre un nouveau départ sur le plan spirituel.

Vers les années 1950-1966 elle séjourne fréquemment en Inde où elle pratique les chakras et s’éveille à la Kundalini. En 1973 elle rencontre le Dalaï-lama et fait un livre de ces entretiens (Potala dans le ciel). Revenu en France elle fait du prosélytisme pour la pratique du yoga et des énergies des chakras et de la Kundalini qui pour elle est un moteur pour éveiller et changer la société qui a besoin de muter. Elle écrira deux livres : La métaphysique des yogas en 1948 et Yoga et psychanalyse en 1949.

« N’oublions jamais que les mots de l’inconscient sont des images » disait-elle en pensant au rêve éveillé. Elle voulait dépasser le matérialisme de Freud et pensait le faire avec l’inconscient prébiographique qui existait avant notre incarnation, elle voulait pousser la psychanalyse jusqu’au point où l’homme rencontre le divin en 6 étapes –ouverture, amour, initiation, chasteté, mort et absolu – Yoga et psychanalyse se fécondant mutuellement car ayant besoin l’un de l’autre.

Au sommaire de ces mémoires :

Chapitre 1 : Ma légende - mon être - St Jean de luz - Etudes discontinues - Les premières leçons de sanscrit à Cambridge - le défi de Cendrillon - Koumar à St Jean de luz - mes visites chez Freud et mes analyses - la mort de tante Anna -

Chapitre 2 : L’Inde dans mon destin - premier voyage - le thème de la mort - Swami Sivananda - la visite de Chadananda en 1969 - mes cinq autres voyages en Inde -

Chapitre 3 : Ma queste dans le Paris littéraire (1925-1927) - Liturgie chez Paul Bourget - les mardis du Mercure de France - la chandeleur avec Rachilde - le sacrifice des cheveux - un mariage idéal ? - Entrée à l’Intran - les vacances à la maison d’Essonnes - le scandale de la Closerie des lilas - le Manifeste suridéaliste - pourquoi je n’ai pas eu le prix Femina -

Chapitre 4 : Un mois chez les filles - mes débuts de femme de chambre - l’attitude tolstoïsante - l’attitude de Louis-Carco - les religions de l’utérus - ionisation et yonisation - Prostitution sacrée - la chute en Europe - la fermeture des maisons closes - la prostitution de rues - le complot des proxénètes - du sacerdoce au marketing -

Chapitre 5 : Rien qu’un mois chez les hommes -

Chapitre 6 : La fin de l’après-guerre - les ongles rouges - les sans chapeaux - coiffure à la Chateaubriand - la résille - le vache à l’âme - mes fiançailles avec le comte Jacques de … - le poltergeists -

Chapitre 7 : Les intersignes de l’avant-guerre - Portrait d’Edouard Herriot - deux mois dans une ménagerie foraine - le zoo de Vincennes à l’exposition coloniale de 1933 - entre la pipe et le goupillon - je deviens journaliste parlementaire - au pays des aveugles les borgnes sont pendus - les grands hommes de la 3e République - Vrai et faux Briand - Sénateurs trop vieux - femmes médiocres et femmes de l’Elite - du salon au bistrot - mon dernier voyage à la Société des Nations -

Chapitre 8 : Ma saison du côté de Moscou - Louis-Louis Dreyfus - Marthe Hanau - Colette - le devoir de frivolité - Stavisky - direction Moscou -

Chapitre 9 : Je rencontre le Père Teilhard de Chardin - Fin d’un cycle - Dieu est partout sauf dans les Eglises - La rencontre miraculeuse - Samarcande - Petit portrait d’un grand homme - L’un et le multiple - le problème du mal - Credo - Dieu est un singe - Cosmos et collectivité - l’incarnation - Qu’est-ce une hérésie ? - Prière pour une bonne mort - le Père Fessard -

Maryse Choisy fut une femme remarquable qui mérite d’être mieux connu, elle est de par ses qualités et son comportement dans la lignée de M.M Davy, Alexandra D. Néel, Simone Weil, et de toutes ces femmes qui alliant l’aventure physique à la découverte spirituelle ont œuvrées dans cette métaphysique et nous ont laissées des livres magnifiques dans lesquels nous trouvons des nourritures spirituelles de grande qualité.

 

CHOISY MARYSE - TEILHARD DE CHARDIN ET L’INDE

Maryse Choisy

Editions Universitaires

 1963

Maryse Choisy rencontra Teilhard de Chardin en 1939, et eut une sorte de coup de foudre pour ce Jésuite. Plutôt agnostique, elle va à son contact totalement changé et va se mettre à étudier toutes les facettes de la spiritualité. Le Père Teilhard de Chardin entretiendra avec elle une correspondance importante et suivra pas à pas les progrès de sa protégée.

Teilhard n’aimait pas trop l’Inde,  M. Choisy au contraire se plongea dans la culture hindouiste avec le Yoga, la Kundalini et les textes sacrés. Teilhard pensait que l’hindouisme était une voie substituée avec ses karmas, ses réincarnations, ses samsara, alors que sa formation de jésuite y était opposé.

Maryse Choisy défendra sa position pro-Inde et à travers sa correspondance essaiera de lui prouver le bienfondé de cette tradition qui, ne contredit nullement le « développement par réflexion et surconscience » du phénomène humain.

En 1947 Teilhard reconnut que un dialogue interreligieux entre hindouisme et christianisme était une bonne chose, et donc fit machine arrière sur de nombreux points et par la suite accomplit cette synthèse, cette convergence entre Orient et Occident, c’est ce qu’il écrira en 1947 : « En tout domaine de réflexion aussi bien religieuse que scientifique, c’est seulement en union avec tous les hommes de toutes les traditions que l’on peut espérer atteindre le fond de soi-même, non pour nous initier à une forme supérieure d’esprit, mais plutôt grossir et enrichir par double effet de résonnance, la nouvelle note mystique montant de l’Orient, tel me parait en définitive le rôle indispensable et la fonction essentielle de l’Extrême-Orient ».

Oui les mythes ont toujours raison. Teilhard de Chardin éternellement présent nous aide à vivre, et nous savons déjà que nous ne mourrons pas…

  

CHENG  -  ASSISE  -  UNE RENCONTRE  INATTENDUE  -

 François  Cheng

Edition Albin Michel

 2014

Comme tous ceux qui, depuis la plaine de l’Ombrie, voient Assise pour la première fois, je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d’été, par la vision de cette blanche cité perchée à flanc de colline, suspendue entre terre et ciel, étendant largement ses bras dans un geste d’accueil. Figé sur place, j’eus le brusque pressentiment que mon voyage ne serait pas que touristique, qu’il constituerait un moment décisif de ma vie.

 

Je me surpris à m’exclamer en moi-même : “Ah, c’est là le lieu, mon lieu ! C’est là que mon exil va prendre fin 

 

Pourquoi son nouveau prénom s'imposa-t-il à François Cheng lors de sa naturalisation française, en 1972 ? L'académicien répond dans un opuscule dense et limpide : depuis son premier voyage sur les traces de François d'Assise, dans les années 1960, il est habité par ce saint du Moyen Age, qui délaissa soudain les plaisirs frivoles et les rêves de puissance pour obéir à l'injonction de Dieu tombée dans ses oreilles un jour de désœuvrement : « relever l'Eglise ».

 

En arpentant à son tour les terres foulées par saint François, qu'il préfère appeler le « Grand Vivant », l'exilé chinois comprit que la terre d'accueil la plus riche se trouve à l'intérieur de soi.

 

La beauté de ce petit livre vient de la flânerie mentale qu'effectue l'auteur entre ses propres émotions de déraciné fleurissant dans un ailleurs universel et quelques épisodes marquants de la vie de François d'Assise, décidé à embrasser la vie dans sa totalité, qu'il s'agisse de goûter une crème à la frangipane ou de baiser la chair putride d'un lépreux.

D'une pudeur et d'une humilité sans limites, François Cheng écoute grandir en lui le legs du saint d'Ombrie, dont il partage le goût pour le dénuement et la volonté de capter tous les signes invisibles à disposition des hommes. Comme le chemin tortueux qui mène à Assise, dont chaque virage offre un point de vue différent sur la vallée, le récit dépouillé de François Cheng creuse un sillon profond et ondulant, dont chaque méandre est un havre de méditation.

 

CHENG – ET LE SOUFFLE DEVIENT VIE

François Cheng

Edition L’Iconoclaste

 2014 

Mon père ne m’a pas légué des meubles, des bijoux ou des tableaux de maître mais il m’a légué des bâtons d’encre. Ils sont pour moi, un trésor de famille plus précieux que l’or. Tous les matins, je calligraphie pour me calmer, pour chasser l’inquiétude et entrer dans la danse de la vie. Cette pratique quotidienne m’est devenue indispensable, comme une prière intérieure, chaque jour il faut repartir de la feuille blanche, plonger en soi, se mettre en quête de vérité et de beauté. Venues du plus profond de moi-même ces créations dessinent en quelque sorte le portrait de mon âme.

La calligraphie est au cœur de la vie de François Cheng, il nous donne ici une édition revue et augmentée de ce qui est sans doute son livre le plus personnel, un autoportrait à l’encre et au pinceau, où chaque œuvre est accompagnée d’un texte tissé de souvenirs, de pensées profondes et de réflexions intimes. C’est le livre d’une aventure intérieure que l’on ne sait plus écouter dans notre monde moderne.

Au sommaire, les titres des œuvres avec leur calligraphie :

Une nuit de lune sous la falaise rouge - Mer d’émeraude, ciel d’azur / Nuit après nuit, ce cœur qui brule - Cœur à cœur - Opérer le retour précoce - Herbes et fleurs - Randonnées spirituelle - La voie et sa vertu - la quête - Nuit de lune et de fleurs sur le fleuve printemps - Au milieu de l’âge - les fleurs du cœur s’ouvrent avec fureur - La vie engendre la vie et il n’y aura pas de fin - Le bond du dragon - Enivrante ivresse - Le Trois - S’abandonner au cœur - Où l’herbe et fleurs s’épanouissent ; les oies sauvages sont de retour - Merveilleux - Voilà que toutes les fleurs d’abricotier sont écloses, et que le printemps fait entendre son vacarme - Marcher-Voie - Le vol de l’aigle - Le souffle primordial en pleine action - Selon le cœur - Faire corps avec l’univers des vivants - Partout sur le mont, les feuilles tombent des arbres - Sans fin, vers le lointain, le fleuve roule ses vagues - Double chant - Vénération et salutation - L’attente - Entre source et nuage - Le rêve - Montagne et eau - Une fleur - Non agir - Retournement et satisfaction - Colère et tristesse - La porte du jardin - Le souffle primordial se dégageant du chaos - Etre à l’écoute - Le Souffle - Harmonie - Terre de Chine - Hors parole - La chute - Encre éclatée - Va-et-vient sans fin - Le jeûne du cœur - Ma part de jade - Esprit divin - Tracer une voie -

Poète, essayiste et romancier, Prix Femina pour « le dit de Tianyl » en 1998, Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre en 2001, François Cheng a été élu à l’Académie Française en 2002. Ses derniers ouvrages sont Cinq méditations sur la Beauté et Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie.

 

CHENG   -  OEIL OUVERT ET CŒUR BATTANT

 François Cheng

Ed. Desclée de Brouwer

2016

Dans la vie, il y a des scènes qui exaltent, comme le combat, l’entrechoquement des corps par exemple, mais l’état suprême de la beauté, c’est l’harmonie. Il s’agit de la qualité éthique de la beauté. Cette beauté éthique permet à l’homme de conserver sa dignité, sa générosité et sa noblesse d’âme. Ces qualités nous permettent de transcender notre condition humaine, de dépasser la douleur pour atteindre l’harmonie. La beauté nous transfigure, car elle nous sort de l’habitude, nous permet de revoir les choses qui nous entourent comme au matin du monde, comme pour la première fois. En sortant dans la rue, vous voyez cet arbre en fleur, et l’univers vous apparaît comme au matin du monde. Comme Prévert qui, dans un poème (Voyages, in Histoires, Gallimard, Folio, 1972), raconte qu’il voit sa femme de loin dans un bus, sans d’abord la reconnaître, comme s’il la voyait pour la première fois. Seule la beauté est capable de nous donner cet étonnement, cet émerveillement de la première fois. »

« Quelqu’un qui possède une sensibilité à vif ne peut s’empêcher d’être ému, et même bouleversé par la beauté de l’univers qui s’impose avec une force d’évidence. Si, toute ma vie, j’ai été hanté par ce thème, c’est probablement parce que dès ma petite enfance, vers l’âge de 7 ou 8 ans, j’ai passé tous mes étés au mont Lu, de l’avis général l’un des plus beaux endroits de la Chine : imaginez une petite chaîne de montagnes située au bord d’un fleuve, le Yangzi Jiang, et entourée de lacs qu’elle surplombe. Le tout envahi par une végétation luxuriante et des rochers fantastiques. Mais ce qui en fait le charme particulier, ce sont les vapeurs qui s’échappent des lacs et du fleuve, formant des brumes qui se déchirent pour laisser apparaître la beauté mystérieuse et ensorcelante des cimes du mont Lu.

Ce jeu d’ombres et de lumières, ce passage incessant du visible à l’invisible sont des expériences inoubliables. Ajoutez à cela le chant des cascades et des sources qui dévalent le long des montagnes, et le spectacle des jeunes Occidentales en maillot de bain qui viennent s’y baigner. Il faut imaginer ce que tout cela pouvait représenter pour un jeune Chinois dans les années 1930 : j’ai été terrassé par la beauté conjuguée du monde, de la nature et du corps humain. »

« Une beauté qui n’est pas fondée sur le bien est-elle toujours belle ?  Non, c’est la laideur même. La beauté qui se met au service de la mort est animée par la laideur de l’âme. Inversement, tout visage, en sa bonté, est beau. Essayez dans le métro, regardez les visages : si vous contemplez un visage humble, vous le trouverez beau.

Et je ne peux pas m’empêcher de citer Henri Bergson : “L’état suprême de la beauté est la grâce, or dans le mot grâce, on entend la bonté, car la bonté est la générosité d’un principe de vie, qui se donne indéfiniment. Donc à travers le mot grâce, beauté et bonté ne font qu’un.” Miraculeusement, “grâce” en français veut dire à la fois beauté et bonté, qui viennent tous deux du latin, bellus et bonus, lesquels viennent d’un seul mot indo-européen : dewnos. En chinois, nous avons l’idéogramme hao, composé de deux éléments, la femme et l’enfant, qui, ensemble, signifient à la fois beauté et bonté. Quoi de plus beau et de meilleur que la relation de la mère à l’enfant ? Pour finir, je dirais que la bonté est le garant de la qualité de la beauté. Et que la bonté irradie la beauté et la rend désirable.

 

CHENG  -  CINQ MÉDITATIONS SUR LA MORT- AUTREMENT DIT SUR LA VIE

François Cheng

Edition Albin Michel

 2013

A l’âge de 84 ans, l’auteur François Cheng –membre de l’académie française - a éprouvé le besoin et l’impérieuse nécessité de parler de la mort. De la mort, autrement dit de la vie, puisque son propos, à la croisée des pensées chinoises et occidentales, est inspiré par une vision ardente de la « vie ouverte». Mais si le thème de la beauté avait été pour lui un thème trop vital, trop urgent pour faire l’objet d’un traité académique, que dire alors de la mort !

Les présentes cinq méditations sont donc, elles aussi, le fruit d’échanges entre le poète et son auditoire, de même le lecteur est invité à prendre part à ces échanges et deviendra lui-même partie prenante, il pourra alors se compter parmi les « chers amis » auxquels s’adresse l’auteur ; il entendra celui-ci, au soir de sa vie, s’exprimer en vérité sur un sujet que beaucoup préfèrent éviter.

Le voici, se livrant comme il ne l’avait peut-être jamais fait, et délivrant une parole à la fois humble et hardie. Il n’a pas la prétention de produire un quelconque message sur l’après- vie, ni d’élaborer un discours dogmatique, mais il témoigne d’une vision ; une vision en mouvement ascendant qui renverse notre perception de l’existence humaine, et nous invite à envisager la vie à la lumière de notre propre mort, car la conscience de la mort, selon lui, redonne tout son sens à notre destin, lequel fait partie intégrante d’une grande aventure en devenir.

Nous sommes ici, dans une pensée en spirale qui n’hésite pas à revenir plusieurs fois sur certains thèmes, sur certains mots, pour les réinterroger plus profondément.

Cependant, cette pensée elle-même a conscience des limites du langage, car il arrive toujours un moment où la mort nous laisse sans voix, s’impose alors le silence… ou alors le poème, qui est beauté, silence intérieur et parole transfigurée.

C’est pourquoi la cinquième de ces méditations emprunte la voie poétique, pour que le chant et la beauté, au-delà de la mort, aient le dernier mot.

 

CHENG -  CINQ MÉDITATIONS SUR LA BEAUTÉ

François Cheng

Edition Livre de poche

 2010

En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourrait paraître incongru, inconcevant, voire provocateur, presque un scandale. Mais en raison de cela même, on voit qu’à l’opposé du mal, la beauté se situe bien à l’autre bout d’une réalité à laquelle nous avons à faire face.

L’auteur, qui a l’éloquence d’un sage et la méthode d’un Socrate, est persuadé que nous avons pour tâche urgente et permanente, de dévisager ces deux mystères qui constituent les extrémités de l’univers vivant : d’un côté le mal ; de l’autre, la beauté.

Ce qui est en jeu n’est rien de moins que la vérité de la destiné humaine, une destinée qui implique les données fondamentales de notre liberté.

A quoi bon parler de la beauté si ce n’est pas pour tenter de rendre l’homme au meilleur de lui-même, et surtout risquer une parole qui puisse le transformer ? L’auteur nous demande de ne pas disserter doctement sur la beauté, qui est in fine la solution du salut de l’humanité.

Ces cinq méditations, qui ont fait l’objet de conférences, sont marquées du sceau de l’oralité, elles doivent être lues comme telles ; elles procèdent souvent par approfondissements progressifs, dans une forme de pensée en spirale où certaines répétitions, inévitables, sont en fait riches d’un neuf, issu de l’échange entre le poète et ses interlocuteurs. Lors de ces conférences, et les heureux spectateurs ont pu avoir cette étrange expérience : un homme se donnait tout entier, avec humilité, pour évoquer une réalité permanente « inutile », négligée, voire ridiculisée par notre société, mais au cœur de cette précieuse réalité et fragilité, entre les êtres, advenait quelque chose d’unique que chacun, soudain, percevait comme fondamental dans notre société.

Ce sont ici donc, que nous sont offertes en partage avec le plus grand nombre, ces cinq méditations, pour que vive l’étincelle de beauté que l’auteur a allumée.

  

CHENG –  L’ḖTERNITḖ N’EST PAS DE TROP   -

François  Cheng

Edition Albin Michel

 2002

François Cheng est né en 1929 dans la province de Shandong, non loin du yang Tsé et des brumez du Mont Lu. Il vit en France depuis 1949. Universitaire, poète, calligraphe, traducteur en chinois de Baudelaire, Rimbaud, René Char, des surréalistes etc., auteur d'essais remarquable sur la poésie et l'art de la Chine, il a reçu en 1998 le prix Fémina pour son premier roman Le dit de Tianyi publié par Albin Michel et le prix André Malraux du livre d'art pour Shitao : la saveur du monde (Phébus). Une passion amoureuse à la fin de la dynastie Ming (XVIIe siècle). Dao-Sheng vit dans un monastère en pleine montagne, à la fois médecin et devin, il oscille entre bouddhisme et taoïsme, retenu de tout engagement définitif par un secret vieux de trente ans : son amour toujours vivace pour une fille juste entraperçue alors qu'il avait 20 ans. Aussi décide-t-il de mettre fin à cette obsession en descendant dans la plaine pour tenter d'y rencontrer celle qu'il a aimée. Et la rencontre a lieu, la passion est partagée même si épreuves et obstacles attendent les amants.

 

Dans L'éternité n'est pas de trop l'amour est vécu comme absolu. Il est le seul porteur du dépassement de soi, il permet de pénétrer le mystère de l'univers et d'accéder au sentiment d'éternité. Dans une Chine en pleine mutation qui s'ouvre aux autres civilisations il est aussi le lien qui permet le dialogue et l'ouverture à l'autre. Une vision hautement exigeante et spirituelle des rapports amoureux où l'intensité, la ferveur, le dépouillement et l'engagement sont les clefs de toute métamorphose. Un roman d'une rare puissance, intense et envoûtant qui peut toucher tous les publics.

 

Dix-septième siècle, la dynastie Ming en est à ses derniers essoufflements. En exil chez les moines taoïstes depuis de nombreuses années, un homme, Dao-Sheng, expert en médecine et divination, quitte la montagne pour retrouver, nostalgique, la seule femme qu’il ait réellement aimée. Trente ans plus tôt, alors qu’il faisait partie d’une troupe de musiciens, son regard croise celui d'une jeune femme vêtue de rouge, Lan-Ying, descendante des Lu et future épouse du Deuxième Seigneur de la famille Zhao. Il n'en faut pas plus pour faire naître en lui des sentiments qu'il ne pourra effacer au fil des ans, même lorsque le futur mari, conscient du trouble entre les deux jeunes gens, envoie au bagne Dao-sheng. Evasion et refuge chez les moines taoïstes lui feront passer les ans jusqu'à ce qu'il ne puisse plus résister au besoin de revoir le visage de Lan-Ying.

C’est une femme généreuse, souffrante et épuisée par les humiliations d’un mari qui l’a depuis longtemps délaissée, qu'il retrouvera. Faisant acte de ses dons de guérisseurs, il sera à son chevet pendant des semaines. Découverte l'un de l'autre, découverte des âmes, du « Souffle » qui les habite chacun et se communique par le simple contact des paumes. Bouleversement, questionnement, angoisse de se laisser aller sur la voie de l'adultère lorsque l’amour et la passion n’ont d’autre égal que le respect mutuel mais Lan-Ying vient pourtant chaque jour au temple pour apercevoir l’homme aimé. Tout est dans le regard, dans le tacite.


C’est la complétude des âmes qui procure félicité au-delà même du contact charnel. La rencontre de Dao-sheng avec un des premiers missionnaires jésuites aidera sa remise en question personnelle et sa manière de considérer son amour. Mais c’est sans compter ce mari égoïste et tyrannique que la soudaine sérénité de l’épouse rend aigre et jaloux, sa décrépitude ne pouvant souffrir la grâce et la beauté renouvelée chez la femme répudiée…« L'éternité n’est pas de trop » est un roman tout de légèreté et de poésie. Mêlant amour, foi et spiritualité, il laisse un message au profit du dépassement de l’amour charnel. Douceur des mots autour de la dureté d’un amour impossible. Beauté, langueur, grâce, voilà ce que m'évoque ce roman de François Cheng. Place libre à l’esprit dans cette histoire comparée avec justesse à un Tristan et Iseult oriental.
Un beau roman.

 

COMMENTAIRES SUR LE TRAITÉ DE L’AMOUR ou LE FESTIN DE PLATON

DE MARSILLE FICIN

Edition ARCHE MILAN

 2001

Ce grand traducteur de Platon fut longtemps oublié par le siècle des lumières. On lui reconnaît depuis quelques temps le talent de ses merveilleuses traductions et commentaires sur Platon, son brio, sa véracité, son interprétation rigoureuse de l’œuvre du maître nous éclaire et nous enchante.

 

Toute la philosophie de Ficin peut être ainsi comprise comme une philosophie de l’amour. Le Platon qu’il lit le plus volontiers est celui du Banquet et du Phèdre, qu’il croise avec la théorie aristotélicienne de l’amitié (Nic. VIII et IX)  et le De Amicitia de Cicéron, tout de même qu’avec les épîtres célèbres de Paul sur la charité.


L’âme, par la volonté mais aussi par l’intelligence (car seul l’amour peut m’élever vers la vision de Dieu, et l’intelligence sans amour est impuissante à connaître) est tout entière mue par l’amour. L’univers matériel est lui aussi, comme nous l’avons déjà dit, entièrement mu par l’amour.

L’amour est la puissance génératrice qui organise le monde et fait naître la forme du sein du chaos originel. L’amour est encore la puissance attractive qui rassemble dans l’unité de l’âme du monde les diverses parties qui composent l’univers : il est le principe divin de l’unité. Tout amour humain est ainsi comme l’ombre portée dans le monde sensible de l’amour divin, et la beauté de l’objet de l’amour comme le pressentiment de l’ineffable beauté divine. C’est ainsi que les amants ne savent pas ce qu’en réalité ils désirent : poursuivant l’objet de leur amour, c’est en effet Dieu lui-même qu’ils désirent contempler : « Il s’ensuit que le désir de l’amant n’est apaisé ni par la vue, ni par le toucher d’un corps quel qu’il soit. Il ne désire pas tel ou tel corps, mais la splendeur de la majesté divine qui se reflète dans les corps, et c’est cela qu’il admire, qu’il désire et qui le laisse interdit.

 

C’est la raison pour laquelle les amants ignorent ce qu’ils désirent ou ce qu’ils cherchent, car ils ne savent pas ce qu’est Dieu, dont la saveur cachée a répandu dans ses œuvres un parfum très doux. C’est ce parfum qui chaque jour nous excite. ». Et Ficin emprunte à Plotin l’image de Narcisse, qui meurt pour s’être noyée dans l’idole sensible de son amour, incapable de discerner au-delà de cette image-écran l’objet véritable de son amour, à savoir Dieu son créateur L’amour est ainsi naissance au monde spirituel et mort au monde matériel, mort à soi-même et oubli et perte de soi en l’autre : « Platon appelle l’amour une chose amère C’est juste, car celui qui aime meurt. Orphée lui-même le nomme le doux amer parce que l’amour est une mort volontaire

 

On dit que celui qui aime meurt, parce que sa pensée, oublieuse d’elle-même, ne pense plus qu’à celui qu’il aime L’âme de l’amant n’est pas en elle-même. Si elle n’est pas en elle-même, elle ne vit pas non plus en elle-même et ce qui ne vit pas est mort. Voilà pourquoi quiconque aime est mort à lui-même. Mais vit-il au moins dans un autre? Assurément. ». Ainsi, si l’acte propre de l’intelligence est de se détourner des choses sensibles et de rentrer en elle-même, cette conversion dans l’intériorité est moins conscience de soi que découverte de l’ivresse, puisque l’âme découvrant le divin qui est en elle est comme arrachée à elle-même par l’extase amoureuse. C’est seulement dans l’intériorité que la transcendance se fait jour. L’amour de Dieu est ainsi la vérité de tout amour. Toute amitié n’est possible qu’en Dieu, et ceux qui s’aiment par le sentiment qu’ils ont en commun de la divinité. L’Académie devait ainsi rassembler des amis en esprit, qui devaient, selon la théorie de Diotime, inspirés et fécondés par l’amour, produire beaucoup de beaux discours. Dans cette exaltation de l’ivresse amoureuse, on trouve le souvenir de la tradition médiévale de l’amour courtois, de Dante mais aussi du Pétrarque du Canzoniere.


L’amour, qui est en l’âme le désir passionné de s’élever jusqu’au divin, est aussi le motif véritable de toute connaissance. Dans le Commentaire sur le Banquet, Ficin reprend la distinction faite par Platon dans le Phèdre entre les quatre sortes de délires, genres multiples de l’ivresse amoureuse : le délire amoureux selon la Vénus terrestre ; le délire poétique selon les Muses ; le délire mystique selon Dionysos et le délire prophétique selon Apollon Le premier arrache l’âme à elle-même et lui apprend à mourir ; le second l’éveille à la consonance et à l’harmonie qui président à la disposition du cosmos ; le troisième est une purification qui s’abstrait du sensible en considérant non la multiple splendeur qui est en l’univers, mais le principe de son unité ; le quatrième enfin s’élève à la vision de l’Unité même, par l’intelligence (mens) qui est le sommet de l’âme. « Enfin, lorsque l’âme est devenue une, une dis-je, ce qui est dans la nature et même dans l’essence de l’âme, il ne lui reste qu’à revenir immédiatement vers l’Un qui est au-dessus de l’essence, c'est-à-dire vers Dieu. C’est la Vénus céleste qui accomplit cette tâche par l’intermédiaire de l’Amour, c'est-à-dire par le désir de la beauté divine et la soif du Bien » (ibid. 259). L’amour étant ainsi au principe comme à la fin de l’ascension de l’âme, Ficin peut conclure que « de tous les délires, le plus puissant et le plus éminent est le délire amoureux. » L’amour est l’unique ressort de l’inspiration qui transporte les poètes et les artistes, le furor divinus.

   

CONNAIS-TOI  TOI-MÊME ET FAIS CE QUE TU AIMES

Lucien  Jerphagnon

Edition Albin MICHEL

 2012

Qu’il parle de Platon ou de gladiator, qu’il cherche la clef du bonheur ou qu’il réfléchisse à la question de la mort, Lucien Jerphagnon entraîne son lecteur dans un voyage au long cours de trente siècles. Nous voici les complices, dans le rire et l’étonnement, de Socrate, saint Augustin ou Umberto Eco.

 

Avec ce grand livre, qui tire un trait d’union entre le temps des mythes et celui des mystères, l’auteur en humaniste éclairé, offre un florilège éblouissant de textes inédits, qu’il a revus et corrigés, au seuil de sa disparition, pour adoucir le cours du temps et réjouir ses amis.

 

A Rome, les empereurs philosophent : c’est Marc Aurèle et ses pensées ; et les évêques sont des empereurs ; c’est saint Augustin et sa cité de Dieu. Double prodige en vérité, des prodiges que l’on retrouve dans l’une des Basiliques les plus étonnantes de la ville : Saint-Clément-du-Latran. Cette église fut bâti sur des ruines d’autres temples, elle est venue se superposer au IIe siècle sur un temple de Mithra, qui fut rival de la chrétienté, on peut voir la pierre qui représente le sacrifice d’un taureau (le taurobolium) et qui se déroulait dans les entrailles de la terre, sous la crypte.

 

Lorsque deux civilisations se rencontrent, cela occasionne des frictions et des guerres, Rome rencontrant la Grèce n’échappe pas au processus, mais l’intelligence des deux, fit qu’ils y trouvèrent chacun leur compte, car chacun avait ses spécificités, d’où la création d’un empire « gréco-romain ».

 

Fascinant affrontement de deux consciences collectives ! D’un côté les Romains sûrs, comme le chante Virgile, d’être mandatés par les dieux pour gouverner le monde. De l’autre les grecs, se sachant l’unique peuple, dont la civilisation s’impose d’elle-même. Heureux face à face  entre deux complexes de supériorité, dont chacun des partenaires saura tirer parti et comme dit Horace : C’est Rome hellénisée qui hellénisera l’Occident, car là où Rome règne, Athènes rayonnera.

 

Dans son film  « Au nom de la rose », Umberto Eco, retrace bien l’ambiance de cette époque (1327) où l’émergence du laïcat creuse un fossé entre les paysans, les marchands, les clercs et les Seigneurs. Le clergé enrichi prêche la vertu aux indigents… C’est pourquoi on n’a jamais représenté autant d’Apocalypses, de Jugements derniers, de diables convoyant aux Enfers, bourgeois, seigneurs et prélats. Des mouvements contestataires se lèvent, appelant à la pénitence, à la sainteté de la Primitive Eglise. Des mouvements hérétiques contestent l’Eglise et appellent à un retour des vertus, même au sein de l’Eglise la contestation gagne du terrain, certains comme Giordano Bruno seront brulés, d’autres devront faire amende honorable (Maitre Eckhart)

 

Au sommaire de ce voyage dans le temps :

La lumière grecque  -  Platon, la carrière d’un philosophe  -  Faut-il réhabilité les sophistes  -  Plotin et la figure de ce monde  -  Platon, Denys l’Aréopagite et les autres  -   Que devons-nous à Rome ?  -  Sénèque au cœur du siècle  -  Psychopates et médecins au temps des Césars  -  Constantin sans péplum  -   Religion romaine et religion chrétienne  -  Saint Augustin à l’école de Plotin  -  D’Homère à saint Augustin  -  Le sac de Rome par Alaric  -  Les secrets des gnostiques  -  Arius sème la zizanie pour deux siècles  -  Donat et les circoncellions  -  Pélage ou l’attrait de l’insoluble  -  Philosophie bergsonienne du banal  -  Vladimir Jankélévitch  -  Petits meurtres entre moines : au sujet d’Umberto Eco  -  Goudji, l’or et les pierres  -  Du politiquement correct à la bonne conscience  -  Dis-moi qui tu adores…   -   Séquence cinéma avec Gladiator et Alexandre   -   A propos d’Agora

Les autres livres de Jerphagnon sont au chapitre 19 J

 

CONNAIS-TOI TOI-MÊME ET TU CONNAÎTRAS L’UNIVERS ET LES DIEUX

Henri Gallois

Edition Liber Faber@ 

 2014 

La phrase attribuée souvent à tort à Socrate (470-399 avant J.-C.) « Connais-toi toi-même » n’est pas exactement de lui. “Connais-toi toi-même” est une maxime célèbre du présocratique Chilon le lacédémonien (VIe s. av. JC), “Précepte écrit sur la porte du Temple de Delphes“ comme le dit Socrate lui-même à Alcibiade.

Y figurait aussi un “Rien de trop” de Pittacos le mitylénien (c.645-570), qui évoque, lui, la tempérance. "Connais-toi toi-même" figure désormais au panthéon des grandes phrases philosophiques. 

 

Le titre de l'ouvrage « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux » est basé sur une formule quant à elle forgée au XIXème siècle et qui, à en juger par le succès qu'elle a connu, rencontre certainement une part de vérité psychologique. La recherche de la Connaissance de soi est une aventure très ancienne.

 

Depuis la nuit des temps, elle a préoccupé les hommes. L’ouvrage se veut une sorte de vade-mecum permettant à chacun d’appréhender cette quête et de se mettre en chemin. Savoir chercher, certes, mais plus encore où chercher et surtout comment chercher. Le Rite Écossais Ancien et Accepté, proposé parmi d’autres, par la Franc-maçonnerie, Ordre Initiatique et Traditionnel, se définit ici comme un moyen d’aller à la rencontre de son Être véritable. L’ouvrage met en rapport cette quête avec une idée particulière de l'univers, mais aussi une idée particulière des dieux, dans un monde occidental où la recherche permet à l’être humain de se (re)trouver.

Dans les textes les plus anciens le principe delphique reçoit une interprétation religieuse, c’est-à-dire qu’il invite l’homme à se reconnaître mortel et non dieu, à éviter les pensées d’orgueil  et à rester soumis à la suprématie de Zeus.

Socrate sera le premier à passer de l’interprétation religieuse à l’interprétation philosophique de « Connais-toi toi-même », non sans choquer ses contemporains. Dans le Premier Alcibiade, Platon adopte l’idée fondamentale selon laquelle l’homme doit prendre soin de son âme, doit se connaître d’abord soi-même avant de chercher à connaître quelque chose de ce qui lui est extérieur. Cette connaissance se met en œuvre à travers l’application et le savoir pour permettre à l’homme d’accéder à la partie supérieure de son âme qu’est la raison, miroir de la divinité qui est en nous. Nous avons affaire ici à une forme de sagesse qui est à la fois intellectuelle et morale.

Pour Socrate, il n’y a pas de plus grand bien que celui de pouvoir discourir de la vertu ou de tout autre sujet qui offre la possibilité de s’examiner soi-même et autrui. Dans le Phèdre il considère inutiles les explications physiques des mythes proposées par les interprètes rationalistes. Elles ont pour seul effet de détourner la pensée de son objet véritable qui est la connaissance de soi (d’où sa célèbre formule selon laquelle la seule connaissance qu’il possède est celle de savoir qu’il ne sait rien car « ce qui est au-dessus de nous est sans rapport avec nous  »). Pourquoi faut-il s’occuper d’Hippocentaures, de Chimères, de Gorgones, de Pégases, alors que l’homme est peut-être lui-même une bête plus étrange et plus orgueilleuse que n’est Typhon ?3  D’où la nécessité de privilégier la connaissance de soi aux autres connaissances.

Aristote attachera aussi un grand intérêt au précepte delphique même s’il est conscient de la difficulté d’arriver à se connaître soi-même : nous reprochons par exemple à autrui ce que nous faisons personnellement, preuve que nous pouvons être aveugles sur nous-mêmes ou avoir une complaisance excessive envers nous-mêmes. Dans l’Ethique à Nicomaque, il fait remarquer que cette méconnaissance peut conduire à la pusillanimité (en oubliant la grandeur de l’âme) et à la vanité (en tombant dans la présomption). En donnant l’exemple de l’œil qui ne peut pas se voir lui-même, l’homme a besoin à son tour du miroir de l’autre lui-même qu’est, en occurrence, un ami.  On retrouve de fait chez Aristote une application morale du principe delphique alors que dans le Premier Alcibiade de Platon il s’agissait d’une application métaphysique.

Plus tard, Chrysippe, chef de l’école du Portique, réintroduira, et cela en dépit de Socrate, le lien entre le principe delphique et la physique. Chrysippe considère que l’homme, comme toute espèce animale, tend instinctivement à se connaître. Mais l’homme ne saura pas connaître sa propre nature avant de connaître le système de l’univers et la manière dont il est administré. Il faut donc réintroduire la possibilité de recherches physiques en raison du lien qui unit les êtres entre eux.

Au Ier siècle, Philon d’Alexandrie mentionne comme effet positif de la connaissance de soi le bonheur. La science de soi-même peut engendrer le bonheur. Il fait un parallèle entre le précepte delphique et le précepte de l’Exode « Veille sur toi-même », en entendant par là que l’homme doit s’éloigner du terrestre, en repoussant le plus loin possible ce qui est de l’ordre du sensible. Pour devenir sage, il faut enquêter sur soi-même, c’est-à-dire sur l’âme, le corps, les sensations, le raisonnement, cessant ainsi de dire des sottises sur le soleil, la lune et les autres êtres célestes. Il faut délaisser autant l’étude du ciel que l’observation du monde physique d’ici-bas pour se consacrer à l’examen de soi-même. On pourra ainsi découvrir la place de l’intellect qui commande en nous comme il commande dans l’univers. L’attitude de Philon n’est pas sans rappeler celle de Socrate qui déniait toute valeur aux explications physiques des mythes pour se consacrer entièrement à la connaissance de soi-même.

On peut voir dans ces positions divergentes les débats qui opposeront régulièrement les stoïciens aux académiciens et les platoniciens aux aristotéliciens. Elles se retrouveront plus tard, en termes analogues, chez Grégoire de Nysse et dans les Confessions de saint Augustin. L’effort d’introspection constitue donc une étape importante vers la découverte de l’Intellect qui dirige le monde : quand Abraham tombe sur sa face devant la transcendance de Dieu c’est parce qu’il reconnaît devant cette transcendance le néant de sa nature mortelle. La pratique de la circoncision devait signifier justement la suppression des plaisirs qui subjuguent la raison. Elle constituait en même temps une pratique conforme au précepte delphique dans le but de préserver l’âme de cette arrogance qui nous fait nous prendre pour des dieux et oublier le Dieu véritable. Il faudrait ajouter dans ce sens que dans la perspective biblique la connaissance de soi n’est pas sa propre fin mais a comme but la connaissance de Celui qui est.

Au IIème siècle, les Gnostiques, qu’ils soient païens ou chrétiens, s’emparent du principe delphique pour en faire le point de départ de leurs spéculations : le Gnostique est celui qui doit débarrasser son moi intérieur des vêtements qui le recouvrent. Il doit s’interroger  sur lui-même et sur la destinée humaine : « Qu’étions-nous ? Que sommes-nous devenus ? Où étions-nous ? Où avons-nous été jetés ? Vers quel but nous hâtons-nous ? ». La gnose ne concentre pas son effort sur la connaissance de la divinité ou du  monde physique, mais sur la recherche de la nature véritable de l’homme. Le thème du miroir revient de façon récurrente dans la pensée gnostique. Le miroir représente l’Esprit divin et primordial que l’âme, une fois purifiée,  doit contempler et prendre pour modèle si elle veut devenir elle-même esprit. L’épître de saint Jacques stigmatise par exemple l’homme qui regarde son image mais l’oublie aussitôt (JC 1, 22-24).

La connaissance de soi, dans l’optique gnostique, devient la clé pour accéder au Royaume ou au Repos. Pour arriver à cette fin il faut nous connaître tels que Dieu nous connaît et reprendre possession du moi qui existe comme tel dans l’Etre absolu. Le Moi qui révèle la Gnose est un Moi ontologique auquel on peut accéder en nous dépouillant de ce qui est étranger. C’est un mouvement qui part de l’homme extérieur pour arriver à l’homme intérieur, au Moi essentiel qui est l’Homme parfait. Les Gnostiques chrétiens n’ignorent pas les équivalences bibliques du principe delphique comme ce logion attribué à Jésus : « Si tu as vu ton frère, tu as vu ton Dieu ». Clément d’Alexandrie va encore plus loin en affirmant que celui qui a formulé le précepte delphique le tenait de Moïse, tandis que les doctrines des philosophes sont des reflets de la Vérité. Le « Connais-toi toi-même » est donc conforme à la parole de Jésus

 

constantin lÉontiev

Nicolas berdiaev

Edition BERG

 1993

L’auteur lui-même philosophe religieux russe nous décrit la vie de ce diplomate, écrivain, moine et philosophe qui vécut au XIXème siècle. Il est considéré aujourd’hui comme un des plus grands visionnaires de la Russie. Sa pensée profondément religieuse nous entraîne dans son combat entre une vie d’ascèse et son métier de diplomate.

 

Cette monographie sur Leontiev (1831-1891), fut écrite par Nicolas Berdiaev en 1926. Par ce livre il rend hommage  à un penseur indépendant des courants idéologiques de son temps, il voit en Leontiev un précurseur de la culture russe et un visionnaire inspiré, qui sentira venir les terribles bouleversements de Russie.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Chapitre 1 : Origine et jeunesse de Leontiev à Moscou  -  Naturalisme et esthétisme  -  Débuts littéraire  -  En Crimée  -  Recherche du bonheur dans la beauté  -

Chapitre 2 :  Service diplomatique en Orient  -  L’Orient exotique et l’Occident bourgeois  -  La vie des chrétiens en Turquie  -  La colombe égyptienne  -  Question gréco-bulgare  -  Le Mont Athos  -

Chapitre 3 : Byzantinisme et monde slave  -  Caractère naturaliste de la  pensée de Leontiev  -  La morale aristocratique  - 

Chapitre 4 : Aspiration à la vie monastique  -  Combat de l’esthétisme et de l’ascèse  -  La vie à Moscou  -  Optina Poustyne  -  La solitude morale et la mort de Leontiev  -   Wladimir Solovieff   - 

Chapitre 5 : Mission de la Russie et du monde slave  -  Prophéties sur la révolution russe  -  Le destin du peuple russe   -

Chapitre 6 : Voie religieuse, dualisme, pessimisme à l’égard de la vie terrestre  -  Orthodoxie de Philareth et de Khomiakoff  -  Le catholicisme  -  Religion transcendante et mystique  -  Apocalypse  -  Attitude envers le « Startchestvo »  -  Pressentiment de la mort  -  Philosophie religieuse  -  Jugement d’ensemble   - 

 

contes philosophiques

Henri la croix – haute

Edition MERCURE DAUPHINOIS

 2005

Chaque conte de ce livre est un appel à la méditation du lecteur qui, hors de son horizon habituel et lors d’une soirée opportune, s’évadera pour entretenir son imaginaire. Ainsi font les enfants plus proches du monde invisible qui côtoie l’homme imperceptiblement…


Exprimer ses rêves burinés par l’existence est un dialogue avec l’enfance qui perçoit l’essentiel sous la brume de l’éphémère.


Pour donner ce qu’il a appris, l’auteur laisse discourir sa plume à la quête alchimique « des choses de la terre et du ciel ».

 

CONVERSATIONS AVEC DIEU. UN DIALOGUE HORS DU COMMUN.

NEALE DONNALD WALSCH

J'AI LU

 2000

Un dialogue entre un révolté qui n’a eu que des échecs et Dieu. Des interrogations troublantes, un humour décapant et des réponses claires. Un petit livre qui fait réfléchir.

Cet ouvrage paraîtra peut-être pour certain blasphématoire… Pourtant, lorsque vous lirez la trilogie des « Conversations avec Dieu » de Neale Donald Walsch, vous changerez peut-être d’avis… C’est un des ouvrages de développement personnel qui s’est le plus vendu ces 15 dernières années. Des millions d’exemplaires dans le monde, traduit dans 23 langues

Alors, qui est Neal exactement et pourquoi aurait-il le privilège de parler avec Dieu ? Eh bien, c’est un homme comme il y en a des milliards, banal à en mourir, qui arrivé à 48 ans, fait le constat de sa vie : rien ne va comme il voudrait, sa vie affective est un échec, ses finances sont au plus bas et sa santé lui joue des tours.


Comment est-il possible d’en arriver là ? Comment se fait-il que la vie soit un tel combat ? Pourquoi tant de luttes, pourquoi tant de déceptions, pourquoi tant de misère ? Le bonheur est-il si difficile à mériter et à atteindre ? Notre homme, cette fois en a vraiment assez, et plutôt que d’adresser un courrier à la dernière personne dont il se croit la victime, il décide d’écrire une lettre au plus grand des bourreaux : à Dieu !

Alors qu’il déverse sur son bloc jaune toute sa colère en posant des questions remplies d’amertume, sa main se suspend au-dessus du papier et à sa plus grande stupéfaction, se met à écrire quelque chose qu’il ne commande pas de lui-même et qui dit : « Veux-tu vraiment une réponse à toutes ces questions, ou es-tu seulement en train de te défouler ? ». Sans le savoir, il vient d’entrer dans un dialogue hors du commun, avec Dieu lui-même, qui va se prolonger pendant des années…

Les questions sont pertinentes (n’importe lequel d’entre nous aurait posé les mêmes), les réponses le sont encore davantage avec une profondeur et une intelligence telle, qu’il est impossible d’imaginer meilleure façon de vivre… et surtout qu’elles puissent venir d’un être humain ! Attention, bien qu’il soit écrit de façon incroyablement claire et accessible à la plupart d’entre nous, il ne résonnera pas chez tout le monde… Certains le trouveront choquant, car les croyances qu’ils ont actuellement seront trop en décalage, d’autres le comprendront partiellement et le poseront sur une étagère en se disant « c’était bien » et retourneront à leurs activités, d’autres encore n’y comprendront rien ou donneront la réponse facile qui leur évitera de réfléchir et de se remettre en question : que Neal Donald Walsh est une secte à lui tout seul. Je crois qu’il faut le lire avec une certaine ouverture, sans intellectualisation, avec votre cœur et non votre tête…

Quoi qu’il en soit, je pense  que nombre d’entre vous  liront  cet ouvrage et que leur vie s’en trouvera profondément changée. Je pense surtout à ceux qui le liront une première fois, une deuxième fois, une troisième fois, réfléchiront, analyseront, le mettront en application, en parleront avec d’autres, partageront leur idées à son sujet, le reliront encore et encore jusqu’à en saisir les moindre subtilités et surtout… l’expérimenteront dans leur vie. Vous pourriez vous apercevoir que Dieu vous parle en fait plus souvent que vous ne le pensez… Ce livre pourrait bien jeter un pavé dans la mare de l’inconscient collectif et créer une vie plus belle, plus heureuse, plus riche pour chacun d’entre nous ! Faites passer.

  

coomaraswamy  -  AUTORITḖ SPIRITUELLE ET POUVOIR TEMPOREL DANS LA PERSPECTIVE INDIENNE DE GOUVERNEMENT

a.k. coomaraswamy

Edition Arché

 1985

La présente traduction a valeur de ne varietur puisqu'elle tient compte des corrections et additions apportées par Coomaraswamy en vue d'une édition définitive, elle comprend un index, indispensable pour un ouvrage si dense et riche en références. Cet essai fondamental étudie et définit les natures respectives de l'autorité spirituelle et du pouvoir temporel, ainsi que les rapports qui doivent s'établir entre eux dans une société traditionnelle complète, où chaque activité, chaque fonction, exercée impersonnellement et ordonnée à la Vérité, est comparable à un autel sur lequel se déroule le sacrifice libérateur de l'individualité, indispensable au dévoilement, en chacun, de l'Homme

Intérieur. Bien que s'appuyant essentiellement sur la Révélation védique et post-védique, l'étude déborde largement le cadre du seul domaine indien et possède en réalité une valeur paradigmatique. L'auteur ne fait pas oeuvre d'historien, ni de sociologue, mais dégage, dans une perspective purement métaphysique, des principes universels, en pleine conformité avec la philosophia perennis.

 

 Le lecteur retrouvera ici, à un degré éminent, toutes les qualités propres aux derniers écrits de Coomaraswamy : une fidélité constante aux données scripturaires et une herméneutique d'une profondeur inégalée, capables d'étayer solidement toute affirmation sans pour autant solliciter les textes ; une pensée exceptionnellement dense, parfois elliptique ; une immense culture, mise au service d'un comparatisme judicieux, qui ne tombe jamais dans le syncrétisme.

Ce livre est assurément l'un des plus grands témoignages de l'intellectualité traditionnelle au XXe siècle. Il comporte un index des termes et textes sanskrits, ainsi que des noms d'auteurs cités. La Tradition s’efforça d’adoucir les afflictions de l’âge noir (Kali Yuga). Des administrations sociales furent instituées afin de pallier la déchéance de l’être humain qui ne pouvait plus comprendre sa condition libertaire originelle

 

Selon la pensée traditionnelle, le sacerdoce avait une influence positive sur la royauté afin d’œuvrer pour le bien-être spirituel et matériel des peuples. Un texte écrit par Ananda Coomaraswamy (1877-1947) nous aide à mieux comprendre la société traditionnelle : Ce n’est donc que lorsque le prêtre et le roi, les représentants humains du Ciel et de la Terre, de Dieu et de son Royaume, sont "unis dans la célébration du rite" (savrate, etc.), seulement lorsque "Ta volonté est faite sur la Terre comme au Ciel" (ce qui suppose une mimesis des formes célestes), qu’existent le don et la réception, un don et une réception qui sont en réalité l’expression non d’une égalité mais d’une réciprocité authentique. La paix et la prospérité, la plénitude de la vie dans tous les sens du mot, sont le fruit du mariage du Pouvoir Temporel et de l’Autorité Spirituelle, comme elles doivent être celui du mariage de la femme et de l’homme, quel que soit le plan de référence. Car "en vérité, quand un accouplement se produit, alors chacun satisfait les désirs de l’autre" ; et, dans le cas de l’"accouplement divin" du Sacerdoce et de la Royauté, que cela se situe dans le domaine extérieur ou en nous, les désirs des deux partenaires sont dirigés vers le "bien", ici et dans la vie d’après la mort. Il faut satisfaire simultanément les besoins de l’âme et du corps.

Mais si le roi, en coopérant avec un pouvoir plus éminent, auquel il est assimilé, devient ainsi le Père de son peuple, il n’en reste pas moins vrai que les potentialités sataniques et mortelles sont inhérentes au Pouvoir Temporel ; quand la Royauté ne poursuit que ses seuls intérêts, quand la moitié féminine de l’Administration affirme son indépendance, quand le Pouvoir prétend régner sans tenir compte de la Justice, quand la "femme" réclame ses "droits", ces potentialités mortelles deviennent réalité ; comme la famille et la maison, le roi et le royaume sont détruits et le désordre (anrta) prévaut. Ce fut la revendication de son indépendance et de sa prétention à jouir de "droits égaux" qui valut à Lucifer (qu’il ne faut pas confondre avec Lux, comme il faut faire la distinction entre le disque solaire et la "Personne dans le Soleil") d’être précipité du Ciel en Enfer et de devenir Satan, l’Ennemi ; ce fut saisi du même délire paranoïaque qu’Indra, "rendu fou par l’orgueil que lui avaient donné ses pouvoirs héroïques" (svena viryena darpitah), devint l’oppresseur des dieux (devan badhitum arebhe), et seul le Pouvoir Spirituel, Saptagu-Brhaspati, put l’éveiller (atmanam Buddhvâ) de sa stupeur. Nous connaissons également le cas du roi Soma qui, après avoir opprimé Brhaspati, se réconcilia avec lui, et celui de Nahusa, que nous voyons dans les épopées prendre un instant la place d’Indra mais dont la carrière est ruinée par son arrogance ; cf. Satapatha Brahmana où nous lisons que si le roi se laisse griser (ud va ha madyet) par l’exaltation rituelle, "qu’il tombe la tête la première" (pra va patet). De la

part de la Royauté, la présomption est à la fois destructrice et suicidaire.

Dans une société traditionnelle, l’oppresseur est excommunié et déposé légalement ; l’excommunication et la déposition peuvent être suivies d’une soumission et d’une apocatastase comme dans le cas d’Indra ou comme dans celui que réserve l’Islam pour Iblis, ou encore peuvent précéder l’installation d’un successeur plus conforme à l’idéal et dans lequel la royauté se voit renaître. Quand, dans une société non traditionnelle, l’oppresseur a été chassé par une révolution populaire, les opprimés se proposent de gouverner dans leur intérêt et deviennent les oppresseurs. La majorité opprime la minorité. L’apparition d’une ploutocratie mine ce qu’on appelle encore un gouvernement de la majorité. L’inefficacité et la corruption de la ploutocratie ouvrent la voie à la prise du pouvoir par un unique prolétaire qui devient un dictateur ou, plus techniquement, un tyran, qui ne rend même pas un semblant d’hommage à un pouvoir qui se situerait au-dessus de lui et qui, même si ses intentions sont bonnes, n’en reste pas moins dépourvu de "principes". Cette caricature de la monarchie conduit à un état de désordre (anrta) qu’il nous est facile de constater actuellement dans le monde. Il est, en fait, évident que "ce que nous appelons notre civilisation n’est qu’une machine meurtrière privée de conscience et d’idéaux" (G. La Piana dans le Harvard Divinity School Bulletin). Ce sont là les ultimes conséquences du divorce entre le Pouvoir Temporel et l’Autorité Spirituelle, la Puissance et le Droit, l’Action et la Contemplation.

 

COOMARASWAMY  -  la doctrine du sacrifice

Ananda K. coomaraswamy

Edition Dervy

 1997

Reprise de plusieurs articles écrits par cet auteur sur la notion de sacrifice la 1ère partie de ce livre concerne la tradition védique, le second présente en parallèle les mêmes thèmes à l’intérieur de la tradition celtique et à l’intérieur de la littérature arthurienne.

 

La 3ème partie reprend le thème de la décapitation et du changement de peau.

 

La dernière termine ce livre par une étude sur le sens intérieur du rite sacrificiel.

 

L’Atman est le Soi intérieur, un être spirituel et indestructible. C’est le « prodige » à l’intime de tout un chacun, la « personne ». Principe invigorant et de nature ignée, l’Atman rayonne et chauffe, il est source de vie.

Selon des traditions différentes concernant l’origine de l’atman dans chaque être humain :
L’atman entre dans le cœur de l’homme au moment de l’initiation
L’atman est une émanation de la Divinité suprême et est donné à l’homme comme une grâce
L’atman est construit progressivement par l’homme lui-même grâces aux rites accomplis.

Il ne faut pas confondre l’Atman avec le Moi des psychologies européennes. L’Atman n’est pas limité dans le temps ni dans l’espace. C’est un Soi suprême et impersonnel, à la fois incréé et impérissable. Il se cache sous l’inconscient. Les bouddhistes nient l’Atman.

 Prajâpati et la doctrine du sacrifice dans les brâhmana

Le Purusasukta est le point de départ de la théorie du sacrifice élaborée dans les brâhmana, qui datent de -1000 jusqu’à -800. Prajâpati crée le Monde par échauffement (tapas) et par émissions renouvelées (visrij), se consumant et finissant par s’épuiser totalement. Prajâpati est triplement identifié avec l’Univers, le Temps cyclique (l’Année), et l’autel du feu. Prajâpati était à la base un dieu archaïque qui sera assimilé à Purusa.

Chaque sacrifice répète l’acte primordial de la création, et garanti la continuité du monde, reprenant l’idée de la répétition annuelle de la cosmogonie. C’est la nouveauté de la théorie brahmanique du sacrifice. Le rite, sacrificiel, gagne ainsi beaucoup en importance. Selon une théorie de la constitution de l’Atman, le sacrifice non seulement assure la perpétuation du monde, mais est aussi susceptible de créer l’Atman du sacrificateur. L’autel du sacrifice est Prajâpati, et le sacrificateur devient cet autel et gagne l’immortalité.

La méditation sur l’identité Atman-Brahman est un exercice spirituel qui s’accompagne d’une expérience de la lumière intérieure (la lumière étant l’image par excellence tant de l’Atman que du Brahman). L’homme est matériel, prisonnier du karman, et pourtant possède un Atman, un Soi immortel. De même Brahman est l’Esprit Universel, mais aussi l’ensemble du monde matériel, en même temps Esprit et Nature (prakrti). Si le brahman peut être vu comme un absolu objectif, et l’atman comme un absolu subjectif, l’identité Atman-Brahman est un absolu véritable. Cette identité pousse à l’amour pour l’univers entier, car il s’agit finalement un amour pour soi-même. Si notre Moi s’identifie à l’Univers, comment se fait-il qu’il existe des individualités différentes, des choses et des êtres ? Cette multiplicité est vue comme un mal, sans elle il n’y aurait pas de souffrance.

L’identification de l’âme humaine avec l’Ame du Monde (identité Atman/Brahman) prolonge et achève la dévalorisation des dieux védiques commencée dans les brâhmana. Ils sont réduits à des génies bienfaisants, entraînés eux aussi dans le samsara, ou même à de simples illusions. Elle conduit donc au monisme et n’usurpe donc pas son nom de Vedanta (« fin du Veda »).

Les Upanisad dévalorisent également le sacrifice : sans une méditation sur l’Atman, le sacrifice n’est pas complet. Le salut par la connaissance est proclamé, en introduisant la théorie de l’avidya-karman-samsara.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Anges et Titans   -  La face obscure de l’aurore    -    Sire Gauvain et le chevalier vert :  Indra et Namuci    -      L’épouse hideuse   -      Les magiciens sans tête et l’Acte de Vérité   -    Le rapt d’une Nâgî    -       Atmayajna : le sacrifice de roi     -       Sarpabandha    - 

 

COOMARASWAMY   -   BOUDDHA.    LA PENSÉE   DE   GAUTAMA

A.K  COOMARASWAMY

Edition PARDES

 1999

Vouloir donner une idée adéquate du contenu de la doctrine bouddhique à ses débuts est une tâche qui présente de grosses difficultés.

 

Cette Loi Eternelle qui n’était en aucune façon une création intellectuelle du Bouddha par ratiocination , mais à laquelle il s’identifiait une loi enseignée par ses prédécesseurs dans de lointains passés, et qui serait encore enseignée par ses successeurs dans le futur , le Bouddha lui-même la déclare profonde et difficile à comprendre pour des auditeurs qui ont une autre formation et une autre tournure d’esprit , c’est une doctrine pour ceux qui ont peu de besoin , non pas pour ceux qui en ont beaucoup .


Dès son vivant, le Bouddha éprouva la nécessité de corriger les fausses interprétations de son enseignement ; d’expliquer par exemple, en quel sens précis c’était ou ce n’était pas une doctrine d’excision ; ce l’était dans le sens qu’il fallait retrancher l’égoïsme, le mal et la douleur ; ce ne l’était pas au sens de l’annihilation d’une réalité.

 

Et pourtant ce qu’il enseignait, c’était l’annihilation de soi-même : quiconque veut la liberté doit s’être littéralement

Siddharta Gautama Le Bouddha, fut un prince qui renonça à son trône pour partir à la recherche de la vérité. L’histoire des 80 années du Bouddha sur la Terre constitue un des plus notables événements dans l’histoire de l’humanité. Sa propre vie est le chemin à suivre pour tous ceux qui s’efforcent de découvrir la force de la création et de se libérer de toute souffrance. Tout, absolument tout dans sa vie a une profonde signification. Le nom même de Bouddha veut dire : «L’éveillé, l’Illuminé.»

Il naquit au VIème siècle av.J.C. contemporain de Socrate, Confucius et Deutero Isaias (qui eut une grande influence sur le christianisme ancien). L’apparition presque simultanée de ces grands hommes, nous instruit véritablement sur l’Esprit de l’humanité qui régnait à cette époque. Cela faisait longtemps qu’était attendu un homme tel que Siddharta Gautama. Les traditions disent que tous les 2500 ans approximativement, vient sur la Terre, un Bouddha pour faire tourner la roue du Dharma ou la Loi, ainsi les hommes chercheurs de vérité, peuvent avoir une nouvelle opportunité pour arriver à la libération. De même, la naissance du Bouddha, est décrite dans un symbolisme très semblable à celle du grand Kabîr Jésus, Maître des Maîtres. Il est raconté dans la légende, que sa Mère Maya, (qui signifie, en sanscrit, « Illusion » ou « Univers Manifesté »), vivait une période temporaire d’abstinence et de chasteté dans le Palais du Royaume de Kapilavastu, dans le nord de l’Inde.

Lorsqu’un matin, la somnolence l’emporta, ne pouvant éviter de s’allonger dans le lit royal de sa Chambre. Elle commença à avoir un rêve très spécial : La Reine Maya rêva que les quatre rois célestes, les Seigneurs des quatre directions du Monde de la Tusita, la Terre de la félicité, la soulevaient avec le lit, ils la transportèrent aux sommets de la chaîne de l’Himalaya, arrivés au point le plus élevé des hautes montagnes, la laissèrent au pied d’un arbre, appuyée respectueusement sur un côté. Arrivèrent les épouses des quatre Rois et elles la baignèrent soigneusement, la purifiant de toutes taches humaines, la portant à un lit divin avec la tête dirigée à l’Est. À l’horizon, commença à briller une étoile avec une splendeur surnaturelle, descendant et encerclant l’endroit où était Maya. Quand l’étoile toucha le sol, elle se transforma en un Éléphant Blanc qui s’approchant, prit avec sa trompe un lotus blanc et le déposa sur le flanc de la Reine, disparut en s’introduisant dans l’utérus.

À ce moment le Bodhisattva de compassion entra dans le corps de sa mère. L'Immaculée Conception, l’Esprit Saint pour les Indous, a la forme d’un Éléphant Blanc. Tout Avatar, dans les mondes internes nait de l’Esprit Saint, et Bouddha ne fut pas une exception. La Reine Maya s’éveilla et, avec une grande agitation, elle raconta son rêve à son époux le Roi Suddhodana. Et lui, à son tour demanda aux Brahmanes si le rêve était de bonne ou de mauvaise augure. Les Sacerdotes lui annoncèrent que viendrait dans sa famille un grand Être. Quelqu’un qui serait un grand Roi ou un Bouddha. Nous savons que le royaume de Kapilavastu était bien petit, déficient militairement et continuellement menacé d’envahissement par un autre royaume plus puissant. Ainsi, poursuivant l’idée que son fils continuerait à fortifier et agrandir son royaume, il prit grand soin d’éduquer son fils dans les arts de la guerre et les arts du palais. Sept jours après la naissance de Gautama, Maya, sa mère mourut.

Ici, il y a diverses explications, et dans l’une d’elles, les Brahmanes disent, que les mères des Bouddhas meurent toujours après avoir porté leurs illustres fils, parce que le ventre qui fut occupé par un Boddhisattva dans sa dernière naissance, est comme le sanctuaire d’un temple et ne peut plus être occupé. Une autre explication, plus profonde, c’est que à la naissance d’un Bouddha, l’Univers Manifesté (ou Maya) se replie et disparait. À mesure que passèrent les années, le Prince Siddharta, en plus d’étudier les tâches d’un futur roi, se consacrait chaque fois plus à des pensées profondes, se complaisant dans la Solitude et la Méditation. Mais le roi Suddhodana, désirant que son fils fût son digne successeur, fit son possible afin qu’il n’envisage pas ces questions qui lui ferait prendre le chemin de la Renonciation : Pourquoi existe-t-il la maladie ? Pourquoi nous mourrons et pourquoi nous vieillissons ?

En Inde, comme dans le monde oriental en général, autrefois, il y avait une coutume pour les hommes, quand ils avaient atteint un âge déterminé, ce qu’on appellerait aujourd’hui la retraite, ils pouvaient se retirer dans la forêt et méditer sur leur propre vie, seulement après avoir passé une étape d’apprentissage, dans une autre famille et un autre travail. En général, la première période, celle de l’étude commençait à sept ans et durait jusqu’à vingt ans ; ensuite venait une seconde phase, la plus longue de toutes, qui durait trente ans, en la dédiant à la famille, aux enfants et aux affaires, accomplissant tout cela comme un bon chef de famille. Une fois ces devoirs accomplis comme chef de famille et après avoir engendré un héritier qui occupera sa place, il avait la liberté de se retirer et vivre dans la forêt, réfléchissant avec calme sur les cinquante années précédentes, arrivant à une pleine maturité philosophique. Après avoir complété cette période d’ascétisme et de pratiques religieuses, il quittait la forêt, et passait la dernière partie de sa vie en errant d’un endroit à un autre, mendiant et dépendant uniquement d’aumônes pour sa subsistance.

L’histoire nous raconte que Sakyamuni passa très rapidement par ces quatre étapes tant étaient grandes ses aspirations pour découvrir la Source, l’Origine de l’Univers. À 16 ans, il épousa Yosodhara et engendra un fils : Rahula (qui signifie "Empêchement") - Cela fut un événement de grande importance, alors, Siddharta avait un héritier pour poursuivre la lignée à la succession au trône, et en même temps, la chance qui lui donnait l’occasion de renoncer à ses devoirs et embrasser la vie religieuse. La tradition nous donne quatre raisons qui déterminèrent Siddharta à abandonner son foyer de prince pour se dédier à la vie religieuse. En accord avec les anciens récits, Sakyamuni passait la majeure partie de son temps confiné au Palais Royal, protégé par son père, afin qu’il ne puisse ni voir ni connaitre les disgrâces de la vie. Mais en quatre occasions, il franchit les portes du palais en compagnie de son cocher.

La première fois, il rencontra devant la voiture, un vieillard, la fois suivante un infirme et la troisième, il vit un cadavre. Finalement, il repéra un homme au crâne rasé montrant des yeux sereins, c’était un pénitent qui s’était dévoué à la vie religieuse. Alors, Sakyamuni profondément bouleversé, résolut d’abandonner son foyer et d’emprunter la même existence que cet homme avec la ferme intention d’investiguer sur quelle était la cause de toute souffrance : maladie, vieillesse et mort. La légende qui fait référence aux quatre sorties en dehors du palais exprime de manière symbolique, le processus d’éveil des quatre saintes vérités que nous étudierons plus loin. Comme cela devait être, Sakyamuni avait découvert la douleur et la souffrance de son peuple. Il savait que la force militaire ne peut jamais offrir une solution durable au problème des souffrances humaines, il n’essaya pas d’avoir recours aux armes pour aider son peuple, mais plutôt, cela le poussa à prendre le chemin qui, il l’espérait, le conduirait à la véritable Libération.

Avant de se convertir en un roi qui exerce un pouvoir politique dans le monde temporel, il décida de se convertir en un roi philosophe avec l’ambition métaphysique de solutionner la cause de toute souffrance. Ainsi, après les quatre signes, Sakyamuni, suivant les coutumes de l’époque mais très rapidement, il commença sa démarche spirituelle suivant les ordres qui provenaient du lieu le plus intime et profond de son Être. Une nuit, accompagné de son cocher, il sortit du palais, une fois éloigné de celui-ci, il fit ses adieux à son serviteur et ami et on raconte que son cheval mourut de peine, peu de jour après, d’être séparé de son maître, Gautama. Siddharta changea ses luxueux vêtements pour d’autres plus humbles et coupa ses cheveux, commença à marcher vers la forêt à la recherche de la Vérité.

À cette époque, le Brahmanisme était en pleine remise en question, ayant une multitude de sectes et d’écoles de tous les goûts, dans lesquelles chacun embrassait sa propre démarche pour la libération de la douleur en ce monde. Il y avait par-dessus tout, de nouveaux penseurs qui apportèrent des pratiques religieuses basées sur différentes philosophies et repoussèrent délibérément la tradition, les conduisant à des pratiques d’un ascétisme extrême comme de s’assoir dénudé au soleil en pleine chaleur ou manger seulement des herbes sauvages, etc. Ces gens furent en ce temps-là, de purs contestataires, comme de nos jours, les « hippies », seulement, eux, ils étaient beaucoup plus drastiques. Siddharta apprit rapidement que le monde était plein d’une infinité de religions. Ces dévots religieux se torturaient eux-mêmes avec l’idée d’éviter l’accomplissement d’un karma.  D’autres priaient un Dieu avec l’espoir qu’il les libèrerait de leurs péchés et leur permettrait de naître dans un monde céleste. D’autres cherchaient l’émancipation à travers la discipline mentale, les bonnes œuvres et l’assiduité aux rituels cérémoniaux. Laquelle de ces méthodes de salut, s’il y en avait une, était efficace?

À cette époque, vivaient deux Brahmanes, ermites, au pied d’une petite montagne et Sakyamuni décida de suivre leurs enseignements. Ces sages ermites orientaux étaient considérés comme des personnes d’une grande sagesse et d’un grand pouvoir. Ils étaient capables de voler dans les airs à grande vitesse, de marcher sur les eaux, et d’autres rares prouesses. Ces ermites étaient considérés comme de grandes autorités en matière de religion et métaphysique. Pour cela, Sakyamuni les a élus comme maîtres. Là, il entra pleinement dans la pratique du yoga qui caractérise la troisième phase de la vie de n’importe quel oriental; atteindre la concentration mentale, l’introspection en son propre être interne et la véritable émancipation du corps par le contrôle psychique. En ce temps-là, on considérait le yoga comme un moyen pour se libérer des souffrances inhérentes à la condition humaine.

Ces ermites lui enseignèrent les disciplines de la méditation qui, plus tard, imprégneront les pratiques du bouddhisme. Ces techniques s’appelaient: «Atteindre la sphère du néant » et « le lieu où il n’y a ni pensée et ni absence de pensée». Comme nous disions, ces états de concentration resteront ensuite intégrés dans les méthodes bouddhistes de méditation et de discipline, mais, dans les dix étapes pour progresser vers l’état de Bouddha, ils étaient des étapes plus inférieures, car ces méditations ne conduisent pas à calmer ni cesser les passions, ni à la tranquillité, à l’éveil suprême ou à la libération totale, sinon seulement, à la « sphère du néant ». L’objet de la recherche de Sakyamuni était une sorte d’illumination qui pourrait libérer l’humanité des souffrances qui entrainent le cycle des naissances et des morts. Comprenant que ces méthodes ne le conduiraient pas au but qu’il aspirait, Sakyamuni les abandonna et se livra aux pratiques ascétiques. Comme nous l’avions commenté, Sakyamuni, convaincu qu’il n’atteindrait pas l’illumination à laquelle il aspirait en suivant les préceptes des maîtres Yogis, il décida de se livrer à d’autres pratiques ascétiques. La tradition nous dit que ce fût alors, entre 6 et 10 ans du plus pur ascétisme. La même source nous indique qu’il alla dans une forêt près du hameau de Sena, dans lequel s’étaient réunis des Brahmanes qui avaient abandonné leurs familles et étaient des pratiquants très austères.

La pratique de ces austérités, de même que la médiation Yoguique, était considérée comme une méthode pour atteindre le progrès spirituel et on y avait recourt, fréquemment. L’on se proposait de soumettre le corps à diverses méthodes et processus de mortifications, ainsi, on apprenait à supporter la douleur et l’on pouvait atteindre la libération totale de l’Esprit. Ces disciplines étaient classées en diverses catégories : celles relatives au contrôle du mental, à la suspension de la respiration, au jeûne total et à la diète sévère. L’exercice de suspendre la respiration était considéré comme un des plus difficiles, premièrement, on se concentre pour empêcher que la respiration entre et sorte à travers les narines et la bouche. On pourrait supposer que cela conduit à la suffocation, mais quand on bloque les orifices du nez et de la bouche, on commence à respirer par les oreilles. On affirme que cela provoque un fort bourdonnement dans les oreilles et une douleur intolérable. Et quant au jeûne, plusieurs désincarnèrent durant cette pratique. Sakyamuni croyait, comme d’autres chercheurs, que s’il n’expérimentait pas les souffrances et les épreuves de ces pratiques, qu’il ne pouvait espérer un véritable progrès spirituel. Quand Sakyamuni se souvenait de cette période de sa vie, il dit, selon ce qui est cité dans les écrits, qu’aucun Brahman passé, présent ou futur n’avait souffert ni ne souffrirait des épreuves d’auto-tortures qu’il s’affligea à lui-même et que sans crainte de se tromper cela ne lui avait pas permis d’atteindre l’illumination.

Ainsi, Gautama abandonna ces pratiques et décida de s’efforcer dès lors de ne vivre ni à un extrême ni à un autre, alors il comprit la signification profonde du Chemin du Milieu. Il rejeta ce chemin où la vie le fit arriver au milieu d’un somptueux palais et où la vie le mena à de sévères pratiques ascétiques alors que ces deux formes appartenaient au dualisme. Le chemin du milieu est l’équilibre qui nous conduit fermement à la libération. Après avoir pratiqué les plus sévères austérités de son époque sans atteindre pour autant l’illumination, Sakyamuni se résolut à abandonner ces pratiques. Il commença par récupérer ses forces si gravement atteintes par les souffrances des privations. Les sculptures bouddhistes représentaient Sakyamuni à cette époque complètement amaigri. D’après la légende, Gautama alla se baigner dans la rivière pour se laver de toutes les saletés qu’avait accumulé son corps et commença par manger d’abord du riz et à s’alimenter chaque fois mieux, jusqu’à la récupération totale. Il laissa la forêt et, les disciples qui le suivaient, l’abandonnèrent en l’accusant d’avoir dévié et de s’être épris de la vie facile. Avec la ferme intention de trouver la racine de toute souffrance, il s’assit au pied d’un figuier Banian, le figuier hindou, décida de ne plus se lever de cet endroit, tant que ne tomberait pas la peau et la chair de son corps, tant qu’il ne trouverait pas la solution ; la découverte de la réalité ultime de toute chose. De sorte que Sakyamuni demeura assis sur la plage à l’ombre de l’arbre, résolu à trouver ainsi l’illumination.
Il adopta la posture appelé du Lotus, qui était la façon habituelle de s’assoir pour les pratiques de méditation.


Ici, les écritures nous parlent des tentations de Mara. La tentation de Mara est très importante dans tout processus initiatique de l’illumination. Selon les écritures, Mara, qui signifie « Le ravissement de la vie », qui n’est pas autre chose que l’égo psychologique, les éléments inhumains qui, en notre intérieur, nous portons d’existence en existence. Mara était alarmée devant la perspective du triomphe de Gautama, et elle dit au futur Bouddha: «Maigre et pâle comme tu es, te voilà proche de la mort. Tu n’as qu’une possibilité de survivre entre mille. Tu devrais vivre, car c’est seulement en étant vivant qu’il te sera possible de réaliser de bonnes actions. Mais tous tes efforts actuellement sont vains et inutiles car le chemin qui conduit au véritable Dharma est dur, pénible et inaccessible». À plusieurs reprises, Mara s’adressa à Gautama de cette manière, souhaitant le décourager, mais il demeura impassible jusqu’à vaincre celle qui est appelée démon intérieur ou les intimidations et résistances de l’Égo. L’illumination se vérifia à l’aube, à l’approche du lever du jour, l’œil de la sagesse devint d’une sublime clarté, et quand commença à briller l’étoile du matin, Sakyamuni sentit que toute sa vie était comme un éclatement, en un instant, il distingua la réalité ultime de toute chose. À ce moment, il se convertit en un Bouddha. À la tombée de la nuit, après avoir passé par les quatre états de Dhyana ou d’intense méditation, il atteignit le premier degré: indifférence des sentiments, ensuite, le second degré qui se distingue par une complète concentration du mental et une sensation de joie. Au troisième degré, il se sentit submergé dans la paix et la sérénité sans limites et au quatrième degré, il atteignit un état de suprême pureté, au-delà de toute souffrance et de tout plaisir, de toute peine ou de joie.

Après avoir réussi une complète domination des quatre degrés de Dhyana, il alla à la découverte de l’origine de toute souffrance. Et on dit qu’en cette nuit-là, il se souvient de sa première, seconde et troisième vie et ainsi il se souvint des milliers d’existences en d’innombrables Aéons et il sut quel genre de mort il avait eu dans une vie et dans une autre, et quel genre de vie, qu’elles soient joyeuses ou malheureuses. Cela, il le vit, il l’expérimenta vivement avec l’œil de la sagesse complètement ouvert. Les enseignements du Bouddha nous parlent des six règnes par lesquels l’âme passe de l’un à l’autre sans atteindre la libération finale... Ensuite, dans la seconde partie de la nuit, il vit le monde entier et il vit la mort et la renaissance de toutes les créatures qui naissent et meurent selon ses actions accumulées ou karma. Ces êtres dont les actes étaient condamnables passaient par une période de misère, ceux dont les actions avaient été bonnes, gagnaient un lieu dans le triple ciel. À ce moment, il comprit la loi du karma qui gouverne l’univers. Dans la troisième partie de la nuit, vint la vérité ultime: Les douze causes de l’Éternel retour, qui sont la véritable cause de l’origine de toute souffrance. Il comprit les quatre Saintes Vérités et la façon de demeurer au-delà de l’aspect transitoire et de l’impermanence de toute chose, qui est le noble et l’octuple sentier.

Ainsi, Gautama se convertit en Bouddha. Et tout ce qui arriva en cette nuit-là, fut la base de tout son enseignement à ses disciples. Ayant trouvé l’origine de toute souffrance, il se proposa de la diffuser à toute personne réceptive de ces temps, des gens, d’autre part, très avancés spirituellement et pouvant atteindre l’illumination momentanément, simplement en écoutant ses révélations de façon claire et simple. Tous ces enseignements, il les nomma: La roue du Dharma ou la Loi. Puisque, qui arrive au bout, parviendra à faire Un avec la loi et avec le Père, étant bien au-delà des naissances et des morts, des plaisirs et des souffrances, sans égos, sans attachements, sans désirs. Il atteignit enfin la Béatitude, l’état de Bouddha.

 

coomaraswamy  -  la signification de la mort « meurs avant que tu ne meurEs »

a.k. coomaraswamy

Edition Arché

 2001

Qui est Satan ? Où est l’enfer ? Que devenons-nous après la mort ? Des débuts de pistes sont ici présentés à partir de textes hindous, platoniciens et néo-platoniciens. Ceci est important si on veut évoluer dans des degrés de connaissance en vue de sa libération définitive.

 

Que devenons-nous après la mort ? ». La réponse à cette question dépend de ce que l'entend par "nous". Précisément, la Tradition considère en "nous" une nature céleste, spirituelle, immortelle et une nature terrestre, corporelle, mortelle. La nature céleste peut être comparée à l'Intellect-Roi impassible qui se tient dans un char dont, normalement, la nature terrestre figurée par la Raison devrait maîtriser la fouge passionnelle des chevaux. En fait, actuellement, par suite de la Chute originelle et du devenir centrifuge de l'humanité, les puissances individuelles de l'être humain sont insoumises, voire rebelles à leur Seigneur et à leur Guide.

 

Toutefois, l'état primordial peut être rétabli, virtuellement sinon réellement, moyennant une régénération et une initiation, permettant de parcourir, en partie ou en totalité, la Voie des Ancêtres ou la Voie des Dieux dans le but de parvenir à l'ensevelissement final dans l'Océan de la Possibilité infinie. Dans ces conditions, on prend conscience de la complexité des diverses situations à envisager pour caractériser le devenir posthume de ce "nous" impliqué dans la question ci-dessus.

 

Les études de ce recueil s'appuient sur les écrits hindous, platoniciens et néoplatoniciens pour élucider cette question de "psychologie traditionnelle». Celle-ci a, en effet, une importance capitale pour l'homme et son évolution posthume selon les degrés de connaissance qu'il aura acquis, et les étapes qu'il aura atteintes dans son "voyage divin" en vue de sa libération définitive.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Sur la psychologie, ou plutôt la pneumatologie dans l’Inde et dans la Tradition    -   Qui est Satan et où est l’enger ?    -    La signification de la mort   -    « Socrate est vieux » implique-t-il « Socrate est ? »     -    Mahâ Purusha comme « Suprême identité »     -    Les aspects Bhakta de la doctrine de l’Atman    -    Le Déluge dans la tradition hindoue    - 

 

coomaraswamy   -    une nouvelle approche des vedas

a.k. coomaraswamy

Edition Arché

 1994

C’est un essai de traduction et d’exégèse que nous propose l’auteur. Grâce à René Guénon, A.K.C. reçut et accepta l’idée d’une vérité métaphysique universelle et unique. Il fait des rapprochements entre les écritures védiques et le christianisme, réservant une place de choix à Maître Eckhart, Dante, Boehme, St Thomas, St Augustin, le Taoisme et l’Islam. À un ami chrétien tenté par la « mode » de l’Inde, il répond « Pourquoi chercher la sagesse en Inde ? La valeur pour vous de la tradition orientale n’est pas celle de la différence mais le fait qu’elle peut vous rappeler ce que vous avez oublié ».

 

Les Hindouistes n’ont pas de Livre Sacré comme la Bible pour les Chrétiens ou la Thora pour les juifs. Les hindouistes ont des « textes sacrés » appelés « Védas » qui furent rédigés par la communauté Indo-aryenne il y a des milliers d’années. Les Védas sont les plus anciens textes religieux au monde. Ils sont à l’origine du Védisme, religion mère de l’hindouisme ainsi que de la philosophie Vedanta. Les idées exprimées dans les Vedas furent tout d’abord transmises oralement de père en fils puis de professeur à disciple ; Ces enseignements oraux dateraient du 16ème siècle avant J.C. et s’étendraient avec l’apparition de l’écriture de 5000 à 1500 avant J.C. Pour les hindouistes, les Védas sont les témoins de la fondation et de l’évolution spirituelle du monde, ils constituent un corps de référence pour tous les hindous.


L’invasion Aryenne et la naissance du Védisme : Vers -1900 un cataclysme engloutit un continent situé au sud de l’Inde et à l’est de Madagascar dans l’Océan Indien. Un peuple, qu’on nommera dravidien (cf. : photo ci-dessous) s’installe en Inde. C’est en -1700 que leur civilisation fut en partie décimée par des envahisseurs Aryens venus d’Asie Centrale et du Caucase. Ils furent repoussés au sud de l’Inde ou mêlés aux aryens. Les dravidiens ne sont pas hindouistes au sens propre (pas de littérature védique ni de système des 4 castes) mais influencèrent beaucoup les pratiques religieuses de l’hindouisme. Ils sont pour la plupart brahmanistes. Aujourd’hui on les connaît plus sous le nom de Tamouls.

Les Aryens étendirent durant deux siècles leurs conquêtes sur les anciennes peuplades du sud-ouest de l’Inde et devinrent les Indo-aryens. Ils amenèrent avec eux leur religion, le Védisme et il est vrai que dans un premier temps, les habitants des régions envahies n’eurent pas d’autre choix que de vénérer leurs dieux et d’adopter leurs rites. Le Védisme se résume à l’ensemble des croyances et des comportements rituels qui se sont développés en Inde à la suite de l’immigration des populations aryennes. Leur principale divinité s’appelait Indra, Seigneur de la guerre et dieu de la foudre. Les sacrifices humains et animaux avaient une grande importance dans la religion védique, les prêtres allant jusqu’à boire du sang accompagné de vins alcoolisés ainsi que de Soma, une plante aux vertus hypnotiques.

Pourtant, pendant longtemps la religion védique fut apparentée en Inde à la violence et au mal. Il faudra attendre -650 pour que les mentalités changent et que les divinités soient perçues autrement. Grâce à l’enseignement d’ouverture des Brahmanes, c’est-à-dire des prêtres et religieux de l’Inde, qui, par leur refus de la violence et par l’exemple de leur sainte vie démontrèrent que les dieux étaient « bons » et toléraient les plus faibles, les soutenaient et contribuaient à la recherche de la perfection d’une civilisation. Cette foi en la renaissance spirituelle fit naître successivement l’Hindouisme, le Bouddhisme et le Jaïnisme qui remplacèrent le culte Védique. Ce peuple est à l’origine de langues telles que ce que l’on appelle aujourd’hui le kurde, l’iranien, le perse ou encore l’albanais. Ils rédigèrent les Védas, leurs textes sacrés en langues Sanskri, Veda signifiant Connaissance.


Les Vedas, textes Sacrés : Les textes sacrés sont divisés en deux catégories : celle formant la Çruti (textes transmis par la puissance divine) et celle formant la Smriti (textes transmis par la mémoire des hommes). La Çruti est composée des 4 textes sacrés de l’Hindouisme : les Védas. On trouve donc le Rig-Veda (« sagesse des versets » en langue Sanskri) qui est le texte le plus ancien et le plus important. Ensuite vient le Yajur-veda (« Sagesse des Sacrifices ») qui est le livre des formules rituelles. Puis vient le Sama-Veda (« Sagesse du Chant ») qui est le livre de chants. Enfin vient l’Atharva-Veda (« Sagesse des prêtres Arthavan ») qui est un ensemble de 20 livres de formules magiques destinées à apporter la réussite. Ensuite, chaque Veda est divisé en quatre parties.

Les Samhitâs généralement écrits en vers, sont les recueils de base dont découlent les autres. Les Brahmanâs qui sont des textes liturgiques et de rituels. Ils mettent en lumière les liens existants entre les rituels et la mythologie en s’appuyant sur la symbolique, mettant le sacrifice au centre du fonctionnement de l’univers.

Les Aranyakas ne concernent que les initiés et présentent des réflexions plus théologiques portées sur le rôle de la religion, en mettant en perspective les relations entre le sacrifice, le cosmos et l’homme.

Enfin, les Upanishads sont des traités d’inspiration philosophique qui s’adressent également aux initiés et qui s’attardent sur une vision plus théorique que pratique.


Bien qu’elle l’ait inspiré, la religion védique est très différente de l’hindouisme d’aujourd’hui. Par exemple les femmes pouvaient jouer un rôle en tant qu’autorité religieuse avec l’existence de femme rishis. Les Rishis sont une sorte de combinaison de patriarche, de prêtre, d’ermite et de saint ; ils sont ceux qui ont « entendu » les hymnes du Veda de l’être suprême Brahman tandis qu’ils étaient dans une méditation profonde. Une autre différence entre le Védisme et l’Hindouisme est le manque apparent de croyance en la réincarnation. La réincarnation dans l’hindouisme est en fait un héritage de la culture dravidienne. Ainsi l’hindouisme dans son sens le plus commun, est le fruit d’un mélange de croyances et de cultures. Le védisme est aussi à l’origine de la naissance d’un mouvement philosophique que l’on appellera le Vedanta.

Le Vedanta (du Sanskri ‘Veda’, ‘connaissance’ et ‘anta’, ‘fin’) est une doctrine philosophique qui découle des enseignements védiques. Elle fait partie des six darsanas qui constituent la doctrine métaphysique indienne. Darsana signifie « voir juste », ainsi les différentes manières d’appréhender le monde sensible ainsi que les êtres humains constituent les différents darsanas. Le Vedanta se consacre à la lecture et à l’interprétation des écrits védiques, essentiellement ceux de la partie finale des Vedas, c’est-à-dire les Upanisads. La philosophie védantique n’est liée à aucune croyance sous forme d’idée reçue, elle est une évolution de la pensée à travers la recherche de la place de la conscience pure. En effet, le territoire du mental est l’indice de l’existence d’une unité non-matérielle, la conscience qui est une entité dont l’existence bien qu’évidente n’est pas l’objet de la perception humaine. On distingue deux niveaux de conscience humaine : l’une est l’objet de la perception intérieure (la joie, la tristesse, le doute, etc.) qui est le « je » multiforme ; l’autre niveau de conscience est celui nécessaire à la perception de la première. Cette conscience ne fait l’objet d’aucune perception intérieure et est appelée « Cit » dans le Vedanta.

Le sujet principal du vedanta est Brahman, c’est-à-dire la ‘conscience pure’. Le vedanta enseigne que le Soi est connu illusoirement sous la forme d’une conscience limitée et fragile : l’Ego. Ainsi, « la découverte du Soi élimine tous les voiles d’ignorance qui font obstacle à la Conscience pure et à la Joie qui en découle » déclarait Swami Shraddhananda Giri, chercheur et professeur de Sanskri. Les enseignements sont écrits sous forme d’aphorismes d’approche difficile sans l’aide d’interprétation. La doctrine Vedanta a entre autre donné naissance à diverses écoles de philosophie indienne dont la plus importante est l’Advaita fondée par Shankaracharya, un des plus grands maîtres spirituels de l’histoire de l’hindouisme.


Une différenciation est à faire entre les textes sacrés Veda et les textes sacrés de religions telles que le Christianisme ou la religion Musulmane. En effet, les textes sacrés des autres religions relatent les faits et gestes d’un prophète et sont écrits de la main de l’homme alors que les textes védiques sont simplement la retranscription phonétique du langage de la nature. Un érudit déclarait : « on n’a pas commencé à écrire les textes parce que la tradition commençait à se perdre, mais la tradition a commencé à se perdre quand on a commencé à écrire les textes ». Il est dit qu’à l‘époque védique c’était le Paradis sur Terre. Les hommes se contentaient de chanter, d’expliquer et de décrire la simple réalité de la vie, l’essence même de l’univers. Le passage des Védas à l’écrit est également problématique au niveau de la traduction qui ne fait que déformer le message propre. Le « Véda est pour l’être humain » et ses principes ne doivent pas être traduits ni commentés afin de ne pas en perdre la signification profonde.

 

COOMARASWAMY  -  l’Arbre inversÉ

Amanda K. coomaraswamy            Traduction G. LECONTE  

Edition Arché Milan 

 1998

Comme tout symbole celui de l’arbre est double. Ce grand penseur nous livre ici sa vision du symbole de l’arbre qui inversé est le reflet et la continuité de l’arbre debout.

 

Les hommes disent que l'Ashvattha, l'arbre sacré éternel, croît avec sa racine vers le haut et ses branches vers le bas, et que ses feuilles sont les Veda ; celui qui connaît cette vérité connaît les Veda ». Dans ce verset de la Bhagavad Gîtâ  (XV, v. 1), Krishna évoque un symbole employé par les hommes pour représenter l'Univers comme un courant éternel d'évolution, émanant d'une Source immuable.

Bien qu'immuable en elle-même, cette Source produit le changement en des différenciations qui ne cessent de croître tout au long de la grande période de manifestation. La limite de différenciation une fois atteinte, la même impulsion absorbe graduellement toutes les différenciations pour retourner à l'homogène. La Doctrine Secrète symbolise ce processus évolutif d'une manière poétique par le « Grand Souffle », avec ses expirations et inspirations périodiques. Cependant, ni l'« expiration », ni l'« inspiration », ni les deux ensemble ne décrivent ni ne constituent le Grand Souffle, car ce sont des actions dues à Cela qui a le pouvoir d'agir ainsi. Comme le dit Krishna dans ce chapitre : « C'est l'Esprit Primordial d'où s'écoule le flot ininterrompu de l'existence conditionnée ».

« Ce n'est pas ainsi que sa forme est comprise par les hommes ; cet arbre n'a pas de commencement, son état actuel ne peut être compris, et il n'a pas de fin » (B.G., XV, v. 3). Cette phrase peut être mieux comprise en tenant compte de ce que dit le second paragraphe du chapitre (v. 7) : « C'est seulement une fraction de moi-même qui, ayant assumé la vie dans ce monde d'expérience conditionnée, rassemble les cinq sens et le mental afin d'obtenir un corps et de pouvoir le quitter ». Ce pouvoir de rassembler et de disperser est celui de l'Esprit Suprême ; c'est le Soi, l'Homme Réel, « une fraction de moi-même » dans chaque forme humaine, comme dans toutes les formes. »

« Si tu veux croire au Pouvoir qui agit au sein de la racine de la plante ou que tu imagines la racine enfouie sous terre, tu dois penser à sa tige ou son tronc, et à ses feuilles et ses fleurs. Tu ne peux imaginer ce Pouvoir indépendamment de ces objets. La vie ne peut être connue que par l'Arbre de Vie ... » (Préceptes du Yoga). L'idée de l'Unité Absolue serait totalement rompue dans notre conception, si nous n'avions pas quelque chose de concret devant nos yeux pour contenir cette Unité. Et le divin étant absolu, doit être omniprésent ; ainsi tout atome ne peut que LE contenir en lui-même. Les racines, le tronc et ses nombreuses branches constituent trois objets distincts, cependant ils sont un seul arbre. »

Ainsi, au début de leur existence conjointe en tant que symbole de l'Être Immortel, l'Arbre et le Serpent étaient en fait des représentations de l'imagerie divine. L'arbre était inversé, et les racines prenaient naissance au Ciel et se développaient à partir de la Racine sans Racine du tout-être. Le tronc crût et se développa en traversant les plans du Plérome, il projeta latéralement ses branches luxuriantes, tout d'abord sur le plan de la matière à peine différenciée, puis vers le bas jusqu'à ce qu'elles touchent le plan terrestre. Ainsi, l'Ashvattha, l'arbre de Vie et de l'Être, dont la destruction seule conduit à l'immortalité, est dit dans la Bhagavad Gîtâ (chapitre XV, v. 1)) croître avec ses racines en haut et ses branches en bas. Les racines représentent l'Être Suprême, ou la Cause Première, le Logos; mais il faut aller au-delà de ces racines pour s'unir à Krishna qui est, comme le dit Arjuna (chapitre XI, v. 37) « supérieur à Brahman, et la Cause Première... l'indestructible, ce qui est, qui n'est pas, et qui est au-delà d'eux ».

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« C'est seulement lorsque ses purs branchages touchèrent la boue terrestre du jardin d'Éden, de notre race Adamique, que cet Arbre fût souillé par le contact et qu'il perdit sa pureté primitive ; et que le Serpent de l'Eternité – le Logos, né-au-Ciel – a finalement été dégradé. Jadis -- à l'époque des Dynasties divines sur Terre – le Reptile qui suscite aujourd'hui l'horreur était considéré comme le premier rayon de lumière qui irradiait des abysses du Mystère divin  Jusqu'alors l'Arbre resta toujours vert, car il était arrosé par les eaux de la vie ; le grand Dragon, toujours divin, tant qu'il était retenu dans l'enceinte des champs sidéraux. Mais l'arbre grandit et ses branches inférieures touchèrent finalement les régions infernales – notre Terre. Alors le grand serpent Nidhögg – celui qui dévore les cadavres des pécheurs dans la « Salle de Misère » (la vie humaine)  aussitôt qu'ils sont plongés dans le chaudron des passions humaines – rongea l'Arbre du Monde. Les vers de la matérialité recouvrirent les racines auparavant saines et puissantes et, remontent maintenant de plus en plus haut le long du tronc... »

 

coOMARASWAMY  -  HINDOUISME  ET  BOUDDHISME 

Ananda K. Coomaraswamy

Edition  Folio

 2005

Fils d'un juriste d'origine indienne et d'une Anglaise, Ananda K. Coomaraswamy naquit à Colombo (Sri Lanka), le 22 août 1877. Il fit ses études en Angleterre et se tourna d'abord vers les sciences: en 1903, il fut nommé directeur des recherches minéralogiques de l'île de Ceylan. Bientôt cependant il consacra ses efforts à créer un mouvement pour la constitution dans l'Inde d'un enseignement national. Déçu par l'action politique, il se spécialisa finalement dans les questions d'art. En 1911, il dirigeait la section artistique des United Provinces Exhibits à Allahabad. Pendant la Première Guerre mondiale, il fut appelé au Muséum of Fine Arts de Boston pour faire partie du personnel scientifique; et il resta jusqu'à la fin de sa vie dans cet institut, où il était spécialement chargé du département des arts de l'Islam et du Moyen-Orient. Il projetait de rentrer en Inde et commençait à s'y préparer lorsqu'il mourut subitement le 9 septembre 1947.

Sa puissance de travail et d'assimilation était prodigieuse. Il savait une dizaine de langues, peut-être davantage: un des premiers travaux de ce Cinghalais fut une traduction anglaise de la Völuspa, faite d'après le texte islandais de la plus ancienne version de l'Edda.

Son oeuvre est considérable et répartie dans une quarantaine d'ouvrages et plusieurs centaines d'articles, ceux-ci ayant été publiés dans de nombreuses revues d'Amérique, d'Inde et d'Europe. L'art de l'Inde y tient la première place. En français furent publiés Les Sculptures çivaïtes (en collaboration avec A. Rodin, E. B. Havel et V. Goloubew, 1921), La Danse de Shiva (1924), Les Arts et Métiers de l'Inde et de Ceylan (1924), Pour comprendre l'art hindou (1926), Les Miniatures orientales de la collection Goloubew (1929), La Sculpture de Bodhgayâ (1935). Son principal ouvrage dans le domaine de l'art demeure ses Eléments of Buddhist Iconography (1935), où l'interprétation symbolique de l'art bouddhique tient la plus grande place.

On ne peut, en effet, s'occuper d'art oriental sans se poser la question du sens de ses formes. Et, pour y répondre, il faut connaître les "mythes" et les Écritures. L'interprétation directe des textes védiques et bouddhiques devint un des sujets d'étude de Coomaraswamy et prit, à partir de son travail A New Approach to the Vedas (1933), une place croissante dans son oeuvre.

Bien qu'il ait traité d'un très grand nombre de sujets, peut-être son souvenir restera-t-il plus particulièrement attaché au thème des Dieux et des Titans, à celui de l'Arbre renversé, auquel il a consacré une magnifique étude, enfin à celui du "Soi" et de la transmigration. Ce dernier sujet lui a fourni, comme on le sait, l'occasion de rétablir la véritable signification du Bouddhisme originel, qui avait été dénaturée par les orientalistes. Les principales conclusions de ses recherches ont été réunies dans Hindouisme et Bouddhisme (1943), grand classique de la "Philosophia Perennis" qui reste comme son testament intellectuel.

Tous les deux ayant vu le jour en Inde, la doctrine de Bouddha est une remise en question de l’Hindouisme à qui elle reproche une iconographie déconcertante avec ses milliers de dieux. En effet, Bouddha ne reconnaît aucun dieu à qui s’adresser pour implorer un quelconque pardon ou pour obtenir le salut. L’homme est le seul maître de son destin. Par ailleurs, les bouddhistes évitent de se perdre dans les spéculations sur l’origine du monde, ignorant ainsi tout concept d’un dieu créateur, contrairement aux hindous qui ont leur Brahma considéré comme le premier créé et source de toute chose.

La réincarnation : S’ils partagent le même idéal qui est la libération de l’homme du cycle des réincarnations, le Bouddhisme et l’Hindouisme n’en n’ont pas la même conception. Le premier renie l’existence d’une âme passant d’un corps à l’autre à travers la réincarnation de par le principe d’impermanence, ce que les hindous proclament. D’autres différences mineures peuvent séparer les deux courants, comme le système de castes inhérent à l’Hindouisme, mais qui est totalement ignoré du Bouddhisme. Il en va de même de la langue : le Vepa constituant les écritures sacrées hindouistes est rédigé en sanskrit, à l’inverse du Tripitaka des bouddhistes, qui lui est écrit essentiellement en pali. Et l’on se demande pourquoi l’Hindouisme, qui est reconnue comme la plus vieille religion du monde, malgré ses 750 millions d’adeptes, ne connaît pas la même popularité en Occident que celle du Bouddhisme qui y continue actuellement de faire de plus en plus d’adeptes.

 

coomaraswamy  LA  DANsE  DE ÇIVA  - 14  ESSAIS SUR L’INDE  -

Ananda K. Coomaraswamy

Edition   L’Harmattan

 2000

Coomaraswamy est un de ces géants hindous qui, nourris comme Tagore de la culture d'Europe et de celle d'Asie, se sont attachés à travailler pour l'union des pensées d'Orient et d'Occident pour le bien de l'humanité. Son livre, dans une suite de quatorze essais, a pour objet de montrer la puissance de l'esprit à travers l'ample et calme métaphysique de l'Inde ainsi que les réponses que l'Inde a données aux problèmes de la vie.

 

Tout hindou considère Shiva comme "Le Bienveillant Seigneur". Or, chacun sait que Shiva est aussi le puissant Dieu Destructeur dont la danse Cosmique signe la fin des Mondes. Pour éclairer cette apparente contradiction, on doit rappeler que pour l'hindouisme, Création-Préservation-Destruction du Monde sont organisés selon un cycle qui se répète dans un intervalle de temps gigantesque. De même, au niveau de la destinée humaine individuelle, il n'est aucun progrès spirituel qui ne demande le démantèlement de nos convictions ou attitudes.

 

Dans un langage plus simple, pour devenir meilleur, il faut éliminer ce qui est moins bon, détruire pour reconstruire. Et l'élimination, c'est le travail de Shiva. Shiva est donc moins un Destructeur qu'un Transformateur, Celui qui, ayant éradiqué ce qui n'est pas adéquat en nous, nous permet de progresser. C'est pourquoi il est fondamentalement Bon et Bienveillant, même si les transformations auxquelles il nous invite sont douloureuses.

 

En ce sens, les épreuves de la vie, qu'elles soient fortuites ou conséquences de karma antérieurement acquis, peuvent, et même doivent, être comprises et vécues comme des opportunités de changements qu'il faut accepter. C'est souvent, sinon toujours, difficile. Nos conceptions d'occidentaux nourris d'idées sur le bonheur fabriquées par notre société de consommation, attachés au désir de "tout et tout de suite", font que ces façons de voir le monde sont difficilement acceptables.

 

Parmi les voies de transformation de l'être humain, le Yoga groupe un ensemble de méthodes élaborées sur le sol indien au fil des millénaires. On ne s'étonnera donc pas que Shiva soit la divinité d'élection des Yogi, puisque les pratiquants du Yoga visent une transformation radicale de leur être pour atteindre la fusion avec le plan divin (samadhi). Bien entendu, on ne pense pas ici aux formes "allégées" de Yoga que proposent la grande majorité des écoles de Yoga en Occident car elles ne transforment pas grand-chose. Au demeurant, le voudraient-elles qu'elles n'y parviendraient pas car les élèves baignent dans un environnement social, culturel, familial, etc. qui les lie... En un sens, c'est heureux, car ils ne sont pas prêts, sinon à être bernés par des sectes...

 

Les aspects, les formes de Shiva apparaissent soit bienveillantes, soit sévères selon la fonction qu'elles assument. Les formes sévères, qualifiées aussi de terribles, invitent aux changements, dissipent l'ignorance, détruisent ce qui est mauvais, ce qu'en langage imagé l'on nomme les démons. Ces formes sont regroupées sous le nom de Rudra. C'est pourquoi Shiva est le dieu des champs de bataille, des champs de crémation, des carrefours dangereux. Il y est souvent accompagné de démons, d'esprits malfaisants et de fantômes.

 

Shiva est "Celui qui est bon", ou encore "le Seigneur qui prête chance". Shiva-Rudra est Celui qui détruit le démon et la tristesse. Shiva-Shankara est le témoin de ce qui est bon. Shiva est "tri-netra", c'est à dire "le Seigneur aux trois yeux" pour voir l'Invisible. Il est aussi "Nila Kantha", "le Seigneur au cou bleu", en référence à la légende rapportant qu’il aurait bu le poison pour sauver le monde de la destruction. Shiva-Nâtarâja est le danseur cosmique et Shiva-Ardhanarîshvara est simultanément masculin et féminin (androgyne). Il est à la fois statique et dynamique, à la fois créateur et destructeur. Il est le plus vieux et le plus jeune, il est la jeunesse éternelle et le jeune enfant. Il est source de fertilité pour tous les êtres vivants. Shiva est le plus grand des renonçant, mais il est également l'amant idéal. Il accorde prospérité à ses adorateurs bien qu'il soit Lui-même austère. Il est omniprésent et réside en chacun en tant que Pure Conscience.

 

Pour résumer, on dira que Shiva assume trois aspects, trois grandes fonctions :

Shiva est le Maître du Yoga, profondément plongé dans une méditation continue. De par son immobilité et sa concentration parfaite, il prépare les changements, les transformations du Monde et de l’homme.

Shiva est le Roi de la Danse, le Natarâja qui anime, transforme et détruit le Monde

Shiva est le Grand Dieu, la Conscience Suprême, inséparable de Shakti-Pârvatî, la fille de Himavân-Haimavati. Il n'est point de Shiva sans Shakti et point de Shakti sans Shiva.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

1e essai :  L’apport de l’Inde au bonheur de l’humanité   -

2e essai : Conception Hindoue de l’Art : Histoire de l’esthétique    - 

3e essai : Conception hindoue de l’Art : Théorie de la beauté    -

4e essai : La beauté est un état de l’âme    - 

5e essai : Les primitifs bouddhiques     -

6e essai : La danse de Çiva    -

7e essai : Images indiennes à plusieurs bras    -

8e essai : La musique indienne    -

9e essai : Position de la femme aux Indes      -

10e essai : Sahaja

11e essai : Fraternité intellectuelle     -

12e essai : Nietzsche d’un point de vue cosmopolite      -

13e essai : La jeune Inde     -

14e essai : Individualité, autonomie et fonction      -

 

coomaraswamy  - LA PORTE DU CIEL – ESSAI SUR LA mḖtaphysique DE L’ARCHITECTURE TRADITIONNELLE 

a.k. coomaraswamy

Edition   Dervy

 2008

Cette anthologie réunit, pour la première fois dans leur version intégrale et pour la plupart inédits en français, les essais majeurs de l'historien d'art et métaphysicien, Ananda Coomaraswamy, sur le symbolisme et l'architecture sacrée aussi bien en Orient que dans l'Occident médiéval. Centrés autour d'un thème essentiel, la Porte du Soleil ou Porte du Ciel, qui permet à l'être de sortir du cosmos et d'accéder à la connaissance divine, et fruits de plus de trente années de recherches, entreprises en Inde puis aux Etats-Unis, alors qu'il animait à Boston le premier département d'art oriental constitué sur le sol américain, ces articles présentent une synthèse sans précédent révélant l'unité fondamentale des traditions aussi bien que leur permanente actualité.

 

Utilisant une information considérable couvrant les principales traditions révélées (et tout particulièrement l'hindouisme, le bouddhisme et le christianisme) mais aussi le folklore mondial, l'auteur dégage les principes, les symboles et les mythes essentiels qui, partout, ont présidé à l'édification des temples dans les civilisations traditionnelles. Il montre comment ceux-ci se sont articulés avec la vie spirituelle de l'humanité depuis ses origines à nos jours et quelle perte leur abandon constitue pour l'humanité. Préfacé par le professeur Adrian Snodgrass, spécialiste de renommée internationale en architecture et histoire de l'art oriental, cet ouvrage érudit est une véritable ouverture à cette " pensée symbolique " qui précède le langage et la raison discursive et qui se retrouve un peu partout sur notre globe.

 

Comme pour l’art en général, l’Inde, c’est tout d’abord une grande diversité géographique : de la montagne à la plaine alluvienne, du Nord au Sud, du désert à la forêt tropicale etc., mais aussi ethnique, linguistique et politique. Il n’en existe pas moins une réelle entité culturelle originale sur fond religieux védique pour l’ensemble de la civilisation indienne traditionnelle, avec le même substrat pour les 3 religions principales : bouddhisme, hindouisme et jaïnisme. La culture musulmane n’est restée qu’à la périphérie et n’a jamais réussi à occulter ces anciennes traditions brahmaniques. L’art civil semble ne pas avoir joué un rôle majeur, bien qu’il y ait des règles d’implantation et d’architecture concernant les villes, les édifices publics et les maisons individuelles ou foyers, et notamment l’art du Vastu Shastra, ancêtre du Feng Shui, que nous aborderons ultérieurement. L’omniprésence du sacré, intimement lié à la plupart des actes de la vie publique et privée, sous-tend non seulement la plupart de ces actes mais aussi tout le domaine artistique.

 

Les textes religieux inspirent à la fois une iconographie, exposent les procédés, les thèmes des diverses techniques, systématisent les données esthétiques selon les catégories particulières de la logique indienne, codifient les nombreuses spéculations liées à l’image ou à l’édifice sacrés. Leur exécution doit faire avancer sur la voie du salut aussi bien le commanditaire que l’artisan ; la fabrication de l’œuvre est considérée comme une cérémonie religieuse en soi, incluse dans un rituel plus ou moins complexe dont nombre d’éléments remontent à l’époque védique. L’artisan ne cherche pas à faire œuvre originale, il doit au contraire se conformer au canon établi. Un même thème pourra se conserver durant des siècles. L’innovation n’étant pas le but recherché, la notion d’évolution telle qu’on la comprend en occident ne peut être appliquée. Sa variété s’explique par d’autres facteurs.Un même motif sera interprété différemment dans le temps et l’espace. Même incompris, il ne disparaîtra pas et sera conservé à titre décoratif, des éléments nouveaux venant alors prendre la première place. De ce fait, il est difficile de dater avec précision la plupart des œuvres et monuments.

 

A une certaine époque, il est presque impossible de faire la différence entre des œuvres bouddhiques et celles inspirées par l’hindouisme. Seul l’art Jaïn se démarque par ses propres traditions esthétiques un peu en marge des grands courants. Des rites complexes règlent l’édification des monuments religieux, le choix du terrain et des matériaux, l’orientation de la construction. La date du début de chantier, les phases successives de la construction et la consécration obéissent à des prescriptions minutieuses qui trouvent leur origine dans les textes décrivant l’érection de l’autel védique. Les conceptions qui président à l’élaboration du temple hindou sont sur ce point caractéristique : étroitesse des volumes intérieurs des bâtiments qui, souvent, contrastent avec leurs dimensions extérieures parfois démesurées. Le cœur du temple est en effet une simple Cella (garbhagriha) carrée, qui abrite l’image de la divinité ou l’un de ses symboles. Cette pièce n’est accessible qu’aux seuls brahmanes. Elle est précédée, dans la plupart des cas, d’un pavillon (mandapa) hypostyle, parfois dédoublé, et d’un vestibule. Ces différentes parties sont nettement visibles de l’extérieur et donnent au temple hindou une rigueur de composition particulière qui s’oppose à l’aspect foisonnant de son décor.

 

Le temple est la demeure du dieu par excellence. Bâti comme tel, il est le lieu privilégié de contact entre les mondes humain et divin. Il est donc considéré comme axe du monde. On comparera les diverses parties de son élévation aux membres d’un personnage cosmique (purusha). Façades et toitures évoquent les formes que l’on prête aux palais célestes ou aux montagnes mythiques où demeurent les dieux. A l’opposé de nombre d’édifices occidentaux, un tel monument n’est pas fait pour recevoir la foule des dévots. Les indiens n’ont donc pas été confrontés au délicat problème de couvrir de vastes espaces. Ils s’en sont tenus à une technique assez fruste. Des voûtes à encorbellement reposent sur des murs très épais qui renforcent encore l’aspect massif des constructions. Des pièces de décharge, accessibles par des trappes de pierre, occupent l’intérieur des toitures colossales et évitent une surcharge de poids. Ce contraste entre les volumes extérieurs et intérieurs, l’existence de nombreux monuments rupestres entièrement taillés dans le roc, l’exiguïté des ouvertures dans la plupart des styles, la multiplication des redans  et de modénatures (modénature : l'ensemble des moulures qui ornent une partie d'un monument ou l'ordre qui le caractérise), donnent souvent à ces architectures l’aspect de sculptures gigantesques.

 

coomaraswamy  -  LA THḖORIE MḖDIḖVALE DE LA BEAUTḖ   -

a.k. coomaraswamy

Edition Arché

 1997

L'Art, du point de vue traditionnel, est essentiellement une opération d'ordre intellectuel ; ce n'est pas, comme le pensent les modernes, une affaire d'appréciation esthétique, c'est-à-dire sentimentale.
La contemplation d'un modèle supra-sensible fournit normalement la  forme de l'imitation en mode sensible que lui en donnera l'artiste, car  « dans le domaine de l'Art, la ressemblance se prend de la forme » (Basile de Césarée, Traité du Saint-Esprit, XVII) et « la similitude a rapport à la forme, le beau appartient en propre au principe de la cause formelle » (Saint Thomas, Som. théol. I, 5, 5 ad 1). Autrement dit, l'Art véridique est une imitation du mode opératoire de la Natura naturans, Creatrix et Deus ; il n'est aucunement une copie d'une natura naturata particulière.


Par conséquent, c'est par rapport à la forme, ou idée, qui était dans l'esprit de l'artiste ou artisan (ces deux termes sont synonymes), que l'on doit porter un jugement sur une œuvre d'art. C'est aussi en fonction de cette forme qu'on doit l'utiliser pour satisfaire les besoins normaux du corps, de l'âme et de l'esprit de l'homme intégral. « En vue de laquelle de ces deux fins la peinture a-t-elle été faite ? Est-ce en vue d'imiter le réel tel qu'il est, ou bien d'imiter l'apparent tel qu'il apparaît ? En tant qu'imitation d'une apparence, ou bien d'une vérité ? » (Platon, Rép. X,).


C'est dans cet esprit que les traités sur la Beauté de Denys l'Aréopagite, d'Ulrich de Strasbourg (†1277) et de saint Thomas d'Aquin, traduits et commentés ici par A. K. Coomaraswamy, explicitent le cadre intellectuel et spirituel de la conception de l'Art pour l'Occident chrétien ; cela vaut également pour l'Art oriental. Les abondantes notes de Coomaraswamy apportent de précieux compléments, chrétiens et orientaux, permettant de retrouver la notion authentique de l'Art, oubliée en Occident depuis plusieurs siècles.

 

Dans un article de 1944, consacré à la doctrine de la réminiscence en Inde et dans le platonisme, Coomaraswamy écrivait qu’elle « correspond, dans la même Philosophie Pérenne, à la doctrine selon laquelle la beauté est telle par sa participation à la Beauté, et que tout être participe à l’Être absolu. » Coomaraswamy conçoit ainsi la beauté, sur un mode platonicien, comme la participation à une Réalité transcendante, à un archétype, de la même manière que les symboles renvoient à un référent qui transcende le plan matériel du signe. Il s’est également inspiré de cette définition indienne tirée du Sâhita Darpaṇa (I, 3) : « L’art est l’expression informée par la beauté idéale. » À ce principe théorique et philosophique, Coomaraswamy fait correspondre une exigence esthétique exprimée en termes généraux et dans des analyses peu différenciées : un art ne doit pas être naturaliste, quels que soient ses modes de stylisation. Ainsi, les arts indien, chinois, gothique, égyptien, grec archaïque ou « primitif » forment un art idéaliste, reflétant une réalité harmonique transcendantale, alors que l’art grec hellénistique et l’art romain, les bouddhas gréco-bouddhiques du Gandhara, l’art occidental à partir de Raphaël et de Michel-Ange, et le naturalisme contemporain, forment un art qui n’expriment plus, selon lui, une relation pour ainsi dire archétypique à la beauté.

Toutefois, si Coomaraswamy a abordé la question de l’appréciation esthétique des oeuvres, il n’a guère développé la question de la beauté sensible en elle-même. Autant il a enrichi, et dans plusieurs dimensions, l’analyse symbolique des oeuvres, autant la question de l’esthétique demeure chez lui parcellaire. Aussi, par-delà l’énoncé axiomatique mais vague d’une beauté participant à une Beauté d’un ordre supérieur, et qui appartient selon lui à toutes les cultures même dites « primitives », entre naturalisme et stylisation ou entre art réaliste et art idéaliste, les propos sur l’aspect esthétique des oeuvres se signalent, souvent, par un manque de précision, de développement et de pertinence, parfois inversement proportionnel aux considérations sur le symbolisme.


En premier lieu, il faut noter que Coomaraswamy, à plusieurs reprises au long de son oeuvre, a, directement ou non, évoqué les raisons du traitement particulier qu’il offre de l’esthétique. Il a d’abord exprimé et même avoué un intérêt plus soutenu pour la signification des oeuvres que pour leur dimension esthétique, même s’il a continûment vanté l’idéal de beauté de l’art indien. Dans La danse de Shiva, par exemple, dans le chapitre consacré justement à la danse cosmique de Shiva (Natarâja), il écrit vers la fin de son étude : Je me suis abstenu jusqu’ici de tout jugement esthétique et me suis efforcé seulement de rendre l’idée centrale de la Danse de Shiva en traduisant l’expression plastique en expression verbale, laissant de côté la beauté ou l’imperfection des oeuvres individuelles. Mais il n’est peut-être pas hors de propos d’attirer l’attention sur la grandeur de la conception même, comme synthèse de science, de religion et d’art. Quelle prodigieuse ampleur de pensée et de sympathie chez ces artistes-rishis  qui conçurent les premiers un type semblable, offrant une image de la réalité, une réponse à l’énigme de la vie au tissu complexe, et une théorie de la nature : un type, non seulement capable de satisfaire une secte ou une race, ou d’être accepté par les penseurs d’un seul siècle, mais universel, puisqu’il s’adresse au philosophe, à l’amant, à l’artiste, en tous les temps et tous les pays ! Quelle puissance et quelle grâce suprêmes n’a-t-elle pas, cette image dansante, pour tous ceux qui se sont efforcés, sous une forme plastique, d’exprimer leur intuition de la vie ! 

On voit bien que Coomaraswamy aime considérer, moins les oeuvres en elles-mêmes, qu’un certain type d’oeuvres, en l’occurrence la figure du Natarâja, dont il loue, presque in abstracto, la grandeur et la grâce. Par ailleurs, ses appréciations esthétiques se muent volontiers en considérations herméneutiques, voyant dans le Natarâja un symbole synthétique de la science, de la religion et de l’art. Certes, Coomaraswamy a aussi su formuler des jugements plus précis sur des oeuvres concrètes, mais ces jugements débordent volontiers sur une aspiration philosophique et une projection idéaliste assez vagues.

 

En 1937,  Coomaraswamy accorde également une prééminence au symbolisme représenté, et non à l’esthétique de la représentation, voulant par là même contrer le parti pris d’un jugement esthétisant selon lui déformant et réducteur : « l’élément le plus significatif d’une oeuvre d’art est celui qui peut persister, et souvent persiste, durant des millénaires, et le moins significatif consiste en des variations accidentelles de style grâce auxquelles nous sommes en mesure de dater une oeuvre donnée, ou même en certains cas de l’attribuer à un artiste connu. »  Récusant l’accusation selon laquelle le spécialiste de l’iconographie et du symbolisme ajoute « des significations à des emblèmes donnés », il écrit que, au contraire, « le pur esthète et anthropologue “enlève” des significations à ces emblèmes, et de cette façon les dénature. »  En d’autres termes, les variables esthétiques comptent moins, pour lui, que le sens iconographique donné aux oeuvres par le symbole. Par ailleurs, son discours sur la Beauté se présente comme une métaphysique générale, dont on peut remarquer la complexité et la richesse, mais dont il faut noter le peu de connexion qu’elle a, le plus souvent, avec les expressions artistiques.

Une autre raison pour laquelle Coomaraswamy s’est peu attardé sur des questions concrètes d’esthétique tient, à sa conception ouverte ou vague de la beauté. Ainsi, en 1918,  dans un chapitre intitulé « La beauté est un état de l’âme », il affirme surtout une relativité du beau. Dans les premières lignes, il écrit que, concernant les catégories du beau et du laid, « nul principe général de classification n’a jamais été découvert, et ce qui semble beau à l’un est jugé laid par un autre. » Il est des beautés, comme celles de l’art médiéval, que l’on oublie et que l’on redécouvre, dit-il en substance.

 

En général, écrit-il également, on estime que le vrai critique est capable de distinguer les belles oeuvres ou les oeuvres de génie de celles qui ne le sont pas, Plus loin, il écrit que la question de la beauté et de la laideur est une question d’adéquation entre le thème et l’expression : « “plus” ou “moins” beau sont des mots impliquant une correspondance plus ou moins grande entre le fond et la forme ; et c’est tout ce que nous pouvons dire de l’objet comme tel ; en d’autres termes, cet art est bon, qui est bon dans son genre. » Poursuivant sur le rôle de l’artiste, il affirme que ce dernier ne doit pas viser à la Beauté, ce qui est voué à l’échec et s’apparente à « vouloir voler sans ailes ». La vision du beau est « un état de grâce qui ne peut être atteint par un effort conscient », elle est un acte d’amour dont le secret est « l’oubli du moi » : « le concept de beauté a pris naissance chez le philosophe, non chez l’artiste » Aussi, le but de l’artiste est-il de révéler et de nous rappeler la beauté, partout où elle se trouve. Cette beauté est indépendante du sujet de l’oeuvre, qui peut être neuf ou ancien, et elle ne comporte pas de degrés, car, simple ou complexe, une expression « nous remémore un seul et même état. » Et dans toute beauté se révèle en définitive le Divin, beauté absolue.

Dans ce texte, Coomaraswamy rend au fond possible, théoriquement du moins, toutes formes de beauté, et même – pourquoi pas, si on le prend au mot ? – les expressions notamment naturalistes qu’il critiquait, comme les oeuvres du Gandhara dont il parle dans le même livre. Lorsqu’il écrit que l’on n’a trouvé aucun principe général de classification du beau et du laid, et que ces derniers sont perçus différemment par chacun,  on se demande où est alors l’universalisme, et comment un tel propos s’accorde avec le principe d’un art devant exprimer l’idéal d’une collectivité, puisque tout est subjectif. Il est vrai que ce livre date du début de sa période américaine, à un moment où il n’était pas indifférent à l’art contemporain, et où l’on peut imaginer une vision au moins théorique assez large du jugement esthétique. En revanche, le langage et certaines idées vont changer dans les travaux des années 1930-1940, pour aboutir, schématiquement, à l’idée suivante : « l’objectivité de la beauté réside dans l’artifice et non dans le spectateur, aussi qualifié celui-ci puisse-t-il être pour la reconnaître. » Il y a, autrement dit, d’une part une subjectivité du goût, mais d’autre part une objectivité de la beauté :


Pour Coomaraswamy, qui part toujours du principe d’un artisan créant une oeuvre destinée à tel commanditaire et telle fonction à partir d’une image mentale et à travers sa maîtrise de l’art, la reconnaissance de la beauté relève du jugement et non de la sensation : Toute chose, naturelle ou artificielle, est belle dans la mesure où elle est vraiment ce qu’elle doit être, indépendamment de toute comparaison ; elle est laide dans la mesure où sa forme n’est pas exprimée et réalisée dans sa réalité tangible. En conséquence, l’oeuvre d’art est belle en termes de perfection, de vérité et d’adéquation, Il s’ensuit que « ce qui est bien et justement fait sera beau à cause de sa perfection », et comme « il n’existe pas de degrés dans la perfection » – il l’affirmait de même, et déjà, dans La danse de Çiva – on ne saurait dire, quelle que soit notre préférence, qu’une « grenouille est plus belle ou moins belle que l’homme ».

Coomaraswamy, par ailleurs, entend le terme de « beauté » en un sens assez vaste, et le différencie en tous les cas des notions de « joli », « charmant », « agréable ». Il ajoute que le beau et le grotesque ne sont pas distingués en Inde comme relevant d’un art supérieur l’un, inférieur l’autre : « chacun manifeste sa propre idée, chacun peut être harmonieux. Il y a quelque chose dans le grand idéal de l’art qui transcende les conceptions limitées de la beauté et de la laideur et fait que toute critique fondée sur une telle base n’est rien que des mots creux. » Autrement dit, est beau non forcément ce qui charme, plaît, est agréable à voir, mais ce qui exprime une harmonie profonde du monde en tant qu’émanation ou expression d’une réalité transcendante. Dans le même livre, il écrit que « tout art ne doit pas nécessairement être beau ou charmant. Si l’art doit en définitive “interpréter Dieu pour tous”, il doit être tantôt beau, tantôt terrible, mais toujours avec cette qualité vivante qui transcende les conceptions limitées de la beauté et de la laideur. »


Ces principes de la créativité expliquent, selon Coomaraswamy, le caractère non naturaliste des arts asiatiques, qui n’entendent nullement exprimer une ressemblance d’illusion, ni même un monde idéalisé au sens sentimental ou religieux, mais produire un art idéal au sens mathématique, c’est-à-dire imitant les modes opératoires de la Nature. « Le problème de l’artiste, dit-il, n’est pas de s’éprendre de la nature comme effet, mais de tenir compte de la nature comme cause d’un effet. En d’autres termes, l’art est plus proche de l’algèbre que de l’arithmétique ». Même lorsque l’artiste recourt à certains effets, par exemple l’entasis (les colonnes s’écartent de la ligne droite pour donner l’impression qu’elles sont perpendiculaires et à angles droits), les raisons n’en sont pas « esthétiques, mais intellectuelles ». Pour Coomaraswamy, « la composition est déterminée par la logique du thème qui doit être communiqué et non pour le plaisir de l’oeil ; s’il y a satisfaction visuelle, c’est parce que l’ordre physique dans l’organe de la perception correspond à l’ordre rationnel, présent dans tout ce qui est intelligible, et non parce que l’oeuvre existe seulement pour l’oeil ou l’oreille. »

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Denys l’Aréopagite      -     Ulrich Engelbert    de  Pulchro      -     Saint Thomas d’Aquin «  Du divin Beau et comment il est attribué à Dieu »  -  Commentaire de Coomaraswamy sur le tria requiruntur  -

 

COOMARASWAMY   -  SUIS-JE  LE GARDIEN  DE  MON  FRÈRE ?

ANANDA. K. COOMARASWAMY

Edition PARDḔS

 1979

Ananda. K. Coomaraswamy (1877-1947) demeure sans conteste, avec René Guénon Julius Evola et Frithjof Schuon, l’un des auteurs vraiment importants de notre temps.

 

Il est l’un des plus éminents représentants de la Philosophia Perennis, cette « sagesse incréée, semblable à ce qu’elle a toujours été et à ce qu’elle sera toujours » comme le disait St Augustin. Publié aux Etats-Unis en 1947, ce livre réunit une série d’articles écrits entre 1942 et 1946. En outre  l’édition française s’enrichit d’un chapitre inédit qui figurait pour la première fois dans l’édition anglaise de 1979 ; il traite de l’illusion que peut susciter une conception erronée de la démocratie, de la liberté et de l’égalité.

 

Trois des textes du présent recueil ont déjà fait l’objet d’une traduction en français dans la revue Etudes Traditionnelles. Coomaraswamy aborde ici certains des thèmes qui lui sont chers ; les influences délétères et les méfaits de la civilisation occidentale moderne en Orient, en particulier dans les domaines de l’Art et de la Culture, les possibilités d’un rapprochement intellectuel « aux plus hauts niveaux de référence » entre l’Orient et l’Occident, ainsi que l’unité transcendante des religions et des doctrines traditionnelles authentiques.

 A une époque où l’on parle tant, à tort et à travers, de société multiraciale et multiculturelle, cette partie de l’œuvre de Coomaraswamy reste encore, par divers côtés, et malgré la marche sans cesse plus rapide du monde moderne, d’une surprenante actualité.

 

Dans le récit biblique (Genèse 4,9), la question est posée par un meurtrier, Caïn, qui vient de tuer son frère Abel, par jalousie. S'il énonce une question, c'est pour éviter de répondre à une question. Il n'est donc pas complètement anodin de nous inviter à réfléchir sur la question telle qu'elle est posée par le meurtrier, et non sur celle, très large, que lui a posé Dieu: ‘’Où est mon frère ?’’

Il n'est pas impossible que lorsqu'on vient de tuer son frère, on puisse avoir un raisonnement un peu faussé. Ayant refusé de répondre à la question, Caïn se trouve confronté à une nouvelle interrogation, car Dieu lui demande alors "Qu'’as-tu fait de ton frère ?’’ ", une question qui souligne que ce frère est devenu un objet dont on peut faire quelque chose, le tuer par exemple; une question qui suggère que chacun a une responsabilité à l'égard de son frère, au moins celle de ne pas en faire un objet. Mais la formulation "Suis-je le gardien de mon frère?" ignore la responsabilité éthique à l'égard de l'autre pour se limiter à une sorte de supposition impossible: nous ne sommes pas là pour nous surveiller mutuellement, nous ne sommes évidemment pas les gardiens les uns des autres.

"Où est ton frère?" était une question très ouverte, pouvant entraîner des réponses complexes, à des niveaux différents, alors que "Suis-je le gardien de mon frère?" est une fausse question, une question dont la réponse est évidente, une question qui ne risque pas de susciter de changement. En éthique, l'évidence est toujours un piège. De même que quelques lignes plus haut, le serpent avait perverti l'interdit hautement symbolique: "Tu ne mangeras pas d'un seul arbre, mais tu peux manger de tous les autres" en l'insupportable "tu ne mangeras d'aucun arbre du jardin", interdit de vivre qu'il fallait évidemment transgresser, de même ici le meurtrier tord le discours pour ridiculiser l'interlocuteur, et fuir la responsabilité.

 

Pourtant, il me semble qu'aujourd'hui, nous sommes assez volontiers du côté de la question telle qu'elle est posée par le meurtrier, nous appuyant sur notre attachement et  pour récuser toute forme de responsabilité à l'égard du frère, de sa personne comme de ses comportements. Sous prétexte de préserver cette liberté individuelle, la question est posée de façon à ce que la réponse soit évidente. Mon frère n'étant pas un animal, ni un prisonnier, je n'en suis pas le gardien. Et si je n'en suis pas le gardien, cela peut signifier que je n'ai absolument rien à dire sur ses comportements. Mais si nous tentons d'écouter la question première, la question à laquelle notre question est une non-réponse, nous sommes mis en demeure d'entendre l'appel à la responsabilité: "Où est ton frère ?" Nous ne sommes pas responsables des comportements d'autrui, nous ne devons pas lui imposer notre système de valeur? Oui, sans doute, mais nous ne pouvons pas non plus faire comme s'il n'existait pas, comme s'il était totalement en dehors du lieu où nous sommes.

Il peut agir comme bon lui semble; mais ne sommes-nous pas responsables des conditions dans lesquels il agit, ou à cause desquelles il ne peut agir? Ne sommes-nous pas partie prenante de ce qui a fait de lui un objet soumis à la violence? Paul Ricoeur nous a appris que nous participons non seulement à ce qui constitue son milieu de vie, et d'action, mais aussi, plus profondément, à ce qui constitue son estime de lui-même et donc sa capacité d'agir. Se contenter de rappeler la liberté individuelle peut alors être une formidable façon de porter un déni sur cette part de responsabilité mutuelle que nous portons. Je ne suis pas responsable de ce que fait mon frère, mais je porte une part de responsabilité dans la conscience qu'il a de ce qu'il peut faire, de ce qu'il est capable de faire.

Au sommaire de cet ouvrage :

Suis-je le gardien de mon frère ?    -    L’illusion de l’instruction   -   Des chemins qui conduisent au même sommet   -     Sagesse orientale et savoir occidental   -    Orient et Occident    -     Paternité spirituelle et ‘’puppet complex’’    -      Gradation, évolution et réincarnation     -   L’illusion de la démocratie, de la liberté et de l’égalité    -

 

CORBIN - AVICENNE ET LE RÉCIT VISIONNAIRE

Henri CORBIN

Edition VERDIER 

 1999

Philosophe, germaniste, iranologue, arabisant, Henry Corbin mena l’existence remplie d’un chercheur laborieux, d’un découvreur et d’un penseur aussi inspiré qu’érudit.

Elaboré à l’occasion du millénaire d’Avicenne, cet ouvrage est d’abord l’édition et la traduction de trois récits avicenniens qui déploient la perspective mystique où se parachève l’œuvre du grand penseur iranien.

Henry Corbin (1903-1978) a procédé à cette édition en la soumettant à l’épreuve du commentaire, il met en lumière, pour la première fois, l’angélologie d’Avicenne, où se transmue en termes mystiques la doctrine des intelligences et des ames célestes.

Cette élucidation lui permet de montrer comment Avicenne procède à l’élaboration d’une doctrine du pèlerinage de l’âme humaine vers son ange personnel, doctrine par laquelle Avicenne entre en consonance avec diverses traditions gnostiques qui appartiennent au domaine de l’islam. Ces traditions à leur tour, renvient aux gnoses des religions du Livre, ou à la gnose manichéenne.

L’ouvrage d’Henry Corbin s’amplifie ainsi au point de traiter du problème plus vaste posé à la science des religions : quel est le sujet de l’expérience visionnaire ? Celle-ci passe par les voies du mode imaginal, thème cher à Corbin et dont le présent ouvrage offre une première thématisation et une explication.


Au sommaire de cet ouvrage édité ici dans son intégralité :


Première partie : Le cycle des récits Avicenniens : Cosmos avicennien et situation philosophique - La crypte cosmique, l’étranger et le guide - Le cycle des récits ou le voyage vers l’Orient - Avicenne et l’angélologie - L’ange, l’esprit et l’intelligence - Les Archanges, chérubins ou intelligences - les anges ou ames célestes - Pédagogie angélique et individuation - Le nombre des sphères célestes - Le récit de Hayy ibn Yaqzan - Le récit de l’oiseau - L’ascension de l’oiseau et son symbole - Du récit d’Avicenne à l’épopée mystique d’Attar - Le récit de Salaman et Absal - Avicennisme et imâmisme -

 

Deuxième partie : Le récit de Havy ibn Yaqzan : Rencontre avec l’ange - la salutation - le nom et la personne de l’ange - La physiognomonie - les deux voies de l’âme - Les trois mauvais compagnons de l’âme - les conditions du voyage - L’Orient et l’Occident de l’univers - la source de vie - Les Ténèbres aux abords du pole - Le climat de la matière terrestre et céleste - Les sphères célestes - Le royaume de l’âme - Les démons de l’âme - les génies de l’âme - Les anges terrestres -

 

CORBIN - CORPS SPIRITUELS ET TERRES CÉLESTES - DE L’IRAN MAZDÉEN à L’IRAN CHIITE

Henri CORBIN

Edition BUCHET- CHASTEL

 1979

 Dans cet ouvrage, l’auteur s’est attaché à montrer la voie menant, par un thème précis, de l’Iran mazdéen à l’Iran islamique. La méthode de l’auteur, attentif aux intentions et aux structures, est essentiellement phénoménologique, progresser d’un niveau de signification à un autre, c’est faire tout autre chose en effet que de passer simplement d’une date à une autre.


Dans une première partie, l’ouvrage commence par esquiver l’Imago Terrae mazdéenne: la géographie mythique et la géographie visionnaire, la lumière de Gloire (le Xvarah) et les anges de la Terre, les héros eschatologiques et la Transfiguration de la Terre.


L’œuvre de Sohrawardi qui au XIIe siècle, se proposa en sa « Théosophie orientale » de restaurer la sagesse de l’ancienne Perse, et où reparaissent tous les noms des hiérophanies mazdéennes, notamment celui de Spenta Armaiti, l’ange féminin de le terre, noue l’articulation avec l’Iran shiite et les penseurs de l’école d’Ispahan, au XVIe siècle, restés encore à peu près ignorés en Occident.


La terre céleste de Hurqalya, la figure de Fatima l’Eclatante, le personnage de l’Imam caché, homologue du Saoshyant zoroastrien, la physiologie mystique du « corps de résurrection » développée en termes de symbolisme alchimique, autant de pages qui révèlent des aspects inconnus de la gnose shiite.


L’auteur a rassemblé, dans la seconde partie de ce livre, une riche collection de textes, traduits pour la première fois de l’arabe ou du persan, s’échelonnant depuis le XIIe siècle jusqu’aux maîtres de l’école shaykhie, c'est-à-dire jusqu’à nos jours. Ce livre donne ainsi un excellent aperçu de la cohésion de l’univers spirituel iranien.

Au sommaire de ce livre :

Première partie : Corps spirituels et Terre céleste : Pour une charte de l’Imaginal - Imago terrae mazdéenne - La terre est un ange - La terre aux sept Keshvars - Géosophie et anges féminins - La terre mystique de Hurqalya - Fatima la fille du prophète et la terre céleste - Le 8e climat - Hurqalya, terre de visions et de résurrection -

Deuxième partie : Choix de textes traditionnels : Sohrawardi et le monde des formes imaginales de la perception imaginative - Ibn’Arabî et la terre qui fut créée du surplus de l’argile d’Adam - Dawud Qaysari et son Mundus imaginalis - Abdol Karim Gili - La terre des veilleurs, le voyage de l’Etranger et l’entretien avec Khezr - Shamsoddin Mohammad Lahiji - Sadroddin Shirazi - Spissitudo spiritualis - Abdorrazzaq Lahiji, théosophes orientaux et philosophes péripatéticiens - Mohsen Fayz Kashani, un monde où se corporalisent les Esprits et où se spiritualisent les corps - L’école Shhaykhie - Phtisiologie du corps de résurrection - Sur le sens ésotérique de la tombe - Les cieux et les éléments de Hurqalya - Alchimie et corps de résurrection - Imagination active - Shaykh Mohammad Karim Khan Kermani, En quel sens le corps du croyant fidèle est la terre de son paradis - Un monde en ascension, non en évolution - La terre céleste de Hurqalya et la foi shiite -

 

corbin henry – SA VIE - SON œuvre  -

Cahiers de l’Herne

Edition de l’Herne

 1981

Henry Corbin fut un immense philosophe et métaphysicien, qui rapprocha l’Orient et l’Occident, en traduisant et faisant connaitre les plus grands textes de la mystique arabe.

Cet ouvrage important, grand format de 360 pages, donne un condensé de sa bio-bibliographie, avec des articles d’écrivains, de philosophes et de spiritualistes de tous bords, qui rendent hommage à Henry Corbin.

 

Au sommaire de ce condensé de la vie et de l’œuvre de Corbin :

 

Les cités emblématiques  -  de Heidegger à Sohrawardi  -  Post-scriptum à un entretien philosophique  -  Transcendantal et Existentiel  -  Théologie au bord du lac  -

 

La philosophie « Orientale »  -  Pages du journal par Mircea Eliade  -  Un philosophe en quête d’Orient par Jean Brun  -  Une lampe brulant avec l’huile d’un olivier, par Daryush Shayegan  -  Le sens du Taawil par Nasser Assar  -  Imago Magia  -  Philosophie angélique par Christian Jambert  -  Au nom de Dieu le Très Haut  -  L’histoire comme nuit de Walpurgis  par Guy Lardreau  -  Sur le paradoxe du monothéisme par Miller  -

 

Vers l’Imam caché  -  La prophétologie  ismaélienne et duodécimaine  -  Manichéisme et religion de la Beauté  -  Du sens musical de la musique persane  -  Mystique de l’humour  -  Henry Corbin, théologien protestant par Ricgard Stauffer  -  Aesthetica in nuce par Hamman  -

 

Orient et Occident  -  Le social et le cosmique par Jacques Berque  -  Ibn’Arabî et la prophétique shiite par Stephane Ruspoli  -  Verus propheta par Luigi Cirillo  -  Le temps d’Eranos  -  De l’Iran à Eranos  -  A Olga Frobe-Kapteyn  -  La reconquête de l’imaginal  -  Le Soufi et le Fai  par Jean Paul Charny  -

 

Souvenirs  -  Henry Corbin en Iran par Jean Soler  -  Souvenirs  -  A Téhéran  -  Evocations  -  Témoignages  -  Hérétiques de toutes les religions  -  Hermann Landaulet  -  D de Rougemont  -  Modjtehedy  -  Bordessoule  - 

 

Diverses correspondances avec :Heidegger  -  Gaston Bachelard  -  Barruzi  -  G. Scholem  -  Mircea Eliade  -  Cioran  -  Georges Dumézil  -  Carl Gustav Jung  -  E. Ionesco  -  René Magritte  -  André Malraux  -  Louis Massignon  -  Henri Michaux  -  Raymond Queneau  -  Alain Daniélou  -  Etienne Souriau  -  Denis de Rougemont  - et d’autres…

 

 

CORBIN - EN ISLAM IRANIEN   Aspects spirituels et philosophiques

Henri CORBIN

Edition GALLIMARD

 1971

A l’intérieur de la communauté islamique, le monde iranien a formé dès l’origine un ensemble dont les caractères et la vocation ne s’élucident que si l’on considère l’univers spirituel iranien comme formant un tout, avant et depuis l’islam.
 

L’Iran islamique a été par excellence la patrie des plus grands philosophes et mystiques de l’Islam ; pour eux, la pensée spéculative ne s’isole jamais de sa fructification et de ses conséquences pratiques, non point quant au milieu social, mais quant à la totalité concrète que l’homme nourrit de sa propre substance, par-delà les limites de cette vie, et qui est son monde spirituel.

Le monument qu’Henry Corbin présente ici en quatre volumes, est le résultat de plus de vingt ans de recherches menées en Iran même.

 

Sa méthode se veut essentiellement phénoménologique, sans se rattacher à une école déterminée. Il s’agit pour lui de rencontrer le fait religieux en laissant se montrer l’objet religieux tel qu’il se montre à ceux à qui il se montre.

Le phénoménologue doit donc devenir l’hôte spirituel de ceux à qui se montre cet objet et en assumer avec eux la charge. Toute considération historique, restera donc ici immanente à cet objet, sans lui imposer du dehors quelque catégorie étrangère.

Collection en 4 Volumes :

Volume 1 : Le Chiisme duodécimain. – Shiisme en Iran - Philosophie prophétique et religion initiatique - Le plérôme des 12 Imans - Les paradoxes affrontés par l’ismaélisme et par le shiisme duodécimain - Le combat spirituel su Shiisme - Les hiérarchies spirituelles invisibles - Le phénomène du Livre saint et son herméneutique spirituelle -

Conscience historique et gnostique - Esotérisme et exotérisme - L’herméneutique - Le secret des Imans - Les quatre niveaux de l’ésotérisme - Les descentes épiphaniques du livre saint -

Volume 2 : Sohrawardi et les platoniciens de Perse - La vie et le martyre - L’ascendance des théosophes orientaux - La Théosophie orientale - La sagesse hiératique - La connaissance orientale - La lumière de gloire mazdéenne et l’angélologie - La source orientale - Les visions de Kay Khosraw et de Zoroastre - Les lumières archangéliques et les idées platoniciennes - Psaume à l’archange du soleil et à la nature parfaite - La lumière de gloire et le saint Graal - Hermetica et mithriaca - Parsifal - Le récit du Graal d’un mystique khosrawani - Le récit de l’archange empourpré et la geste mystique iranienne - De la naissance de Zal à la mort d’Esfandyar - Le récit de l’exil occidental et la geste gnostique - L’histoire des gnostiques - Le gnostique à la rencontre de l’ange - Qui est l’ange personnel ? - Evangiles et actes gnostiques - Gnose mandéenne - Liturgie mithriatique - Alchimie - Gnose manichéenne et mazdéenne - Swedenborg - Le secret de la cité personnelle - La nature parfaite comme notion hermétique - Le leg spirituel sur la voie royale - La postérité orientale en Iran et en Inde - La religion de l’Eros transfiguré - La geste mystique iranienne -

Volume 3 : Les Fidèles d’amour. Chiisme st soufisme. - Ruzbehan et le soufisme des Fidèles d’amour - Soufisme et quiétude de l’âme - Ruzbehan de Shiraz - L’ennuagement du cœur et l’épreuve du voile - Diarium spirituale - Le jasmin des Fidèles d’amour - Le pèlerinage intérieur - La théosophie dans la beauté - L’histoire des Fidèles d’amour - Le Tawhid - shiisme et soufisme - Haydar Amoli, théologien shiite du soufisme - Visions dans le ciel nocturne de Bagdad et du Khorassan - Un traité anonyme sur les sept sens ésotériques di Qoran - Herméneutique et typologie - L’événement éternel du livre - Du sens ésotérique de l’éclatement de la lune - les juristes et les traditionalistes - Les philosophes de l’islam - Les Péripatéticiens - Les théosophes de la lumière - Les Horoufis - Les sept organes subtils de l’homme - L’ange Gabriel - Les trois états ou corps de l’être humain - L’anthropologie mystique -

Volume 4 : L’Ecole d’Ispahan et le douzième Imam - Confessions extatique de Mir Damad - Vision en la mosquée de Qomm - Exaltation dans la solitude - Cette immense clameur occulte - Molla Sadra Shirazi - Vers une métaphysique de la Résurrection - Le monde de l’imagination spirituelle et le corps de résurrection - L’imagination créatrice et sa fonction eschatologique - La triple croissance de l’être humain - Qasi Said Qommi - La ville sainte de Qomm - Théologie apophatique et imâmologie structurelle - Le récit du nuage blanc, comme récit initiatique - L’involution du temps chronologique et de l’espace sensible - En explorant la montagne du Qaf - Le prophète Salih - Le sceau de Salomon - La multitude des mondes - L’école shaykhie - La vie et l’œuvre de Shaykh Ahmad Ahsai - Le quatrième pilier - Le douzième Imam et la chevalerie spirituelle - L’hagiographie du douzième Imam - l’achèvement du Plérôme des douze - de Byzance à Samarra - Le sceau de la Walayat mohammadienne et son occultation - A temps de la grande occultation - Le sanctuaire de Jam- Karan - Le voyage à l’ile verte en mer blanche - Les iles aux cinq cités - rencontre avec le désert - la chevalerie spirituelle - Tradition abrahamique et chevalerie spirituelle - le douzième Imam et le règne du Paraclet - le guide personnel -

 

corbin et le comparatisme spirituel

 

Edition Arche-Milan

 2000

Colloque tenu à Paris en juin 1999. On y parle des textes d’Henry Corbin et de  l’alchimie spirituelle.

Au sommaire de ce colloque :

Pierre Roy : Henry Corbin et l’alchimie spirituelle

Jean Pierre Vieillard-Baron : Temps spirituel et hiéro-histoire selon Henry Corbin. Une phénoménologie de la conscience psycho-cosmique –

Grégoire Lacaze : La philosophie du témoignage chez Paul Ricœur et Henry Corbin.

Jean François Marquet : Swedenborg et l’exégèse visionnaire.

Antoine Faivre : La question d’un ésotérisme comparé des religions du livre.

 

CORBIN – FACE DE DIEU,  FACE DE L’HOMME -  HERMENEUTIQUE ET SOUFISME

Henri Corbin

Edition Entrelacs

 2008

Henry Corbin a su montrer au fil de ses travaux quelle était l'importance de la figure de l'Imâm en islam iranien. Dans les articles qui composent ce recueil, il poursuit cette mise en évidence de l'Imâm : le guide, qui est à la fois " la Face divine montrée à l'homme et la Face que l'homme montre à Dieu ". Mais cette exploration le conduit bien au-delà de l'Iran, car cette double figure vient aussi interroger les autres religions, et en particulier les théologies chrétiennes de l'Incarnation. Selon Henry Corbin, on ne peut vraiment comprendre l'intention profonde de l'islam iranien, sans procéder à une herméneutique comparée, impossible sans le monde " imaginal " sur lequel l'ouverture du recueil fait ici le point de façon complète. Ainsi pourra-t-on lire un de ses chefs-d’œuvre en ce domaine : l'éclairage mutuel de la gnose ismaélienne et de la pensée du grand visionnaire suédois Swedenborg. Sans déconnecter la métaphysique des sciences des religions, le voyage nous dévoile le sens de ces philosophies prophétiques, de ces théosophies mystiques

 

C’est cette nécessité de se libérer de l’apparence pour atteindre l’essentiel qui permet de comprendre la conception  docétiste chère à Henry Corbin. Le verbe grec dokeô signifie à la fois paraître, sembler, penser, résoudre. Le dokêma c’est ce que je crois, ce qui m’apparaît vrai, tel que je le vis. La dokêsis c’est mon opinion et dogma dérive lui-même du verbe dokeô. Le docétisme est la connaissance intérieure des événements. Le docétisme pratique un renversement copernicien de la connaissance et s’apparenterait à la phénoménologie, telle que l’a décrite Husserl dans ses « Ideen » (Gallimard) ou Raymond Abellio dans « la Structure absolue » (Gallimard 1965). La physique des quanta [4] en vient à la même conclusion : il n’y a pas d’événement, rien n’est extérieur. Tout est avènement, tout est apparition unique à un spectateur unique. Comme l’écrit Djâlal al-Dîn Rûmî : « Le passé et le futur n’existent que par toi-même. Ils sont une même chose. Toi seul penses   qu’ils sont deux. »

 

Jung écrit au sujet de la Passion du Christ : « Les faits historiques sont réels, certes, mais ils font connaître uniquement ce qui impressionne et ce que peut concevoir l’homme des sens. Or l’événement de la crucifixion est plus que cela pour celui qui connaît les secrets divins : c’est un Mysterium, c’est-à-dire un symbole qui exprime un événement psychique parallèle ayant lieu dans le contemplateur… Compris en ce sens, le docétisme des Actes de Jean apparaît plutôt comme un achèvement du fait historique, loin d’en être une dévalorisation ». Dans sa préface à « l’Evangile de Barnabé », Corbin cite le verset coranique 4/156 : « Ils disent : nous avons mis à mort le Christ, fils de Maryam. Non pas ! ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié, mais il leur a semblé… Ils ne l’ont pas tué, c’est certain, Dieu l’a enlevé vers lui. » Il explique que le dokêma correspond à un mode de perception théophanique qui présuppose que « l’âme qui perçoit la théophanie — ou toute hiérophanie — est tout entière un miroir, un speculum. Elle ne se trouve pas devant un dogme sur lequel on délibère ou qu’on lui démontre : elle est elle-même le lieu de sa vision, elle est tout entière sa Vision » (id. p. 14). Les mystiques chiites sont des êtres qui essaient de devenir pur regard, de n’être plus que la vision qu’ils contemplent et de se laisser regarder par l’être qui les a appelés depuis toujours, ainsi qu’Ibn’Arabi en fit l’expérience : « Le cœur comprend que Celui qu’il voit n’a jamais cessé de l’appeler vers Lui. »

 

CORBIN - L’ARCHANGE EMPOURPRÉ

SOHRAWARDI –traduction Henry Corbin

Edition Fayard 

 1976

15 Traités et récits mystiques traduits du persan et de l’arabe par Henri Corbin. 

Trop longtemps, l’Occident a considéré qu’il y avait d’une part l’Ancien Iran préislamique et d’autre part l’Iran postérieur à l’islamisation.

L’œuvre de Sohrawardi est là pour témoigner que l’univers spirituel iranien forme un tout et que la Perse islamique n’est pas à considérer comme une province de l’expansion arabe.

Jeune penseur génial qui mourut en martyr de sa cause à la fin du XIIe siècle, Sohrawardi est l’un des plus grands mystiques de l’Islam iranien. Les textes qui sont présenté ici, prouvent sa volonté délibérée de ressusciter la philosophie de la lumière proposée par les sages de l’ancienne Perse, non pas en historien de la philosophie, mais en tant que philosophe adhérent de toutes les puissances de son âme à la vision des mondes qu’il se sent la mission de transmettre.

Sa doctrine, couramment désignée sous le nom d’Ishraq, est considérable par sa fermeté et son ampleur. Elle pose comme indissociables, la recherche philosophique de la connaissance et la fructification de la Connaissance en métamorphose intérieure de l’homme.

Connaissance qui ne sera donc jamais théorique, mais par essence salvifique, ce qui depuis toujours a été le sens donné au mot gnose.

L’Archange empourpré est l’ange, le guide surnaturel, l’initiateur personnel du pèlerin, il est présent dans les deux parties qui composent ce corpus, traités doctrinaux et récits mystiques, complémentaires les uns des autres comme le démontre la lecture méditée d’Henry Corbin qui accompagne en permanence ces contes, récits, histoires et légendes.

La voie spirituelle tracée par Sohrawardi, demeure active en Iran.

Elle eut une grande influence en Inde, et c’est avec certitude que le sens et la portée de cette philosophie débordent son cadre d’origine, qu’elle est une forme de l’aventure humaine et qu’il importe au cherchant et au pérégrin de méditer les textes de ce penseur.

Au sommaire :


La doctrine du philosophe mystique - La procession des dix intelligences - La démonstration de l’être nécessaire - La création est éternelle - De l’immortalité de l’âme - Les trois règnes matériels - Les trois univers - La mission des prophètes - La Shekinah -

Le livre des Temples de la lumière - Le 1e Temple - Le 2e Temple - L’âme sépare de la matière - Troisième Temple - Quatrième Temple - Le centre du Temple - La réalité métaphysique de la lumière - Clôture du Temple - La hiérarchie des Êtres de lumière et l’esprit saint - Le cinquième Temple - Le secret des mouvements célestes - Le sixième Temple - les joies et les souffrances terrestres - Le septième Temple - L’imagination visionnaire - Les thaumaturges -

Le livre des tablettes dédié à l’émir Imadoddin - Traité de l’âme - La connaissance des choses suprasensibles - La Résurrection - La Shekhina et la lumière - Les souverains extatiques de l’ancienne Perse -

Le livre du rayon de lumière - Les êtres immortels - Les perceptions visionnaires - La lumière de gloire -

Le livre du Verbe du soufisme - L’âme pensante comme Verbe - Le pneuma vital - Les Chérubins, verbes majeurs - Les verbes médians - L’esprit saint comme ange spécifique du Christ - Sur les Chrétiens et les Juifs - Les Mazdéens -

La doctrine devenant événement de l’âme - La rencontre avec l’ange - Le récit de l’archange empourpré - Le bruissement des ailes de Gabriel - Le récit de l’exil occidental - La chute dans la captivité et l’évasion - La navigation sur le vaisseau de Noé - Au Sinaï mystique - La conquête du château-fort de l’âme -

Le Vade-mecum des Fidèles d’amour - La triade beauté, amour et nostalgie - L’intronisation d’Adam - Joseph - Nostalgie est accueilli par Jacob - De la connaissance à l’amour - Le sacrifice nécessaire - L’épitre des hautes tours -

Les dialogues intérieurs - Un jour avec un groupe de soufis - L’épitre sur l’état d’enfance - Symboles et paraboles - La langue des fourmies - Des tortues sur le rivage - Le rossignol absent à la cour de Salomon - Kay Khosraw possédait le Graal, miroir de l’univers - Les chauves-souris et le caméléon - La huppe tombé au milieu des hiboux - L’histoire du paon - Les questions posées à la lune par le prophète Idris - Maximes spirituelles - une lampe exposée en plein soleil -

L’incantation de la Simorgh - L’appel de la simorgh - Plus un homme est connaissant, plus il est parfait - Où l’on montre qu’il y a de la douceur dabs l’amour de l’homme pour Dieu - Sceau du livre - Le livre d’heures - Strophes liturgiques et offices divins - Strophes du grand testament - Strophes des êtres de lumière -

 

CORBIN - LE JASMIN DES FIDÈLES  D'AMOUR RUZBEMAN

Traduction : Henri CORBIN

Edition VERDIER

 1991 

Ruzbeman est un grand mystique iranien, il décrit ici le processus du fidèle d’Amour qui va des degrés de l’Amour humain à l’ascension de l’Amour divin, pour en finale faire que ces deux amours n’en fasse qu’un

Au sommaire de ce très beau livre, traduit par Henri Corbin :

Ruzbehan de Shiraz - Un monde que Dieu ne regarde pas - Cherche moi dans la demeure mystique de l’amour - Majnun, miroir de Dieu

D’un entretien où l’amant et l’Aimée se témoignèrent réciproquement courtoisie - De l’affection amoureuse comme prélude de l’Eros -

Mémento des témoignages religieux et philosophiques concernant l’amour humain -

De la précellence des Amants qui ont le culte de la Beauté et des êtres de beauté, et celle des Aimées en qui est contemplée la beauté -

De la précellence de la Beauté, de l’être beau et du contemplateur de la Beauté -

De la modalité et de la quiddité de l’amour humain en sa substance - Où l’on rend compte de la pérennité de l’amour chez les Fidèles d’Amour -

Sur ceux qui entrent dans la voir spirituelle sans expérimenter l’implication de l’amour humain dans l’amour divin -

De la caractéristique des Fidèles d’Amour, lesquels entrent dans la voie spirituelle par l’expérience de l’amour humain -

De l’éclosion de l’amour - Sur les prémisses et l’épreuve de l’amour -

Des implications et de l’influence de l’amour - De la pédagogie initiatique de l’amour -

De la descente de l’amour - Sur la voie de l’amour dans le cœur du Fidèle d’amour -

Exposé des étapes de l’amour humain et de son élévation aux étapes de l’amour divin -

De la quintessence de l’amour humain - De l’erreur des prétentieux concernant l’amour humain -

De l’éclosion de l’amour divin - De la première étape dans cet amour, laquelle est le vasselage d’amour -

De la station de la Walayat en amour - De l’observation vigilante qui est une aile de l’oiseau de l’intimité dans la station de l’amour -

De la crainte que les fidèles d’amour éprouvent dans l’amour - De l’espérance des Fidèles d’amour -

De l’expérience extatique chez les Fidèles d’amour - De la certitude chez les Fidèles d’amour -

De la proximité chez les Fidèles d’amour - De la révélation intérieure et de l’amour chez les Fidèles d’amour -

De l’expérience visionnaire, de l’ardent désir et de la perfection chez les Fidèles d’amour

 

CORBIN - le livre des 7 statues

Henry corbin

Edition   DE L’HERNE

 2003

La preuve en est, nous dit Jaldaki, le grand philosophe alchimiste d’origine iranienne (15e siècle), que la statue ne devienne une statue qu’après qu’on l’a extraite et transférée hors de sa matrice originelle.

 

Elle ne devient statue présentant un corps, qu’après un ensemble de travaux, de traitements et d’opérations. Elle ne parle la langue que parle de lui-même son état dans le plus éloquent des discours, que lorsqu’elle est devenue « spirituelle, humaine, angélique, solaire, éclairante, irradiante, lumineuse, d’un rang sublime ».

 

Lorsque l’on commence l’étude d’un traité d’alchimie, la lecture des premières pages se passe en général très bien, constate Henry Corbin, brusquement nous faisons une chute dans le vide parce qu’il nous manque la « clavis hermeneutica ». Tout à la fois vision du monde, pratique opératoire et voie de réalisation spirituelle, l’alchimie est probablement l’une des branches de la pensée humaine dont l’approche est la plus difficile, dont les exposés, destinés aux seuls initiés, donnent le moins de prise à nos concepts et à nos reflexes courants.

Au cours de son exploration des divers domaines de la spiritualité islamique, Henry Corbin avait évoqué le rôle particulier et l’importance de l’alchimie comme voie d’accès au réel métaphysique.

 

Le présent volume consacré uniquement à l’alchimie, regroupe trois études issues de textes inédits, traduits directement des manuscrits originaux. Parmi ceux-ci, le « livre des sept statues » est d’une importance capitale pour plusieurs raisons. En premier lieu, il s’agit d’un texte grec pour lequel nous ne disposons que de la version arabe. En second lieu, ce texte est un témoin majeur de la tradition hermétique de l’Iran. Enfin, il nous éclaire au mieux sur la conception de l’alchimie comme art hiératique.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

Commentaire de la Khotbat al-Bayan par Jaldaki  -

Le livre des sept statues d’Apollonius de Tyane  - 

Le livre du glorieux de Jabir Ibn Hayyan  - 

 

CORBIN - L’ENVERS DU MONDE – HENRY CORBIN ET LA MYSTIQUE ISLAMIQUE

Tom Cheetham

Edition Entrelacs

 2014

Ce livre est une introduction claire et efficace à la pensée d’Henry Corbin. Il ne s’agit pas d’un livre académique sur sa philosophie mais bien d’une initiation aux différentes idées composant son œuvre ? L’importance et l’actualité des ouvrages d’Henry Corbin sont indéniables, le remarquable travail de Tom Cheetham s’emploie à nous faire pénétrer toutes les facettes de cette œuvre immense, érudite et d’une grande profondeur ; il peut ainsi toucher un large public.

Ce qu’il nous dévoile, c’est le niveau invisible, mais bien réel, de notre « acte d’être », de notre présence au monde, spirituel et matériel, invoquant les traditions notamment celle de la spiritualité islamique pour lesquelles « esprit » et « matière » sont deux faces d’une même réalité. A travers l’œuvre d’Henry Corbin, Tom Cheetham entreprend de conjurer le matérialisme et le nihilisme ambiants, aussi bien que toutes les formes d’ « ismes » qui s’affrontent : radicalisme, totalitarismes, dogmatismes etc.

Là seulement, en rejoignant ce niveau de conscience où s’intègrent les philosophies, les religions, les ésotérismes, les courants de pensées anagogiques et toutes les traditions qui cherchent le bonheur de l’homme, alors pourra s’établir ce dialogue des civilisations auquel Henry Corbin aspirait et sans lequel notre avenir non seulement serait compromis mais perdrait également tout son sens.

Les écrits de Corbin sont d’une importance capitale pour le monde contemporain ; ce philosophe s’est battu pour mettre en avant l’importance suprême du pouvoir de l’individu face aux totalitarismes et aux fondamentalismes de toutes sortes. Il a défendu les hérétiques de tous lieux qui se trouvaient aux frontières des orthodoxies religieuses et philosophiques, ses prises de position incessantes en faveur de la personne et contre l’étroitesse des religions traditionnelles lui donnent une place éminente dans la longue lignée des penseurs libres et créateurs.

Le grand monument en faveur du pouvoir de l’imagination que Corbin nous a laissé, devrait être plus largement connu parmi les théologiens et les philosophes, les artistes, les poètes et les chercheurs spirituels de toutes religions et traditions. Il apparait qu’un des plus grands héritages que Corbin nous ai laissé, réside dans sa vision œcuménique de l’unité fondamentale des religions de la tradition abrahamique et dans l’importance décisive de l’âme humaine individuelle.

Au sommaire de cet ouvrage :

Brève biographie d’Henry Corbin

Contre « l’esprit du temps » - espace primordial, temps primordial - l’acte de présence - le grand refus -

Une théosophie orientale - la Perse et le mazdéisme - l’âge de l’islam - Philosophie et théologie -

Les modes de connaissance et les niveaux d’être - la pensée et l’être - une herméneutique de la présence -

Rentrer chez soi : le cœur et la face de la terre - au-delà du cosmos - Mundus imaginalis -

L’ange et l’individuation - Le Jumeau céleste et la métaphysique de l’individuation - disciple de Khidr -

Ta’wil et philosophie prophétique - la clef de l’âme et la clef du monde - tomber dans le monde - le verbe et le monde - temps, espace, matière et prophétie -

La fonction angélique des êtres - idoles et icônes - le Dieu pathétique - la théologie apophatique et l’antidote du nihilisme -

Une vie en sympathie avec l’être - Musique et miroirs - reconstruire le temple - un voyage dans le monde -

 

CORBIN - le paradoxe du monothÉisme

Henry corbin

Edition de L’Herne

 2003

« C’est en quelque sorte, le phénomène du Soleil de Minuit au grand Nord, le phénomène d’un crépuscule s’inversant en une aurore levante, qui nous présente ce que je voudrais signifier en parlant du « paradoxe du monothéisme » H. Corbin

 

Le judaïsme, le christianisme et l’Islam, forment les trois rameaux de ce qu’il est convenu d’appeler le monothéisme issu de la religion d’Abraham. Il s’agit de la foi révélée en un Dieu unique, inconnaissable par les voies de la perception et de la Raison, et transcendant par son coté ésotérique et métaphysique.

 

Ce monothéisme a des traits spécifiques malgré les différences considérables des trois branches qui la composent. Henry Corbin nous montre, ici, comment au-delà des frontières imposées, le judaïsme, le christianisme et l’islam ont produit une vision homogène et des monuments théologiques proches les uns des autres. Cependant, la religion monothéiste s’étant imposée face au polythéisme grec et romain, a fini par recréer en son sein l’idolâtrie qu’elle prétendait ruiner.

 

D’une part, le dogme de l’incarnation a autorisé l’inscription de Dieu dans l’histoire, aboutissant à sa divinisation, et légitimant ainsi les contraintes des sociétés humaines. D’autre part, le Dieu unique étant compris comme la totalité de ce qui est, chaque créature est appelée à se soumettre à sa loi et à obéir à ses représentants.

 

Ainsi la religion se transforme-t-elle en politique totalitaire. Henry Corbin oppose à cette réalité, les leçons des gnoses islamiques, juives et chrétiennes, montrant qu’à partir de la même révélation, deux voies s’ouvrent : l’une est celle des religions officielles, légataires et littéralistes om l’Eglise et ses servitudes relayent la voix du Dieu caché, l’autre est la religion de la Beauté et de la Gnose où Dieu rend unique chaque créature, fondant ainsi son individualité.

 

Au sommaire de ce livre :

 

Le Dieu-Un et les dieux multiples  -  L’ontologie intégrale et les théophanies  -  Les diagrammes de l’Un unifique  -  Les hiérarchies Divines  -  La dramaturgie théogoniques  -  L’esprit saint comme ange de l’humanité  -  L’ordre royal de Bahman-Lumière  -

 

Nécessitée de l’angélologie  -  -  L’angélologie néoplatonicienne de Proclus  -  La triade, la tétrade et l’heptade archangélique  -  L’archange Michael et Christos angelos  -  L’angélologie avicennienne et l’assomption extatique du prophète  - L’ange de la face  -

 

De la Théologie Apophatique comme antidote du nihilisme  -  Où, comment et quand y a-t-il dialogue ?  -  Personnalisme et nihilisme  -  Où est le nihilisme ?  -  Théologie apophatique et personnalisation  - 

 

CORBIN - L’HOMME DE LUMIÈRE DANS LE SOUFISME IRANIEN

Henri CORBIN

Edition VERDIER

 1999

L’instauration par Sohrawardi, au XIIe siècle, d’une « théosophie orientale » n’a point échappé aux fins limiers de la recherche fondamentale, on y retrouve des éléments matériellement identifiables : ils appartiennent à l’alchimie, à l’hermétisme, au zoroastrisme, au néoplatonisme et au soufisme de l’islam.

Son centre en est la nature parfaite, donné parfaitement par l’hermétisme arabe, qui explique que l’homme est prisonnier des Ténèbres, et son chemin et devoir sera de s’en arracher.

Toute l’idéologie et l’expérience qui ont pour centre la manifestation de la Nature Parfaite, présupposent donc cette notion de l’homme de lumière et de l’aventure cosmique vécue par lui, alors seulement on pourra comprendre comment se noue le couple, l’unité dialogique, de l’homme de lumière et de son guide dont nous parle abondamment la tradition hermétique de langue arabe.

Au sommaire de cet ouvrage :

Chapitre 1 : L’homme de Lumière et son guide - Pôle d’orientation et les symboles du nord - L’idée hermétiste de la Nature Parfaite - Le Noûs d’Hermès et le Pasteur d’Hermas - Fravarti et Walkyrie - Le jumeau céleste -

 

Chapitre 2 : Soleil de minuit et pôle céleste - Le nord cosmique et la « théosophie orientale » de Sohrawardi - Visions du pôle chez Ruzbehan de Shiraz - Le pôle comme demeure de l’ange sraosha -


Chapitre 3 : Visio Smaragdina - Najmoddin Kobra - Lumière et combat spirituel - La trilogie de l’âme - Le semblable avec le semblable - La fonction du dhikr - La fumière verte - Les sens du suprasensible - Les orbes de lumière - Le « témoin dans le ciel » - La Balance et l’ange -


Chapitre 4 : Lumière noire - Lumière sans matière - Doctrine des photismes chez Najm Razi - La lumière noire dans la « roseraie de mystère » -


Chapitre 5 : Les sept prophètes de ton être - Alaoddawleh Semmani - Le monde des couleurs et l’homme de lumière - Les couleurs « physiologiques » selon Goethe -

 

CORBIN - L'IMAGINATION CRÈATRICE DANS LE SOUFISME D'IBN ARABI

Henry CORBIN

Edition AUBIER

 1987

Philosophe- orientaliste, historien des religions, Henry Corbin (1903-1978) a bouleversé par son œuvre magistrale notre connaissance de la philosophie islamique. Erudit, il a réussi à mettre le savoir le plus étendu au service de l’interprétation philosophique.

Chargé de mission en Turquie, puis en Iran, il a fondé le département d’Iranologie de l’Institut français de Téhéran, avant de succéder à Louis Massignon comme titulaire de la chaire d’islamisme à l’Ecole pratique des Hautes Etudes.

Par ses éditions de textes en arabe et en persan, il a révélé aux iraniens eux-mêmes les principaux auteurs de leur poésie mystique et de leur philosophie. Par des traductions de ces textes, il a permis aux lecteurs français de découvrir la richesse et la profondeur de cette pensée avec son hermétisme et son ésotérisme.

L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn’Arabî est une de ses trois études les plus importantes avec « Avicenne et le récit visionnaire » et le monumental « En Islam iranien ».

Ibn’Arabî est né à Murcie en 1135 et mort à Damas en 1240. Mystique et écrivain prolifique, il est une des figures les plus originales de l’ésotérisme soufique. Henry Corbin nous familiarise avec son époque et nous initie aux thèmes fondamentaux de sa philosophie, avec ce livre Henry Corbin nous introduit au cœur du soufisme et nous fait découvrir la topographie spirituelle de l’islam.

Au sommaire de cet ouvrage on y trouve :

Introduction et première partie : Entre l’Andalousie et l’Iran - Esquisse d’une topographie spirituelle - Aux funérailles d’Averroès - Le pèlerin de l’Orient - Le disciple de Khezr - Sympathie et théopathie - La prière de l’héliotrope - Le Dieu pathétique - Sophiologie et « devotio sympathetica » - Passion et compassion divine - le poème sophianique d’un Fidèle d’amour - Le féminin-créateur -

Deuxième partie - Imagination créatrice et prière créatrice - La création comme théophanie - Le Dieu manifesté par l’imagination théophanique - La récurrence de la Création - la double dimension des êtres - Le champs de l’imagination - Le cœur comme organe subtil - La science du cœur - Prière de l’homme et prière de Dieu - La méthode d’oraison théophanique - Le hadith de la vision - Autour de la Kaaba mystique - Les homologations - La forme de Dieu -

 

CORBIN - L'IMAM CACHÉ

 Henry CORBIN

Edition L’Herne

 2003

Henry Corbin est un philosophe d’une très grande importance qui, par-delà les frontières géographiques, les langues, les systèmes, les institutions ecclésiales et les modes éphémères, par-delà les séparations de toutes sortes, s’efforce d’aviver les lueurs qui surgissent dans le temps et dans l’espace pour montrer qu’une même lumière est à leur origine.

Philosophe qui ne réduit pas le savoir à la science, ni la vérité à une simple valeur d’usage, ni l’existence à un épiphénomène de réactions chimiques, Henry Corbin s’inscrit dans la tradition de ceux qui lisent à travers l’histoire des hommes, non la genèse d’un devenir créateur, mais les rayons multiples d’une unité vivante réfractée par le prisme du temps et de l’espace, et située bien au-dessus de lui.

Face à l’envahissement de la technologie de la communication, à une occidentalisation à outrance de la pensée, au pseudo-ésotérisme sans substance, la recherche d’Henry Corbin nous mène sur les traces du XIIe imam, dénommé l’Imam caché.

Dans le cycle d’occultation qui est le nôtre, le XIIe Imam demeure, bien qu’occulté à la vue de la plupart, comme pôle mystique de ce monde. Il est le guide intérieur de tout être humain éveillé, sa mission est de reconduire l’apparence littérale du Livre à sa vérité spirituelle et métaphysique.

L’ensemble des textes ici réunis - Transcendantal et Existential : Mystique et humour ; Manichéisme et religion de la beauté ; Théologie au bord du lac ; Le temps d’Eranos ; Ruzbehan Baqli de Shiraz - posent la question de savoir si nous sommes au bord d’un déluge spirituel ou à la veille d’une renaissance.

Au sommaire de cet ouvrage :

La Prophétologie shiite Duodécimaine - Le « verus propheta » et la prophétologie shiite - L’idée fondamentale du shiisme - Prophétologie et imâmologie -

La prophétologie ismaélienne - Shiisme duodécimain et shiisme ismaélien - Théologie apophatique dans le ciel - Le drame dans le ciel et la prophétologie sur terre - Imâmologie et sotériologie - L’horizon paraclétique de la prophétologie ismaélienne -

Ruzbehan Baqlî de Shiraz - Un monde que Dieu ne regarde pas - Cherche moi dans la demeure mystique de l’amour  - Majnun le miroir de Dieu -

Manichéisme et religion - Du sens musical de la musique persane - Mystique et humour - De Heidegger à Sohrawardi - Post-scriptum biographique à un entretien philosophique - Théologie au bord du lac - Transcendantal et existentiel - Le temps d’Eranos - De l’Iran à Eranos - A Olga Frobe-Kapteyn -

 

CORBIN – SOHRAVARDI - LE LIVRE DE LA SAGESSE ORIENTALE

SOHRAWARDI - Traduit et annoté par Henri CORBIN

Edition Verdier

 1986

Le chef d’œuvre de Sohrawardi, ce grand philosophe Iranien mort à Alep en Syrie à 36 ans, victime de l’intolérance. Il exprime une expérience extatique de Dieu, « Lumière des lumières », dévoile dans l’univers sensible, les multiples miroirs des intelligences et des âmes.

Il ressuscite la sagesse de l’Iran zoroastrien et, fidèle au platonisme, fonde en métaphysique le sentiment gnostique de la vie : la Ténèbre, les substances qui « portent en elle, nuit et mort » s’opposent aux Lumières angéliques. Cette philosophie dramatique de l’existence s’achève en un magnifique chant de l’âme, en l’une des plus puissantes théories de la béatitude.

Ce livre est, sans conteste, un des monuments de la philosophie en terre d’islam. Le lecteur trouvera ici, en outre, les deux commentaires qu’en ont faits Qotboddin Shirazi et Molla Sadra Shirazi qui furent parmi les plus grands philosophes de l’Iran shiite.

Henry Corbin fut l’hôte ultime de la « sagesse illuminative » de Sohrawardi, sa traduction magistrale commentée est la reprise vivante d’une pensée mystique qui, selon lui, est au cœur de notre présent.

Au sommaire de cet important ouvrage de 700 pages :

Introduction : Lumières - Gnose - Liberté et vie - Vie de Sohrawardi - Son œuvre -

Première partie : La philosophie mystique de Sohrawardi - Sur les lumières divines, sur les lumières des lumières et sur les principes de l’être et leur hiérarchie - La lumière n’a pas besoin de définition - Sur la lumière et la Ténèbre - Pour exister, le corps a besoin de la lumière immatérielle - Le système de l’être - Sur la constitution des corps - Le mouvement des sphères célestes - La lumière supérieure et la lumière inférieure - Les illuminations irradient l’être - Exposé sur les astres - La science divine et la doctrine de l’Ishraq - Les effets produits par les intelligences sont illimités - Sur le mode d’activité de la Lumière des Lumières et des Lumières archangéliques - Le monde existe ab arterno - Les cieux tendent, par leurs mouvements, à une chose sainte et délectable -


Deuxième partie : Sur les divisions des Barzakhs sur leurs qualités, leurs compositions et quelques-unes de leurs facultés - Le changement d’état est altération dans la modalité mais non dans les formes substantielles - Les cinq sens externes - Le microcosme et le macrocosme - Correspondance entre l’âme pensante et le pneuma vital - Les prophéties et les songes - Qu’est-ce que la transmigration ? - La délivrance des ames pures retournant au monde de la Lumière - Les états des ames humaines après la séparation du corps - Le mal et la misère - Les Parfaits - Ecrit sur la tablette du Mémorial céleste - Les états mystiques du pèlerin - Testament spirituel -


Troisième partie : Commentaire de Qotboddin Shirazi - Commentaire de Molla Sadra Shirazi - Citations coraniques -

 

CORBIN - SUHRAWARDI D'ALEP

Henri CORBIN

Collection HERMES FATAMORGANA

 2001

Lorsque l’esprit d’un chercheur se voue, à la philosophie, la synthèse de la quête mystique et de la quête métaphysique requiert au plus haut point la présence d’un guide intérieur, du démon socratique.

 

Suhrawardi fut un tel maître pour les penseurs iraniens de l’Ecole d’Ispahan, il le fut aussi pour Henry Corbin, tout comme Halladj fut celui qui révéla à Louis Massignon, l’essence de l’attestation de l’Unique.

Le texte ici réédité est une méditation sur la courbe de vie de Suhrawardi qui la compare étroitement à celle de Hallaj et aux destins de tous ceux qui, en islam, ont payé de leur sang le témoignage personnel de l’unicité divine, parce que ce témoignage transgressait l’interprétation littéraliste et légalitaire de la Révolution.

Cette méditation se veut herméneutique, et elle dévoile l’intention des Récits mystiques suhrawardiens et de sa métaphysique illuminative. Une des leçons majeures qu’elle propose, c’est qu’il est illusoire de lire un penseur « au passé », alors qu’il faut le mettre au présent, tant ces œuvres sont intemporelles et universelles.

Au sommaire de cet ouvrage :

Le guide intérieur par Christian Jambet - Suhrawardi d’Alep par Henry Corbin - Sa vie et son œuvre - Discours métaphysique et discours en similitudes - L’attestation de l’unique

 

CORBIN - temple & contemplation

Henry corbin

Edition ENTRELACS

1958, Réédition 2006

Ce livre constitue un testament, et plus précisément le testimonium (témoignage) chevaleresque d’Henry CORBIN.


Le lecteur assiste là à l’authentique « confluent des deux mers » : la tradition occidentale templière et la tradition orientale du Temple. L’ouvrage constitue cette confluence érudite entre la tradition chevaleresque de l’Occident et la fotowwat (Compagnons Chevaliers) de la tradition orientale.


La leçon profonde de ce livre majeur qui résume avec discrétion une longue vie spirituelle de plus en plus ardente à mesure qu’elle mûrissait au soleil invisible de la Lumière incréée, c’est que l’image archétype du Temple – en Orient comme en Occident – n’est pas séparable de la méthode « contemplative » et que finalement « le contemplateur, la contemplation et le Temple ne font qu’un ».

C’est le pouvoir contemplatif qui construit le Temple et le Temple dressé dans l’Imaginal devient ainsi Porte du Ciel. C’est alors que la transcendance, pour reprendre une belle image à la spiritualité islamique, m’est plus proche et présente que l’artère qui palpite sa vie à ma tempe…
 

Y est traité:

D’un concept de la couleur englobant la totalité des univers
Du vrai rapport entre lumière et couleur
Herméneutique du Qorân et herméneutique des couleurs
La filiation templière
Le Temple et les Templiers du Graal
L’Imago Templi et les « Fils de la Vallée »
Les Templiers à Chypre
Les Frères de la Croix (Kreuzesbrüder)
La Nova Hierosolyma. Swedenborg
Le Temple céleste et la nouvelle Jérusalem
Du Temple d’Ézéchiel à la cité-temple johannique
La « Nova Ecclesia » chez Swedenborg
Ézéchiel et le Nouveau Temple comme restauration cosmique
La ruine du Temple déserté par la Shekinah
Dieu lui-même comme temple
Le retour de la Shekinah
L’Imago Templi d’Ézéchiel à Philon ; Maître Eckart, Robert Fludd
La théologie du Temple dans le judaïsme
Le jeune rameau planté sur la montagne
Le Temple céleste et la restauration cosmique
Les Septante
Le Livre II des Makkabées
Le Temple de Léontopolis
Les Oracles sibyllins Philon
Maître Eckart
Robert Fludd
Le Temple spirituel et la communauté de Qumrân

La critique du Temple de Jérusalem
Le symbolisme de la plantation, de l’eau, de la haute montagne
La liturgie céleste et l’eschatologie réalisée
L’Imago Templi et la chevalerie templière
Théologie du Temple et thésologie de l’Église
Théophanies et christophanies liturgiques
L’ésotérisme chrétien et la tradition templière
La filiation templière « a parte ante »
Les cavaliers de l’Invisible et la science des correspondances
Rituel sabéen et Temple spirituel
Le Temple spirituel
Rituel sabéen et angélologie
L’Origine transcendante du Rituel
Rituel religieux et Rituel philosophique
Fêtes et Liturgies des Frères de la Pureté
Rituel ésotérique et vision des Personnes-archétypes
Les formes spirituelles
La structure du Temple de la Ka’ba
Les Douze Imâms
Le plan du Temple de la Ka’ba
Les abords du Temple : les « stations » de l’ange Gabriel et d’Abraham
Le sens ésotérique du pèlerinage au Temple de la Ka’ba
Le secret de la Pierre Noire et le motif de la Perle
Le sens ésotérique des visites aux Lieux Saints
L’Imago Templi et la destruction du Temple
Le monde comme crypte du Temple
La destruction de la crypte du Temple
L’entrée dans le monde de l’exil

 

CORPS  -  ÂME  -  ESPRIT      par     MICHEL FROMAGET

Michel Fromaget

Edition Almora

 2017

Notre anthropologie fondamentale est aujourd'hui dualiste : l'homme, croyons-nous, est formé seulement d'un corps et d'une âme. Nous pensons que notre vie ne présente que deux aspects, unis certes mais distincts: un aspect physique (le corps) et un aspect psychologique (l'âme).  Cette anthropologie dualiste est celle de l'opinion commune, mais aussi celle de la culture, des philosophes, des sociologues, des anthropologues, des théologiens, des artistes. Bref le dualisme âme/corps est une évidence incontestable pour nous aujourd'hui. Or, Michel Fromaget nous montre qu'en oubliant l'esprit, l'homme ne se connait plus ; l'humanité a oublié le secret fondamental de son essence : l'esprit.

 

L'objet de cette étude, interrogeant les anthropologies antiques, tout particulièrement celle du christianisme originel et celle des premiers Pères de l'Eglise, est donc d'aider à retrouver le sens, ainsi que le chemin, de cette troisième " phase " de l'homme : l'esprit. L'anthropologie ternaire (corps, âme, esprit) fondamentale introduite en ces pages tâchera de le montrer, ce secret concerne la réalité et la nature de l'être essentiel vivant en chacun. Nous pourrions écrire que ce secret est : l'Être même de l'homme. Ce livre exceptionnel pourrait nous servir de boussole dans le monde qui est le nôtre en recherche de sens.

 

"Ce livre traite de manière approfondie d'un thème essentiel car la confusion du psychique et du spirituel, autrement dit de l'âme et de l'esprit, rend incompréhensible l'essence des enseignements justement désignés comme spirituels. Ce livre peut donc efficacement contribuer à inspirer et à guider celui qui s'est engagé sur la voie de la libération..."

 

Voici une interview de l'anthropologue Michel Fromaget. Il aborde un thème essentiel sur la façon dont l'être humain se perçoit. Est-ce simplement comme corps et âme ou bien comme corps âmes et esprit. La question peut paraître théorique, vous pourriez bien changer d'avis en lisant cette interview. Cette rencontre éclaire en tout cas la rencontre entre foi et développement personnel dont rend compte ce blogue. Elle permet aussi de percevoir autrement ce que l'on appelle la crise du milieu de vie. Anthropologue réputé, Michel Fromaget a commencé sa carrière universitaire comme économiste. Puis il s’est intéressé aux comportements rituels symboliques, en étudiant l’ethnologie et l’anthropologie. Il a notamment travaillé avec Louis Vincent Thomas sur l’imaginaire de la mort, sujet auquel il a consacré deux thèses. Après avoir passé deux ans en Afrique pour enseigner à l’université de Libreville et étudier les rituels thérapeutiques et funéraires, il a dû revenir en France. En avril 1985, la rencontre providentielle avec une personne bien avancée sur les voies de la spiritualité chrétienne change brusquement sa vie. Un travail de transformation et d’intériorisation des connaissances s’enclenche alors qui le conduit à accorder une valeur extrême à la conception de l’homme, comme corps, âme et esprit, qu'il nous présente dans ce numéro. Son travail se situe clairement dans une optique universitaire, même s’il aborde la tradition chrétienne dans une perspective bien plus existentielle qu’intellectuelle. À l’occasion de la célébration de la Pentecôte, il montre ce que cela change de se penser comme corps, âme, mais aussi esprit.

 

Alors que les chrétiens s’apprêtent à fêter la Pentecôte, vous expliquez que l’homme contemporain ne s’imagine plus capable de le recevoir l’Esprit saint. Pourquoi ?

Michel Fromaget : Nous avons tendance à ne connaître de l’homme que son corps et son âme, tout en niant la réalité de sa troisième dimension, celle que l’usage le plus ancien nomme esprit. Étant incapable d'imaginer correctement notre esprit, nous le sommes plus encore de nous représenter « l’Esprit divin », l’Esprit avec un grand « E ». Car c’est notre esprit qui permet d’être en communion avec Celui que l'on appelle aussi l’Esprit saint.

 

Comment définissez-vous ces deux dimensions corps et âme par lesquelles l’homme contemporain semble uniquement se définir ?

M.F. Le mot « corps » désigne la part physique, matérielle, sensible de l’être. L’âme dont nous parlons est l’anima des Latins, la psyché des Grecs, la composante psychique de l’être, cette part qu’étudie la « psychologie ». Elle est constituée de l’intelligence, la pensée, la volonté, la mémoire, l’imagination, les sentiments, le conscient, l’inconscient.

 

Pourquoi sommes-nous amenés à nous penser seulement en terme binaires ?

M.F. Cette représentation est vérifiable, nous pouvons tous vérifier que nous avons un corps et une âme. Ce qui ne signifie pas que cette représentation soit juste. Ainsi, le fait que le soleil se lève chaque matin et se couche chaque soir ne démontre pas que la représentation du cosmos de Ptolémée soit vraie, mais seulement qu’elle est cohérente. Que nous la croyions vraie ou fausse, cette représentation n’influence pas le cosmos. Ce qui n’est pas le cas de nos représentations de l’être humain qui façonnent notre façon d’être. Car nous devenons ce que nous pensons.

 

En quoi est-ce gênant de se représenter seulement corps et âme ?

M.F. Le christianisme ancien, de même que toutes les traditions spirituelles authentiques, considère qu’il n’y a d’homme véritable qu’accompli, c’est-à-dire fait en totalité. L’homme qui ne se vit que corps et âme, physique et mental demeure inachevé. Car il ne met pas en oeuvre sa troisième dimension. Ce n'est pas gênant sur le plan naturel, ni sur le plan des apparences. Mais dans l’ordre spirituel, celui de l’éternité et de Dieu, le choix d’enfermer sa vie dans le cercle de préoccupations seulement matérielles et psychiques est un drame sans mesure.

 

Comme celui que vit une chenille qui refuse de devenir papillon ?

M.F. En effet, ce choix est semblable à celui d’une chenille qui préférant continuer à se gaver de verdure, refuserait catégoriquement de devenir papillon. Dans une perspective seulement terrestre, cette chenille pourra atteindre le bonheur digestif le plus épanoui et inspirer à ses semblables une considération sans pareille. Mais, sur le plan de l’être dont elle porte en elle la possibilité et la promesse, quel gâchis immense !

 

Vous expliquez que l’homme contemporain se pense comme corps et âme, et en même temps que chaque personne a déjà ressenti la dimension de l’esprit. A quelle occasion ?

M.F. Quiconque a un jour aimé d’amour pur, ou bien s’est laissé envahir par l’émerveillement induit par la beauté du monde, celui-là a déjà eu une première et capitale expérience de l’esprit. Se faisant, il a déjà eu l’intuition de l’être accompli qu’il est appelé à devenir et qu’il sera un jour, s’il le désire. Car l’amour et la beauté sont en nous les manifestations de notre esprit (avec un e) qui est ouverture, participation et communion avec l’Esprit (avec un E). C’est une vérité que savent de grandes et anciennes traditions spirituelles comme le platonisme, le néoplatonisme et le christianisme et qui a été mise en valeur par de grands philosophes chrétiens comme Vladimir Soloviev, Louis Lavelle, Nicolas Berdiaev ou Maurice Zundel.

 

Comment définir cette dimension de l'esprit ?

M.F. Les grands spirituels d’Orient et d’Occident se retrouvent pour dire qu’il est impossible de définir l’esprit. Mais s’il ne peut être épinglé par des mots, il est tout de même possible de l’imaginer si imparfaitement que cela soit notamment à travers des symboles ou des paraboles comme, par exemple, celles des noces de Cana. Vous connaissez la formule sacramentelle de la messe : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Le vin figure la divinité, l’eau l’humanité. La symbolique des noces de Cana est la même, à ceci près qu’elle est encore plus précise. En effet les phases corporelle et psychique de l’humanité y sont distinguées : les jarres, solides, figurent le corps notamment dans son opacité et sa pesanteur. L’eau est là un excellent symbole de l’âme. À Cana, le vin est le symbole de l’esprit. La transformation de l’eau en vin, par suite celle des jarres remplies d’eau en jarres pleines de vin symbolise la transfiguration, la spiritualisation, la déification de l’être humain.

 

Quel rôle joue le Christ ?

M.F. Cette transformation est la naissance de l’homme à l’esprit, de l’homme à son être en plénitude qui est fait de corps, d’âme et d’esprit. La scène de ces noces enseigne que cette transformation se fait par le Christ : c’est lui qui transforme l’eau en vin. Le miracle des noces de Cana est le premier miracle de Jésus dans l’évangile de Jean (2,1-11). Il peint la nouvelle naissance. Toujours dans l’évangile de Jean (3, 1-21), le premier enseignement prononcé par Jésus, celui qu’il donne de nuit à Nicodème, est aussi consacré à présenter cette seconde naissance. Dans le même évangile, le dernier enseignement donné par Jésus à l’humanité,- il est alors en croix -, concerne encore cette bienheureuse naissance (Jn 19,26)

 

Cette conception de l'homme en trois dimensions crée-t-elle de nouvelles facultés perceptives ?

M.F. Non, les sens spirituels décrits par les mystiques ne sont pas de nouvelles facultés perceptives. Ceci de la même manière que le monde psychique n’est pas en vérité un « autre monde » que le monde physique, et que le monde spirituel n’est pas non plus un « autre monde » que les deux précédents. Il s’agit en fait du même monde, mais perçu différemment. Non pas avec des sens différents, mais avec les mêmes sens fonctionnant différemment.

 

Peut-on faire un lien entre cette ouverture à l’esprit et ce que l’on appelle la crise du milieu de vie ?

M.F. Cette crise est le fait de ceux qui comme tout le monde ont eu une première expérience de l’esprit, rencontré sous le jour de l’émerveillement, de la beauté ou de l’amour. Mais ils ne lui ont pas fait suffisamment confiance pour en faire le centre profond de leur vie. Et ils ont préféré consacrer cette dernière au soin de leur corps et à l’embellissement de leur psyché. En soi, le fait même de passer par cette crise existentielle est d’excellent augure. Car il témoigne de la prise de conscience d’un vide, d’un manque, d’un appel à être en plénitude. Cette crise est l’expression de l’esprit qui, dans les profondeurs de notre être, s’agite et crie pour que nous l’écoutions et pour qu’enfin nous vivions pleinement, ne serait-ce que juste avant de mourir. Alors de deux choses l’une: ou l’homme en crise écoute l’appel du papillon et il sort de sa crise par le haut, ou il ignore cet appel, il préfère continuer à engraisser la chenille qu’il est, et qui va bientôt retourner d’où elle vient, et il sort de cette crise par le bas.

 

Peut-on faire quelque chose de particulier pour favoriser cette ouverture ?

M.F. « Il n’y a rien à faire, mais à être ». Ce que sainte Thérèse soulignait en disant qu’elle ne peut se « provoquer ni faiblement, ni un instant». Cependant, nous pouvons invoquer l’Esprit saint et nous pouvons nous disposer à sa venue. Pour se rendre ainsi disponible, toutes les grandes traditions et tous les vrais spirituels conseillent la prière et l’écoute silencieuse, c’est-à-dire le silence intérieur.

 

Finalement, qu’est-ce que cela change de s’ouvrir à la dimension de l’esprit ?

M.F. Avant sa première expérience spirituelle, l’homme est semblable à un poisson rouge ignorant qu’il est prisonnier de son aquarium parce qu’il n’en est jamais sorti. Après en être sorti, ne serait-ce que le temps d’un éclair, il connaît sa condition et comprend qu’elle est éminemment tragique. Alors, le choix lui appartient. Soit il préfère oublier ce qu’il a vu et rester prisonnier. Soit il assume ce qu’il voit et il en tient compte dans sa vie quotidienne. C’est ce choix qui peu à peu donne place à une vie infiniment plus féconde et plus belle. Non plus obligatoire, mais libre. Une vie, non plus partielle, mais entière. Non plus relative, mais absolue. Non plus mortelle, mais immortelle. Cette vie supérieure n’est bien sûr autre que la Vie éternelle de l’Écriture, cette vie dont saint Augustin disait, si justement, qu’elle est « la Vie de notre vie ».

 

Un ouvrage de 445 pages avec au sommaire : Anthropologie fondamentale  -   l’homme corps et âme  -  nouveau regards sur les mythes  -  Copernic  -  conception ex deo et conception ex nihilo  -  métanoïa scientifique  -  l’homme être hybride  -  la dynamique humaine  -   le ternaire dans les conceptions antiques et gnostiques  -  les Aztèques  - les grecs  -  Héraclite  -  Platon, Aristote, Empédocle,  le stoïcisme, Epictète et Marc Aurèle  -  Valentin, Basilide les cathares, l’hermétisme et la magie  -  Philon le juif  -  saint Paul   -  la trilogie humaine dans les Evangiles  -  l’âme comme point de passage  -   Ignace d’Antioche, Polycarpe, Justin, Tatien, Théophile d’Antioche Méliton de Sarde  -  Anthropologie médiévale  corps âme et esprit   -  les Pères du désert et les Pères de l’église  -   le roman et le gothique  -  les quatre vivants  -  les sarcophages  - le monde moderne et l’homme domestiqué  -   étouffement et enfermement  - la psyché  -  les rapports de force entre pouvoirs scientifiques, économiques et domestication  -   Marx, Freud et Jung   - L’église romaine  - Evola, R. Guénon, Godel, Biès, Dauge  - Frankl – jean Guitton et jean Borella  -   Satan entre déni et rationalisation  - les mystères d’Eleusis  -   Socrate éveilleur – la maïeutique  -  Mithra  -  le consolamentum cathare  -  Epistrophe et métanoïa  -  Rédemption ou déification  - les Evangiles -  naissance, vie et mort  - l’âme mère  - fécondation spirituelle  -  le cœur spirituel  - le mystère de l’initiation chrétienne  - le baptême -  anthropologie apophatique  -  le feu de la lampe  -   l’homme caché et inconnaissable  -   l’enfant prodigue  -

 

corps – Âme - esprit PAR UN CATHOLIQUE

Jérôme ROUSSE-LACORDAIRE

Edition LE MERCURE DAUPHINOIS

 2007

Les Anciens ont été unanimes pour décrire l’homme comme triple : un corps, une âme et un esprit. Le corps, nous savons tous de quoi il en retourne, mais l’âme et l’esprit ? Ils sont souvent employés l’un pour l’autre. La sagesse populaire a pourtant conservé des expressions qui les distinguent, comme « rendre son âme », « perdre l’esprit », « en son âme et conscience ».

 

C’est pourquoi, nous avons demandé aux différentes traditions spirituelles de notre pays, de nous transmette la connaissance de ce ternaire qu’elles ont eu en héritage, et qui permet à l’homme de se relier et ainsi de se guérir. L’auteur : Jérôme Rousse-Lacordaire est dominicain et directeur de la bibliothèque du Saulchoir, à Paris. Il enseigne à l’Institut catholique de Paris et a publié ou collaboré à plusieurs ouvrages traitant des rapports entre ésotérisme et christianisme. »

 

Comment l’âme et le corps sont-ils liés ?: C’est une question philosophique autant que théologique. Selon la tradition catholique, l’âme est immortelle. Dieu lui fait intégrer le corps humain quand se forme la personne. L’Eglise n’en définit pas davantage les modalités d’intégration, mais cela a plusieurs conséquences : Nous ne savons pas exactement quand l’âme intègre un corps en formation. Dans la tradition juive, il est souvent considéré que c’est au 40e jour de gestation, mais cela n’est pas confirmé par l’Ecriture. Dans le doute, la personne humaine doit être considérée comme étant corps et âme dès sa conception. Ce qui justifie le refus absolu de l’avortement : on ne sait pas à quel moment attenter à la vie de l’embryon devient une atteinte à une personne humaine, donc il faut prendre l’hypothèse la plus prudente. L’âme est immatérielle. Elle n’est pas le produit neurologique ou chimique du corps. L’âme est donnée par Dieu : elle est le siège de la conscience. Certains auteurs distinguent l’âme siège de la sensibilité de l’esprit siège de la vie spirituelle (on définit alors la personne comme corps-âme-esprit), mais, le plus souvent, on entend « âme » au sens de siège de la vie spirituelle et de la sensibilité (donc âme + esprit).

 

A la mort, c’est quand l’âme quitte le corps que la personne est morte. La mort cérébrale n’est donc pas la mort pour l’Eglise catholique. Il faut vraiment un arrêt cardiaque et respiratoire prolongé et que le souffle de vie ait réellement disparu de façon irréversible pour que la personne soit morte. Se fonder sur la mort cérébrale est donc créer des conflits éthiques, par exemple lorsque des tentatives de prélèvements d’organes ont lieu sur une personne ayant été déclarée en état de mort cérébrale et n’étant pas morte au sens de la disparition de son souffle de vie.La Tradition affirme que l’âme quitte le corps à la mort et séjourne au Purgatoire, au Paradis ou en Enfer, dans l’attente du Dernier Jour. Au Dernier jour, le Christ reviendra « juger les vivants et les morts » (Mt 25) et ressusciter les morts.

 

 La résurrection « de la chair », comme le dit le Credo, signifie que l’âme réintègre son corps et que c’est corps et âme que la personne est reçue dans la béatitude divine. L’Apocalypse parle de la « seconde mort » pour les personnes damnées suite à ce Jugement dernier pour l’éternité, loin de la présence de Dieu. La résurrection signifie donc que la personne humaine est appelée à être corps et âme, dans la béatitude divine, pour l’éternité. C’est donc l’ensemble de la personne qui est sauvée. St Thomas d’Aquin explique en effet, dans la Somme contre les Gentils, que l’homme est créé corps et âme, contrairement aux autres créatures matérielles, qui n’ont pas d’âme, ou aux anges, qui n’ont pas de corps. Si seule l’âme restait immortelle, sans résurrection des corps, une personne humaine serait, en quelques sortes, incomplète. Ce n’est pas le plan de Dieu.

Cela rend donc totalement incompatible la foi chrétienne avec toute idée de transmigration des âmes et réincarnation.

 

L’âme est celle d’une personne unique. Au baptême, c’est d’ailleurs une personne corps et âme qui est baptisée et appelée par son nom. C’est donc la totalité de la personne qui est appelée au salut. Cela a pour conséquence le rejet de tout dualisme qui privilégierait l’âme et négligerait le corps. Cela implique le respect absolu du respect du corps humain, même mort, contre toute mutilation non justifiée par des soins médicaux, prostitution, euthanasie, prélèvement d’organe non consenti, profanation. La volonté des transhumanistes à vouloir « enregistrer » le contenu du cerveau humain va donc aussi contre l’intégrité de la personne.Enfin, la foi de l’Eglise tient la tension entre une âme immortelle qui est déjà en présence de Dieu ou non, et le rétablissement de la totalité de la personne humaine à la résurrection des corps au Dernier jour.

 

CORPS – ÂME - ESPRIT PAR UN PHILOSOPHE

Henri de la croix haute

Edition Le Mercure Dauphinois

 2002

Si tout le monde sait de quoi il retourne lorsqu’on parle de corps, il n’en est pas de même de l’âme et de l’Esprit. Ce petit livre explique l’âme et l’Esprit à travers la philosophie, depuis Héraclite et à travers toutes les civilisations. Également du rôle de l’encens et des parfums sur ce ternaire. La sagesse populaire dit « Perdre l’âme, rendre son âme, perdre l’Esprit, en son âme et conscience ». Alors essayons d’y voir clair grâce à ce petit traité. ANIMUS – ANIMA.

 

Descartes, à la fois en tant que philosophe et homme de science, se situe à deux niveaux de compréhension du réel : il fait rentrer la nature dans un cadre mécaniste auquel le corps est soumis, et en même temps, il soutient un dualisme de l’âme et du corps dans lequel l’âme échappe aux déterminations du corps. L’auteur décrit méthodiquement les caractères qui sont propres à l’âme puis au corps et lèvent les contradictions qui résultent de leur union. De plus, celle-ci joue un rôle fondamental dans le jeu des passions qui fonde l’ensemble de sa théorie morale.

 

L’union de l’âme et du corps : L’âme est indivisible, le corps est divisible. L’âme n’est pas étendue, le corps occupe un espace. L’âme est immatérielle, le corps est matériel. Et pourtant, « l’âme est unie à toutes les parties du corps conjointement ». Pour rendre compte de ce phénomène, Descartes pose l’existence d’une petite glande qu’il situe dans le cerveau, appelée glande pinéale. Cette dernière joue le rôle du point de jonction entre l’âme et le corps.

 

Elle permet à l’âme de recevoir des informations sur le monde grâce au corps qui joue le rôle de médiateur, et en retour d’agir sur celui-ci en fonction des nouvelles recueillies. Plus précisément, l’âme et le corps communiquent par l’intermédiaire des esprits animaux : les mouvements de la glande pinéale peuvent influencer l’action de ces esprits (dans ce cas c’est l’âme qui agit sur le corps) et en retour, ces esprits animaux peuvent influencer les mouvements de la glande (dans ce cas, c’est le corps qui agit sur l’âme).

Descartes insiste sur le fait que l’âme cartésienne soit une et indivisible comme notre pensée. En effet, l’auteur part du principe qu’on a deux bras, deux jambes, bref, que tous les organes de nos sens extérieurs sont en doubles, mais qu’on a une seule pensée, ce qui signifie que l’âme est unique. Le dualisme défendu par Descartes est un dualisme ontologique des substances. L’âme et le corps sont deux entités distinctes, de nature différente. On peut le distinguer du dualisme des propriétés : c’est considérer qu’une substance peut avoir des propriétés différentes et irréductibles les unes aux autres mais qu’il n’y a en réalité qu’une seule substance. C’est par exemple, lors d’une expérience vécue par un sujet, la façon dont sa conscience vit l’expérience et les processus chimiques qui se sont produits dans le cerveau parallèlement.

 

Pour les neurosciences, ces deux manières de percevoir l’expérience renvoie au même phénomène : les processus neuronaux qui déterminent le fonctionnement de notre cerveau. Sur ce sujet, Paul Ricœur parle d’un dualisme sémantique qui prend sa source chez Spinoza : dans le discours nous sommes confrontés à deux types de langages apparemment très éloignés l’un de l’autre. « Il y a la vie vue par les biologistes, et il y a la vie comme étant [c'est-à-dire, le vécu] ». Autrement dit, il y a le langage du corps, et le langage de la pensée (ou de l’âme). Du point de vue spinoziste, vers lequel converge le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, ces deux langages renvoient à une même substance (qui unifie l’âme et le corps), mais du point de vue cartésien, ils renvoient à deux substances qui ont des propriétés différentes et donc à un dualisme ontologique. Or Paul Ricœur pose la question de savoir comment unifier ces deux discours qui lui apparaissent irréductibles l’un à l’autre.

 

En matière de philosophie morale, Descartes innove par l’importance accordée au corps. En effet, les passions résultent de l’union même de l’âme et du corps et de leur manière d’interagir. Le corps est le lieu des passions même si sans l’âme il ne ressentirait rien car un cadavre ne pleure ni ne rit. Pour le dire autrement, les passions sont des perceptions de l’âme qui ont le corps pour cause. Et elles nous sont utiles car elles disposent notre âme à vouloir ce qui est bon pour nous et à persister dans notre volonté. De plus, comme l’union de l’âme et du corps varie en fonction des mouvements de l’âme et du corps qui sont eux-mêmes déterminés par notre contact particulier et propre au monde, alors cette union est unique chez chaque individu et forge notre identité personnelle.

 

Le réductionnisme cartésien : L’éminent neurobiologiste Jean-Pierre Changeux dont les travaux ont permis de faire d’immenses bonds dans la connaissance de notre cerveau a conscience des transformations majeures que les neurosciences peuvent entraîner au sein de la philosophie (morale, des sciences) et se préoccupe de leur devenir. Selon cet auteur, la théorie de Descartes ne peut tenir que grâce à l’existence hypothétique d’une glande pinéale. Autrement, sa théorie s’effondrerait sous le regard implacable de la logique. C’est en effet le seul moyen de relier l’âme au corps si l’âme est pure immatérialité, et le corps pur matérialité. Cependant, ce qui importait pour Descartes était de pouvoir identifier le lieu du « moi » conscient dans l’émergence de la subjectivité qu’il a innovée. Aussi, il soumet à son cadre mécaniste uniquement le corps : celui-ci peut être décomposé dans ses éléments les plus simples (os, muscles…), comme une machine (vis, écrous…). La position de La Mettrie est plus radicale : il défend un réductionnisme qui assimile non pas seulement le corps à une machine, mais l’Homme dans sa totalité. Ainsi, comprendre le fonctionnement de l’Homme, que ce soit sa conscience ou son corps, c’est le réduire au fonctionnement de son cœur, de ses muscles, de son cerveau

 

Au contraire, pour Descartes, seul le corps est une machine : simplement, étant l’œuvre de Dieu qui est un ouvrier plus parfait que l’Homme, ses composants sont beaucoup plus petits et complexes à tel point qu’ils sont invisibles à l’œil nu. La seule différence entre l’Homme et un automate, c’est que ce dernier n’a pas d’âme, tout comme un cadavre. Cependant c’est bel et bien Descartes qui introduit cette notion de réductionnisme, avec des répercussions importantes en épistémologie, dans la Vème partie du Discours de la méthode. Des objets tels que le monde, le corps vivant, sont des réalités réductibles à des principes fondamentaux : «  je veux mettre ici l’explication du mouvement du cœur et des artères, qui étant le premier et le plus général qu’on observe dans les animaux, on jugera facilement de lui ce qu’on doit penser de tous les autres ». On peut comprendre le corps humain grâce à la connaissance de ses principaux organes. Ceci étant, Descartes considère que l’Homme est plus que cet agrégat d’organes, cœur, muscles, foie, cerveau …

 

Aussi en posant l’existence d’une telle âme rattachée au corps sans pour autant y appartenir, la position cartésienne n’est pas réductionniste au niveau de l’union de l’âme et du corps. L’âme est une et indivisible et irréductible à un principe plus général qui la précéderait, aussi le réductionnisme mécaniste de l’auteur ne peut s’y appliquer comme sur le corps. En effet une telle position exige que la réalité à laquelle on est confronté soit multiple, divisible comme le corps humain (bras, jambes, cerveau, cœur) afin de la réduire à des principes plus généraux. La théorie cartésienne envisage donc une spécificité de l’âme par rapport au corps du fait qu’elle échappe aux lois mécanistes auxquelles le corps est soumis.

 

corps – Âme – esprit par une musulmane & un musulman

H. dassa

Edition MERCURE DAUPHINOIS

 2004

Les Anciens ont été unanimes pour décrire l’homme comme triple : un corps, une âme et un esprit.Le corps, nous savons tous de quoi il en retourne, mais l’âme et l’esprit ? Ils sont souvent employés l’un pour l’autre. La sagesse populaire a pourtant conservé des expressions qui les distinguent, comme « rendre son âme », « perdre l’esprit », « en son âme et conscience ».C’est pourquoi nous avons demandé aux différentes traditions spirituelles de notre pays, de nous transmettre la connaissance de ce ternaire qu’elles ont eu en héritage, et qui permet à l’homme de se relier et ainsi de se guérir.

 

L’homme est constitué d’un corps et d’une âme. Comme le corps doit être entretenu l’âme aussi a besoin d’entretien et de nourriture. L’adoration, le rappel, la proximité et l’amour de Dieu sont la nourriture de l’âme.   En ne s’intéressant qu’aux plaisirs de son corps l’homme se rapproche des animaux. L’homme doit donc garder l’équilibre entre les besoins de son corps et les besoins de son âme.   Malgré l’accessibilité du corps et les moyens technologiques, l’homme n’arrive toujours pas à déceler tous les secrets du corps. L’âme est une création encore plus merveilleuse et plus complexe que le corps. Ses secrets sont très difficiles à dévoiler, voir même, inaccessibles à la raison humaine : «  Ils t’interrogent sur l’âme. Dis-leur : « L’âme relève de l’ordre exclusif de mon Seigneur et, en fait de science, vous n’avez reçu que bien peu de chose. ». Sourate du Voyage nocturne (Al-Isrâ’). L’homme doit admettre et accepter sa faiblesse et reconnaître ses limites. Nous sommes incapables de connaître la nature de l’âme et comment elle se lie au corps et comment elle se sépare de lui.   Cependant, le verset coranique n’interdit pas les recherches scientifiques qui visent à démystifier les secrets de l’âme.

L’origine de l’âme :      Dieu a honoré l’homme en lui insufflant de son esprit. L’âme d’Adam est un souffle divin comme l’affirment les textes suivants : « Une fois que Je lui aurai donné sa forme définitive et l’aurai animé de Mon souffle, vous vous prosternerez devant lui. »  «  C’est Lui qui a créé toute chose à la perfection et qui a instauré la création de l’homme à partir de l’argile ; [8] puis d’un vil liquide Il a tiré sa descendance ; puis Il lui a donné une forme harmonieuse et a insufflé en lui de Son Esprit, vous dotant ainsi de l’ouïe, de la vue et de l’intelligence. Mais il est rare que vous Lui témoigniez votre reconnaissance ! »

Le début de la vie :   En islam l’âme est insufflée dans le corps humain à 120 jours à partir de sa conception. Dieu envoie l’ange pour insuffler l’âme dans l’embryon conformément à ce qui a été rapporté dans un récit authentique d’après le compagnon Abd Allah ibn Massoud : « le Messager r le très véridique nous a dit que l’un de vous est constitué dans l’utérus de sa mère pendant 40 jours. Et puis, il se transforme en caillot de sang pendant le même laps de temps. Et puis il devient un fœtus pendant le même laps de temps. Et puis on envoie l’ange pour lui insuffler une âme et l’on donne à l’ange l’ordre d’écrire quatre mots concernant sa subsistance, le terme de sa vie, son œuvre et son sort : sera-t-il heureux ou malheureux. » (Hadith authentique rapporté par l’imam Bukhâri et l’imam Mouslim)

La mort : Le musulman croit que toutes les créatures de Dieu meurent quand le terme fixé par Dieu arrive. Les causes de la mort sont multiples mais la mort est la même et le terme fixé ne peut être ni retardé ni avancé. « Toute être goûtera la mort ; mais vous ne recevrez votre totale rétribution que le Jour de la Résurrection. » L’ange de la mort ou l’un de ses aides s’occupent de retirer les âmes, après l’autorisation d’Allah. « Dis-leur : « L’ange de la mort, chargé de vous, recueillera votre âme ; puis vous serez ramenés à votre Seigneur. » »  La mort est la séparation entre l’âme et le corps. Le corps revient à la terre d’où il vient. L’âme revient à Dieu, elle ne disparait pas après la mort.  La mort n’est qu’un changement d’état et un passage d’un monde vers un autre. L’âme d’un être humain ne peut s’incarner dans un autre et ne peut habiter le corps d’un animale. Tous ce que font les sorciers et les charlatans qui, soit disant, communique avec les âmes ne sont que des œuvres diaboliques où Satan et ses soldats jouent le rôle principal.

Le sommeil :    Le sommeil est considéré comme une mort temporaire ou mineure. «  Dieu accueille les âmes quand elles meurent, et quand elles sombrent seulement dans le sommeil. Il retient celles dont Il a décrété la mort et renvoie les autres jusqu’au terme fixé. N’y a-t-il pas là des signes pour qui sait réfléchir ? »  Avant de dormir le musulman dit « Ô mon seigneur c’est en ton nom que je meure et en en ton nom que je reprends la vie »  Au réveil le musulman dit : « Louange à Dieu qui m’a rendu mon âme, m’a épargné dans mon corps et qui m’a parmi de l’invoquer »

Relation entre la mort et le monde des vivants : Après la mort les âmes restent en contact avec le monde des vivants d’une manière dont nous ignorons la nature.  Il est recommandé pour le musulman de rendre visite aux morts dans les cimetières. En rentrant dans un cimetière le musulman salue les morts. Le Prophète nous informe dans un Hadith authentique que les âmes nous entendent et répondent à nos salutations. Les âmes sont heureuses quand un vivant vient leurs rendre visite et demander à Dieu la miséricorde en leur faveur.  Lors des rêves l’âme peut rentrer en contact avec d’autres âmes. Il est ainsi rapporté par plusieurs compagnons du prophète d’avoir fait des rêves pieux où d’autres compagnons morts leur ont apparus pour les informer de leur sort ou de leurs plaisirs dans le paradis.  Cela étant dit, aucune règle juridique, ni principe religieux, ni interdiction ni autorisation ne peuvent être basés sur les rêves.

Le libre arbitre :     La particularité de l’âme humaine est qu’elle est dotée du libre arbitre. Tandis que la création (Les animaux, les astres, les plantes, …) est soumise à Dieu par nature, l’homme doit volontairement accepter et se soumettre à Dieu.

La résurrection :   Croire au jour du jugement dernier et à la résurrection est les cinquièmes piliers de la foi musulmane.  Le jour où la Terre sera changée en autre chose que la Terre, de même que les Cieux, ce jour-là les hommes comparaîtront devant Dieu, l’Unique, le Dominateur suprême. »      « Au premier son de Trompette, tous les êtres qui peuplent les Cieux et tous ceux qui peuplent la Terre seront foudroyés, à l’exception de ceux que Dieu voudra bien épargner. Puis on sonnera une deuxième fois, et les voilà tous debout, attendant leur sort.   La vie dans l’au-delà n’est uniquement une vie de l’âme mais aussi une vie corporelle et matérielle «  que l’Heure [la fin du monde] viendra, sans nul doute, et que Dieu ressuscitera ceux qui sont dans les tombes. » Après la disparition de ce monde, Dieu recrée les corps et les « accouple » avec les âmes. Tous les êtres comparaitront devant leur Seigneur pour le grand jugement.

 

corps – Âme – esprit par un Protestant

D. fadiey lousky

Edition LE Mercure Dauphinois

 2002

L’auteur membre de l’Église réformée de France est professeur d’histoire. Il développe ici les différences entre l’âme et l’esprit. Des explications intéressantes.

 

Il y a un phénomène curieux : on dit que le Christianisme n'est pas dualiste, qu'il considère que le monde matériel est créé par Dieu, et donc, ainsi, bon a priori, et que par là même notre corps avec ses fonction n'est pas mauvais, or il se trouve dans les lettres de Paul de curieux passages montrant une forte antinomie entre la « chair » et l'« esprit ». Il parle ainsi des désirs de la chair qui conduisent à la mort et à ceux de l'esprit qui mènent à la vie. Or automatiquement lecteur moderne, quand il entend parler des « désirs de la chair », pense à quelque chose de vaguement sexuel, ou tout au moins relatif au corps. Or il semble curieux de trouver dans les Nouveau Testament une telle idée qui opposerait le corps mauvais à l'âme bonne, d'autant que Jésus n'étais pas vraiment un ascète, il nous est même montré dans l'Evangile comme s'opposant à Jean Baptiste, qui lui menait une vie ascétique dans le désert, et nous le voyons bien manger et bien boire, aller aux fêtes de mariages, tant qu'on disait de lui : « c'est un mangeur et un buveur ! » (Matt 11:18-19). L'idée qu'il faudrait sacrifier le corps pour élever l'âme est fortement étrangère à l'Evangile.

 

Cela nécessite une enquête complémentaire pour comprendre de quoi il en retourne. Quels sont donc ces désirs de la chair qui, pour Paul, s'opposent aux désirs de l'Esprit Pour ça il faut d'abord savoir ce que veut dire la « chair ». Or dans Bible, la « chair » ce n'est pas ce que nous entendons nous aujourd'hui par « chair », mais c'est l'homme complet dans la totalité de ses dimensions psychiques et somatiques. Ainsi la formule courante dans l'Ancien Testament, et aussi dans le Nouveau : « toute chair » est utilisée pour dire « tout homme », ou plus largement : « tout être vivant ». La chair ne représente donc pas seulement la dimension bestiale de l'homme, pas plus que ce qui est lié à sa sexualité, mais tout l'homme dans sa totalité psychosomatique.

 

Ce qui nous induit dans l'erreur, c'est la philosophie grecque antique qui oppose le corps et l'âme. Dans la pensée dite orphique professée par les philosophes grecs, puis après eux par les gnostiques et encore par des penseurs comme Descartes, ou même de bons pères oratoriens comme Malebranche, on trouve l'idée de la séparation du corps et de l'âme. L'âme est vue comme un principe divin et éternel, s'opposant au corps qui appartient à matière mauvaise. La vie terrestre est comprise comme une âme qui tombe dans un corps, ce qui est pour elle une catastrophe et une cause de souffrance. L'ame pure se trouve ainsi exilée dans la matière mauvaise. Le but de la vie est alors de se libérer de ce corps qui est comme une prison de l'âme, afin que celle-ci puisse retourner à son principe divin. Tant que l'âme n'en est pas capable, elle subit des réincarnations successives qui sont autant de souffrances jusqu'à ce qu'elle puisse enfin se libérer de la matière et retourner à sa divine origine.

 

Cette pensée est totalement étrangère à la théologie biblique. Pourtant elle est restée dans la pensée occidentale laissant croire que le corps et l'âme seraient deux choses séparées et même antagonistes. Or pour la pensée biblique, le corps n'est pas pensable sans âme. Le corps, c'est de la matière inerte, organisée par un principe vital que l'on appelle l'âme. Le corps sans âme, ce n'est rien, rien qu'un amas de cellule sans unité, et qui se détruit très vite. Donc l'âme ne se superpose pas au corps, elle le constitue. L'âme est ce qui informe la matière pour lui donner une cohérence, une unité dans l'espace et dans le temps. C'est ce qui fait qu'une personne reste bien la même personne alors qu'en quelques années toutes les cellules de son corps se sont renouvelées. C'est ce qui fait qu'une grand-mère de 90 ans dit en montrant la photo d'une petite fille de 5 ans jouant à la marelle et n'ayant physiquement rien de commun avec elle : « c'est moi ».Une vie, c'est une âme qui informe une matière. Un corps sans âme, ça n'existe pas, ce n'est que de la poussière.

 

Cela est vrai aussi pour les animaux d'ailleurs, et des théologiens comme Thomas d'Aquin disent que les animaux, bien sûr, ont une âme, puisque l'âme, c'est la vie, mais que la seule différence, c'est que leur âme à eux n'est pas éternelle. Là est d'ailleurs une question : peut-on envisager une âme sans le corps. La pensée biblique est formelle sur le fait qu'il n'y a pas de préexistence des âmes, chaque âme est créée avec la conception du corps qu'elle anime. Quant à savoir ce que devient cette âme lorsqu'elle cesse d'informer un corps, lors de la mort physique, c'est une autre question. On peut penser, en effet qu'il n'y a aucune raison pour qu'elle disparaisse...C'est cet ensemble psycho-somatique, corps-âme que la Bible appelle « chair » ou « âme » puisque les deux sont liés, et dans les deux cas il s'agit de l'ensemble de ce qu'est l'homme dans sa vie terrestre. Ce point est essentiel d'abord pour comprendre la théorie de l'Incarnation s'appuyant sur le célèbre verset de Jean 1:14 : « et le verbe s'est fait chair ». Cette affirmation risque en effet d'entraîner de graves contresens. Certains imaginent qu'il s'agit du Verbe de Dieu qui s'enrobe de chair, comme s'il prenait un corps sans âme. Comme si Jésus, c'était un corps vide dont l'âme serait Dieu. C'est un grave contresens qui a d'ailleurs été rejeté formellement par l'Eglise. Ce que veut dire ce verset, c'est que le Verbe éternel se trouve être présent dans un être complet, un homme véritable qui a bien sûr son âme créée, sa liberté, son intelligence et sa propre volonté, et cet homme, c'est Jésus de Nazareth.

 

Et la preuve que la « chair » dans la Bible ne désigne pas seulement ce que nous appelons « corps », ce sont les passages de Paul où, comme en Galates 5:21, il parle des « œuvres de la chair », il cite : « les fornications, l'impureté, le libertinage, l'ivresse, les orgies... ». Cela, on le comprend bien et peut correspondre à ce que nous entendons aujourd'hui par « péchés de chair », mais curieusement, il ajoute aussi : « l'idolâtrie, la magie, les haines, la discorde, la jalousie, les emportements, les disputes, les dissensions, les envies. » Or aujourd'hui, on appellerait ça plutôt des péchés de l'homme en général, les tendances naturelles de l'humain. Et cela correspond d'ailleurs au pur et à l'impur dont il est question dans Matthieu : (Mt 15:17-20). Le Christ parle des « œuvres impures » qui sont : l'adultère et la prostitution, donc les « péchés de la chair » au sens moderne du terme, mais il y met aussi « les propositions mauvaises..., les vols, les faux témoignages, les blasphèmes ».Donc dans la pensée biblique, il n'y a pas d'opposition entre corps et âme, ou chair et âme.

 

Ce qui fait la différence, c'est l'esprit. C'est une autre notion qui n'a rien à voir avec le corps ou l'âme. Il y a d'ailleurs un seul mot : Rouah, en hébreu, pneuma en grec pour désigner l'Esprit (de Dieu) et l'esprit (de l'homme).L'Esprit de Dieu, c'est ce souffle créateur qui se trouve en Dieu, c'est sa puissance créatrice, c'est Dieu lui-même qui se donne au monde comme une information qui organise et mène le monde vers le plus-être. Et dans l'homme, l'esprit, c'est cette capacité qui se trouve en lui d'accéder à l'Esprit de Dieu. C'est ce par quoi nous sommes capables de recevoir en nous l'Esprit même de Dieu, et d'entendre ce qu'il nous dit, ce qu'il nous fait savoir pour avancer au-delà de ce que nous sommes. L'esprit, dans langue Bible, c'est donc ce par quoi nous pouvons entrer en relation avec Dieu qui est le créateur monde et de nos âmes. Or c'est ça que les animaux n'ont pas. Parce que c'est lié à l'intelligence, à la sensibilité et à la liberté. La différence essentielle entre l'homme et l'animal, c'est la liberté et la conscience de soi. L'animal est programmé génétiquement pour certains comportements par rapport auxquels il n'a pas de liberté, ni de possibilité de réflexion ou de recul. L'esprit, c'est ce qui en l'homme lui permet d'accéder à une autre dimension, d'accéder directement par sa sensibilité spirituelle à l'Esprit qui est la puissance créatrice de Dieu, et de recevoir un autre message, par son intelligence lui permettant d'orienter de telle ou telle manière son existence.

 

Ce qui est la clé de tout ça, c'est la liberté. Liberté de l'homme par rapport aux anciennes programmations animales, et la capacité d'accéder à autre dimension qui est celle de l'Esprit. C'est dans ce qui en lui est libre que l'homme peut accéder à l'Esprit, ainsi que l'affirme Paul : (2Co 3:17) « Or, le Seigneur c'est l'Esprit; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté ».L'animal, lui, est lié par des anciennes programmation transmises génétiquement qui sont le plus souvent celles de la défense du territoire, de la loi du plus fort, de la reproduction, ou de la survie. Par l'Esprit, homme peut accéder à autre dimension, et adhérer à une nouvelle programmation de son comportement. Celui qui nous fait connaître cette nouvelle programmation spirituelle, dans la Bible, c'est le prophète qui est appelé « isch ha rouah » c'est à dire : « l'homme de l'Esprit ». Le Christ, lui, nous a révélé plus parfaitement cette nouvelle programmation, présentant à notre liberté et à notre intelligence un nouveau mode de vie, une nouvelle manière d'être en relation avec les autres et de comprendre notre propre existence. C’est ainsi que l'animal est programmé pour la défense du territoire, mais que le Christ dira : « les renards ont des tanières, let oiseaux du Ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas un endroit où reposer sa tête. » Contre le désir de possession il dira : « Heureux les pauvres » et montrera la valeur du don. Et alors que l'homme hérite de l'animal la tendance de croire dans la loi du plus fort, le Christ dira : « Qui s'abaisse sera élevé... » et « le plus grand parmi vous sera votre serviteur ». Et au lieu de la volonté naturelle et égoïste de survie physique, il enseignera : « Qui veut sauver sa vie la perdra... ».

 

L'Evangile est donc une reprogrammation complète de la vie de l'homme. Etre chrétien, c'est prendre l'Evangile comme nouvelle programmation pour vivre autrement et accéder à une autre dimension qui ne soit pas celle du terrestre, mais celle de l'amour, du don, de la compassion et du service. Or les anciennes programmations animales sont, bien sûr, encore présentes naturellement en nous, c'est ce que Paul appelle « la chair » : c'est l'attachement aux choses terrestres, l'égoïsme, la jalousie, les luttes de pouvoir. C'est ce que Jean appelle dans son vocabulaire « le monde » et qui est étranger à l'esprit. La loi de l'Esprit, elle, donne accès à une autre dimension qui est celle de l'Esprit, et qui est éternelle. Alors Paul devient limpide, il ne parle pas des désirs sexuels, mais de l'ancien homme qui est « chair » s'opposant au nouvel homme qui vit « selon l'esprit » Ainsi dira-t-il : (Ga 5:17) « La chair ... a des désirs contraires à l'Esprit et l'Esprit des désirs contraires à la chair » Ainsi parlera-t-il (Rm 8:23) de la « Rédemption du corps » C'est à dire la libération du Corps de ces anciennes programmations, et dira-t-il : (Romains 8:12-13) Ainsi donc, mes frères, nous sommes débiteurs, non point envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car, si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Mais si par l'Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez » ou encore : (Rm 8:13) « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ». Ce n'est pas qu'il y ait une quelconque culpabilité ou punition possible de vivre « selon la chair », mais c'est que la nature même de la « chair », c'est-à-dire de notre homme terrestre, c'est de mourir, alors que la dimension spirituelle, elle, touche à l'éternel, précisément parce qu'elle est au-delà du naturel et du physique. Car dit-il : « le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de l'esprit, c'est la vie et la paix puisque le désir de la chair est inimitié contre Dieu » (Rom 8 :6-7) ou enfin : (Rm 7:18) « Je sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire dans ma chair »

 

Mais il n'y a pas d'antinomie entre la chair et l'esprit, au contraire, c'est la première qui permet d'accéder à la seconde. La chair, c'est notre existence terrestre qui est, bien sûr première chronologiquement, et indispensable pour pouvoir découvrir progressivement la dimension de l'esprit. L'esprit, c'est une dimension nouvelle qui s'appuie sur notre chair et qui permet d'aller au-delà, plus loin. La chair, c'est notre vie physique et à partir d'elle nous pouvons accéder à l'esprit. En ce sens, on pourrait dire que la chair est comme le lanceur de notre dimension spirituelle. Comme une fusée à plusieurs étages pour mettre sur orbite un satellite. La partie du lanceur est indispensable, sinon, le satellite resterait à Terre. Au départ, c'est le lanceur qui est actif et petit à petit son énergie s'épuise, comme notre vie terrestre va à sa fin, c'est alors le satellite qui est la dimension spirituelle qui prend son indépendance et continue sa course dans l'éternité alors que le lanceur retombe dans la mort. C'est aussi ce qu'enseigne Paul en 1 Corinthiens 15 : ce n'est pas l'esprit qui est premier, c'est la chair, l'esprit vient ensuite, (1 Cor 15:46) mais la chair est appelée à mourir, alors que la dimension de l'esprit demeure. C’est encore ce qu'enseigne le Christ lors de son entretient avec Nicodème (Jean 3) : Il ne suffit pas à l'homme de naître de chair, il faut aussi qu'il naisse de l'esprit, parce que c'est ainsi qu'il accède à cette nouvelle dimension qui est celle de l'éternité.

 

La « vie éternelle », ce n'est donc pas une réalité future, mais une réalité qui s'enracine dans notre existence terrestre, qui commence déjà, une dimension nouvelle que notre vie acquiert, qui est au-delà du physique et qui traverse la mort. Certes, cette conception est un peu différente de celle que l'on enseigne parfois d'une idée de mort, puis de résurrection, mais c'est pourtant ce que l'on trouve dans l'Evangile de Jean qui dit : « celui qui croit en moi vivra éternellement, il ne mourra pas, il est passé de la mort à la vie », ou dans Paul qui parle de la « résurrection » non pas au futur, mais au passé : « si donc vous êtes ressuscités avec Christ ».Mais cela n'a rien à voir avec la doctrine grecque de l'immortalité de l'âme. Pour la pensée grecque, l'âme est immortelle par nature. Pour la pensée biblique, l'âme acquiert l'immortalité si elle sait accueillir cette parole créatrice de l'Esprit qui lui permet d'accéder à cette nouvelle dimension. « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau. » (jean 3 :6-7). Et comme le dit Paul : « le fruit de l'Esprit c'est : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi » (Gal 5 :22), et puis surtout l'éternité qui ne vient pas de nous, mais qui nous est offert par Dieu qui est Esprit, et que nous recevons dans notre esprit

 

corps – Âme – esprit par un Bouddhiste

D. J. P. schnetzler

Edition LE Mercure Dauphinois

 2002

L’auteur, psychiatre et psychanalyste vit retraité dans une congrégation bouddhiste du Vercors. Il nous expose la complexité spirituelle de cette tripartition Corps – Âme – Esprit dans la religion bouddhiste.

 

D’après la théorie bouddhiste du vivant, connue sous le nom de théorie du karma, l’évolution comporte deux dimensions. L’une est similaire à l’idée darwinienne de mutation génétique aléatoire, dénuée de téléologie, sans finalité, cyclique, par laquelle les espèces sont interconnectées dans un processus historique sans commencement, un univers succédant à un autre univers. Le fait que les humains soient génétiquement reliés aux singes avait déjà été compris par les bouddhistes depuis des milliers d’années.

 

Néanmoins, la seconde dimension de l’évolution est mentale, ou si l’on ose dire, spirituelle, dans la mesure ou le processus individuel (qui n’est pas strictement “indivisible”) passe d’une brute incorporation à une autre à travers un subtil continuum génétique qui peut être appelé “gène spirituel” (cittagotra) – par lequel les expériences et empreintes des vies antérieures sont transportées selon un processus causal. Par conséquent, la conception d’un être humain s’effectue par la rencontre de trois sources génétiques : celle de la mère, celle du père et celle qui est propre à l’individu au moment de sa naissance ; de sorte que ces trois origines génétiques se mêlent de façon tout aussi profonde dans un être normal.

 

Dans ce processus global, il y a une échelle des formes de vie (naissance par la moisissure, naissance par un œuf, naissance par une matrice interne, naissance par apparition) allant du négatif au positif, des incarnations les plus misérables et comprimées, coupées de l’extérieur, jusqu’à la plus transparente, développée, consciemment entrelacée avec l’extérieur (avec “autrui”), de l’enfer au paradis ; et au-delà du paradis comme de l’enfer, du démoniaque et du divin, il y a l’état de Bouddha inconcevable, qui contient toute chose en conscience et qui s’associe à toute chose à travers sa participation compassionnelle.

 

Sur une échelle allant du négatif au positif, la vie humaine se trouve dans une sorte de milieu, très hautement évoluée par rapport à nombre d’autres formes, pourtant loin encore des états les plus angéliques et les plus divins ; cependant, étonnamment, elle se trouve près de l’état de Bouddha précisément grâce à cette place médiane qui permet à l’homme de faire la différence entre sa condition propre et celle des autres formes de vie, et de mieux discerner les dangers et les souffrances.

En même temps, la forme de vie humaine est ouverte sur la joie supérieure et expansive induite par le sentiment de la transcendance de soi mêlé à celui du lien à autrui. Sachant que le pilote principal du changement dans l’évolution est l’action intentionnelle, les êtres progressent à partir d’incarnations plus isolées jusqu’à la forme humaine à travers des actes qui transcendent la frontière entre soi et autrui, par la générosité, la tolérance et l’éthique (acte motivé par la conscience de leur impact sur les autres).

 

 En général, les mammifères sont plus conscients du lien intime entre soi et autrui parce qu’ils portent leur enfant à l’intérieur de leur propre corps. Des mammifères comme les humains – pour qui les jeunes sont complètement dépendants de la bonne volonté des autres pendant des années de leur vie enfantine – sont particulièrement conscients de la nature interdépendante de leur vie. Ainsi, les humains sont naturellement sociables, interactifs, doux, aimables, bénéficiant d’une intelligence empathique et imaginatifs. Cette nature humaine n’est bien sûr pas fixée ni intrinsèque, elle n’est pas une sorte d’identité absolue offerte par Dieu, mais elle est plutôt fonctionnelle, placée sur une échelle qui comprend les autres animaux, et, par conséquent, hautement évolutive. Bien que fonctionnellement doux, les humains peuvent être, de loin, beaucoup plus vicieux que les animaux moins intelligents et moins imaginatifs qu’eux. En fait, la nature relativement malléable des humains est remarquable et constitue véritablement une des vertus majeures de cette forme de vie. L’humain peut rapidement devenir ou démoniaque ou divin, mais il peut aussi atteindre l’illumination et se transformer dès lors en Bouddha.

 

Toutes les incarnations sont des sortes de machines, et le mental grossier est le logiciel qui contrôle la machine. Dans la plupart des niveaux de ses conceptions philosophiques, le bouddhisme développe un dualisme corps-esprit avec une théorie interactionniste dans le but de préserver les gens, et les scientifiques, contre le dogmatisme matérialiste conduisant à un nihilisme irréaliste ; autrement dit, contre l’idée que l’on peut couper le continuum d’une conscience individuelle en se contentant de détruire sa simple incarnation corporelle et cérébrale. C’est considéré comme la pire forme de foi aveuglément dogmatique, puisque “rien” n’est pas quelque chose, ce n’est pas un endroit, ni une destination, ce n’est pas existant, dès lors ce n’est pas découvrable, ce n’est pas quelque chose que l’on peut “devenir”. Clairement, le mot lui-même est un terme sans référence, une pure négation. C’est un abus de langage de dire ou de penser que quelque chose peut ne rien devenir (devenir une non chose, nothing). Les formes d’énergie se transforment toujours en d’autres formes d’énergie. Il n’y a pas de “rien” (non-chose : nothing) – seulement le concept de l’opposé de toutes les choses.

 

En toute hypothèse, le mental et l’esprit et l’âme et la force vitale et tout ce que l’on voudra comme entité de ce genre quel que soit le nom donné, sont des formes d’énergie, c’est pourquoi au niveau supra subtil de la science bouddhiste des Tantras, habituellement ésotérique, l’esprit et le corps sont non duels, l’esprit est énergie et le corps est énergie, et ils sont tous deux rangés du plus subtil au plus grossier. Cette non-dualité n’est pas du matérialisme dans l’acception dogmatique du terme, car le corps peut tout aussi bien être assimilé à une sorte d’esprit et l’esprit à une sorte de corps. Le mot “seulement” dans “seulement un processus physique” n’exclut en rien toutes les subtilités et transcendantalités que nous associons à “la spiritualité”. Le matériel est tout à fait capable en lui-même de s’élever à des hauteurs sacrées, et non nécessairement juste bassement profanes. La relation de l’esprit au mental, et du mental au corps, est située sur une échelle allant du supra subtil au grossier en passant par le subtil, et non pas sur une échelle allant du mental non physique jusqu’au matériel physique. Ainsi, le spirituel est physique à un niveau supra subatomique, il n’y a pas d’entités indivisibles, tout se dissout par l’analyse, et tout n’existe que relativement.

 

corps – Âme – esprit  par un Juif

Jacques ouaknin

Edition LE Mercure Dauphinois

 2004

Le distinguo entre les 3 trois entités nous est expliqué par le grand Rabbin. Il nous parle de Guématrie, des Sefirot, du Tsimsoum, des quatre mondes de l’échelle de Jacob, de l’Univers du judaïsme avec le Maghen-David, le sceau de Salomon, l’Amida, et de l’au-delà. Une vision judaïque intéressante.

 

On parle souvent de l'âme sans pour autant en avoir une idée palpable et concrète. Ceci est normal dans la mesure où l'on ne la voit pas. On peut distinguer 5 âmes ou plus globalement 3 âmes: Le néfech (l'âme vitale ou l'âme animale), le Roua'h (l'âme 'intelligente'), et la Nechama (l'âme divine). Ces trois âmes se trouvent chacune dans une partie du corps: le néfech se situe dans le sang, c'est elle qui permet les mouvements vitaux de l'individu. D'un point de vue spirituel, le néfech est lié au monde de l'action. Cette âme est appelée âme animale car c'est elle qui 'donne' toutes les tentations au corps.

 

La seconde âme, le Roua'h, qui est l'âme intelligente se trouve au niveau du coeur. C'est elle qui régit toutes les émotions. Mais, à un niveau spirituel, elle relève du niveau de la parole. Enfin, la Néchama, l'âme divine, se situe dans le cerveau. Dieu nous l'a insufflée par le nez comme il est dit: 'Et Il a insufflé dans ses narines une âme de vie'. Spirituellement, elle correspond donc à la pensée liée au sacrée. C’est cette âme (Néchama) qui est la plus élevée des trois. Cette âme est une partie de Dieu véritablement comme l'explique clairement le Tanya puisque l'âme provient du souffle de Dieu (insufflée) et une chose qui est insufflée est une chose qui provient de la profondeur de celui qui l'insuffle, en l'occurrence ici, Hachem. Elle est donc extrêmement élevée.

 

De plus, l'âme juive contient 10 forces: La sagesse, la compréhension, le savoir, la bonté, la rigueur, la splendeur, l'éternité, la magnificence, le pilier et la royauté. Ces 10 forces se suivent en 2 groupes: le 1er groupe rassemble les 3 premières forces qui sont liées directement avec la pensée (donc liés avec le niveau de la Néchama). Les 7 dernières forces sont-elles, liées avec les sentiments et les émotions, qui elles amènent à l'action donc sont liées avec la parole et avec l'action (Donc avec le niveau de Roua'h et de Néfech).Il en ressort donc que les 3 âmes s'habillent dans trois vêtements qui sont la pensée (pour la Néchama), la parole (pour le Roua'h) et l'action (pour le Néfech) qui eux même sont l'expression de ses 10 forces puisque les 3 premières relèvent de la pensée et donc de la Néchama et les 7 dernières relèvent de la parole et de l'action et donc de Roua'h et de Néfech.

 

Ces trois vêtements de l'âme se revêtent eux-mêmes dans toutes les Mitssvot qui elles nourrissent et apportent la vitalité aux membres de l'âme. En effet, de même qu'il y a 248 membres et 365 nerfs dans le corps physique, de même, l'âme possède 613 membres (248+365) correspondant à l'ensemble des commandements positifs et négatifs. Et justement les 3 vêtements de l'âme que sont la pensée, la parole et l'action se revêtent et s'habillent dans toutes les Mitssvot qui elles nourrissent tous les membres de l'âme qui lui correspondent.  En effet, lorsque l'on pense et que l'on réfléchit à des sujets de Torah (pensée), lorsque l'on prie ou que l'on dise des paroles de Torah (parole) ou lorsque l'on accomplit des Mitssvot concrètement comme les Tefillin, le Loulav etc (action), on fait donc participer tous les vêtements de l'âme à la réalisation de toute la Torah de sorte que chaque Mitsva sera habillée par sa pensée, sa parole ou son action correspondant et (la Mitsva) apportera  la vitalité à chaque membre de l'âme qui lui correspond. De la sorte, l'âme sera revêtue de vêtements qui lui correspondent exactement et qui s'imbriqueront dans chaque commandement. On pourra alors dire que son âme est complétement 'habillée’. Enfin, les deux dernières âmes sont la 'Haya et la Yé'hida et se situe à un niveau qui dépasse le corps. La 'Haya relève du niveau du Roua'h Hakodesh (esprit saint) et la Yé'hida relève de la prophétie.

 

Dans la religion juive, il y a une forte corrélation entre la vie spirituelle, et la santé corporelle : toute action corporelle est étroitement reliée au Transcendant. Le seul moment où il s’opère une désunion entre le corps et l’esprit est le sommeil nocturne, lorsque le rêve permet à l’âme humaine de s’envoler vers les sphères supérieures. » On le voit, le corps et l’esprit ont ainsi partie liée dans la tradition juive puisque la transmission de la sagesse passe par les organes des sens. Mais cela va plus loin encore puisque la proclamation de la foi juive intéresse et intègre toutes les parties du corps humain. Le texte de la prière du Shema – « Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est UN » – reprend les versets 4 à 9 du chapitre 6 du Deutéronome. En tout, 248 mots hébraïques qui, selon la tradition juive, correspondent aux 248 organes du corps humain. « Car ils sont la vie de ceux qui les trouvent et la santé de leur corps », .enseignent les proverbes.

 

Il y a donc une corrélation entre la vie spirituelle et la santé corporelle comme il y a une correspondance entre «les mondes d’en haut» et « les mondes d’en bas ». Selon la tradition mystique du Livre de la splendeur (XIIIe siècle, publié pour la première fois au début du XVIe siècle), «lorsqu’une chose s’éveille ici-bas, la racine, qui en est responsable dans les mondes d’en haut, doit d’abord s’éveiller. L’un unissant l’autre pour refléter l’Unité [divine] » (Zohar 48b). Pour mieux imprimer dans les consciences cette « vérité », le Zohar propose un exemple très concret: « Le moindre brin d’herbe dépend d’une force qui siège dans les mondes supérieurs », assure-t-il (Zohar III 86 a).

 

Quant au Maharal de Prague, auquel on prête la légende du Golem (fin du XVIe siècle), il compare l’homme à un arbre à l’envers, dont les racines plongeraient dans les cieux, car toute réalité corporelle est reliée au Transcendant, aux «forces d’en haut » dont parle le Zohar. Le sage est celui qui, à travers l’accomplissement des 248 Mitssvot, actions positives prescrites par la Torah, sait se relier à sa source. Ce faisant, il s’accomplit lui-même et participe du projet créateur pour la Création tout entière. Ainsi le Rav Ashlag, commentateur moderne du Zohar, peut-il définir l’homme comme un être tout entier ramassé dans le désir de recevoir (ratson lekabel). C’est l’Être qui reçoit l’Être, corps et esprit mus par cette force de retournement dont parle la Bible : « Et tu retourneras vers l’Éternel, ton Dieu » (Dt. 30,2). Ceci n’est possible qu’en faisant le vide en soi et en se constituant en réceptacle de la Présence.

 

Chaque partie du corps, à travers l’accomplissement des Mitssvot, participe alors de cette entreprise de ressourcement. Le corps aide l’âme à s’unir à sa source comme la femme aide l’homme (Adam), unie à lui au moment de la Création (commentaire de Rabbénou Béhayaï). Lorsque le Créateur dit: « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui une aide en face de lui» (Gn. 2,8), le commentaire hébraïque ajoute: « Si l’homme le mérite, elle sera pour lui une aide, sinon, elle se dressera contre lui » (comme dira Rashi, instaurant ainsi la longue tradition de la guerre des sexes (?).De même, l’esprit (nefesh), principe masculin, trouve une aide dans le corps (gouf, principe féminin, lorsque ce dernier se soumet à la volonté du Créateur. Dans le cas contraire, précise Rabbénou Béhayaï, c’est la guerre. Mais on aurait tort de désespérer car Rabbi Yéhouda précise que l’âme (neshama) voue au corps un amour sans faille (Zohar Chemot 140 6). Dans ce même texte du Zohar, Rabbi Eliézer réconcilie l’âme et le corps, neshama étant le principe féminin qui est dans le corps (masculin cette fois) comme une femme chez son époux. »

 

corps – Âme – esprit  par un Orthodoxe

Le Père Placide deseille

Edition LE Mercure Dauphinois

 2004

L’explication ésotérique de ces trois composantes, est ici expliquée par un orthodoxe, vision chrétienne orthodoxe qui est proche de celle des catholiques.

 

Que signifie connaître l’Esprit-Saint, avoir l’Esprit-Saint, être en lui ? La meilleure façon de répondre à cette question est de comparer la connaissance du Saint-Esprit à celle du Christ. Il va de soi que pour connaître le Christ, l’aimer, l’accepter en tant que sens ultime, teneur et joie de ma vie, je dois d’abord savoir certaines choses concernant le Christ. Personne ne peut croire en Christ sans avoir entendu parler de lui et de son enseignement, et c’est cette connaissance concernant le Christ que nous recevons par la prédication apostolique, par l’Évangile et par l’Église.

 

 Mais il n’est pas exagéré de dire que pour ce qui est du Saint-Esprit, cette séquence – connaissance concernant, puis connaissance du et enfin communion avec – est inversée. Nous ne pouvons rien connaître simplement concernant le Saint-Esprit. Même le témoignage de ceux qui l’ont vraiment connu et ont été en communion avec lui ne signifie rien pour nous si nous n’avons pas eu la même expérience. Que peuvent en effet signifier les mots qui, dans la prière eucharistique de saint Basile, désignent le Saint-Esprit : «... Le Don d’adoption, la Promesse de l’héritage à venir, les prémisses des biens éternels, la Force vivifiante, la Source de sanctification... » ?

 

Quand un ami a demandé à saint Séraphim de Sarov de lui expliquer le Saint-Esprit, le saint ne lui a pas donné d’explication, mais lui a fait partager une expérience que son disciple a décrite comme une « extraordinaire douceur », une « extraordinaire joie dans tout mon cœur », une « extraordinaire chaleur » et une « extraordinaire suavité », et qui est l’expérience du Saint-Esprit ; car, comme l’a dit saint Séraphim, « quand l’Esprit de Dieu descend sur l’homme et le recouvre de sa plénitude, l’âme humaine déborde d’une joie inexprimable parce que l’Esprit de Dieu transforme en joie tout ce qu’il touche ».

Tout cela signifie que nous connaissons le Saint-Esprit par sa présence en nous, présence qui se manifeste principalement par une joie, une paix et une plénitude ineffables. Même dans le langage ordinaire, ces mots – joie, paix, plénitude – impliquent quelque chose qui est justement ineffable, qui de par sa nature même est au-delà des mots, des définitions et des descriptions. Ils se rapportent à ces moments de la vie où la vie est pleine de vie, où il n’y a ni manque ni, donc, désir de quoi que ce soit, où il n’y a ni angoisse, ni crainte, ni frustration. L’homme parle toujours de bonheur et, en vérité, la vie est la quête du bonheur, l’aspiration à la plénitude. On peut donc dire que la présence du Saint-Esprit est l’accomplissement du vrai bonheur. Et comme ce bonheur ne résulte pas d’une « cause  » identifiable et extérieure, ce qui est le cas de notre pauvre et fragile bonheur terrestre qui disparaît quand disparaît la cause qui l’a produit, comme il ne résulte de rien qui soit de ce monde, et pourtant se traduit par de la joie au sujet de toutes choses, ce bonheur-là doit être le fruit en nous de la venue, de la présence et du séjour de quelqu’un qui lui-même est Vie, Joie, Paix, Beauté, Plénitude, Félicité.

 

Ce « Quelqu’un » est le Saint-Esprit. Il n’y a pas d’icône de lui, aucune représentation, parce qu’il n’a pas été fait chair, qu’il ne s’est pas fait homme. Et pourtant, quand il vient et qu’il est présent en nous, tout devient son icône et sa révélation, communion avec lui, connaissance de lui. Car c’est lui qui fait que la vie est vie, que la joie est joie, que l’amour est amour et la beauté, beauté, et qui par conséquent est la Vie de la vie, la Joie de la joie, l’Amour de l’amour et la Beauté de la beauté, qui, étant au-dessus et au-delà de toute chose, fait de l’ensemble de la création le symbole, le sacrement, l’expérience de sa présence : rencontre de l’homme avec Dieu et sa communion avec lui. Il n’est pas « à part » ou « ailleurs » parce que c’est lui qui sanctifie toutes choses, mais il se révèle lui-même dans cette sanctification comme étant au-delà du monde, au-delà de tout ce qui existe. Grâce à la sanctification, nous le connaissons vraiment, lui et non un divin et impersonnel Cela, bien que les mots humains ne puissent pas définir et donc isoler sous forme d’objet Celui dont la révélation même en tant que Personne est qu’il révèle chacun et toute chose comme unique et personnel, comme sujet et non objet, transforme toutes choses en une rencontre personnelle avec le divin et ineffable « tu ».

 

Le Christ a promis que le couronnement de son oeuvre de salut serait la descente, la venue du Saint-Esprit. Le Christ est venu pour rétablir en nous la vie que nous avons perdue dans le péché, pour nous donner de nouveau la vie en abondance (Jn 10,10). Et le contenu de cette vie et donc du Royaume de Dieu est le Saint-Esprit. Quand il vient, le dernier et grand jour de la Pentecôte, c’est la vie en abondance et le Royaume de Dieu qui sont vraiment inaugurés, c’est-à-dire qui nous sont manifestés et communiqués. Le Saint-Esprit, que le Christ a eu de toute éternité comme sa Vie, nous est donné comme notre vie. Nous restons dans ce monde, nous continuons à partager son existence mortelle ; pourtant, parce que nous avons reçu le Saint-Esprit, notre vraie vie est cachée avec le Christ en Dieu (Col 3,3) et nous sommes déjà et maintenant participants du Royaume éternel de Dieu, Royaume qui, pour ce monde, est encore à venir.

 

Nous comprenons maintenant pourquoi, lorsque vient le Saint-Esprit, il nous unit au Christ, nous fait entrer dans le Corps du Christ, fait de nous des participants de la Royauté, de la Prêtrise et de la Prophétie du Christ. Car le Saint-Esprit, étant la Vie de Dieu, est vraiment la Vie du Christ ; il est, de manière unique, son Esprit. Le Christ, en nous donnant sa Vie, nous donne le Saint-Esprit ; et le Saint-Esprit, en descendant sur nous et en demeurant en nous, nous donne Celui dont il est la Vie. Tel est le don du Saint-Esprit, la signification de notre Pentecôte personnelle dans le sacrement de la sainte onction. Il nous scelle – c’est-à-dire fait, révèle, confirme – membres de l’Église, Corps du Christ, citoyens du Royaume de Dieu, participants du Saint-Esprit. Et par ce sceau, il nous donne vraiment notre propre identité, ordonne chacun de nous pour que nous soyons ce que Dieu, de toute éternité, veut que nous soyons, révélant notre véritable personnalité et donc notre unique accomplissement.

 

Le don est accordé pleinement, en abondance, à profusion : Dieu donne l’Esprit sans mesure (Jn 3,34), et : De sa plénitude, tous nous avons reçu, et grâce sur grâce (Jn 1,16). Maintenant, nous devons nous l’approprier, le recevoir vraiment, le faire nôtre. C’est le but de la vie chrétienne. Nous disons « vie chrétienne » et non « spiritualité » parce que ce dernier mot est devenu aujourd’hui ambigu et trompeur. Pour beaucoup, il implique une activité mystérieuse et autonome, un secret qu’il est possible de percer par l’étude de certaines techniques spirituelles. Le monde aujourd’hui est le théâtre d’une quête inquiète de spiritualité et de mysticisme et, dans cette quête, tout est loin d’être sain – fruit de cette sobriété spirituelle qui a toujours été la source et le fondement de la véritable tradition spirituelle chrétienne. Trop de sages et soi-disant maîtres spirituels, exploitant ce qui est souvent une authentique et ardente quête de l’Esprit, entraînent en fait leurs disciples dans de dangereuses impasses spirituelles.

 

Il importe donc, à la fin de ce chapitre, d’affirmer une fois de plus que l’essence même de la spiritualité chrétienne est qu’elle porte sur la vie tout entière. La vie nouvelle que saint Paul définit comme étant vivre par l’Esprit et marcher sous l’impulsion de l’Esprit (Ga 5,25) n’est pas une autre vie et n’est pas un succédané ; c’est la même vie qui nous est donnée par Dieu, mais renouvelée, transformée et transfigurée par le Saint-Esprit. Tout chrétien – qu’il soit moine dans un ermitage ou un engagé dans les activités du monde – est appelé à ne pas diviser sa vie en spirituel et matériel, mais à lui rendre son intégralité, à la sanctifier tout entière par la présence du Saint-Esprit. Si saint Séraphim de Sarov est heureux dans ce monde, si sa vie terrestre était devenue en fin de compte un lumineux torrent de joie, s’il jouissait de chaque arbre et de chaque animal, s’il accueillait chacun de ceux qui venaient à lui en l’appelant « ma joie », c’est parce qu’en tout cela il voyait avec ravissement Celui qui est infiniment au-delà de tout et pourtant rend tout expérience, joie et plénitude de sa présence.

 

Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi... (Ga 5,22). Ce sont là les éléments de la spiritualité authentique, le but de tout véritable effort spirituel, la voie de la sainteté qui est le but ultime de la vie chrétienne. « Saint » plutôt qu’« Esprit » est le terme qui définit le Saint-Esprit, car l’Écriture parle aussi des « esprits du mal ». Et comme c’est le nom de l’Esprit Divin, il est impossible de lui donner une définition en langage humain. Il n’est pas synonyme de perfection et bonté, vertu et fidélité, bien qu’il contienne et implique aussi tout cela. Il est la fin de tout langage humain parce qu’il est la Réalité elle-même dans laquelle tout ce qui existe trouve son accomplissement. « Un Seul est Saint ». Et pourtant, c’est sa sainteté que nous avons reçue comme étant vraiment le nouveau contenu de notre vie dans l’onction du Saint-Esprit lui-même ; et c’est par sa sainteté, en nous élevant sans cesse en elle que nous pouvons réellement transformer et transfigurer, rendre pleine et sainte la vie que Dieu nous a donnée.

 

10 D

 

dante

Jean canteins

Edition ARCHÉ MILAN

 2003

Tome 1 : L’Apothéose
Tome 2 : L’homme engagé


En 1300 âgé de 35 ans, DANTE s’engage dans l’épreuve de la transcendance que relate le Divine Comédie. DANTE se pose en scribe de Dieu et il rapporte ce qu’il a vu et entendu durant sa pérégrination, comme s’il l’avait accompli réellement. Le tome 1, montre comment les divers retournements conditionnent la damnation ou l’élection du pèlerin, qui en finale s’identifie au Christ, confronté aux 3 mystères majeurs du christianisme « La Rédemption, l’Incarnation et la Trinité ».


Le tome 2 traite de 3 aspects complémentaires de DANTE (le partisan, l’homme de langage et le visionnaire) autrement dit le poète situe dans son contexte anagogique « le croyant visionnaire et mystique ».

 

dante – clef de la comÉdie anti-catholique de dante alighieri

Eugène aroux

Edition LE MOULIN DE L’ÉTOILE

 2006

Paru en 1856 ce petit livre était tombé aux oubliettes. L’auteur (Eugène AROUS) nous donne ici ses clefs pour comprendre l’œuvre de DANTE qui est truffée de mots, pouvant porter à confusion et ayant des portées allégoriques et métaphysiques, il faut dire que le sieur Aroux était un pasteur protestant, mais près du pouvoir, puisque occupant des charges de député, écrivain, avocat et procureur du Roi.

 

Tous ces mots sont ici sous forme de dictionnaire et chacun donne une explication allégorique, symbolique, historique ou métaphysique.

 

dante ET sAINt bernard

Alexandre massEron

Edition ALBIN MICHEL

 1953

Chacun a sa façon, ce sont les deux grands mystiques du Moyen-Âge. Ce livre reprend le rôle de Saint Bernard dans la Divine Comédie et leur fidélité à la « Reine du Ciel ».


Un parallèle est établir dans les sermons de Saint Bernard et dans l’œuvre de DANTE.

 

DANTE ET SAINT BERNARD DE CLAIRVAUX suivi de RAPPORTS DU SPIRITUEL ET DU TEMPOREL DANS L’ART

Max Célérier

Ed. Moulin de l’Etoile

  2016

Dans ces deux études inédites, Max Célérier aborde la rencontre spirituelle de Dante et de Saint Bernard, ce dernier ouvrant au poète de la Divine Comédie la voie vers la contemplation de la lumière éternelle. Il aborde ensuite les rapports entre temporel et spirituel puis le thème de la prédestination, avec la reprise du symbole universel de la rose chantée tant par Bernard que par Dante.

 

Montée de Dante au ciel. Lumière et son des sphères célestes.

Béatrice a les yeux fixés au ciel. Dante a les siens attachés sur Béatrice, et, dans cette contemplation, il se sent transfiguré et s'élève avec elle jusqu'au premier ciel. Il s'émerveille de cette ascension au-dessus de l'air et du feu. Béatrice dissipe son étonnement: libre de toute entrave, c'est-à-dire lavé de toute souillure, il est devenu un être pur, une flamme vive qui monte de la terre au ciel, aussi naturellement qu'un fleuve qui suit sa pente en descendant d'une montagne.

 

PREMIER CIEL: CELUI DE LA LUNE; LES ÂMES QUI N'ACCOMPLISSENT PAS LEURS VOEUX. (II) :

Dante monte avec Béatrice dans le ciel de la lune. Arrivée à la Lune et merveilleuse pénétration de Dante dans le corps de l'astre. Il demande la cause des taches de la Lune. (Image de Caïn chargé d'un fagot d'épines) (Scholastique qui distingue dans les corps le principe matériel (la matière) qui est commun à tous et le principe formel (forme substantielle) qui détermine l'espèce et la nature propre et, partant, la vertu particulière de chaque corps).

Béatrice lui démontre que ce n'est point, comme il le croit, par l'effet de la matière disposée en couches ou plus rares ou plus denses. C'est une vertu intrinsèque propre à chaque planète, qui brille à travers chacune d'elles, comme la joie à travers la prunelle des yeux, et, selon qu'elle est plus forte ou plus faible, produit la lumière ou l'ombre.

 

Des âmes s'offrent à Dante dans le ciel de la lune. Il reconnaît Piccarda Donati. Il apprend par elle que la lune est le séjour des âmes qui ont fait vœu de chasteté, mais qui ont été violemment arrachées à leurs vœux religieux. Elle lui prouve que, bien qu'il y ait différentes sphères dans le ciel, tous les bienheureux sont amplement satisfaits du rang qui leur est assigné dans l'échelle céleste, et ne désirent rien de plus que ce qu'ils sont. Elle chante un ave maria. (III)

 

Les paroles de Piccarda et sa présence dans la lune ont suggéré à Dante deux questions graves touchant le séjour des bienheureux et l'action de la violence sur la volonté. Doutes de Dante: Béatrice les résout: 1) où est le trône réel des bienheureux? 2) Touchant la diminution du mérite par suite de l'inaccomplissement involontaire d'un vœu; volonté absolu et volonté relative. 3) n'est-il pas possible de satisfaire à un vœu inaccompli par quelque autre bonne œuvre? Théorie de la volonté libre. Dante soumet à Béatrice une troisième question : à savoir s'il est impossible de suppléer de quelque manière à des vœux qui n'ont pas été observés jusqu'au bout. (IV) Béatrice répond à la question de Dante en lui expliquant d'après la nature et l'essence et la valeur d'un vœu, comment et dans quel cas on peut satisfaire à des vœux qui ont été enfreints. Deux choses requises pour l'essence du sacrifice: l'une est la matière dont il est fait et l'autre, le pacte en soi. Ascension au second ciel, au ciel de Mercure. Dante interroge un des esprits radieux qui s'empressent en foule vers lui. (V)

 

DEUXIḔME CIEL: CELUI DE MERCURE. LES ÂMES QUI FIRENT LE BIEN POUR ACQUERIR HONNEUR ET GLOIRE. (VI) : Justinien se découvre au poète. Il lui retrace le bien qu'il a fait, et toute la glorieuse histoire de l'aigle impériale et romaine. Il termine en lui apprenant que la planète qu'il habite est le séjour des âmes avides, de gloire, qui ont fait de belles actions en vue et par amour de la renommée, et lui montre l'âme de Rome, ministère de Raymond Bérenger, comte de Provence. Justinien et les autres esprits disparaissent. Un propos de l'empereur, demeuré obscur pour Dante, lui est éclairci par Béatrice qui entreprend ensuite de lui expliquer le mystère de la rédemption humaine par l'incarnation du Verbe. Argument subsidiaire en faveur de l'immortalité de l'âme et de la résurrection des corps. (VII)

 

TROISIḔME CIEL: CELUI DE VENUS. LES ÂMES QUI ONT ETE SUJETTES A L'AMOUR. (VIII) : Le poète monte dans le ciel de Vénus, séjour des purs amants et des parfaits amis. Il se s'est aperçu de son ascension qu'à la beauté de Béatrice, qui resplendit toujours plus de sphère en sphère Rencontre de Charles Martel, roi de Hongrie. Sur quelques mots échappés à Charles Martel contre son frère Robert, le poète lui demande comment un fils peut ne pas ressembler à son père. L'esprit résout devant lui ce problème. (VIII) Entretien de Dante d'abord avec Cunizza, sœur d'Ezzelino de Romano, tyran de la Marche de Trévise, qui prédit les malheurs de sa patrie, ensuite avec Foulques de Marseille. Raab de Jéricho. Malédiction des papes qui n'ont l'or en tête. (IX)

 

QUATRIḔME CIEL: CELUI DU SOLEIL: L'ÂME DES SAGES (X) : Le poète et Béatrice montent au quatrième ciel, qui est celui du soleil. Ils se trouvent entourés d'un cercle d'âmes resplendissantes, formant un chœur admirable de danses et de voix. Saint Thomas, l'une de ces âmes bienheureuses, désigne au poète quelques-uns de ses compagnons. Le chœur des âmes bienheureuses s'est arrêté. Splendeur des esprits. Les flammes de douze d'entre eux se groupent en couronne autour de Dante et de Béatrice et chantent la gloire de Dieu. St Thomas d'Aquin se présente et désigne chacun de ses compagnons: Albert de Cologne, François Gratien, Pierre Lombard, Salomon, St Denis l'Aéropagite, Paul Orose, Anicius Boèce, Isidore de Séville, Bède le Vénérable, Richard de St Victor, Siger de Brabant. Deux points de son discours avaient laissé Dante dans l'incertitude: 1) Touche aux Dominicains. Le saint fait l'éloge de St François d'Assise et de Saint Dominique. Reproches aux Dominicains dégénérés. Il entreprend de résoudre ces doutes en lui racontant la vie de Saint François (XI)

 

Un autre cercle de bienheureux se forme en couronne autour du cercle de Saint Thomas. Un esprit de ce second cercle prend la parole: c'est saint. Bonaventure dont saint Thomas n'a dit qu'un mot dans l'éloge de St-François, et fait connaître les autres esprits qui composent avec lui la seconde couronne de bienheureux. (XII)

 

Le poète emprunte aux astres une image pour peindre cette double guirlande d'âmes radieuses qu'il voyait danser et chanter autour de lui. Solution donné au 2ème doute de Dante par St Thomas touchant la sagesse relative de Salomon et du Christ et d'Adam. Il explique cette phrase où il disait que Salomon fut sans second en sagesse. Après l'avoir accordée avec ce que l'Ecriture nous enseigne sur Adam, doué, en sortant des mains de Dieu, de toutes les perfections humaines, et sur Jésus-Christ, la sagesse incarnée, le Docteur angélique termine sa thèse en exhortant le poète à ne pas précipiter ses opinions. Les modes de la création; cause de l'inégalité des âmes. Prudence dans ses jugements. (XIII). Dernière difficulté dont Béatrice provoque l'explication. Troisième couronne de bienheureux qui vient entourer les deux autres. Un regard jeté par Béatrice fortifie Dante aveuglé par ces nouvelles splendeurs. 3ème doute de Dante: Salomon le résout, de la splendeur des bienheureux après la résurrection de la chair. (XIV)

 

CINQUIḔME CIEL: CELUI DE MARS, AMES DE CEUX QUI ONT COMBATTU POUR LA FOI (XIV) : Arrivée sur Mars. Sur deux rayons, disposés en forme de croix lumineuse, volent dans tous les sens, en faisant entendre des hymnes mélodieuses, les âmes radieuses des croisés qui ont combattu pour la vraie foi. Chant de gloire des esprits. Ravissement du poète. L'âme de Cacciaguida, trisaïeul du poète, fait joyeux accueil de son petit-fils. Il lui fait la généalogie de leur maison, lui raconte la pureté et la simplicité des mœurs de Florence au temps de sa naissance, ses exploits et la mort glorieuse qu'il trouva en combattant contre les Sarrasins. (XV)

 

Cacciaguida précise l'époque de sa naissance. Il passe en revue les plus illustres familles qui habitaient de son temps la vieille Florence, aujourd'hui agrandie et plus populeuse, mais dégénérée et déchirée par la discorde. (XVI). Cacciaguida lève le voile des prédictions qui déjà en enfer et au purgatoire avaient, à mots couverts, annoncé à Dante son futur exil. Il lui révèle les douleurs qu'aura pour lui cet exil. Il lui annonce les refuges qu'il trouvera. En finissant, Cacciaguida exhorte le poète à publier hardiment son voyage surnaturel et sa vision tout entière. Cacciaguida nomme encore à Dante un certain nombre de pieux guerriers qui brillent dans la Croix. (XVIII)

 

SIXIḔME CIEL: CELUI DE JUPITER : LES JUSTES ET LES PIEUX. (XVIII) : Ciel de Jupiter, séjour de ceux qui ont distribué avec droiture la justice dans le monde. Les âmes des bienheureux forment la phrase: diligite justitiam qui judicatis terram en lettres mobiles et lumineuses qui figurent les versets de la bible qui prêchent la justice. L'M final se transforme en fleur de lys, puis définitivement en aigle impérial. Dans ce ciel de la justice, le poète s'emporte avec amertume contre la simonie pontificale.

 

L'Aigle apprend à Dante que c'est la piété et la justice qui l'ont élevé au ciel glorieux de Jupiter. Puis il répond à un doute du poète, sur la question de savoir si quelqu'un peut être sauvé sans baptême. Il résout la question par la négative. mais il ajoute que beaucoup qui sont chrétiens de nom se verront au jour du jugement plus loin que dieu que les païens, et il désigne une foule de souverains qui seront dans ce cas. Imperscrutabilité de la justice divine dans le fait du salut et de la damnation; nécessité des oeuvres, comme de la foi, pour le salut. Bestialité de certains princes chrétiens. (XIX)

 

L'aigle montre à Dante les âmes de princes justes par excellence qui resplendissent dans son sein. Les esprits qui forment son œil: David, Trajan, Ezechias, Constantin, Guillaume de Sicile, Riphée. Le poète s'étonne de voir dans le nombre deux personnages qu'il avait crus païens. L'aigle lui explique comment tous deux étaient morts dans la foi de Jésus-Christ. De la présence de certains païens au Paradis. Certitude de la prédestination, imperscrutabilité de ses raisons. (XX)

 

SEPTIḔME CIEL: CELUI DE SATURNE: LES CONTEMPLATIFS. (XXI) : Du ciel de Jupiter, Dante monte au septième ciel, au ciel de Saturne, séjour des solitaires contemplatifs. Des flammes radieuses montent et descendent sur une échelle d'or gigantesque. (de Saturne à l'Empyrée). Entretien de Dante avec Saint-Pierre Damien. Déclarations du Saint confirmant la doctrine et les détails de la prédestination. Récit de sa vie. Invective contre la mollesse des prélats. Saint Benoît parle de soi et de ses compagnons voués comme lui, sur la terre, à la vie contemplative, fondateurs d'ordres dont la règle est aujourd'hui lettre morte entre les mains de moines avides et dégénérés. Ascension à la huitième sphère, c'est-à-dire au ciel des Etoiles fixes, où le poète et Béatrice pénètrent par la constellation des Gémeaux. Le poète jette un coup d'œil sur le chemin parcouru. (XXII)

 

HUITIḔME CIEL: CELUI DES ETOILES FIXES: TRIOMPHE DU CHRIST. (XXII) : Dante et Béatrice dans le signe des Gémeaux: invocation du poète à ce signe de sa nativité. Regard aux planètes et à la Terre. Apparition de tous les bienheureux et du Christ. (les légions du triomphe du Christ) accompagné de la bienheureuse vierge Marie, suivie elle-même d'une foule de bienheureux. Extase de poète. Ineffable beauté de Béatrice. Le Christ remonte à l'Empyrée. Marie, couronnée par la flamme de l'Ange Gabriel; elle remonte à son tour à l'Empyrée. Hymne des Elus en son honneur. (XXIII) Prière de Béatrice aux bienheureux en faveur de Dante. A sa demande, saint Pierre examine le poète sur la foi. Chaleureuse approbation du Saint. (après-midi) Le grand apôtre propose à Dante diverses questions. Dante répond à toutes. Le saint est satisfait et le bénit.

 

[(Comme saint Thomas le dit, à propos du texte de saint Paul (somme, II, II, 4, I), la substance est le principe fondamental d'une chose, surtout quand cette chose et ses conséquences sont contenues en puissance dans ce premier principe; en l'occurrence, elle est le consentement à la Foi, qui par soi-même contient toutes les choses espérées. L'argument signifie la ferme adhésion de l'intelligence à la vérité, non apparente de la Foi, et partant, la conviction de tout ce qui logiquement découle de celle-ci. C'est par cette assurance que la Foi se distingue de l'opinion. Quiddité : terme de l'Ecole, signifiant l'essence d'une chose, ce qu'elle est.] (XXIV)

 

L'apôtre Saint-Jacques examine le poète sur l'Espérance. Il lui fait trois questions. Béatrice intervient pour l'une et Dante intervient pour les autres. Saint Jean l'évangéliste s'avance vers saint Jacques et saint Pierre. Dante cherchant l'ombre du corps de cet apôtre qui, suivant une opinion répandue, était monté au ciel avec son corps et son âme, saint JEAN le détrompe et lui fait savoir que le Christ et Marie ont pu seuls monter avec leur corps dans le ciel. (XXV)

 

Saint Jean examine Dante sur la troisième vertu théologal