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Chapitre 4  A - K     (René Guenon)

 

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la correspondance entre alain Daniélou & renÉ guÉnon

Léo Olschki

Edition Arché Milan

 2002

Une correspondance de lettres entre deux grands métaphysiciens et philosophes. A. Danielou vivant alors en Inde échange avec R. Guénon des idées sur la tradition.

 

Les considérations de Daniélou sur la tradition hindoue seraient en désaccord avec ce que la communauté des indianistes considère comme établi. Ainsi, Daniélou ne croit pas en la réincarnation : "La théorie de la réincarnation, qui veut croire à la pérennité du moi, cherche à remplacer les stades de l'évolution d'une lignée par les aventures d'un être individuel errant d'espèce en espèce (…) La migration du Linga-sharira est envisagée seulement comme un phénomène de transmission héréditaire et non comme une réincarnation qui représente un vagabondage de l'individualité à travers les corps les plus divers.

 

 La théorie de la réincarnation, telle qu'elle apparait dans l'Hindouisme tardif, ne fait partie ni de l'ancien Shivaïsme, ni du Védisme. Elle provient du Jaïnisme qui l'a transmise au Bouddhisme puis à l'Hindouisme moderne.". Il considère donc que cette doctrine témoigne de la décadence de la pensée indienne qu'il impute au Kali Youga. D'une manière générale, il adopte la doctrine indienne des cycles de progression et de régression, ce qui le conduit à refuser les dates généralement admises par tous les autres indianistes.

 

Ses datations sont généralement beaucoup plus anciennes qu'habituellement et parfois il place les périodes de la civilisation hindoue à des dates si reculées, qu'il n'y a plus aucun vestige archéologique qui puisse attester ses affirmations. Par exemple, il pense que l'humanité est passée par une phase brillante à l'époque paléolithique.

Se basant sur des citations des Puranas qu'il relève dans son livre "La Fantaisie des dieux et l'Aventure Humaine", il pense que l'humanité aurait déjà découvert larme nucléaire dans un passé très lointain et qu'elle se serait autodétruite, ce qui expliquerait l'absence de traces archéologiques.

 

Il défend également la doctrine des castes dans une perspective traditionnelle aujourd'hui remise en cause par certains hindous influencés par les doctrines occidentales. Sur les castes, lire "La Civilisation des différences", recueils de textes de Daniélou sur les castes, aux éditions Kailash

 

la crise du monde moderne

René GUÉNON

Edition Gallimard

 1973

Cet ouvrage est la suite d’Orient et d’Occident de R. Guénon, la civilisation moderne est matérialiste et anti-traditionaliste. Il montre combien cette civilisation est déviante et s’oppose à la quasi totalité des civilisations qui l’ont précédée.

 

« Un des caractères particuliers du monde moderne, c’est la scission qu’on y remarque entre l’Orient et l’Occident. Il peut y avoir une sorte d’équivalence entre des civilisations de formes très différentes, dès lors qu’elles reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux, dont elles représentent seulement des applications conditionnées par des circonstances variées. Tel est le cas de toutes les civilisations que nous pouvons appeler normales, ou encore traditionnelles ; il n’y a entre elles aucune opposition essentielle, et les divergences, s’il en existe, ne sont qu’extérieures et superficielles.

Par contre, une civilisation qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n’est même fondée en réalité que sur une négation des principes, est par là même dépourvue de tout moyen d’entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s’établir que par en haut, c’est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée. Dans l’état présent du monde, nous avons donc, d’un côté, toutes les civilisations qui sont demeurées fidèles à l’esprit traditionnel, et qui sont les civilisations orientales, et, de l’autre, une civilisation proprement anti traditionnelle, qui est la civilisation occidentale moderne » – René Guénon.

René Guénon, dans La crise du monde moderne, expose les grandes distinctions entre Tradition et monde moderne. Une des distinctions fondamentales réside dans le contenu et les places respectives de la connaissance et de l’action. La mentalité moderne assure la primauté à l’action. La connaissance n’y joue qu’un rôle auxiliaire. Un exemple de ceci se retrouve dans la science moderne, s’élaborant avant tout à des fins industrielles et militaires (les crédits nécessaires à la recherche venant de ces domaines !). L’esprit traditionnel place au contraire la connaissance au-dessus de l’action, celle-là dirigeant le mouvement de celle-ci. Encore faut-il préciser que la manière d’envisager la connaissance diffère radicalement selon que l’on envisage les choses d’un point de vue traditionnel ou moderne.

La connaissance moderne procède de l’étude des phénomènes et se limite ainsi à eux. Le monde phénoménal étant celui de la multiplicité, les savoirs modernes se présentent comme un bric-à-brac non unifié qui ne peut engendrer que des spécialistes, aux vues limitées à leur discipline. La connaissance traditionnelle procède au contraire de l’Unité et des principes. La « spécialisation » n’y consiste qu’en des applications particulières de principes dépassant par le haut les contingences. La partie supérieure n’y est pas perdue de vue, bien au contraire. René Guénon souligne que l’action coupée de la contemplation (connaissance) dégénère rapidement en agitation stérile et destructrice, ce qui est aisément constatable dans l’histoire et les comportements récents.

Une autre déviance de l’époque moderne, en étroite corrélation avec le principe de division présenté au paragraphe précédent, est l’individualisme, auquel l’auteur consacre des développements fournis et précis. L’individualisme peut se définir comme « la négation de tout principe supérieur à l’individualité ». Cependant, si l’être humain avait en lui-même sa propre raison d’être, pourquoi mourrait-il ? La présence de la mort est révélatrice, de même que celle de la naissance, de l’état de subordination de l’homme à quelque chose le dépassant. L’être humain ne maîtrise pas les deux moments cruciaux de son existence, les deux portes de celle-ci. Isolé en lui-même, coupé de sa partie supérieure, l’individualiste perd toute possibilité de se réaliser, de retrouver son lien avec l’Unité.

 Il s’arroge le droit de discuter de tout et de faire prévaloir sa propre tournure d’esprit sur celle des autres, quel que soit son degré de capacité effective. L’individualisme a de plus des conséquences sociales importantes. Une collectivité est une somme d’individus. Si chacun de ses membres se considère coupé des autres, comment la cité pourrait-elle fonctionner harmonieusement ? René Guénon intitule un de ses chapitres « Le chaos social ». À cet endroit, il expose des considérations sur le désordre affectant l’ensemble du monde moderne. Plus personne n’est à une place correspondant à sa nature, la hiérarchie se disloque. L’auteur développe ici surtout la question de la démocratie.

Le livre se termine sur la prépondérance accordée au matériel par la civilisation moderne, ainsi que sa conséquence immédiate : l’emploi systématique de la force pour répandre ses idées et son mode de vie, aussi aberrant soit-il. Le colonialisme n’en a été qu’un des avatars et la lutte se poursuit aujourd’hui par l’économie et par la guerre. Les dernières pages de La crise du monde moderne évoquent quelques conditions du redressement, du rétablissement de la Tradition. Toutefois, rien de conséquent ne se produira avant que « la Roue ait cessé de tourner » et que s’inaugure un nouveau cycle

 

l’Âge d’or – spiritualitÉ & tradition

Divers Auteurs

Edition PARDES

 1986

Y sont traités :


Daniel Frot: René Guénon, « témoin à charge » de la crise du monde moderne (recension de : Charles-André Gilis, Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon).
D.F. : Une vision « hiératique » de René Guénon (recension de : Jean Robin, René Guénon, Témoin de la Tradition).
Jean-Marie Balcet : Pour rendre hommage à René Guénon (recension de : Cahier de l’Herne sur René Guénon).
Roberto Bigliardo: Tradition et Civilisation (recension de : Piero Divona, Evola e Guénon. tradizione e civiltà).
Jean Bernachot: René Guénon et la renaissance du sacré.
Patrick Jauffrineau: Les journées traditionnelles de Reims.
Julius Evola : René Guénon et la « scolastique » guénonienne.
J. E. : Le « don des langues ».
J. E. : Sous prétexte de conquérir la Terre, l’homme a rompu tout contact avec la réalité métaphysique.
Un entretien avec Henry Montaugu, pour son livre René Guénon ou la mise en demeure : « René Guénon n’est pas venu pour conserver le vieux monde en décomposition, mais pour nous rendre les principes intangibles en vue du renouvellement total de tout ». (Entretien réalisé par David Gattegno).
Pierre et Jean-Louis Grison: Deux aspects de l’œuvre de René Guénon.
Claudio Mutti: René Guénon: étude astrologique
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la grande influence de RenÉ guÉnon en roumanie suivi de julius evola en europe de l’est

Claudio mutti

Edition akribeia

 2002

Cet ouvrage, qui réunit en un seul volume deux études parues en 1998 et 1999, constitue sans nul doute le travail le plus précis, le plus dense et le mieux informé sur la pénétration de l' "orientation traditionnelle" - en l'occurrence des œuvres de René Guénon et de Julius Evola - en Europe centrale et orientale. Comment expliquer le succès, parfois considérable, des auteurs en question dans cette partie de l'Europe, succès bien plus important que celui qu'ils rencontrent en Italie, France ou Allemagne ? C'est ce que tente de faire ici Claudio Mutti, l'un des meilleurs connaisseurs italiens des réalités politiques, culturelles et spirituelles des Balkans.

Au carrefour de l'Orient byzantin et de l'Occident latin, de l'Europe septentrionale et de la Méditerranée, profondément marquée par l'islam au travers de sa longue appartenance à l'Empire ottoman, très tardivement entrée dans la modernité, la Roumanie était prédestinée à devenir "le pays le plus guénonien du monde".

L'auteur passe successivement en revue les cas des "ministres guénoniens" de la période postcommuniste - dont le fameux Gelu Voican, objet d'une diabolisation médiatique ; de Mircea Eliade et de sa dette oubliée envers la "pensée traditionnelle" ; de Michel Vâlsan, le continuateur le plus fidèle et le plus rigoureux de l'oeuvre de Guénon ; de Vasile Lovinescu, fondateur du Cénacle d'Hypérion et gardien de la flamme traditionnelle durant la longue nuit stalinienne ; d'Anton Dumitriu, philosophe lié au renouveau hésychaste des années quarante à Bucarest ; enfin de Marcel Avramescu, juif de l'avant-garde artistique et littéraire qui se convertit plus tard, sous l'influence de l'oeuvre de Guénon, à l'Orthodoxie. Ces chapitres sont complétés par de nombreuses informations sur la relève contemporaine du courant " traditionnel " en Roumanie.

La partie sur Guénon est présentée par Enrico Montanari, professeur à l'université "La Sapienza" de Rome et collaborateur de la prestigieuse revue Studi e materiali di storia delle religioni, fondée en 1925 par Raffaele Pettazzoni, père de l'école italienne d'histoire des religions. La partie sur Evola, plus brève, évoque l'action "diplomatique" de l'auteur italien en Tchécoslovaquie au moment de la crise des Sudètes, revient longuement sur son très important voyage à Bucarest en mars 1938 et les nombreuses rencontres qu'il fit, avant de décrire la forte pénétration de son oeuvre en Hongrie depuis une douzaine d'années, pénétration favorisée par l'influence d'un auteur traditionaliste hongrois important, Béla Hamvas.

 

Cet ouvrage constitue le travail le plus précis et le mieux informé sur la pénétration de « l’orientation traditionnelle » de René Guénon et Julius Evola en Europe Centrale, grâce à des philosophes comme Mircea Eliade et Michel Valsan.

 

la grande triade

René GUÉNON

Edition Gallimard

 2000

Ce livre écrit en 1946 parle essentiellement du symbolisme de la tradition extrême-orientale et du ternaire Ciel – Terre – Homme, appelé triade. Ses 2 branches en sont le taoïsme (ésotérique) et le Confucianisme (exotérique). Le rôle assigné à l’Homme comme 3ème terme de cette triade est l’Homme véritable ou Homme transcendant.

 

La division ternaire est la plus générale et en même temps la plus simple qu'on puisse établir pour définir la constitution d'un être vivant, et en particulier celle de l'homme, car il est bien entendu que la dualité cartésienne de l' « esprit » et du «corps », qui s'est en quelque sorte imposée à toute la pensée occidentale moderne, ne saurait en aucune façon correspondre à la réalité; nous y avons déjà insisté assez souvent ailleurs pour n'avoir pas besoin d'y revenir présentement.

 

La distinction de l'esprit, de l'âme et du corps est d'ailleurs celle qui a été unanimement admise par toutes les doctrines traditionnelles de l'Occident, que ce soit dans l'antiquité ou au moyen âge; qu'on en soit arrivé plus tard à l'oublier au point de ne plus voir dans les termes d' «esprit » et d' « âme » que des sortes de synonymes, d'ailleurs assez vagues, et de les employer indistinctement l'un pour l'autre, alors qu'ils désignent proprement des réalités d'ordre totalement différent, c'est peut-être là un des exemples les plus étonnants que l'on puisse donner de la confusion qui caractérise la mentalité moderne.

Cette erreur a d'ailleurs des conséquences qui ne sont pas toutes d'ordre purement théorique, et elle n'en est évidemment que plus dangereuse, mais, ce n'est pas là ce dont nous avons à nous occuper ici, et nous voulons seulement, en ce qui concerne la division ternaire traditionnelle, préciser quelques points qui ont un rapport plus direct avec le sujet de notre étude.

Cette distinction de l'esprit, de l'âme et du corps a été appliquée au « macrocosme » aussi bien qu'au « microcosme », la constitution de l'un étant analogue à celle de l'autre, de sorte qu'on doit nécessairement retrouver des éléments qui se correspondent rigoureusement de part et d'autre. Cette considération, chez les Grecs, paraît se rattacher surtout à la doctrine cosmologique des Pythagoriciens, qui d'ailleurs ne faisait en réalité que « réadapter » des enseignements beaucoup plus anciens; Platon s'est inspiré de cette doctrine et l'a suivie de beaucoup plus près qu'on ne le croit d'ordinaire, et c'est en partie par son intermédiaire que quelque chose s'en est transmis à des philosophes postérieurs, tels par exemple que les Stoïciens, dont le point de vue beaucoup plus exotérique a du reste trop souvent mutilé et déformé les conceptions dont il s'agit.

 

 Les Pythagoriciens envisageaient un quaternaire fondamental qui comprenait tout d'abord le Principe, transcendant par rapport au Cosmos, puis l'Esprit et l'Âme universels, et enfin la Hylé primordiale ; il importe de remarquer que cette dernière, en tant que pure potentialité, ne peut pas être assimilée au corps, et qu'elle correspond plutôt à la « Terre » de la Grande Triade qu'à celle du Tribhuvana, tandis que l'Esprit et l'Âme universels rappellent manifestement les deux autres termes de ce dernier.

 

 Quant au Principe transcendant, il correspond à certains égards au « Ciel » de la Grande Triade, mais pourtant, d'autre part, il s'identifie aussi à l'Être ou à l'Unité métaphysique, c'est-à-dire à Tai-hi; il semble manquer ici une distinction nette, qui d'ailleurs n'était peut-être pas exigée par le point de vue, beaucoup moins métaphysique que cosmologique, auquel le quaternaire dont il s'agit était établi.

 

Quoi qu'il en soit, les Stoïciens déformèrent cet enseignement dans un sens « naturaliste », en perdant de vue le Principe transcendant, et en n'envisageant plus qu'un « Dieu » immanent qui, pour eux, s'assimilait purement et simplement au Spiritus Mundi; nous ne disons pas à l'Anima Mundi, contrairement à ce que semblent croire certains de leurs interprètes affectés par la confusion moderne de l'esprit et de l'âme, car en réalité, pour eux aussi bien que pour ceux qui suivaient plus fidèlement la doctrine traditionnelle, cette Anima Mundi n'a jamais eu qu'un rôle simplement « démiurgique », au sens le plus strict de ce mot, dans l'élaboration du Cosmos à partir de la Hylé primordiale.

 

Y sont expliqués: les petits et grands mystères et la réalisation initiatique.

 

la mÉtaphysique de renÉ guÉnon

J. Marc vivenza

Edition  LE MERCURE DAUPHINOIS

2004

Ce complément au dictionnaire de R. Guénon étudie le point central de l’œuvre de R. Guénon qui est la métaphysique, « cette substance la plus intérieure de la Tradition Primordiale ». Une bonne étude sur l’Être, et le non-Être, l’idée de l’Infini, la non-dualité, la réalité ontologique, le zéro et l’infini métaphysique et l’identité suprême.

 

Mais, au fond, c’est quoi la métaphysique de René Guénon ? » Comprendre la métaphysique de René Guénon qu’il ne faut pas confondre avec une théologie ou une dogmatique religieuse,  permet d’éclaircir des moments de son oeuvre qui semblent obscurs, tous les éléments présentés n’étant pas systématiquement explicités par l’auteur. S’il n’a pas cherché à l’exposer de façon didactique, sinon peut-être, de manière fragmentaire, dans La Métaphysique orientale (1939), c’est pour au moins une bonne raison : Guénon ne présente pas une métaphysique comme étant issue de son propre cerveau à la manière d’une doctrine personnelle, comme le ferait un philosophe persuadé d’avoir découvert un concept révolutionnaire génial qui bouleverse l’histoire de la pensée, mais comme un corpus relevant de la tradition la plus lointaine, non-humaine, la quintessence de la sophia perennis qui remonte aux temps originels de notre Cycle et appartient à ce que l’intuition intellectuelle de chacun peut saisir s’il se met en état de le faire, c’est-à-dire en s’en « ressouvenant » à la manière de Platon.

 

Sans doute René Guénon estime-t-il aussi qu’il importe de réaliser un travail intérieur qui requiert, pour parvenir à saisir les linéaments de cette métaphysique qu’il nomme intégrale, un énorme effort de concentration et une disposition particulière de l’âme et de l’esprit. Tout commence par l’Être. Dans la métaphysique classique, celle initiée par Aristote, l’Être pur est le principe de la Manifestation (la « nature ») ; depuis lors, les métaphysiciens dits réalistes ont tenté de cerner les qualités de cet Être fameux. L’effort de Guénon consiste au contraire à dévoiler que cette recherche multiséculaire, qui a certes montré ses mérites pour la zone qu’elle explore, limite notre compréhension de la Totalité et nous sépare de l’essentiel qui doit être atteint : la contemplation de l’Absolu.

 

 L’Être convient ainsi d’être dépassé. Pourquoi ? Parce que l’Être, qui s’offre comme le déterminant suprême, contient encore une détermination en ceci qu’il se détermine lui-même. Se déterminant, il est limité par cette auto-détermination. Ainsi l’Infinité ne peut lui être attribuée, car elle ne saurait être limitée, et par conséquent l’Être ne peut en aucune manière être considéré comme le Principe suprême. Pour accéder à ce Principe, il faut s’ouvrir à un au-delà de l’Être : le Non-Être ! Qu’est-ce que le Non-Être ? Le Néant ? Pour la créature, oui. Pour l’Être, absolument pas, puisqu’on va voir qu’il dépend de lui. Inconcevable pour l’esprit, le Non-Être est une convention de langage qui nous permet d’accéder à un stade supérieur de notre intellect définissant un Point suprême, un rien suressentiel au fondement de tout ce qui est et qui contient l’Être ainsi que la Non-Manifestation – celle-ci pouvant être assimilée « au silence qui comporte en lui-même le principe de la parole » (Guénon). Cet Être et ce Non-Être, associés, sont les deux faces de ce que Guénon nomme la Possibilité universelle, qui seule est vraiment totale.

 

Le Non-Être peut être considéré comme le Zéro métaphysique ou encore l’Unité non-affirmée, antérieure à l’Unité, qu’il comprend ; doté d’une potentialité fondamentale, il ouvre la voie à l’Infinité. Or la notion primordiale, vierge de toute détermination, est précisément cet Infini, qui, lui, n’est réductible à aucune Manifestation car il est illimité. C’est sur cette notion que notre intuition intellectuelle (« l’Intellect pur » d’Aristote, non discursif, coïncidant sans médiation avec la Vérité) doit se relier si nous sommes en état de réceptivité et d’ascèse : l’idée se trouve ancrée dans notre esprit même s’il ne la cerne pas puisqu’elle n’a ni définition ni accessibilité. Ancrés dans la Manifestation, nous ne pouvons qu’œuvrer à dire l’impossibilité de parler de l’Infini, concept inexprimable qui s’apparente à une non-connaissance, un non-savoir, comparable à une lumière qui ne se donnerait que par son absence.

 

Guénon ne s’arrête pas à cette étape, à la radicalité pourtant vertigineuse. Dans ce fantastique voyage ascensionnel, il pulvérise toutes nos frontières mentales et dynamite les formules et les concepts avec lesquels nous sommes habitués à penser dans la philosophie occidentale qu’on nous a enseignée, pour nous faire accéder au cœur du réacteur nucléaire de la doctrine. Il s’agit pour lui de nous faire saisir que la Manifestation, notre « monde », n’est rigoureusement rien au regard de l’Infini. Il importe de se situer hors du temps et de la soumission au monde des phénomènes pour se diriger vers le Principe, dépouillé de toute qualité.

 

la mÉtaphysique orientale

René GUÉNON

Editions Traditionnelles

 1993

Écrit en 1939 ce court recueil expose les bases nécessaires à la compréhension de son œuvre. Il définit les mots clés et nous invite à saisir les moyens de la réalisation métaphysique en passant par les différentes phases de ce cheminement. En filigrane de l’œuvre de Guénon se trouve un appel ténu, pour qui saura l’entendre, à la reconstitution d’une élite susceptible d’assumer l’héritage et d’éveiller les consciences à la présence de cet esprit traditionnel.

Cependant, son émergence s’avère être de plus en plus improbable dans un système où les savoirs enseignés sont imprégnés de scientisme et de rationalisme. En effet, la massification d’un savoir cantonné au domaine matériel conduit à orienter toutes les préoccupations du côté de la matière, aboutissant non pas à la négation de ce qui est de l’ordre du supra matériel - nier une chose permettant au moins de la penser-, mais davantage à une indifférence bien plus néfaste.

Le système politique en lui-même n’y est pas propice : s’il n’était pas fondamentalement anti-démocrate, Guénon déplorait cependant l’émergence d’une société où l’ensemble du pouvoir est issu des "masses" soumises à la démagogie et davantage guidées par leurs passions que par les lois de la raison. En tirant leur légitimité de la "loi du nombre et de la matière", les dirigeants ont perdu leur rôle d’élite éclairée pour se soumettre aux aspirations mouvantes et parfois irraisonnables de la foule.

Guénon nous met cependant en garde contre les pseudos traditionalistes et mystiques invoquant une tradition plus ou moins réinventée qui est souvent le reflet de préoccupations ou d’intérêts particuliers. Cette tendance reflète un des aspects de la crise et du désarroi contemporain conduisant certains à faire du retour à un passé historique mythifié et idéalisé l’ultime remède aux maux actuels.

Par conséquent, il dénonce vivement les "pseudo-initiations" dispensées au sein de certaines organisations occultistes et spiritualistes. Il y inclue également la Franc-maçonnerie, qui était demeurée l’un des derniers véhicules de la Tradition, et dont le déclin actuel reflèterait la quasi disparition de tout ésotérisme au sens vrai en Occident.

Pour René Guénon, les seuls dépositaires actuels de cet esprit traditionnel se trouvent en Orient qui a su en conserver les formes doctrinales les plus authentiques, même s’il reste en Occident "des hommes qui, par leur "constitution intérieure", ne sont pas des "hommes modernes", qui sont capables de comprendre ce qu’est essentiellement la tradition, et qui n’accepteront pas de considérer l’erreur profane comme un "fait accompli" et c’est à ceux-là que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement".  Ce constat peut nous permettre de mieux saisir les raisons de sa conversion à l’Islam et l’orientation de nombre de ses disciples vers le soufisme, considérée comme l’une des seules voies initiatiques n’ayant pas dévoyée le sens profond de la Tradition.

L’extinction progressive de l’Esprit traditionnel en Occident a conduit à la naissance d’une véritable incompréhension entre Occidentaux et Orientaux, enracinée par tout un ensemble d’études et un orientalisme soucieux de mettre avant tout en avant les différences irréductibles les séparant. Face à cela, Guénon s’est fait l’apôtre constant de l’instauration d’un dialogue entre Orient et Occident, et plus précisément entre leurs spiritualités qui, selon lui, puisent leurs principes à une source commune. Il espérait que par la mise en place de ces échanges se dévoile peu à peu cette unité originelle à la base de toutes les doctrines traditionnelles. Pour René Guénon, la découverte de ce fond commun passe par la redécouverte de l’Occident de son patrimoine traditionnel dont de nombreux aspects étaient, avant son entrée dans la modernité, proches des éléments constituant la base des civilisations orientales actuelles. Cependant, ce rapprochement ne pourra s’établir que par le haut et ne pourra donc qu’être le fait d’une élite seule capable de ré accéder à la connaissance de ces principes immuables dont l’esprit souffle encore en Orient.

Alors que les nouvelles élites trouvent la source de leur influence dans une supériorité matérielle ou un pouvoir politique, il subsiste donc en Orient une véritable élite intellectuelle, bien que passant plus inaperçue à une époque où le politique et l’économique ont pris une importance prépondérante et malgré une diffusion croissante de l’esprit occidental et matérialiste au sein de ces pays. Cependant, Guénon n’appelle en aucun cas à un renversement de l’ordre politique car le domaine de la Tradition appartient par essence à l’ordre du supra-matériel, ou encore méta-physique au sens premier du terme : "L’élite véritable n’aurait pas  à se mêler à l’action extérieure ; elle dirigerait tout par une influence insaisissable au vulgaire, et d’autant plus profonde qu’elle serait moins apparente".  Il expose également une éthique de la recherche et de l’effort personnel, seul moyen d’accéder à la connaissance des principes : "Il y a dans toute certitude quelque chose d’incommunicable ; nul ne peut atteindre réellement une connaissance quelconque autrement que par un effort strictement personnel, et tout ce qu’un autre peut faire, c’est de donner l’occasion et d’indiquer les moyens d’y parvenir." 

Le contact avec l’Orient constitue donc le seul moyen pour l’Occident de retrouver ses racines profondes et sa véritable intellectualité. Cependant, ce dernier a un rôle actif à jouer dans la redécouverte de ce patrimoine oublié car, comme il vient d’être évoqué, l’esprit traditionnel et ses dépositaires sont exempts de tout prosélytisme : la doctrine existe pour qui sait la comprendre et y accéder, sans besoin de rentrer dans des "débats" ou polémiques dont l’horizon demeure limité à l’ordre relatif du concret.

 

l’apport spirituel de renÉ guÉnon

Janine FINCK - BERNARD

Edition Dervy

 1996

L’auteur décrit la nouvelle voie spirituelle que propose R. Guénon. On y découvre une conception inédite du divin. Un Divin qui ne se présente plus comme un Dieu personnel mais comme une entité à la fois absolument transcendante et immanente à tout ce qui est : créatures aussi bien que cours de l’histoire R. Guénon nous offre la possibilité de faire un pas sur cette voie plutôt que de nous en remettre à de faux gourous.

 

Dans ce début de XXème siècle, tourmenté de conflits et de révolutions des idées, l’œuvre de René Guénon est inclassable et à contre-courant. Cette œuvre est avant tout métaphysique, placée volontairement par René Guénon au-*dessus des autres sciences. En ce sens on se situe forcément pour ou contre Guénon, à côté ou derrière Guénon, mais jamais au-dessus cependant ! À contre-courant de la pensée occidentale des temps modernes, René Guénon a voué sa vie entière à la défense de trois principes maçonniques qui sont chers aux francs-maçons réguliers. Tout dans l’œuvre de Guénon n’est que : Tradition – Initiation et Symbole

 

Ces trois axes de la pensée et de l’action de René Guénon composent la métaphysique Guénonienne, entièrement contenue dans la démarche maçonnique. Guénon oppose à la modernité décadente d’un Occident qui se veut le maître du monde, les fondements ésotériques de la force invisible et invincible des secrets, du secret, de la gnose, des mystères symboliques, des arcanes de la tradition oubliée depuis les Grecs et de beaucoup supérieure à la civilisation occidentale en plein psychodrame idéologique. La thèse Guénonienne cherche à réconcilier l’homme avec lui-même, avec les siens et la société qui l’entoure, avec la nature-mère, pour faire vaincre grâce à la recherche de la perfection spirituelle, le bien sur le mal. Guénon pense que l’ésotérisme est donc le principe même de la cohésion des peuples et que l’abandon de ce principe est responsable du chaos mondial. À sa manière, sans relation entre oppresseurs et oppressés, Guénon construit sur ces bases sa géographie de la sagesse, distincte de la théosophie grecque.

 

René Guénon se garde bien de donner à l’homme le pain qui sanctifie. Au contraire, il lui propose le levain de la Tradition qui permet de dresser, de se lever, de s’élever, pour atteindre la signifiance du monde. À aucun moment Guénon n’entame la polémique sur la Foi exotérique, nécessaire mais selon lui insuffisante à elle seule ; alors que l’ésotérisme représente la plénitude de la Tradition, à l’état pur et parfait. Tradition présente dans le passé et que fait renaître l’initiation dans sa chaîne ininterrompue.

 

Car si cette tradition est en chacun de nous, elle ne vient pas spontanément à l’esprit. Elle n’est ni achevée ni constituée. Elle se révèle par la démarche initiatique appliquée à l’esprit. « Elle pousse comme la plante qui grimpe, comme la femme qui accouche » dira Guénon.

Pour Guénon, la part de la Tradition dans l’histoire des grandes découvertes est des inventions est considérable. La science et le progrès technique ne serait rien sans l’Écriture, symbole des langages, et les signes symboliques, géométriques, mathématiques, signifiés par la Grande Triade, ternaire, ou le Yin-Yang du Yi King, binaire à l’image du langage de nos ordinateurs. La tradition n’innove pas, elle est seulement le renouveau, tels les printemps de l’Alliance nouvelle avec le Grand Architecte. René Guénon disait « Suivre la Tradition, c’est rénover la parole. À Dieu l’éternité, à l’homme le moment, au franc-maçon l’avenir. Par la simple transmission, la tradition est là, dans le ressourcement ininterrompu ». Guénon en fixe l’unique condition. La condition d’avoir compris : quoi transmettre ? Comment transmettre ? Et à qui transmettre ? René Guénon impose la Règle et rappelle à l’Ordre la Franc-Maçonnerie irrégulière. Il lutte contre les dérives modernistes ou philosophiques. Il ressource la Franc-Maçonnerie régulière dans la pratique des symboles et l’Orientalisme relevant des principes réels et cachés, actifs, accessibles au fur et à mesure de son propre avancement. C’est pour lui la seule démarche qui puisse favoriser la maturation, l’amélioration et la non-manipulation des consciences. À l’homme occidental, vivant dans la modification permanente et la virtualité des médias, il oppose l’homme oriental sage et coutumier.

 

René Guénon fait le constat qu’après le Moyen-Age, en Occident, seul le Compagnonnage opératif et la Franc-Maçonnerie se réfèrent à la Tradition première. L’Église et la religion se sont écartées des bases ésotériques ancestrales. Sans Tradition les civilisations sont mortelles. Seul l’Orient possède encore les traces de cette sagesse civilisatrice dans ce qui convient de nommer l’ésotérisme jaune : Bouddhisme, Hindouisme, Taoïsme. Alors que dans les trois grandes religions du « Livre » : Judaïsme, Christianisme, Islam, l’ésotérisme n’est plus guère à présent que dans la Kabbale ou le courant mystique de l’Islam Soufi. Toute l’œuvre de René Guénon puisera aux trois sources du Tao, de la Kabbale et du Soufisme. Il y puisera son ésotérisme de la tradition première. C’est une tradition visuelle faite de mots, de signes, de motifs, de symboles, faits eux-mêmes d’insertion de chiffres et de sensations….Mais la sagesse de Guénon n’est en rien Confucéenne. La raison, la politique et le dogme n’y ont pas de place. René Guénon ne déduit rien du Sacré. Il l’induit par l’Initiation, par cette Alchimie qui rend sage l’homme assoiffé de sagesse, comme rendent fou, les valeurs sociales progressistes d’une société moderne assoiffée de pouvoirs, de vitesse et de richesses.

 

Pour Guénon, chaque homme est le monde en réduction, dans ses équilibres et ses déséquilibres et c’est la Tradition qui donne la clé des chemins pour choisir entre le Bien et le Mal. C’est la Tradition qui permet donc d’accéder à la connaissance qui libère du Mal. Mais la sagesse de Guénon n’est en rien la philosophie idéale de Platon. Elle n’est pas dans la pensée complexe faite de raison. La sagesse Guénonienne est tout entière contenue dans les activités simples et spontanées du jeu des mots, des signes, des chiffres, des coïncidences……..de l’intuition.

 

L’Ascèse Guénonienne consiste à s’élever non pas pour rien, mais pour le Rien, le vide, l’anéantissement en Dieu, le non-être, l’extinction des désirs aveugles dans le mystère du silence. Le symbolisme maçonnique est son Himalaya.Guénon lit dans le livre de la nature humaine, dans le langage du cœur et des pratiques secrètes : « on ne comprend que ce que l’on sait faire » disait-il. Sans nier la Foi et l’exotérisme, avec la conscience christique, sans opposition à la religion, aux religions, nous l’avons vu, Guénon croit plus à l’inspiration qu’à la simple révélation. L’intuition est pour Guénon le centre de la puissance de la volonté humaine. Elle est cet œil unique situé entre les sourcils. Elle est l’énergie vitale, universelle du Verbe, du monosyllabe « AUM » gravé sur sa bague en or portée jusqu’à sa mort et dont il disait à sa femme, être gravée au nom de Dieu.

 

Mais au-delà, Guénon démontre que la Tradition ne se borne pas à la conservation des éléments anciens maintenus dans leur état ancien. L’humanité évolue, son équipement spirituel évolue aussi et agit sur l’héritage transmis, selon les époques, selon les lieux. La Tradition est une et universelle, elle n’est pas une philosophie. Seule la Tradition peut transmettre le Sacré, symbolisé, spirituel, suprahumain. L’affirmation de René Guénon est on ne peut plus claire : « c’est par l’initiation que la tradition transmet le Sacré ».

 

la rÉvolution guÉnonienne

David cologne

Col. Métapolitique & Tradition

 1980

Petite plaquette où l’auteur étudie les rapports entre le christianisme et la tradition primordiale dans l’œuvre de R. Guénon et de J. Evola.

 

L’œuvre de René Guénon fait partie d’un vaste courant d’inquiétude devant l’essor technique et industriel. Auprès de lui il faut noter: Georges Bernanos, Oswald Spengler, Paul Valéry, Nicolas Berdiaev, Gabriel Marcel, Miguel de Unamuno, Simone Weil et José Ortega y Grasset. Il faut ajouter la génération des écrivains qui ont connu la guerre: Ernst Jünger, Pierre Drieu la Rochelle, Henry Barbusse et Julius Evola.

Les alternatives doctrinales des non-conformistes des années trente étaient des slogans philosophies exempts de toute rigueur, des faciles dichotomies aux assises intellectuelles fragiles. Sans l’appui de la métaphysique traditionnelle, la révolte antimoderne se dissout en une angoisse opaque de type «existentialiste», un vague malaise néo-romantique, une «difficulté d’être» dépourvue d’horizon lumineux. On peut dire la même chose de la distinction culture-civilisation de Spengler, reprise par Nicolas Berdiaev, de la distinction établie par Miguel de Unamuno entre la «métaphysique vitale» et la «métaphysique rationnelle». Ou entre la «pesanteur» et la «grâce» dont parle Simone Weil.

“La Tradition dont parle René Guénon est en effet le dénominateur métaphysique commun à toutes les doctrines, religions et mythologies du passé, le noyau originel dont les croyances et les légendes ne constituent que l’écorce historique, le savoir primordial et universel qui fut révélé à l’homme au début du présent cycle, que l’humanité perdit au fil des âges, qui survécut à travers les vestiges épars des traditions particulières et dont le monde moderne consacre l’oubli définitif, «pulvérisation des acquis» dont Emil Cioran fait à juste titre la caractéristique majeure de la mentalité des derniers temps.

Julius Evola a toujours partagé la conception guénonienne des origines de l’humanité, la certitude de l’existence d’une Tradition primordiale, la conviction que son oubli est à la base du développement de la modernité.

 

la vie simple de renÉ guÉnon

Paul chacornac

Editions TRADITIONNELLES

 1996

Doctrine et vie de René Guénon racontée simplement.

 

René Guénon est né à Blois, le 15 novembre 1886. Après des études à Blois, puis à Paris – en classe préparatoire de mathématiques – qu’il ne terminera pas, du fait d’une santé précaire, il se met dès 1906 à la recherche de la « parole perdue », pour reprendre le titre d’un chapitre de la biographie de Guénon par Paul Chacornac, La vie simple de René Guénon, Éditions traditionnelles, 1958. C’est d’abord son entrée dans l’Ordre Martiniste où il recevra rapidement le grade de Supérieur Inconnu, puis dans deux loges maçonniques dont le Chapitre et Temple « INRI » du rite Primitif et Originel Swedenborgien, où il s’élèvera à la dignité de Kadosh.

 

Ces expériences de jeunesse ont leur importance, car elles lui ont permis de juger très tôt de ce néo-spiritualisme « fin de siècle » dont il dira : « Il est impossible d’associer des doctrines aussi dissemblables que le sont toutes celles que l’on range sous le nom de spiritualisme ; de tels éléments ne pourront jamais constituer un édifice stable ». Il se sépare donc rapidement de ces milieux. Il est admis cependant à la Loge Thébah, relevant de la Grande Loge de France, Rite Écossais Ancien et Accepté, et c’est, en 1909, vers l’Église gnostique qu’il se tourne alors. Il y fut consacré évêque sous le nom de Palingenius et devint le principal rédacteur de la revue La Gnose qu’il fonda et à laquelle il va collaborer jusqu’en 1922. René Guénon y publia sous forme d’articles « une grande partie du Symbolisme de la Croix, la partie essentielle de l’Homme et son devenir selon le Védanta, et de nombreux articles qui, remaniés, prirent place dans Les principes du calcul infinitésimal ». Guénon n’en prend pas moins la mesure de cette Église gnostique qu’il jugera plus tard en ces termes : « Les « néo-gnostiques » n’ont jamais rien reçu par une transmission quelconque, et il ne s’agit que d’un essai de « reconstitution » d’après des documents, d’ailleurs bien fragmentaires qui sont à la portée de tout le monde ».

 

De la vraie transmission, René Guénon va en être le bénéficiaire à deux reprises, d’abord de la part d’un ou plusieurs maîtres hindous, vers 1910. Transmission orale, dont on ne sait à peu près rien, malgré les investigations de ses disciples. Mais transmission bien réelle, puisqu’elle sera à l’origine de la rédaction de l’Homme et son devenir selon le Védânta. Transmission mystérieuse, enfin, qui fera de Guénon fondamentalement un « Védantin », selon l’expression de Robert Amadou, et cela, même si, en 1912, il sera initié à l'ésotérisme islamique, sous l’influence d’un peintre suédois, Yvan Aguéli, converti à l’Islam sous le nom de Abdul-Hâdi (1869-1917). Guénon prendra le nom sous lequel il sera connu de ses amis et de ses relations musulmanes en Égypte quelques années plus tard : Abdel Wahed Yahia. Il recevra peu après la baraka – l’influence spirituelle de l’initiation dans l’ésotérisme musulman – d’un Sheikh de l’ordre shâdhilite, Addel-Rahmân Elish el-Kebir.

 

En 1912, aussi, René Guénon se marie avec une jeune fille de Blois, de famille catholique. Le couple n’aura pas d’enfants, mais s’occupera d’une jeune nièce, jusqu’à la mort de la jeune femme. L’année suivante, Guénon s’engage dans le combat mené par la revue catholique La France Antimaçonnique et y publie pendant un an, sous un pseudonyme – le Sphinx – une série d’articles sur la Franc-Maçonnerie. Durant la Première Guerre Mondiale, exempté de service, à cause de sa santé, il devient professeur de philosophie, ses rentes ne lui permettant plus de subvenir aux besoins du couple. Il fera aussi un séjour d’une année (1917), à Sétif, en Algérie. A la fin de la guerre, il quitte l’enseignement pour se consacrer à ses ouvrages dont le premier paraît en 1921 : Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues. Les ouvrages suivants, Le Théosophisme, L’erreur spirite qui constituent des critiques sévères du néo-spiritualisme seront naturellement fort mal accueillis, tandis que la parution d’Orient et d’Occident, en 1924, rencontrera un certain succès, avec les critiques élogieuses d’un certain Léon Daudet.

 

En 1927, paraît, enfin, La crise du monde moderne, ouvrage qui a connu la plus large audience du vivant de Guénon et qui a été constamment réédité (jusque dans des collections « de poche », de nos jours). Il s’agit d’un ouvrage fondamental – auquel on pourrait comparer Chevaucher le Tigre de Julius Evola, par exemple – moins par l’exposé de la doctrine traditionnelle que par ce regard sur le monde moderne qui provoque un « retournement » chez beaucoup de ses lecteurs, du moins ceux chez qui ce « retournement » peut se produire, car, pour les autres, « le livre leur tombe des mains » ou ils n’y « entrent » pas, selon différents témoignages. Léopold Ziegler dira, lui, de La crise du monde moderne : « Ici, le temporel est enfin mesuré, compté et pesé avec des mesures éternelles, et trouvé trop léger ».

 

 Les années 1928-1930 forment en quelque sorte le « milieu de la vie » de René Guénon. Sa femme meurt  le 15 janvier 1928, il se sépare de sa nièce en mars 1929, fait la connaissance d’une Américaine, Dina, une riche veuve, avec qui il part pour l’Égypte, le 15 mars 1930. René Guénon ne reviendra plus en France et ne quittera plus le Caire où il s’installe, seul, menant une vie extrêmement précaire d’un point de vue matériel. Il continue de collaborer au Voile d’Isis et publie en 1931 Le symbolisme de la croix.

 

En 1934, il se marie avec Fatma Hanem, fille du Sheikh Mohammed Ibrahim. Et liquide tous ses biens de France. Revenant sur son ouvrage Orient et Occident, René Guénon constate que « la situation est devenue pire que jamais, non seulement en Occident, mais dans le monde entier », tout en maintenant que « l’Orient véritable, le seul qui mérite vraiment ce nom, est et sera toujours l’Orient traditionnel, quand bien même ses représentants en seraient réduits à n’être plus qu’une minorité, ce qui, encore aujourd’hui, encore loin d’être le cas ».

 

 En revanche, l’Occident ne lui semble plus posséder les moyens de redresser la situation désespérée, d’un point de vue traditionnel, où il se trouve. Ce jugement péremptoire sera cause de l’orientation qui sera prise par nombre de ses disciples vers l’Islam et le soufisme, dont Frithjof Schuon qui lui avait rendu visite au Caire en 1935. Les années 30 voient donc se former autour de Guénon tout un groupe d’Européens, Schuon, mais aussi Titus Burckhardt, Martin Lings, Michel Vâlsan, etc., qui entreront dans la voie ésotérique musulmane. Ce sont les « disciples » de la première génération.

 

 La vie de René Guénon ou plutôt d’Abdel Wahed Yahia se partage ainsi, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, entre les visites, ses nombreuses correspondances, et la rédaction de ses articles pour Le voile d’Isis, - qui devient Les Études traditionnelles, en 1936. Une première mouture parait en 1944 et c’est en 1945 que paraît la « suite » de la Crise du monde moderne qui accentue le trait de la critique de l’Occident – et annonce « la fin d’un monde » : « Nous sommes arrivés là au dernier terme de l’action anti traditionnelle qui doit mener ce monde vers sa fin ; après ce règne passager de la « contre-tradition », il ne peut plus y avoir, pour parvenir au moment ultime du cycle actuel, que le « redressement » qui, remettant soudain toutes choses à leur place normale alors même que la subversion semblait complète, préparera immédiatement « l’âge d’or » du cycle futur. »

 

En 1947, naît une seconde fille – René Guénon aura encore deux enfants, deux fils, Ahmed et Abdel Wahid – et il donne son accord à la création en France d’une loge maçonnique, la Grande Triade, de Rite Écossais Ancien et Accepté. Peu après avoir obtenu la naturalisation égyptienne (1949), il meurt le 7 janvier 1951.


Ce qu’il y a, sans doute, de plus extraordinaire chez Guénon c’est: l’effacement quasi-total de son individualité devant la doctrine qu’il formule.

 

le liÈvre qui rumine

Purluigi zoccatelli

Edition ARCHÉ – MILAN

1999

Dans les années 1925 – 1927, René Guénon collabora régulièrement à la revue catholique Regnabit, rendue célèbre par les travaux de l’iconographe chrétien Louis Charbonneau-Lassay. Il s’ensuivit une amitié et une estime réciproque entre ces deux auteurs, unis par un profond intérêt pour la symbolique, et ce malgré des divergences non négligeables sur des points doctrinaux importants, divergences qui deviendront évidentes au cours des années suivantes.


Le présent volume a été réalisé grâce au dépouillement et à l’étude de nombreuses archives inédites – dont une partie est donnée en annexe. Par l’examen des rapports entre ces deux auteurs et celui des thématiques que chacun développera dans ses ouvrages, il pose les bases de recherches à venir et d’analyses plus approfondies.


De plus, par les diverses mises au point qu’il contient, il renouvelle la problématique de l’ésotérisme chrétien, notamment autour des « mystérieuses » confréries du Paraclet et de l’Estoile Internelle, surgies à la fin du Moyen Âge, avec lesquelles Charbonneau-Lassay fut en contact à partir des années vingt.

 

Comme le montrent les documents présentés ici, le destin de ces confréries fut en partie forgé, durant la décennie 1930 – 1940, par les débats et les perspectives d’action autour des points centraux des doctrines traditionnelles exposées par Guénon, doctrines auxquelles Charbonneau-Lassay paraît être resté étranger.

Le riche appareil documentaire contenu dans ce volume, notamment les Statuts et les prières de la Fraternité des Chevaliers du Paraclet, ne manquera pas de répondre à l’attente des lecteurs intéressés à l’histoire, aux formes et à l’actualité de l’ésotérisme occidental.

 

l’Énigme renÉ guÉnon & les supÉrieurs « inconnus »

Louis de maistre

Edition ARCHÉ – MILAN

 2004

Fruit d’une dizaine d’années de recherches, puisant à de très nombreuses sources françaises et étrangères (anglaises, américaines, italiennes, allemandes, polonaises, russes, etc.) qui incluent aussi bien des revues savantes que de modestes publications occultistes et des ouvrages devenus rarissimes, ce livre ne se veut pas le récit d’une « histoire secrète » – expression en soi contradictoire – mais bien l’histoire de certains secrets qui forment une part importante de l’histoire tout court. C’est aussi une illustration de ce que certains ont appelé la « guerre occulte ».


Délaissant la partie doctrinale de l’œuvre de René Guénon ainsi que celle consacrée au symbolisme, l’étude se concentre sur tous les points qui posent problème dans la carrière de l’ésotériste et qui démentent absolument la légende d’un homme qui aurait mené une « vie simple » : Église Gnostique, collaboration énigmatique sous le pseudonyme du « Sphinx » à La France Antimaçonnique, affaires de l’Ordre du Temple Rénové et des Polaires, polémiques avec la RISS, circonstances de son installation au Caire, sans oublier la question centrale de ses supposés « maîtres orientaux », non sans lien avec les thèmes de l’Agartha et du « Roi du Monde ».


La critique, effectuée selon les critères enseignés par Guénon lui-même, permet de démontrer que des notions comme le secret, le complot, la « contre initiation », les « influences errantes » et les « résidus psychiques » firent leur apparition très tôt dans la carrière de l’ésotériste et conditionnèrent fortement son œuvre postérieure. Leur lien étroit avec la personnalité même de Guénon, véritable énigme, est mis au jour.


Sa description et son analyse des « Supérieurs Inconnus » fait l’objet d’une étude serrée, qui en fait ressortir le caractère problématique, dans la mesure où Guénon ne se prononce pas sur la légitimité de l’action des Supérieurs Inconnus, ni sur l’origine de leur mission, ni sur leurs finalités.

 

L’ouvrage retrace « l’invasion silencieuse » de la Franc-maçonnerie occultiste du XVIIIème siècle par les représentants de la Cabale la plus déviées et du messianisme hétérodoxe, disciples de Sabbataï Tsevi et de Jakob Frank, rompus de longue date à la clandestinité et au « faix du silence ». Puis il décrit comment les « Supérieurs Inconnus » après une courte éclipse, reviennent sur le devant de la scène avec la fondation de la Société Théosophique.


Ce livre s’attache aussi à deux phénomènes de grande ampleur, qui ont eu des conséquences énormes en matière de modification de la mentalité générale et de  suggestions collectives: la « migration d’idées », de l’Orient vers l’Occident, qui se fit de façon souterraine à l’enseigne de l’hérésie manichéenne et de l’antinomisme, débouchant sur le culte contemporain de la « transgression » ; les interférences fréquentes du monde dit du « renseignement » avec des groupements occultistes, en particulier à l’époque du «Grand Jeu» qui vit s’opposer, pour le contrôle de l’Asie centrale, Royaume Uni et Russie tsariste, ou encore vers la fin de l’Empire ottoman.


Le lecteur trouvera également ici une passionnante galerie de portraits : d’Helena Petrovna Blavatsky à Max Théon, du « réformateur » al Afghani à Paul Rose, d’Ossendowsky au Baron Ungern-Sternberg, de Mazzini à Basil Zaharoff, de l’orientaliste Armin Vambéry à Rudolf von Sebottendorf, etc.


N’affirmant que lorsqu’elle est en mesure de s’appuyer sur une documentation irréfutable, avançant des hypothèses dans tous les autres cas et les présentant comme telles, cette étude en vient à la conclusion que Guénon joua trop de rôles simultanément pour se montrer convaincant dans tous et chacun. En ce sens, c’est aussi une œuvre salutaire de démystification, qui répond au seul souci du service de la vérité.

 

le rÈgne de la quantitÉ et le signe des temps

René GUÉNON

Edition Gallimard

 1972

Écrit en 1945 cet ouvrage difficile au départ sur la métaphysique fondamentale du sens de la qualité, de l’espace, du temps et de la nature de la manifestation, se termine par la fin des temps dans diverses traditions.

 

René Guénon écrit à ce sujet :

Nous devons en effet remarquer à ce propos que des « traditionalistes » mal avisés se réjouissent inconsidérément de voir la science moderne, dans ses différentes branches, sortir quelque peu des limites étroites où ses conceptions s'enfermaient jusqu'ici, et prendre une attitude moins grossièrement matérialiste que celle qu'elle avait au siècle dernier; ils s'imaginent même volontiers que, d'une certaine façon, la science profane finira par rejoindre ainsi la science traditionnelle (qu'ils ne connaissent guère et dont ils se font une idée singulièrement inexacte, basée surtout sur certaines déformations et « contrefaçons » modernes), ce qui, pour des raisons de principe sur lesquelles nous avons souvent insisté, est chose tout à fait impossible. Ces mêmes « traditionalistes » se réjouissent aussi, et peut-être même encore davantage, de voir certaines manifestations d'influences subtiles se produire de plus en plus, ouvertement, sans songer aucunement à se demander quelle peut bien être au juste la « qualité » de ces influences (et peut être ne soupçonnent-ils même pas qu'une telle question ait lieu de se poser); et ils fondent de grands espoirs sur ce qu'on appelle aujourd'hui la « métapsychique » pour apporter un remède aux maux du monde moderne, qu'ils se plaisent généralement à imputer exclusivement au seul matérialisme, ce qui est encore une assez fâcheuse illusion.

Ce dont ils ne s'aperçoivent pas (et en cela ils sont beaucoup plus affectés qu'ils ne le croient par l'esprit moderne, avec toutes les insuffisances qui lui sont inhérentes), c'est que, dans tout cela, il s'agit en réalité d'une nouvelle étape dans le développement, parfaitement logique, mais d'une logique vraiment « diabolique », du "plan" suivant lequel s'accomplit la déviation progressive du monde moderne; le matérialisme, bien entendu, y a joué son rôle, et un rôle incontestablement fort important, mais maintenant la négation pure et simple qu'il représente est devenue insuffisante; elle a servi efficacement à interdire à l'homme l'accès des possibilités d'ordre supérieur, mais elle ne saurait déchaîner les forces inférieures qui seules peuvent mener à son dernier point l’œuvre de désordre et de dissolution.

 

L'attitude matérialiste, par sa limitation même, ne présente encore qu'un danger également limité; son « épaisseur », si l'on peut dire, met celui qui s'y tient à l'abri de toutes les influences subtiles sans distinction, et lui donne à cet égard une sorte d'immunité assez comparable à celle du mollusque qui demeure strictement enfermé dans sa coquille, immunité d'où provient, chez le matérialiste, cette impression de sécurité dont nous avons parlé; mais, si l'on fait à cette coquille, qui représente ici l'ensemble des conceptions scientifiques conventionnellement admises et des habitudes mentales correspondantes, avec l' « endurcissement » qui en résulte quant à la constitution « psycho-physiologique » de l'individu , une ouverture par le bas, comme nous le disions tout à l'heure, les influences subtiles destructives y pénétreront aussitôt, et d'autant plus facilement que, par suite du travail négatif accompli dans la phase précédente; aucun élément d'ordre supérieur ne pourra intervenir pour s'opposer à leur action.

On pourrait dire encore que la période du matérialisme ne constitue qu'une sorte de préparation surtout théorique, tandis que celle du psychisme inférieur comporte une "pseudo-réalisation", dirigée proprement au rebours d'une véritable réalisation spirituelle ;nous aurons encore, par la suite, à .nous expliquer plus amplement sur ce point encore La dérisoire sécurité de la « vie ordinaire », qui était l'inséparable accompagnement du matérialisme est dès maintenant, fortement menacée, certes, et l'on verra sans doute de plus en. plus clairement et aussi de plus en plus généralement, qu'elle n'était qu'une illusion; mais quel avantage réel y a-t-il à cela si ce n'est que pour tomber aussitôt dans une autre illusion pire que celle-là et plus dangereuse à tous les points de vue, parce qu'elle comporte des conséquences beaucoup plus étendues et plus profondes, illusion qui est celle d'une « spiritualité à rebours » dont les divers mouvements « néo-spiritualistes » que notre époque a vus naître et se développer jusqu'ici, y compris même ceux qui présentent déjà le caractère le plus nettement « subversif », ne sont encore que de bien faibles et médiocres précurseurs ?

 

l’ermite de dURQUI

Xavier ACCART

Edition Arché-Milan

 2001

La vie intellectuelle de la communauté francophone de l'époque est extrêmement développée et le journalisme littéraire est alors encore une parole littéraire forte. Ces articles présentent un grand intérêt, d'une part, en raison des informations qu'ils apportent sur la vie et la personne du Sheikh Abdel Wahed Yahya au Caire : témoignages personnels, récits d'initiatives oubliées qui se sont développées autour de Guénon ; la description de sa bibliothèque. D'autre part, le moment de la mort de Guénon est l'acmé de la vie de cette communauté.

Elle atteint, en effet, sa plus grande intensité dans un contexte politique dramatique. Guénon apparaît comme révélateur de cette crise et, d'un autre côté, ce contexte fait apparaître la mort de Guénon comme un signe des temps à un moment charnière pour la question Orient/Occident.

Il y a cinquante ans, alors que l'Occident chrétien célébrait la fête de l'Epiphanie, René Guénon s'éteignait dans un calme faubourg du Caire, à la lisière du désert. On avait cru jusqu'à présent que, en raison de son attitude de retrait, il avait été enterré en Egypte dans un «désert de silence». La redécouverte d'un fonds d'articles - ici publié - parus dans la presse égyptienne de 1950 à 1954, montre au contraire que sa mort, survenue dans une période de crise sociale et politique grave, a suscité de très significatives réactions du brillant milieu francophone du Caire.

Deux études mettent ici en perspective le subit intérêt pour l'œuvre et la personne de celui que l'on avait baptisé "l'Ermite de Duqqi".

Si l'arrivée des nationalistes égyptiens au pouvoir devait entraîner la mise en sommeil de la francophonie au Caire, l'influence de Guénon allait continuer à s'y exercer dans les milieux musulmans, notamment par le biais du Cheikh al-Azhar `Abd al-Halim Mahmud dont l'étude permet d'avancer un certain nombre d'hypothèses sur les options de Guénon dans un contexte confrérique troublé. Néanmoins, les discussions qui s'étaient nouées au Caire sont encore aujourd'hui lourdes de conséquences pour les sciences-religieuses et le dialogue inter-religieux. C'est ce que montre une dernière étude sur les relations entre Louis Massignon et René Guénon.

Cet ouvrage éclaire donc une question restée jusqu'ici inexplorée : la présence de la personne et de l'œuvre de ce dernier en Egypte. Ses études, nouvelles dans leur type d'approche, sont aussi accompagnées de témoignages d'intimes de Guénon tels Jean-Louis Michon, Nadjmoud Bammate, Martin Lings ou le Dr Katz ainsi que de la publication de lettres du métaphysicien français et de trente documents photographiques en partie inédits.

Cette étude a pour but de nous faire découvrir le rôle d’éveilleurs de conscience qu’eut R. Guénon au sein du microcosme francophone entre 1930 et 1951.

 

le roi du monde

René guÉnon

Edition GALLIMARD

 1958

L’axe central de ce  livre, évoque quelque chose qui aurait été « perdu », enfoui, occulté, et qu’il s’agit de retrouver. Reliant des notions comme la quête du Graal et la recherche de la Parole Perdue, l’auteur mène à découvrir que l’expression « Roi du Monde » ne désigne pas nécessairement un personnage historique, pas plus que le Manu des Hindous, le Ménès des Egyptiens et le Menw des Celtes – auxquels d’ailleurs le Roi du Monde s’identifie –, mais bien plutôt « l’intelligence cosmique qui réfléchit la Lumière spirituelle et formule la Loi (Dharma) propre aux conditions de notre monde ou de notre cycle d’existence » .

 

Le Roi du Monde – ou son représentant – combine en effet au plus haut niveau – comme les Rois-Mages – les fonctions sacerdotales et royales. Sa fonction de pontifex (littéralement « constructeur de ponts ») fait de lui le médiateur entre ce monde et les mondes supérieurs ; son symbole naturel est l’arc-en-ciel qui, dans toutes les traditions, a des significations concordantes : « chez les Hébreux, c’est le gage de l’alliance de Dieu avec son peuple ; en Chine, c’est le signe de l’union du Ciel et de la Terre ; en Grèce, il représente Iris, la “messagère des Dieux” ; un peu partout, chez les Scandinaves aussi bien que chez les Perses et les Arabes, en Afrique centrale et jusque chez certains peuples de l’Amérique du Nord, c’est le pont qui relie le monde sensible au suprasensible » .

 

 La correspondance établie dans ce livre entre les époques, les contrées et les traditions sont si nombreuses, si riches et si convaincantes que l’idée maîtresse de l’existence d’une Tradition primordiale, dont toutes les traditions ou religions dériveraient, cette idée si attaquée par les défenseurs ouverts ou masqués de l’idéologie moderne, qui n’hésitent pas à parler à ce propos – avec une métaphore bien révélatrice de leur mode de pensée – de notion « bricolée » par Guénon, cette notion de Tradition Primordiale sourd à travers toutes les remarques, notations et notes du Roi du Monde avec la force de l’évidence.

 

Ainsi, à propos de la mystérieuse contrée connue au moyen âge sous le nom de « royaume du prêtre Jean », une note précise : « Il est notamment question du “prêtre Jean” vers l’époque de saint Louis, ce qui complique les choses, c’est que, d’après certains, il y aurait eu jusqu’à quatre personnages portant ce titre : au Tibet (ou sur le Pamir), en Mongolie, dans l’Inde, et en Ethiopie (ce dernier mot ayant d’ailleurs un sens fort vague) ; mais il est probable qu’il ne s’agit là que des différents représentants d’un même pouvoir. On dit aussi que Gengis-Khan voulut attaquer le royaume du prêtre Jean, mais que celui-ci le repoussa en déchaînant la foudre contre ses armées. Enfin, depuis l’époque des invasions musulmanes, le prêtre Jean aurait cessé de se manifester, et il serait représenté extérieurement par le Dalaï-Lama ».

 

S’il semble impossible de résumer un ouvrage aussi riche, tant les informations fusent à chaque ligne, les douze titres de chapitres qui le composent montrent l’architecture de son dessein : Notions sur l’ « Agarttha » en Occident ; Royauté et pontificat ; La « Shekinah » et le « Métatron » ; Les trois fonctions suprêmes ; Le symbolisme du Graal ; « Melkitsédeq » ; « Luz » ou le séjour d’Immortalité ; Le centre suprême caché pendant le « Kali-Yuga » ; L’ « Omphalos » et les bétyles ; Noms et représentations symboliques des centres spirituels ; Localisation des centres spirituels ; Quelques conclusions.

 

Ce qui apparaît, lorsqu’on observe cette table des matières, c’est l’intensification de l’accent porté sur les « centres spirituels », la mention que ceux-ci ne peuvent être que cachés, enfouis, à notre époque – d’où le symbolisme des royaumes souterrains –, mais qu’il revient à chacun de mener son enquête, ou plutôt sa quête, car quelques sombres que soient les temps où le destin nous a placés, les centres spirituels ne peuvent jamais totalement disparaître, pas plus que les voies initiatiques, qui ne peuvent jamais être totalement fermées.

 

l’erreur spirite

René GUÉNON

Editions Traditionnelles

 1991

Ce livre écrit en 1923 aborde la question du spiritisme science occulte qui vise la communication des morts. Il en présente les méfaits et les déviances. Il détaille les différentes théories spirites et en démontre les errances.

 

Dans cet ouvrage dont la première édition date de 1952, on trouve un exposé sur les origines du spiritisme ainsi qu'une analyse serrée des théories spirites. Cet examen permet à René Guénon d'aborder, chemin faisant, des données traditionnelles sur la constitution de l'homme et du monde, et d'apporter sur bien des points touchant à la cosmologie et au domaine du psychique, des clartés que l'on ne pouvait rencontrer ailleurs, à l'époque.

 

Je cite René Guénon :’’ Les spirites ont été, dès l’origine, divisés en plusieurs écoles, qui se sont encore multipliées par la suite, et qu’ils ont toujours constitué d’innombrables groupements indépendants et parfois rivaux les uns des autres. Mais beaucoup de gens font du spiritisme isolement, sans aucun rattachement à une organisation spirite quelconque.

 

“Si le spiritisme était uniquement théorique, il serait beaucoup moins dangereux qu’il ne l’est et n’exercerait pas le même attrait sur bien des gens; et nous insisterons d’autant plus sur ce danger qu’il constitue le plus pressant des motifs qui nous ont déterminé à écrire ce livre.”

 
Les nouvelles théories concernant le sacré sont désigné par René Guénon selon le nom de «néo-spiritualisme», ou «contre-vérités», ou «pseudo-religion». Le spiritisme, bien qu’il affiche souvent des prétentions scientifiques en raison du côté expérimental dans lequel il trouve la base et la source de sa doctrine, n’est au fond qu’une déviation de l’esprit religieux, conforme à cette mentalité «scientiste» qui est celle de beaucoup des contemporains.

“ le spiritisme consiste essentiellement à admettre la possibilité de communiquer avec les morts; c’est là ce qui le constitue proprement, ce sur quoi toutes les écoles spirites sont nécessairement d’accord, quelles que soient leurs divergences théoriques sur d’autres points plus ou moins importants, qu’elles regardent toujours comme secondaires par rapport à celui-là.” Le postulat fondamental du spiritisme est que la communication avec les morts est non seulement une possibilité, mais un fait. Cette communication s’effectue, selon les spiritistes, par des moyens matériels (à la différence d’autres conceptions qui considèrent que cette communication est mentale, intuitive).
Une idée proprement spirite est que les «esprits» agissent sur la matière, en produisant des phénomènes physiques, comme des déplacements d’objets, des coups frappés ou d’autres bruits. Cette action s’exercerait par l’intermédiaire d’un être humain vivant, nommé «médium».


“Les «esprits», en dépit de l’appellation qu’on leur donne, ne sont pas regardés comme des êtres purement immatériels; on prétend au contraire qu’ils sont revêtus d’une sorte d’enveloppe qui, tout en étant trop subtile pour être normalement perçue par les sens, n’en est pas moins un organisme matériel, un véritable corps, et que l’on désigne sous le nom plutôt barbare de «périsprit».” Les Occidentaux modernes considèrent l’homme sous une forme aussi simplifiée aussi réduite que possible: le corps et l’âme ou l’esprit.

 

La conception spirite est ternaire: l’esprit, le «périsprit» et le corps. Si la théorie spirite est fort inexacte en ce qui concerne la constitution de l’homme pendant la vie, elle est entièrement fausse lorsqu’il s’agit de l’état de ce même homme après la mort. D’après le spiritisme, il n’y aurait rien de changé par la mort, si ce n’est que le corps a disparu, ou plutôt a été séparé des deux autres éléments, qui restent unis l’un à l’autre comme précédemment; en d’autres termes, le mort ne différerait du vivant qu’en ce qu’il aurait un élément de moins, le corps.”


Les spirites insistent tellement sur le rôle du médium qu’ils en font un des points fondamentaux de leur doctrine. Selon les spirites, dans la communication avec les morts sont contactés les «esprits», identiques avec les hommes qui ont vécu antérieurement sur terre.

 

l’ÉsotÉrisme de dante

René guÉnon

Edition GALLIMARD

 1991

Dans cette brève et substantielle étude, l’auteur des Aperçus sur l’Initiation corrige les méprises de ceux qui n’avaient fait qu’entrevoir le sens profond de l’œuvre dantesque, et donne une explication entièrement neuve de multiples points que les commentateurs du grand Florentin n’ont jamais pu élucider d’une façon satisfaisante.


Sans avoir la prétention d’être complet sur un sujet qu’on pourrait dire inépuisable, René Guénon a jeté ainsi une clarté inattendue sur un côté qui est proprement ésotérique et initiatique dans l’œuvre de Dante et surtout dans sa Divine Comédie.

 

Dante fut sans doute tout autre chose que le génie littéraire qui suscite tant d’admiration, et l’on est en droit de penser que bien des choses, pour ne pas dire des trésors, restent à découvrir dans ce que René Guénon a appelé non sans raison « le testament spirituel du Moyen Âge ».

 

La distinction des trois mondes, qui constitue le plan général de la Divine Comédie, est commune à toutes les doctrines traditionnelles ; mais elle prend des formes diverses, et, dans l'Inde même, il y en a deux qui ne coïncident pas, mais qui ne sont pas en contradiction non plus, et qui correspondent seulement à des points de vue différents. Suivant l’une de ces divisions, les trois mondes sont les Enfers, la Terre et les Cieux ; suivant l'autre, où les Enfers ne sont plus envisagés, ce sont la Terre, l'Atmosphère (ou région intermédiaire) et le Ciel.

Dans la première, il faut admettre que la région intermédiaire est considérée comme un simple prolongement du monde terrestre ; et c'est bien ainsi qu'apparaît chez Dante le Purgatoire, qui peut être identifié à cette même région. D'autre part, en tenant compte de cette assimilation, la seconde division est rigoureusement équivalente à la distinction faite par la doctrine catholique entre l'Église militante, l'Église souffrante et l'Église triomphante ; là non plus, il ne peut être question de l'Enfer. Enfin, pour les Cieux et les Enfers, des subdivisions en nombre variable sont souvent envisagées; mais, dans tous les cas, il s'agit toujours d'une répartition hiérarchique des degrés de l'existence, qui sont réellement en multiplicité indéfinie, et qui peuvent être classés différemment suivant les correspondances analogiques que l'on prendra comme base d'une représentation symbolique.

 

Les Cieux sont les états supérieurs de l'être ; les Enfers, comme leur nom même l'indique d'ailleurs, sont les états inférieurs ; et, quand nous disons supérieurs et inférieurs, cela doit s'entendre par rapport à l'état humain ou terrestre, qui est pris naturellement comme terme de comparaison, parce qu'il est celui qui doit forcément nous servir de point de départ. L'initiation véritable étant une prise de possession consciente des états supérieurs, il est facile de comprendre qu'elle soit décrite symboliquement comme une ascension ou un « voyage céleste »; mais on pourrait se demander pourquoi cette ascension doit être précédée d'une descente aux Enfers. Il y a à, cela plusieurs raisons, que nous ne pourrions exposer complètement sans entrer dans de trop longs développements, qui nous entraîneraient bien loin du sujet spécial de notre présente étude ; nous dirons seulement ceci d'une part, cette descente est comme une récapitulation des états qui précèdent logiquement l'état humain, qui en ont déterminé les conditions particulières, et qui doivent aussi participer à la « transformation » qui va s'accomplir.

 

D'autre part, elle permet la manifestation, suivant certaines modalités, des possibilités d'ordre inférieur que l'être porte encore en lui à l'état non-développé, et qui doivent être épuisées par lui avant qu'il lui soit possible de parvenir à la réalisation de ses états supérieurs. Il faut bien remarquer, d'ailleurs, qu'il ne peut être question pour l'être de retourner effectivement à des états par lesquels il est déjà passé ; il ne peut explorer ces états qu'indirectement, en prenant conscience des traces qu'ils ont laissées dans les régions les plus obscures de l'état humain lui-même : et c'est pourquoi les Enfers sont représentés symboliquement comme situés à l'intérieur de la Terre. Par contre, les Cieux sont bien réellement les états supérieurs, et non pas seulement leur reflet dans l'état humain, dont les prolongements les plus élevés ne constituent que la région intermédiaire ou le Purgatoire, la montagne au sommet de laquelle Dante place le Paradis terrestre.

 

l’ÉsotÉriste renÉ guÉnon

Denis boulet

Edition DERVY

 1995

Des souvenirs et jugements par Denis Boulet qui a bien connu René Guénon et porte sur lui un regard dur mais assez impartial.

De 1909 à 1914, René Guénon va enquêter au sein du milieu occultiste français. Il s’agissait de prendre contact avec des personnalités sur lesquelles il aurait pu s’appuyer en vue de reconstituer une élite intellectuelle  et en même temps détruire les organisations occultistes qui caricaturaient toute restauration d’une authentique Tradition en Occident.


Une controverse persiste concernant cette période. En effet, les milieux universitaires restent persuader que René Guénon fut un temps influencé par certaines idées occultistes. Pourtant le contenu son projet de roman (1906) et les différents articles qu’il publia de 1909 à 1914 démontrent le contraire.

Il commença son parcours à l’Ecole Hermétique dirigée par Papus. Ce dernier était un écrivain prolixe qui livra de nombreuses études de « sciences occultes » particulièrement indigestes. Ses organisations étaient tout autant farfelues. En effet, l’Ecole Hermétique était le paravent d’organisations maçonniques spiritualistes et du « martinisme ». Il n’y avait aucune filiation directe pour le martinisme malgré les prétentions de Chaboseau d’être l’héritier direct d’une lignée initiatique remontant à Louis-Claude de Saint-Martin.


Le jeune René Guénon entra au sein de ces organisations. Il fut introduit dans l’Ordre Martiniste, dans la loge Humanidad (Rite National espagnol puis Rite égyptien de Memphis-Misraïm) et du Rite primitif originel swedenborgien.
René Guénon va tenter de mettre fin au pseudo martinisme de Papus en rassemblant autour de lui les personnalités les plus intéressantes dont il va faire la connaissance durant cette période. Ce fut une des raisons de l’implication de René Guénon dans l’ordre du Temple rénové  qui eut une existence bien éphémère. L’une des raisons de la lutte entre Papus et René Guénon concernait la question de la publication de l’oeuvre de Saintyves d’Alveydre. René Guénon se rendait compte du risque de détournement de l’œuvre de Saintyves d’Alveydre par Papus. Il disposait d’un manuscrit inédit qui fut utilisé pour la série d’articles sur l’Archéomètre publié dans la Gnose. Celui-ci lui avait été donné par F. Ch. Barlet  qui s’opposait au travail de sabotage de Papus. La publication par les « Amis de Saintyves d’Alveydre » de l’Archéomètre démontra qu’il avait raison. Le livre est illisible et pourtant toujours publié (7). Par contre on ne trouve aucune trace de la série d’articles publiée dans « La Gnose » sous la signature de T. Bruno Hapel en a livré les extraits les plus intéressants dans son livre « René Guénon & L’Archéomètre ».


C’est au sein de la loge Humanidad, que René Guénon fit la connaissance de Léon Fabre des Essarts membre d’une église néo gnostique fondée par Jules Doisnel. René Guénon fut introduit dans celle-ci et fonda le bulletin « La Gnose » (1909-1912). C’est dans ce dernier que furent publiés ses premiers articles.

 

les principes du calcul infinitésimal

René GUÉNON

Edition  NRF

 1946

L’auteur traite ici de la distinction fondamentale entre l’infini et l’indéfini.

 

Il précise également certaines notions comme celles d’intégration ou du passage à la limite faisant entrevoir la possibilité d’une transposition de ces concepts dans le domaine métaphysique.

 

Extrait de cet ouvrage :

La présente étude a été entreprise pour éclaircir le symbolisme mathématique. Un côté très important pris en considération est l’aspect historique du problème. « Il a été  remarqué déjà que la plupart de ces sciences même dans la mesure où elles correspondent encore à quelque réalité, ne représentent rien de plus que de simples résidus dénaturés de quelques-unes des anciennes sciences traditionnelles: c’est la partie la plus inférieure de celles-ci qui, ayant cessé d’être mise en relation avec les principes, et ayant perdu par là sa véritable signification originelle, a fini par prendre un développement indépendant et par être regardée comme une connaissance se suffisant à elle-même, bien que, à la vérité, sa valeur propre comme connaissance se trouve précisément réduite par là même à presque rien. »  Les mathématiques modernes ne font pas exception sous ce rapport.

Les mathématiciens de l’époque moderne semblent être arrivés à ignorer ce qu’est véritablement le nombre, autant pris au sens analogique et symbolique où l’entendaient les Pythagoriciens et les Kabbalistes, que dans l’acception simplement et proprement quantitative. La confusion répandue de nos jours est entre le nombre et le chiffre. Le chiffre est rien de plus que le vêtement du nombre, sa forme géométrique qui à certains égards peut être considéré le corps du nombre, ainsi que le montrent les théories des anciens sur les polygones et les polyèdres, mis en rapport direct avec le symbolisme des nombres. Le mot « chiffre » n’est pas autre chose que l’arabe « çifr », bien que celui-ci soit en réalité la désignation du zéro. En hébreu, « saphar » signifie « compter », ou « nombrer », en même temps qu’ « écrire », d’où « sepher », « écriture » ou « livre » (en arabe « sifr », qui désigne particulièrement un livre sacré), et « sephar », « numération » ou « calcul ». De ce dernier mot vient aussi la désignation des Sephiroth de la Kabbale, qui sont les « numérations » principielles assimilées aux attributs divins.


Les mathématiciens emploient dans leur notation des symboles dont ils ne connaissent plus le sens, et qui sont comme des vestiges des traditions oubliées. Ils tendent à regarder toute notation comme une simple « convention ». Par cela ils entendent « quelque chose qui est posé d’une façon tout arbitraire, ce qui, au fond, est une véritable impossibilité, car on ne fait jamais une convention quelconque sans avoir quelque raison de la faire, et de faire précisément celle-là plutôt que toute autre; c’est seulement à ceux qui ignorent cette raison que la convention peut paraître arbitraire, de même que ce n’est qu’à ceux qui ignorent les causes d’un événement que celui-ci peut paraître « fortuit »; c’est bien ce qui se produit ici, et on peut voir là une des conséquences les plus extrêmes de l’absence de tout principe, allant jusqu’à faire perdre à la science, ou soi-disant telle, car alors elle ne mérite vraiment plus ce nom sous aucun rapport, toute signification plausible. »


Quand on perd de vue le sens d’une notation il est trop facile de passer de l’usage légitime et valable de celle-ci à un usage illégitime, qui ne correspond effectivement à rien, et qui peut être même très illogique. La notion de « limite » est indispensable pour justifier la rigueur de la méthode infinitésimale et en faire autre chose qu’une simple méthode d’approximation.


Le soi-disant infini mathématique est une absurdité, c’est-à-dire une idée contradictoire en elle-même. Aussi l’idée de « nombre infini » (qui n’est qu’un emploi abusif dans le sens d’indéfini). « Ce qui est singulier, c’est que cette confusion, qu’il eût suffi de dissiper pour couper court à tant de discussions, ait été commise par Leibnitz lui-même, qui est généralement regardé comme l’inventeur du calcula infinitésimal, et que nous appellerions plutôt son « formulateur », car cette méthode correspond à certaines réalités, qui, comme telles, ont une existence indépendante de celui qui les conçoit et qui les exprime plus ou moins parfaitement; les réalités de l’ordre mathématique ne peuvent, comme toutes les autres, qu’être découvertes et non pas inventées, tandis que, par contre, c’est bien d’« invention » qu’il s’agit quand, ainsi qu’il arrive trop souvent dans ce domaine, on se laisse entraîner, par le fait d’un « jeu » de notation, dans la fantaisie pure; mais il serait assurément bien difficile de faire comprendre cette différence à des mathématiciens qui s’imaginent volontiers que toute leur science n’est et ne doit être rien d’autre qu’une « construction de l’esprit humain », ce qui, s’il fallait les en croire, la réduirait certes à n’être que bien peu de chose en vérité ! »

 

les secrets de la tara blanche

A. de danann

Edition Arche

 2003

Il y est question du Dalaï-Lama, de Gengis Khan, des tours du diable, de l’Agartha des prophéties de Malachie et de Nostradamus, du prêtre Jean et des commentaires sur l’œuvre de R. Guénon.

 

Ce livre nous présente des extraits d’une correspondance de valeur exceptionnelle, entretenue, dans les années 1935-45, entre Jean Reyor (1905-1988), l’ami et la “personne de confiance” de René Guénon, et Jean Calmels, un mystérieux personnage connu comme “le lama” et indiqué par Reyor lui-même comme « une individualité ayant eu des rapports directs avec plusieurs écoles orientales », et ayant « une connaissance étendue des choses de l’ordre initiatique ».

 

Effectivement, comme nous le révèle dans son introduction Alexandre de Dánann (l’auteur de Mémoire du sang), Calmels avait été initié par Wlodzimierz Badmajeff, l’un des membres de la lignée des mongols bouriates Badma, prince héréditaires, descendants de Gengis Khan, aussi bien que lamas pratiquant la médecine tibéto-mongole, et initiés au Kâlachakra.

 

Cette correspondance a été jalousement gardée jusqu’à aujourd’hui dans le restreint milieu guénonien, ce qui ne lui a pas évité, toutefois, d’être exploitée et parfois “abusée” par quelques auteurs. “Supérieur Inconnu” de l’ordre Martiniste dans sa jeunesse, Jean Calmels parle, bien des années plus tard, en termes énigmatiques et prophétiques, de cette dernière phase du Kali Yuga, en révélant des aspects doctrinaux traditionnels, à l’époque encore mal connus en Occident, et en impliquant des zones géographiques qui sont devenues le théâtre des événements critiques de ces derniers temps.

 

Dans cette correspondance, et dans le riche appareil critique qui l’accompagne, il est question, entre autres : du mystérieux envoyé du Dalaï Lama en Occident, Agvan Dorjeff ; du Panchen Lama et du Bogdo Khan ; de Gengis Khan et du symbolisme de son étendard ; des “Tours du Diable” ; de l’Agarttha ; de Shambala ; du Kalki Avatara ; des prophéties de Malachie et des Centuries de Nostradamus ; du symbolisme du “Grand Hum” et du “Namtchouwandan” ; du Prêtre Jean, etc.

 

L’ouvrage est complété par un document remontant à la période martiniste de Jean Calmels, et par une étude communiquée en 1944 par Calmels à Jean Reyor : Quelques remarques à propos de l’œuvre de René Guénon.

 

le symbolisme de la croix

René guÉnon

Edition TRÉDANIEL

 1996

La croix est un symbole universellement répandu, commun à presque toutes les Traditions. Dans cet ouvrage, Guénon s’attache d’abord à préciser la portée métaphysique de la croix, en tant que représentation de la réalisation du degré de l’Homme Universel (al-insân al-kâmil en arabe) qui désigne le développement intégral des possibilités de tous les états de la manifestation universelle, et par là même le but ultime de l’initiation.L’auteur aborde ensuite les significations qui découlent de cette doctrine, en développant particulièrement l’étude du symbolisme du swastika et de l’arbre.

 

La représentation de la croix, transposable aussi au domaine cosmologique, permet d’exposer, d’une manière quelquefois très mathématique, les fondements de la métaphysique et la nature de l’initiation. L’individualité humaine considérée en un lieu et un instant donnés n’est qu’une des modalités de son existence totale.

 

Chaque être passe ainsi de manière continue par des degrés ou niveaux d’existence successifs qui ont chacun leurs modalités ; Ces modalités se développent à l’instant considéré de notre existence dans un plan donné constituant un état ou manifestation, le passage à l’état suivant se faisant par un changement de plan. (donnons comme exemple les plans d’existence de la vie : avant la naissance, durant la vie, au passage de la mort, à l’orient éternel ; au plan spirituel parmi les plans d’existence on peut distinguer celui du profane, de l’apprenti, du compagnon, du maître et au-delà). 

La croix à 6 branches est une croix latine qui  est formée de deux branches : l’une verticale et l’autre horizontale de moindre longueur. On appellera, en raison des forces qui y agissent, la branche verticale : axe d’exaltation et la branche horizontale : axe d’ampliation. A chaque plan renfermant l’ampliation d’un état donné  succède un autre plan parallèle renfermant l’ampliation de l’état suivant.

Ces plans se déplacent donc selon l’axe d’exaltation .Chaque plan renfermant l’ampliation d’un état donné est défini par deux droites, l’une étant l’axe d’ampliation et l’autre une perpendiculaire à cet axe passant par l’axe d’exaltation à leur point de croisement qui devient ainsi le centre ou « immuable milieu ».Apparaît ainsi la croix à six branches définissant les six directions de l’espace et le centre  ce qui forme au total : sept (le septénaire). Vue dans le plan vertical cette troisième branche reste invisible et la croix à six branches se présente toujours comme une croix latine.

 

Le monde de la forme et, dans une large mesure, le monde métaphysique étant héliocentriques, ces axes seront orientés selon le soleil : Le haut est le zénith, le bas le nadir, la gauche l’ouest, la droite l’est, devant le nord et derrière le sud. Ainsi  au plan cosmologique l’axe vertical est l’axe méridien, l’axe nord-sud l’axe solsticial et l’axe est-ouest l’axe équinoxial. Alors les six directions de l’espacent apparaissent comme l’image du macrocosme et chaque plan d’existence comme celle du microcosme :

                                                 

Dans un niveau d’existence donné la manifestation d’un état est un cercle centré sur le milieu. La force d’ampliation de cet état nous fait passer dans le même plan, selon sa force, à des cercles de plus en plus larges mais concentriques représentant les différentes et successives modalités de cet état ; Cette variation de l’état étant continue, ce n’est pas une série de cercles concentriques mais une spirale qu’elle dessine. Le passage à  un état plus élevée sous l’influence de la force d’exaltation nous fait passer à un plan d’existence plus élevé et comme la variation est ici aussi continue, elle dessine, en combinaison avec la force d’ampliation une spirale ascendante constituant le Vortex  Universel  Ce vortex résume au plan géométrique le développement des degrés successifs de l’existence. Ce vortex reste construit sur la croix et centré sur l’invariable milieu. On retrouve, parmi beaucoup d’autres, les quelques références suivantes concernant les six directions de l’espace, dans les Saintes écritures et dans les écrits des théologiens chrétiens : Genèse 2, 10 à 14 : décrivant la constitution de l’Eden avec ses quatre fleuves  qui en émergent aux quatre points cardinaux et au centre l’arbre de vie.

 

La vraie croix du Christ est faite du bois de l’arbre de vie dans l’exégèse néo-testamentaire.  -Amos VII 7-8 : « Je vis  mon Seigneur sur un mur tenant un fil à plomb. Mon seigneur me dit : Que vois-tu Amos ? Je dis: Un fil à plomb. Mon Seigneur me dit : Voilà que je vais mettre un fil à plomb au milieu de mon peuple d’Israël ». Lettre de Saint Paul aux Ephésiens: «  Et pour que le Christ soit l’hôte de vos cœurs,  pour que dans l’amour enraciné vous ayez la force de comprendre avec tous les Saints, largeur, longueur, hauteur et profondeur pour connaître l’amour du Christ ». –Clément d’Alexandrie (un des plus grands apologistes chrétiens du troisième siècle): «  De Dieu, cœur de l’univers, partent les étendues infinies qui se dirigent en haut, en bas, à droite, à gauche, en avant et en arrière. En lui, s’achèvent les six phases du temps et c’est de lui qu’elles reçoivent leur extension infinie. C’est là le secret du nombre sept ». -St Bernard de Clairvaux (rédacteur de la règle de l’ordre du Temple et fondateur des Cisterciens.) «  Mais Dieu est aussi hauteur, largeur et profondeur et ces trois attributs doivent être l’objet de méditations». La profondeur de l’exposé, qui synthétise en 200 pages des points fondamentaux rend ce livre capital, souvent considéré comme la pierre d’angle (avec quelques autres ouvrages) de l’œuvre guénonienne.

 

Au sommaire de cet ouvrage :

 

La multiplicité des états de l’être   -   L’homme universel   -  le symbolisme métaphysique de la croix   -  les directions de l’espace   -  Théories hindoue des trois gunas   -   L’union des complémentaires   -   le résolution des oppositions   -   La guerre et la paix   -   l’arbre du milieu   -   Le swastika   -   représentation géométrique des états de l’être   -   rapports des deux représentations précédentes   -   le symbole du tissage    -   représentation de la continuité des différentes modalités d’un même état d’être    -     Rapports du point et de l’étendue   -   L’ontologie du Buisson ardent    -    Passage des coordonnées rectilignes aux coordonnées polaires ; continuité par rotation   -   Représentation de la continuité des différents états d’être   -   le vortex sphérique universel   -   Détermination des éléments de la représentation de l’être   -   le symbole extrême-oriental du yin et du yang, équivalence métaphysique de la naissance et de la mort   -   Signification de l’Axe vertical ; l’influence de la Volonté du Ciel   -   Le rayon céleste et son plan de réflexion   -   L’arbre et le serpent   -   Incommensurabilité de l’être total et de l’individualité   -   Place de l’état individuel humain dans l’ensemble de l’être   -   La Grande Triade   -  Le Centre et la circonférence   -   Dernières remarques sur le symbolisme spatial    -  

 

le thÉosophisme – histoire d’une pseudo-religion

René  GUÉNON

Editions  Traditionnelles

 1996

Écrit en 1921 cet ouvrage démontre en quoi le théosophisme et autres doctrines hétérodoxes ne sont que des déformations des doctrines traditionnelles authentiques. L’étude détaille les personnages et les événements qui ont influés sur les divers mouvements occultistes.

 

René Guénon contre les sectes ! L’exclamation peut sembler quelque peu journalistique, surprenante en tout cas, exagérée sûrement. Pourtant, depuis qu’il avait suivi en 1906 des cours à l’Ecole des sciences hermétiques dirigée par Papus et fréquenté l’Ordre martiniste et ses organisations plus ou moins auxiliaires, jusqu’aux années 1920, le jeune Guénon avait pu constater de l’intérieur, chez les occultistes, que le meilleur côtoyait le pire. Entre les prétendus pouvoirs des uns et les folles ambitions cosmiques des autres, il avait pu zigzaguer de quelque manière.

 

Même si, très tôt, Guénon est convaincu qu’un authentique enseignement traditionnel ne peut se transmettre valablement que par voie orale, en s’introduisant dans un réseau de guides puisant leur savoir d’une filiation ésotérique « sûre », il est, de fait, confronté à une inflation de pseudo-prétendants à la gnose absolue. Or, déjà à cette époque, il ne confond pas attitude gnostique et quête fantasmagorique d’arcane unitaire, à trouver dans le manichéisme, l’alchimie ou l’islam. Certes, très tôt, Guénon cherche  une chaîne d’union jamais interrompue à travers toutes les fraternités secrètes qu’il fréquente, mais il résiste d’instinct, ou d’intuition, à cette ébullition de néo spiritualisme douteux qui suscite autant de diatribes orageuses qu’elle entraîne de conversions spontanées et éphémères.

 

Paris est, depuis toujours, le paradis – ou l’enfer – des sectes. Au début du 20ème siècle, Paris est un carrefour d’aspirations ésotériques convergentes et divergentes, un fatras hétérodoxe d’où il n’est pas facile de s’extraire. L’influence des voies orientales et des syncrétismes faciles n’est pas né d’hier. Et l’entourage du jeune homme Guénon a peut-être trop cru sur parole le livre à succès, alerte et bien écrit d’Edouard Schuré, « Les Grands Initiés, esquisse de l’histoire secrète des religions, paru en 1889 déjà (c’est-à-dire l’année de la création de la revue « Le Voile d’Isis » par Papus), et qui fit rêver de nombreuses générations puisqu’il demeure encore, plus d’un siècle après sa sortie, un « best-seller » international en librairie !

 

Toujours est-il que Guénon est bien placé pour se rendre compte des manques et des nettes inconséquences de la Société théosophique qui n’a, selon lui, aucun lien de filiation légitime avec la théosophie en général, celle qui sert de dénomination commune à des doctrines diverses, mais procède d’un même ensemble de tendances. Cette théosophie, en quelque sorte historique, se réclame quant à elle d’une tradition tout occidentale « dont la base est toujours, sous une forme ou sous une autre, le christianisme ». Parmi ses représentants les plus illustres, on peut citer Jakob Böhme (1575-1624) et Emmanuel Swedenborg (1688-1772).

 

Guénon ne veut point céder à une telle confusion. Il sait que l’organisation qui s’intitule justement Société théosophique « ne relève d’aucune école qui se rattache, même indirectement, à quelque doctrine de ce genre » (ibid.). Alors, parce qu’il est persuadé que le meilleur moyen de combattre le théosophisme (le néologisme est de lui) c’est d’exposer son histoire telle qu’elle est, il n’hésite pas, dans son ouvrage « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion » (1922), à raconter par le menu l’épopée des fondateurs de cette secte qui devait avoir un important rayonnement sur les religiosités bizarres et parallèles du début du 20ème siècle.

 

Guénon propose à ses lecteurs les fruits de ses enquêtes personnelles. Il le fait avec ce souci du détail juste, de la note additionnelle utile, qui donne à son texte un poids de crédibilité supplémentaire et qui sera toujours l’un de ses points forts. Et tant pis si le style peut sembler parfois pesant. L’essentiel est de prendre le recul nécessaire sur le savoir pour le superviser en quelque sorte.

 

Guénon distingue ainsi deux périodes principales dans la saga du théosophisme correspondant à la direction d’Helena Blavatsky et celle d’Annie Besant, tout en soulignant toujours les contradictions repérables entre la pensée de la fondatrice et celle de la personne qui lui succéda. D’emblée, il révèle les antécédents d’ Helena Blavatsky, née Helena Petrovna Hahn (1831-1891), d’origine noble, et que l’on maria à seize ans avec un général qui en avait quarante-deux, Nicéphore Blavatsky, vice-gouverneur de la province d’Erivan, qu’elle quitta vite.

 

Ce dont il s’agit ici, c’est de « démontrer » sans complaisance le fonctionnement interne d’une secte à succès. Et pour parvenir à ce but, René Guénon est précurseur dans sa manière de montrer aux lecteurs que tout s’appuie toujours sur une confusion incroyable de la pensée quand l’ésotérisme, le spiritisme, les pouvoirs paranormaux permettent de faire tinter des clochettes invisibles ( !), de « matérialiser » des objets de toutes sortes et même de faire émerger « des correspondances transmises par voie astrale ». Ainsi, on devine pourquoi la Société théosophique, fondée en 1875 « pour combattre le matérialisme, pour rappeler au monde le principe de la fraternité humaine, pour enseigner de nouveau les Grandes Vérités éternelles oubliées ou méconnues au cours des âges, et préparer ainsi le nouvel et prochain avènement du Grand Instructeur du monde », et lorsque Guénon retrace l’itinéraire déjà rocambolesque d’Helena Blavatsky jusqu’à son installation à Bombay, puis à Adyar, en 1882, près de Madras, il met en relief les contradictions de la flamboyante aventurière, ses mystifications habiles et à peine croyables.

 

Mais René Guénon n’en reste pas aux aspects anecdotiques de l’aventure théosophique. Il cite l’entourage immédiat d’Helena Blavatsky, à Adyar, montre d’où venaient ses complices en phénomènes occultes, en vibrations cosmiques, en messages mirifiques. Certains étaient des anciens associés de son Club à miracles du Caire, comme le couple Coulomb ; un autre, comme ce dénommé Babula, avait été au service d’un prestidigitateur français et s’était vanté d’avoir fabriqué des mahatmas en mousseline ; d’autres enfin aidaient la dame Blavatsky à écrire les « lettres précipitées », ainsi qu’elle l’avoua elle-même par la suite ! Seulement voilà : s’assurer de la discrétion de tous ces gens était difficile, explique Guénon avec humour… et les Coulomb, par exemple, vendirent des missives de la fondatrice, lesquelles furent publiées dans le « Christian college Magazine » de septembre 1884 de Madras.

La faussaire, déstabilisée, parla de démissionner de son organisation, puis se ravisa.

On nomma une commission de la Société des recherches psychiques de Londres pour étudier la nature des phénomènes incriminés. Il s’ensuivit un rapport dans lequel étaient exposés en détail tous les « trucs » employés par les soins de Mme Blavatsky ! Tout cela amena la « conclusion formelle » (l’expression est de Guénon) que ladite Blavatsky n’était pas le porte-parole de voyants que le public ignore, ni une aventurière ordinaire, vulgaire, mais elle avait, en réalité, conquis sa place dans l’histoire « comme un des plus accomplis, des plus ingénieux et des plus intéressants imposteurs dont le nom mérite de passer à la postérité » !

 

l’homme & son devenir selon le védânta

René guÉnon

Editions  TRADITIONNELLES

 1952

Exposé sur la constitution de l’être humain selon le point de vue du Védânta, le cœur de la doctrine hindoue. Les différents états de l’être humain sont rapportés au Principe dont ils sont la manifestation.

Ainsi le Soi, la personnalité, aspect transcendant et permanent de chaque être, est identifié à Atmâ (le Principe, la Transcendance). L’examen des concordances entre microcosme et le macrocosme, entre la manifestation et le Principe, permet d’expliquer le processus même de l’initiation, vécue comme un voyage de l’état humain vers les états supérieurs.

 

Il s’agit sans doute de l’ouvrage le plus complexe de Guénon, en partie à cause du vocabulaire sanscrit utilisé par l’auteur, mais aussi à cause du propos purement métaphysique. Ce livre est une véritable mine d'or pour quiconque s'intéresse au Vedanta. En 200 pages l'essentiel y est dit, avec à la fois une grande précision et une grande rigueur, un exposé à la fois dense et clair qui permet d'accéder à la compréhension des aspects fondamentaux de l'advaita vedanta.


Il y a beaucoup de notes en bas de pages, parfois un peu longues, mais d'une grande richesse, notamment en ce qui concerne la correspondance de certains aspects du Vedanta avec d'autres traditions (chrétienne, islamique...).l'auteur axe son propos sur l'Advaita-Vedanta et la doctrine de Shankara, tout en puisant, parfois largement, dans le "Sankhya" (l’un des six "darshana" ou doctrines métaphysiques de l'Inde, avec le Vedanta, le yoga...).


Sur un sujet comme celui-ci par la maîtrise de l'objet de son analyse, l'auteur va immédiatement au cœur du sujet lesquels bien entendu sont une seule et même chose...intéressant de compléter par une approche moderne et une méthode d'exposition complètement différente d'un auteur anglo-saxon comme Denis Waite et de comparer.


La lecture de cet ouvrage demande de l'attention et il vaut mieux avoir une connaissance de base des philosophies de l'Inde, ou de sa "métaphysique", pour respecter la vision de l'auteur qui préfère ce terme: il n'y a, selon lui, de philosophie qu'occidentale et seul l'Orient a pu accéder à la métaphysique véritable.

 

L’INTERPRÉTATION ÉSOTÉRIQUE DE L’ÉVANGILE,  selon René  GUÉNON

Erik   Sablé

Edition LE   MOULIN DE L’ETOILE

 2009

Comme tous les textes sacrés, l’Évangile possède plusieurs niveaux d’interprétation. Il a donc aussi un sens ésotérique, métaphysique, qui révèle son aspect le plus profond, et certaines paroles du Christ très énigmatiques dévoilent leur signification seulement grâce à cette clef de lecture.

René Guénon s’est plus particulièrement attaché au décryptage de ce sens métaphysique.


Les commentaires qu’il a faits de certaines paroles de l’évangile se trouvent dispersés un peu partout dans son œuvre et il était intéressant de les réunir. En les situant dans un ensemble elles s’éclairent les unes les autres et montrent l’universalité du texte évangélique. Si ces commentaires permettent de comprendre le sens caché et secret de l’évangile, ils laissent également place à l’inexprimable, ce que chacun devra réaliser en lui, dans le secret de son cœur.


En fait un texte sacré est comme un symbole, il évoque une vérité qui ne peut être dite avec des mots, cette vérité peut seulement être approchée et faire place à l’intuition, et il en est ainsi parce que ces écritures communes à toutes les traditions ont une origine  « primordiale  non humaine »


Ces paroles sont comme des perles cachées au sein de la doctrine et c’est autour d’elles que se fonde l’ésotérisme, c’est ainsi que René Guénon avec le christianisme, extrait quelques paroles du texte évangélique, choisies pour leur sens « métaphysique et  leur profondeur » comme support de son interprétation.

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