Chapitre 16 A
- Z (Marie - Madeleine - Davy) |
16 A
association m.m. davy |
Paris |
|
1999 |
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16 B
bernard de clairvaux |
M.M.
davy |
Edition
DU FELIN |
1991 |
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Ainsi
la création devient miroir et reflet de la beauté divine, humblement Bernard
s’efface devant ma Présence, dont il ne cesse de scruter le mystère. Il
existe dans ses traités, et plus encore dans ses sermons, une indéniable
transparence. Bernard est visité par la lumière divine et les termes qu’il
utilise sont autant de fenêtres diffusant la clarté. A une époque où on
employait volontiers des clichés littéraires, l’abbé cistercien fait
exception, il se tient sous la mouvance de l’Esprit, et ce don il le
communiquera à plusieurs de ses moines. Au
sein de l’église, Bernard a tenu un rôle de réformateur. Au XIIe siècle, la
chrétienté est un tout qu’il importe de sauvegarder en la défendant contre
les agitateurs, les hérétiques et les hétérodoxes, la moindre fissure serait
dangereuse à l’égard d’une chrétienté dont il convient de sauvegarder
l’unité. La
théorie mystique de Bernard soulèvera de nombreux échos, non seulement en son
temps mais jusqu’à nos jours. Essentiellement contemplatif, Bernard apporte
un enseignement qui ne cesse de relier la dimension humaine à la dimension
divine, le temps à l’éternité. Surnommé
« le dernier Père de l’église », il a pu, en s’inspirant d’Origène,
donner aux sens intérieurs toute l’ampleur qui convient à l’homme en
constante nouveauté de vie. Au sommaire de cet ouvrage : Bernard le grand réformateur de la Chrétienté
- Bernard et Cîteaux - le moine et l’abbé
- Activité réformatrice - les hérétiques et les
hétérodoxes - Bernard et Abélard -
Bernard et Gilbert de la Porrée - Cîteaux et Cluny
- Bernard et l’art cistercien - Bernard le Mystique - La vie
monastique - humanisme - la connaissance de
soi - le libre arbitre - image et
ressemblance - l’homme et Dieu - la
connaissance et l’amour de Dieu - les degrés de
l’amour - l’amour du fils et l’amour de l’épouse
- Unitas spiritus - l’extase - |
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16 E
encyclopÉdie des mystÈres |
M.M.
davy |
Edition
PAYOT |
1995 |
4
volumes pour raconter l’histoire des mystiques et du mysticisme. |
16 H
HENRI LE SAUX - ÉCRITS. par le Père Henri Le SAUX |
Morceaux
choisis d’Henri le Saux et présentés par M.M. DAVY |
Edition
Albin Michel |
1991 |
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L’Absolu - advaïta - aham
- amour - anges et démons - angoisse
- Arunâchala - Atman - au-delà -
autre rive - cheveux - Christ -
cœur - connaissance - conscience -
contemplation - conversion - déchirement
- dépassement et dépouillement - désert -
Dieu - dogme et dualité - Eglise -
esprit - éternité - eucharistie -
Evangile - éveil et expérience - foi et grâce
- guru - icône et idolâtrie -
illumination - Inde - libération -
liberté - méditation - moine -
monachisme - monde - mort - mystère et
mystique - œcuménisme - Orient et Occident
- péché - pensée - père -
prâna - présence et prière - Ramana Maharishi
- réalisation - religion - renoncement
- révélation et sagesse - sainteté -
secret - sérénité - solitude -
source - symbole - théologie -
Trinité - unité - Upanishad - Vierge
Marie - voie - yoga - |
HENRI LE SAUX – ERMITES DU SACCIDÂNANTA –Un essai d’intégration chrétienne de la tradition monastique de l’Inde |
Henri le Saux et l’Abbé Jules Monchanin |
Edition Casterman |
1956 |
Ce livre a été vécu avant d’être écrit. Il est un message aux chrétiens de notre temps : « Allez me faire des disciples dans toutes les nations », avait dit le Christ. C’est un écho direct de cette parole que l’on trouve ici. Deux missionnaires, messagers de la bonne Nouvelle, se sont enfouie et immergés dans la terre indienne jusqu’à devenir de vraies enfants de l’Inde. Le levain dans une pâte, une pâte qui a longuement murie sous l’action déjà de l’esprit, un levain adapté à la pâte de l’Inde. Deux moines, L’Abbé Jules Monchanin et Dom Henri le Saux vont devenir deux vrais sannyâsis indiens, vivant en ermites dans la forêt, seuls, ou sur le mont Arunâchala dans des grottes, ils vont vivre une aventure grandiose en mélangeant la mystique chrétienne et la tradition hindoue Ils seront ermites de Celui qui Est, car le message retentit avec une telle force, qu’il leur est impossible de ne pas suivre cet appel. Ce chemin qu’ils vont prendre et qu’ils mettent dans cet ouvrage nous bouleverse, nous font méditer et nous fascine. Ces écrit agissent sur nous comme une épuration, car le message est tellement beau et pur qu’entré en nous, il nous décrasse de toutes les scories que nous ne cessons d’accumuler depuis notre naissance. Ils nous racontent leur vie quotidienne, leur problème avec les Hindoues avant d’être accepté, la rencontre avec les textes sacrés de l’Inde, les retraites dans les grottes d’Arunâchala, leur vision pour l’implantation de la mystique chrétienne en terre hindoue et surtout comment et pourquoi engager un dialogue interreligieux. Un livre qui nous émeut car ces deux religieux se mettent à nu pour nous raconter avec une très grande sincérité leurs émotions et leurs interrogations. |
HENRI LE SAUX - LA GROTTE DU CŒUR – LA VIE de Swami ABHISHIKTANANDA |
Shirley Du Boulay |
Edition du Cerf |
2007 |
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La voie shivaïte, qu’il suivit jusqu’à son terme, lui fit le don d’un disciple exemplaire, à qui il put transmettre les principes qu’il avait acquis. Par ce lien qu’il incarna entre la sagesse hindoue et la mystique chrétienne, par la profondeur de ses intuitions, Swami Abhishiktananda a ouvert, avec les audaces du défricheur, la voie au dialogue interreligieux. Tous ses écrits convergent vers ce lieu toujours plus intérieur qui, des grottes d’Arunâchala, le mena jusqu’en la guha, « la grotte du cœur » Cet homme avait de nombreuses contradictions, il rêvait de sa Bretagne mais ne retourna jamais en France, il aimait la solitude mais avait de très nombreux amis, il aspirait au silence mais adorer parler, il prenait plaisir aux livres, à écrire mais préférait cependant les enseignements directs de son expérience vécue, mais sa contradiction principale était l’attraction qu’il éprouvait envers l’advaïta, expérience non-duelle de l’hindouisme et son amour inné et sans faille pour sa foi catholique et les mystères chrétiens. C’est cette dernière contradiction qui va lui poser des souffrances et des angoisses, car l’hindouisme provoqua chez lui une attirance très forte, comme un puissant aimant, il dut lutter pour ne pas perdre sa foi catholique. Souvent il se dira tantôt hindou, tantôt chrétien et cette double appartenance tout en lui provoquant des problèmes lui donnera aussi des joies, ayant conscience que ces passerelles entre Orient et Occident sont nécessaires si on veut nouer des relations et des dialogues interreligieux. Il eut le courage d’aller jusqu’au bout de sa quête, et d’écrire de merveilleux livres sur son ressenti, ses expériences, ses aspirations et son chemin dans cette immersion dans l’hindouisme dont il tirera de grands bonheurs. Fut-il un moine singulier et fou ou bien un homme qui, dans son courage à souffrir l’angoisse de l’écartèlement entre les deux grandes traditions, atteignit des sommets inhabituels de grandeur spirituelle et qui, plus de 30 ans après sa mort, reste un phare pour ceux qui défendent leur fidélité à une tradition tout en restant ouverts aux vérités des autres ? Cet homme, en fait,
est un chrétien d’aujourd’hui, capable de transcender les différences entre
les religions et de vivre dans la vérité transcendante. Au sommaire : Racines bretonnes -1910-1929 - Un
appel irrésistible, Kergonan 1929-1939 - la seconde guerre mondiale 1939-1945
- La terre promise 1948-1950 - Arunâchala 1949-1952 - une expérience
novatrice, Shantivanam 1949-1952 - Christianisme et Advaita 1953-1954 - Cris
spirituelle 1955-1956 - Complète immersion dans l’hindouisme 1956 - Un mois
en solitude 1956 - L’autre face du silence 1957 - Un ermite très actif
1958-1960 - Pionniers du dialogue 1961-1963 - Aux sources du Gange 1963-1964 -
Un vrai disciple - L’explosion finale - Dépasser les opposés - Important
glossaire et bibliographie - |
HENRI LE SAUX – LE PASSEUR
ENTRE DEUX RIVES |
M.M.
DAVY |
Edition Albin MICHEL |
1997 |
En
1948 ce moine bénédictin rejoint l’Inde pour y faire connaître le
christianisme ; là-bas avec le Père Jules Monchanin ils fondent l’ashram
du Shantivanam. Venu en Inde pour faire connaître le christianisme, Henri le
Saux s’aperçoit que, contrairement à son projet initial, c’est lui-même qui
reçoit l’impact de la métaphysique indienne ; elle le bouleverse et le
séduit. Tout
en restant chrétien, mais revêtu de la robe di sannyâsi (renonçant), Henri le
Saux, devenu Swami Abhishiktânanda, partage désormais son existence entre les
séjours solitaires près de la Sainte Montagne d’Arunâchala et la prédication
de retraites à des religieux. Il demeure de cette expérience unique d’union
entre l’advaïta (non-dualité) indienne et la mystique chrétienne un message
qui s’adresse aujourd’hui à tous les chercheurs d’absolu. Nous
sommes à une époque où l’Occident redécouvre avec ferveur la valeur
inestimable de la Sagesse orientale. A cet égard, Henri le Saux est une
figure de proue, il a opéré la rencontre entre deux cultures, deux voies
d’approche, deux chemins spirituels. Moine occidental pénétré d’hindouisme,
il vivra le message chrétien, auquel il restera toujours fidèle, tout en
approfondissant grâce à la métaphysique offerte par les Sages de l’Inde. Sa
vie et son œuvre, comparables à un phare, balisent le parcours de ceux qui,
au sein du christianisme, souhaitent intégrer, comprendre et pratiquer la
profondeur orientale. Pour
mener à bien son aventure, Henri le Saux n’eut aucun autre moyen que de se
dénouer de tout ce qui n’est pas essentiel. Au départ il s’est détaché du
monde et de ce qui nourrit ses sens extérieurs, mais très vite il s’est
aperçu que cela était insuffisant, car le monde était en lui. Il fut donc
obligé de passer par l’épreuve du feu intérieur consumant. Le passage du
psychique au pneumatique, de l’âme à sa fine pointe : l’esprit, comporte
un changement de niveau, une totale épuration du mental, de l’affectivité, le
rejet des pensées et des sens intérieurs. Dans
sa démarche il va franchir successivement tous ces niveaux, toutes ces
étapes, et sa rencontre avec les Sages et la lecture des textes sacrés –Védas
et Upanishad- seront des propulseurs. Le christianisme qu’il vivait
avant va progressivement se décanter, se purifier de toute idolâtrie, c’est
ainsi qu’il aboutira à une pure transparence, celle qui nous séduit, car elle
nous permet de saisir la splendeur d’un christianisme intériorisé, le plus
souvent inconnu. Une
chose importante pour Henri le Saux : Dans son parcours il rejeta
toujours un quelconque syncrétisme entre ces deux mystiques, au contraire la
pureté de leur mystère est chose importante et primordiale. Si on devait
rapprocher un mystique avec Henri le Saux, ce serait surement Maître Eckhart
qui, de son temps fut inquiété pour avoir osé dire ce que Henri le Saux, cet
être de lumière, 5 siècles plus tard dira et fera avec force sur ce mystère
de la Présence. Au sommaire de cet ouvrage : 1e Partie : Une vocation monastique chrétienne et
hindoue - l’ashram du Shantivanam - la xénitéia
- origine de la vie monastique érémitique - rencontre avec
Ramana Maharshi - Arunâchala - en chemin de
l’exil - le dépouillement des dépouillements - le
secret - un langage antinomique – esquisse d’un visage et d’une
écriture – 2e Partie : Le passage par le feu nocturne et la
nuit initiatique - les étapes d’un itinéraire -
Mutations et métamorphoses - la Présence - l’au-delà
du signe - la sortie du tunnel - ressuscité en
Christ - la jubilation - 3e Partie : L’accès à la Lumière divine
- la grâce de l’Inde - les racines des religions
- les voies - Dieu et les hommes - l’expérience
de paternité spirituelle - L’illumination - la grande
mort et la petite mort - le dernier départ - 4e Partie : Textes complémentaires - ouverture : traditions et dialogues - un éclairage explicatif - Jules Monchanin - |
HENRI LE SAUX, MOINE DE KERGONAN |
Divers auteurs |
Edition Parole et Silence –Perpignan |
2012 |
||
Préface par dom Philippe Piron L’itinéraire spirituel d’Henri le Saux par Françoise Jacquin Les années de Kergonan (1929-1948) par dom Xavier Perrin Le témoignage de frère Robert Williamson La présence dans l’absence par dom Jean-Gabriel Gelineau Sœur Thérèse Le Saux, moniale de Saint-Michel de Kergonan par mère M.F. Euverte La problématique et les avancées du dialogue interreligieux aujourd’hui par P. Massein |
HENRI
LE SAUX - LES YEUX DE LUMIḔRE |
Henri
le Saux |
Edition
F.X de Guibert |
1989 |
Celui dont je vais vous parler aujourd'hui est un
aventurier. Pas parce qu'il a vécu dans la jungle, dans les Himalayas et
autres lieux exotiques. Non, il s'agit d'une autre sorte d'aventure : une
aventure intérieure, bien sûr : Pages
Feuilletées, ce n'est pas Ushuaia,
ou alors c'est l'Ushuaia de l'aventure spirituelle !
J'aime les gens qui vont jusqu'à la limite de l'impossible. Notre aventurier
du jour a dit lui-même qu'il était un cosmonaute qui plongeait avec un
bathyscaphe. Que cherchait-il ? Dieu, évidemment. Et je vais vous dire tout
de suite la fin de l'histoire : il L'a trouvé ! Ce quêteur de Graal
s'appelait Henri Le Saux. Très jeune il ressent une vocation à partir en Inde, mais
il devra attendre pas mal d'années, au cours desquelles il exerce les
fonctions de cérémoniaire, et de professeur d'histoire de l'Eglise, de droit
canon et de patristique (étude des Pères de l'Église), donc un intellectuel
de haut niveau. Henri Le Saux en 1947 correspond avec Jules Monchanin, un
prêtre français installé dans le sud de l'Inde, dans un but non pas
missionnaire mais uniquement contemplatif. Il apprend l'anglais et le tamoul,
étudie les Upanishads, obtient l'autorisation de quitter son monastère pour
rejoindre l'abbé Monchanin, et en juin 1948, âgé de 38 ans, il débarque au
Sri Lanka. Les deux hommes fondent un ermitage dans le diocèse de
Tiruchirapalli, dans un endroit nommé Shantivanam (le bois de la paix). Sa vie sera tantôt celle d'un moine, au Shantivanam avec
le Père Monchanin ou avec d'autres, tantôt celle d'un ermite, au même endroit
ou dans l'Himalaya près des sources du Gange, tantôt celle d'un sannyâsîns.
Un sannyâsi, c'est un ascète hindou qui a renoncé à tout et qui part sur les
routes. Dans nos pays, on n'aime pas beaucoup les gens qui vagabondent d'un
endroit à l'autre. En Inde, on les vénère, il y en a des millions, ça fait
partie du processus normal de la vie : on étudie, on se marie, on travaille,
et puis on laisse tout et on part. Mais bien sûr, la mentalité indienne n'est
pas du tout la même que la nôtre. Henri Le Saux, ou plutôt Swami
Abhishiktânanda de son nouveau nom, a pris la nationalité indienne à l'âge de
50 ans, en 1960. Abhishiktânanda signifie "celui dont la joie est le Christ". Il a écrit un certain nombre de livres décrivant son
expérience et ses idées, car on a beau être un pauvre ascète hindou vivant de
l'air du temps (ou presque), on n'en oublie pas pour autant le grec, le
latin, la philosophie, la théologie et toute la forme de pensée occidentale
dont l'éducation a imprégné l'esprit. Notre Swami a donc écrit en 1956 avec Jules Monchanin Ermites du Saccidânanda[1], et
puis il écrit tout seul, Monchanin étant mort en 1957,Il a écrit aussi
beaucoup de lettres, d'articles dans des revues catholiques, et un journal
intime spirituel, publié en 1986 sous le titre La montée au fond du cœur. Le livre que nous allons feuilleter
aujourd'hui n'est aucun de tous ceux-là : il s'agit d'un recueil composé
d'articles de revues, de lettres et d'extraits du journal, et publié en 1979
sous le titre Les yeux de lumière.
De quels yeux s'agit-il ? La couverture du livre reproduit une photo d'Henri
Le Saux à la fin de sa vie. On ne peut pas décrire ce regard, un regard qui voit Dieu.
On ne peut pas voir Dieu et vivre, à ce qu'il paraît. Et en effet, Henri Le
Saux est mort de ce bonheur extraordinaire, mais il a tout de même vécu cinq
mois, de juillet à décembre 1973, dans cet état où il n'y a plus de
différence entre la terre et le ciel. Il est arrivé enfin au-delà du mental,
au-delà des catégories intellectuelles, au-delà de la question impossible :
comment être à la fois chrétien et hindou ? Il est arrivé là où les
parallèles peuvent enfin se rencontrer : dans l'infini. Quand Henri Le Saux arrive en Inde, en 1948, "l'ambiance générale est celle d'une
désorientation théologique complète». L’indépendance de l'Inde vient
d'être proclamée. Le christianisme a jusque-là été très lié au pouvoir
britannique et les chrétiens se trouvent dans une situation ambiguë, dans un
conflit entre fidélités : celle de l'identité indienne et celle de l'identité
chrétienne. «On pressent une
incompatibilité qu'on s'efforce de nier par quelques concessions à
l'adaptation du christianisme à la culture indienne». Henri Le Saux,
lui, ne veut pas de compromis. Il veut être à la fois chrétien et hindou,
sans pour autant tomber dans le syncrétisme. Il abandonne toute idée de
supériorité du christianisme. Sa situation est donc très inconfortable, il a
beaucoup souffert pendant un certain nombre d'années. Plus tard, "le
Concile Vatican II donne un espoir et indique une voie" : le
christianisme commence à considérer "que
l'hindouisme est une religion authentique, donc porteuse de salut, et que la
rencontre entre les deux religions peut conduire à une relation positive et
bénéfique. A partir de cette époque, Henri Le Saux se sent confirmé dans sa
vocation de sannyâsi dans l'Eglise". Mais tout reste à faire. Il
n'y a pas "de fondements pour
une théologie indienne et encore moins pour une théologie
hindoue-chrétienne». L’Inde est une mosaïque de religions : l'hindouisme,
l'islam, le jaïnisme, les sikhs, le bouddhisme, l'animisme. La plus
importante est bien sûr l'hindouisme, qui est lui-même très divers. Parmi
tous ces courants, Henri Le Saux ne fréquenta que le milieu monastique
védantin, le Védanta étant un système philosophique inspiré des Upanishads,
livres sacrés qui font partie des Védas. Tout cela est très ancien, très
antérieur au christianisme. Voici ce qu'il écrit dans un article intitulé L'Inde et le Carmel, paru en 1964
dans la revue Carmel :"La mission de l'Eglise est de
proclamer à tous et partout l'appel du Ressuscité et de rendre disciples
toutes les nations, et le but final de cette mission c'est la récapitulation
de tout dans le Christ, afin qu'en la consommation du temps et du mystère de
Dieu, tout par Lui soit ramené au Père, et que Dieu soit tout en tous. […]
Comme le dit Isaïe, ce sont tous les trésors des nations, et donc
premièrement leurs trésors spirituels, qui montent ainsi, et sont consacrés
sur l'autel de Iahvé en son temple de la nouvelle Sion. Tout de l'univers
doit être consacré au Seigneur, tout doit être sanctifié». Au cœur de
l'Eglise et au cœur de l'Inde à la fois, Dieu attend que son Eglise vienne
délivrer ce secret de l'Inde. Dieu est patient. Il attend et Il attendra tant
qu'il faudra. Tant que son Eglise ne sera pas prête à plonger au sein du fond
et à y recueillir la perle, Il continuera d'inspirer les sages de l'Inde, Il
maintiendra ininterrompue la lignée des rishis, dépositaires et gardiens de
ce secret, visiblement et apparemment hors de cette Eglise indifférente,
invisiblement et en réalité en son sein même, en longue gestation. Il faut en effet accepter de
plonger et de plonger très à fond pour découvrir cette perle, jusqu'à la
perte de soi en soi, de soi au-delà de soi. […] Non pas une plongée
intellectuelle qui révèle si peu en réalité, encore moins une plongée par
imagination ou affectivité, encore plus vaine. Mais la plongée aux sources
mêmes de l'être, là où l'Inde attend, là où l'Eglise attend. […] La grâce de
l'Inde est essentiellement une grâce d'appel à l'intérieur Le message vrai de
l'Inde est tellement secret que bien peu en fait sont capables de l'entendre
dans sa vérité très pure. Les ersatz en pullulent, d'ordre spéculatif,
émotionnel ou bien gnostique, et beaucoup d'âmes se laissent tromper. Seule,
ose-t-on dire, une âme profondément chrétienne qui a pénétré au cœur du
Christ, qui comme le disciple bien-aimé a su écouter, au dehors et plus
encore au dedans, les battements du cœur de Jésus, sera capable de pénétrer
aux derniers retraits du cœur de l'Inde et d'y recueillir, pour soi et pour
l'Eglise, son message le plus secret. […]L'Inde aurait-elle donc à apporter
au christianisme un message d'intériorité que celui-ci ignorerait ? En
vérité, l'Inde n'apporte au chrétien rien qu'il ne possède déjà", mais, ajoute-t-il, "l'Inde peut aider l'Eglise à faire fructifier ses propres
trésors». Le secret de Dieu est au-delà de tous mots. Ceux qui le touchèrent
de plus près, en quelque climat religieux que ce soit, purent seulement dire
de lui qu'il est inaccessible". L'auteur parle ensuite du rôle irremplaçable des
contemplatifs dans l'Eglise, et aussi de l'image de la grotte, la cavité du
cœur, employée dans les Upanishads.
«C’est le lieu caché, le lieu secret par excellence, le lieu pourtant que
l'homme à tout prix doit rejoindre s'il veut échapper à la mort et parvenir à
la vie impérissable». L’expérience de non-dualité que nous transmettent les
Ecritures de l'Inde est sans doute le sommet le plus haut de ce que pouvait
atteindre l'homme, même guidé par l'Esprit, tant que Dieu ne s'était pas
révélé en son Fils". Dans un autre article sur L'expérience de Dieu dans les religions d'Extrême-Orient,
publié en 1973, Henri Le Saux explique ce qu'est cette expérience de
non-dualité :"En face de cette
expérience de Dieu-Autre [il s'agit de la tradition biblique et
chrétienne] il y a l'expérience qui
ne laisse même plus la possibilité de reconnaître ni de nommer cet Autre, pas
même de s'en distinguer, tellement elle a été envahissante et a fait le vide
dans l'être. […] Il n'y a plus place ici que pour le silence». De ce mystère,
les grands ont toujours refusé de disserter. Le Buddha refusait toute
question à ce sujet. Sans doute commentateurs bouddhistes et vedantins ont-ils
discouru là-dessus de façon indéfinie, tant l'esprit a du mal à accepter de
se taire. Cependant l'intuition fondamentale est silence". On peut remarquer qu'Henri Le Saux lui-même a beaucoup
écrit sur le silence et sur l'indicible…Ce n'est que dans les derniers mois
de sa vie, après cette crise cardiaque accompagnée d'une "merveilleuse expérience
spirituelle" d'éveil, qu'il ira vraiment au fond des choses.
Voici une lettre écrite trois jours seulement après le grand événement :"Il n'y a que l'instant éternel où je
suis. Ce nom de JE SUIS que Jésus s'applique en Jean est pour moi la clé de
son mystère. Et c'est la découverte de ce Nom, au fond de son propre "JE
SUIS", qui est vraiment le salut pour chacun. […] Alors voyez-vous, pour
nous ici, l'Europe, l'Eglise, même les meilleurs nous paraissent vivre à la
surface de leur être seulement, "mystère" de l'Esprit qui murmure
en termes pauliniens tu es "fils de Dieu", en nos termes ici
"tu es cela". On se bagarre sur le ministère, sur le célibat, et le
reste, et on oublie qu'une seule chose compte, c'est d'éveiller". Toutes ces idées peuvent vous paraître étranges et même
inquiétantes. Je tiens à préciser que ce livre Les yeux de lumière a obtenu le nihil obstat, l'imprimi potest
et l'imprimatur, c'est-à-dire qu'il a été publié avec l'autorisation
officielle de la hiérarchie catholique. Il n'y a donc rien d'hérétique dans
les propos de Swami Abhishiktânanda, qui resta toujours moine et prêtre de
l'Église catholique, et qui fut, au dire du Père Monchanin lui-même, "celui qui a pénétré le plus avant le
mystère de l'Inde». L’indouisme est mal connu en Occident car, dit
Henri Le Saux, "il faut
toujours se défier des transpositions conceptuelles et verbales qui sont
faites d'une tradition ou d'une culture dans une autre. Les termes les plus
clairs et les traductions les plus exactes étymologiquement risquent
constamment d'égarer". De plus, dit-il, les traducteurs ne sont pas forcément
compétents sue le sujet et peuvent aboutir à des approximations. Et surtout,
il ne faut pas oublier que la philosophie indienne est pratique, les mots et
concepts employés par les gourous ne visent pas à transmettre une doctrine
mais à mener le disciple à une expérience. Donc, si vous voulez vraiment
connaître l'hindouisme, lisez Henri Le Saux plutôt qu'un autre, puisqu'il l'a
vraiment connu de l'intérieur. Pour finir, encore une phrase d'Henri Le Saux
: "La mission essentielle de
l'Eglise est d'éveiller les hommes à l'unique Présence et de les rendre
toujours plus présents à Dieu et à leurs frères. Mais personne ne peut en
éveiller un autre s'il n'est pas lui-même pleinement éveillé". |
HENRI LE SAUX - SAGESSE HINDOUE, MYSTIQUE
CHRÉTIENNE |
Henri
Le Saux |
Edition
CENTURION |
1991 |
Dans
cet ouvrage Henri le Saux, après les expériences bouleversantes des premières
années, à la faveur desquelles, il s’était laissé envahir par l’expérience de
la non-dualité (advaïta), s’interroge pour voir comment la sagesse hindoue
dont il a fait la découverte, s’intègre à la foi chrétienne et à sa mystique.
Si la symbiose des deux semble possible dans l’expérience concrète au niveau
où il vit, la synthèse au niveau de l’intelligence l’est-elle à son
tour ? C’est sur ce point que ce livre marque une étape. Henri le Saux
s’efforce de démontrer que la non-dualité et la Trinité ne s’excluent pas
mutuellement ; elles s’appellent plutôt l’une l’autre et sont
complémentaires. L’advaïta nous avertit que les relations trinitaires
dépassent infiniment ce que nous pouvons en concevoir ; la Trinité
chrétienne, elle, nous révèle la plénitude pluriforme de l’Un sans le deux. Ainsi,
l’expérience hindoue et l’expérience chrétienne s’approfondissent
mutuellement : l’advaïta simplifie la Trinité ; la Trinité dilate
l’advaita. Ce livre se présente donc comme une longue méditation, d’une
profondeur exceptionnelle, où la mystique hindoue la plus profonde et le
mystère chrétien essentiel réagissent pas à pas, l’un sur l’autre. Ce livre
ne devait être cependant qu’une étape. L’œuvre, au fond, était sécurisante,
l’expérience chrétienne y demeurant intacte même dans ses formulations
bibliques et traditionnelles. A tout prendre, elle restait la règle, or Henri
le Saux était déjà envahi par des questions ultérieures, sur lesquelles il ne
cessera plus tard de s’interroger davantage. Il se demandera alors si la
Trinité chrétienne résiste à l’advaïta ou s’il ne faut pas plutôt admettre
sans détour que, vraie sans doute au niveau de la manifestation et du mythe,
elle s’évanouit cependant à celui de la vérité absolue. C’est ce qui explique
que plus tard ce livre lui apparaîtra comme une étape à dépasser. Son
journal intime porte un témoignage irrécusable à cette autocritique au sujet
de son œuvre. Il écrit plusieurs fois : »Je n’écrirais plus ce
livre tel quel, j’y ai été encore trop esclave des concepts grecs » et
encore « En grec impénitent, j’ai trop cherché à penser le mystère,
l’Inde, c’est pourquoi cet ouvrage me parait dépassé, avec toute la théologie
et toutes les gnoses ». Ces notations appartiennent à l’époque où, moins
d’an an avant sa mort, Henri le Saux préparait avec son ami James Stuart,
l’édition anglaise de cet ouvrage, lequel paru à Delhi tôt après sa mort sous
le titre de Saccidânanda. Henri le Saux rectifie sa pensée et enlève ce que
le texte original comportait de trop occidental et de rationnel. Cette
édition fait état des retouches de dernière heure, grâce aussi au disciple
d’Henri le Saux, Mde Odette Baumer-Despeigne, qui suivi son maître dans son
intimité intérieure, le connaissant bien elle voua le reste de sa vie à la
divulgation de l’œuvre de son maître et au dialogue interreligieux,
cher au cœur d’Henri le Saux. Cet ouvrage capital dans l’œuvre d’ Henry Le Saux est
indispensable pour celui qui veut entrer dans Au sommaire : 1e Partie : L’expérience védantine – la mort
outrepassée - Sri Ramana Maharshi - Arunâchala
- la manière d’enseigner de Ramana - La quête
intérieure - le Yoga - en quête de soi -
simplement se reconnaitre - le dilemme advaïtin -
L’Advaïta, et les religions et le christianisme - L’Alliance
cosmique et l’Incarnation - Sanatana dherma - l’intervention
de Dieu dans l’histoire - Expérience védantine et foi
chrétienne - la Présence dévorante - un appel à
l’Eglise - 2e Partie : L’Expérience trinitaire : Abba, le
Père - Jésus et le Père - le retour au Père
- L’éveil en Esprit - la plénitude du Christ -
L’Expérience de l’Esprit - la manifestation de l’Esprit
- la filiation divine - la Parole éternelle -
le Fils unique - L’Amour infini du Père - la création
- la liberté de Dieu - la liberté de l’homme -
le cosmos retrouvé - le monde du jnani -
Transcendance et immanence - Amour et communion -
Être en communion - Agapè et koinonia - l’œuvre du
jnânï - acosmisme - vocations - au milieu
du monde - 3e Partie : Saccidânanda - Image
de Dieu - l’intuition du Saccidânanda - la béatitude
essentielle - Au sein de la trinité - Réveil
pascal - le Père et le Fils - la Béatitude de
l’Esprit - l’amour et le Présence - Mus par
l’Esprit - Un acte de foi - les deux
expériences - Mystère de foi - Une hymne chrétienne
au Saccidânanda - extraits de poèmes de Ramana Maharshi
- |
HENRI LE SAUX - SOUVENIRS D’ARUNÂCHALA |
Henri Le Saux |
Edition Epi/Desclée de Brouwer |
1978 |
||
C’est au cours de ses séjours dans les grottes d’Arunâchala et ensuite auprès de Sri Gnanananda à Tirukoyilur que le Père Le Saux, qui désormais en Inde sera connu sous le nom de Swami Abhishiktananda, découvrit « les secrets de l’Inde ». Il en parle en ces termes dans un livre : « L’Inde ne se donne qu’à ceux qui ont accepté de s’arrêter et qui longuement et humblement, ont penché leur oreille pour écouter de tout près les battements de son cœur, qu’à ceux qui déjà ont pénétrer assez en avant en eux-mêmes, au sein du fond, pour y entendre au plus secret de leur cœur, le secret que l’Inde inlassablement y murmure pour eux, par la voie ineffable du silence. Car le silence est le langage suprême en qui l’Inde se révèle et délivre son message essentiel, son message d’intériorité, son message du dedans ». Les séjours que fit Henri le Saux au pied d’Arunâchala et dans différentes grottes, se situent entre 1949 et 1955. En 1955 il y séjourna 5 mois, en 1953 tout le Carême et tout l’Avent, les autres années ses séjours furent de plus courte durée. A cette époque sa résidence permanente était à l’ashram du Shantivanam qu’il avait fondé avec le Père Jules Monchanin à Kulittalai, district de Trichy (et qui existe toujours), « en vue d’un essai d’intégration chrétienne de la tradition monastique de l’Inde », comme l’indique le sous-titre du livre qu’ils publièrent en collaboration commune « Les ermites du Saccidânanda ». Arunâchala, une des montagnes les plus sacrées de l’Inde, est identifiée à Shiva, le Seigneur Suprême ; elle surplombe la ville de Tiruvannamalai ; son cône solitaire et dénudé formé de roches volcaniques s’élève à pic et atteint une altitude de près de mille mètres, son récit mythologique est expliqué dans le livre. C’est dans ce cadre grandiose et
austère que surgit du fond de soi l’expérience de la Présence non-duelle, et
c’est de cette époque que datent toutes les grandes intuitions que le Père le
Saux développera ultérieurement. Ce fut une vraie révélation, écrira-t-il
plus tard en précisant sa pensée il ajoutera « j’ai beau aimer le Gange et le sud, Arunâchala est pour
moi un lieu de naissance, car celui qui reçoit cette Lumière éblouissante est
pétrifié, déchiré, il ne peut plus parler, il ne peut plus penser, il reste
là hors du temps et hors de l’espace, seul dans la solitude, même du Seul,
c’est fou comme expérience, cette irruption soudaine de la colonne infinie de
feu et de lumière d’Arunâchala ». Ainsi ses retraites solitaires aux creux de la « Sainte Montagne » furent à la fois, des temps d’immersion dans la spiritualité hindoue et d’approfondissement existentiel de son union avec le Christ, qui était et restera jusqu’à la fin de ses jours, le « Divin Maître spirituel ». Henri le Saux nous livre
dans ce livre ses souvenirs d’Arunâchala avec ses joies, ses bonheurs mais
aussi ses moments difficiles, ce sont des notes de son chemin spirituel qu’il
nous livre ici, pour notre plus grand plaisir. |
HENRI LE SAUX - SWAMIJI. UN VOYAGE INTÉRIEUR - DVD de 90 Minutes |
Réalisateur Patrice Chagnard |
Edité par InnerQuest |
1983 |
Henri le Saux est moine de l’abbaye bénédictine de Kergonan. A 38 ans, en 1948, il rejoint dans le sud de l’Inde le Père Monchanin, bénédictin comme lui, avec qui il partage le même désir d’une présence contemplative chrétienne en Inde. Ensemble ils fondent en 1950, l’ashram de Shantivanam (qui existe toujours), une sorte de laure d’ermites appelée dans leur esprit à devenir le lieu de rencontre vécue entre le christianisme et les traditions spirituelles de l’Inde. Puis, Henri le Saux s’éloigne peu à peu de l’ashram pour répondre à un appel intérieur plus radical qui le conduit vers le Nord, l’Himalaya et les sources du Gange où, devenu Swami Abhishiktananda, il vivra jusqu’à sa mort en 1973, l’existence d’un sâdhu, c'est-à-dire, d’un moine errant hindou. Le réalisateur Patrice Chagnard s’abstient de tout commentaire et laisse plutôt parler les images des photos, des bribes de lettres, des extraits de journal intime jalonnent cet itinéraire difficile et troublant. Que ce soit en Inde ou en Bretagne sa caméra inspirée filme l’indicible dans toute sa splendeur tout en montrant la lutte intérieure vécue par ce grand mystique qui voulait être un pontifex entre chrétiens et hindous. |
henri le saux
– un moine chrÉtien à l’Écoute des upanishads
|
André
gozier |
Edition
ARFUYEN |
2006 |
Les Upanishads, objet de cette étude, sont un des grands
monuments de l’esprit humain. Henri Le Saux (1910-1973), moine
bénédictin, qui a vécu en Inde de 1948 à 1973, en avait perçu la grandeur et
l’importance pour sa propre recherche de l’Absolu. Les ignorer, c’est se
condamner à méconnaître l’hindouisme, à négliger notre connaissance de la
quête spirituelle de l’homme.
Il
a cru utile de faire connaître sa recherche, même très modeste, et sa lecture
de ces textes pour faciliter un dialogue qui, de toute évidence, n’en est
encore qu’à ses balbutiements. Il a privilégié certains aspects des
Upanishads, ceux plus spécialement qui ont retenu l’attention d’Henri Le
Saux. Il
en est ainsi de l’apophatisme, ce qui explique que le shivaïsme du Cachemire ait
été l’autre pôle d’attraction d’Henri. |
16 I
initiation à la symbolique romane |
M.M.
davy |
Edition
FLAMMARION |
1997 |
||
Se
consacrer de nombreuses années à l’étude de la mystique du XIIe siècle,
implique un risque, celui de sacraliser exagérément une époque
connue et aimée sous un angle particulier. Cette
étude sur l’Initiation à la symbolique romane, se présente à l’intérieur
d’une pensée ordonnée à l’égard des valeurs spirituelles et se mouvant dans
un climat religieux. Qu’il s’agisse de mystique, de théologie ou d’art, elle
appartient toujours au domaine spirituel, l’en séparer, ce n’est pas risquer
de l’amoindrir ou de la disqualifier, mais plus encore de la défigurer. Au sommaire de cet ouvrage : Première partie : Le sens d’un enseignement
- la cadre roman - le savoir - l’église
et sa double fonction - la maison de prière -
la vie monastique - le siècle roman - les
caractéristiques romanes - l’unité de l’univers - la
beauté du monde - la connaissance de soi -
Présence de Dieu - la lumière et l’ombre - le sens du
merveilleux - Perspectives eschatologiques - Deuxième partie : La voie royale du symbole
- les degrés de l’ascension - l’homme charnel et l’homme
spirituel - les degrés d’amour - la rencontre
de l’homme et de Dieu - l’amour conjugal - les
signes de la terre transfigurés - le temps et la définition su
symbole - expérience spirituelle et initiation par les
symboles - universalité du symbole roman - Troisième partie : les sources du symbole roman
- Symboles bibliques et patristique - la connaissance
biblique des moines - Théologie et Ecritures saintes -
le symbole dans la Genèse et dans le Cantique des Cantiques
- le symbole dans l’Apocalypse, dans les Evangiles et chez les
Pères grecs et latins - les symboles profanes - l’Europe
romane et les sculptures antiques - La Ville d’or -
Le succès des auteurs anciens et l’héritage du passé -
L’univers miroir des symboles - le rythme dans la
nature - l’observation et l’amour dans la
nature - le rôle sotériologique de l’homme à l’égard de la
nature et de ses secrets - Hildegarde de Bingen
- Bernard Silvestre - Hugues de saint
Victor - Honorius Augustodunensis - Quatrième partie : La maison de Dieu
- Le Temple - l’Arche - le Temple de
Salomon - la Jérusalem céleste - le carré
- l’église ad quadratum - formes carrée et
ronde - le temple roman et le macrocosme - l’art
spirituel - Les ateliers de construction
- la pierre et les tailleurs de pierre -
collèges de bâtisseurs - orientation de l’église -
triangles et carrés - le cœur et le centre - la porte
et la dédicace - L’ornementation - le principe de la
décoration - théorie de saint Bernard et de ses
émules - le soleil et l’arbre - Cinquième partie : Présence du symbole
- Culte de Dieu et transmutation de l’homme - la
liturgie - la messe - hymnes - une
cérémonie liturgique : la procession - la consécration
des vierges - l’Alchimie - La science du Nombre
- la musique - le symbole numérique
- l’art littéraire - le Graal et la légende
arthurienne - la légende de l’arbre de vie
- les chevaliers et l’amour courtois - |
initiation mÉdiÉvale – la philosophie au xiième siÈcle
- |
M.M.
davy |
Edition
DERVY |
1987 |
Ce
livre constitue sans aucun doute le couronnement des travaux de
M.M. Davy sur la mystique et la symbolique médiévale, tout y gravite autour
de la philosophie du XIIe siècle, d’une sagesse : la Sophia, aimée comme
un être vivant qu’il est possible d’étreindre avec une amoureuse tendresse. Quelles
sont d’abord les mutations subies par la philosophie et quelle est la portée
de l’influence grecque sur la pensée chrétienne ? C’est l’étude des
sources, Bible et Pères de l’église, qui permet de la percevoir. Le
philosophe du XIIe siècle puise sa connaissance dans l’ordre du cosmos, la
beauté de la nature et plus encore dans le livre « du dedans »
qu’il découvre dans la mesure où il subit la fascination de sa splendeur
intérieure, et pourvu qu’il consente non seulement à son déploiement mais à
sa fusion. Le
philosophe est aussi un voyant, inspiré il prophétise, ainsi des visionnaires
apparaissent tels Hildegarde de Bingen, Elisabeth de Schonau, Joachim de
Flore…Philosopher, c’est avant tout imiter le Christ philosophe, c’est mener
une vie d’ascèse qui à son sommet, rejoint l’état angélique. Il ne s’agit pas
d’envisager la philosophie comme une spéculation, une science, un savoir,
mais de l’introduire dans l’existence quotidienne, afin de réaliser une vie
de sagesse. Idéal que l’on voit s’épanouir avec les ordres monastiques,
notamment cistercien ou chartreux, et encore avec les ermites. Rien
d’étonnant, donc, à ce que tout le XIIe siècle soit illuminé par la
personnalité d’un moine : Bernard de Clairvaux, ce contemplatif à la
fois violent et doux, commentateur inimitable du « manuel du
philosophe » : le Cantique des Cantiques. Ecrit dans un langage
simple et vivant, cet ouvrage ne s’adresse pas forcement à des spécialistes
patentés, mais concerne essentiellement un public désireux de mieux connaitre
« le siècle d’or » du christianisme. Après ce siècle la scolastique
viendra modifier d’une façon définitive, non seulement la philosophie, mais
toute la pensée chrétienne. Au sommaire de cet ouvrage : Première partie : Les sources : Athènes, Jérusalem,
Rome – Origine de la sagesse et de la philosophie -
place de la philosophie dans les arts libéraux - le Trivium et le
Quadrivium - le monachisme et les arts libéraux - la
philosophie grecque - sagesse et philosophie dans l’Ancien et le
Nouveau Testament - rencontre entre les traditions grecque et
juive : Philon d’Alexandrie - la Patristique : les
Pères grecs et latins - subordination à la pensée grecque -
le « corpus areopagiticum » - Deuxième partie : La voie du philosophe
- Conversion et rencontre avec la philosophie - Boèce
- La mère divine et les modèles du philosophe - les livres
du philosophe - les livres de la nature et les livres
saints - l’univers est un tout -Nature et idolâtrie
- le livre des écritures sacrées - l’écriture dans la
tradition juive - Présence de Dieu et de la nature dans
l’homme - le livre du dedans - le temple de la
sagesse - les écoles de philosophie au XIIe siècle -
le moine philosophe, la théologie et l’éternité - la science
profane - les écoles de philosophie profane -
l’école d’Abélard et l’école de Chartres - les écoles des
chanoines réguliers - l’école de Saint-Victor - les écoles
de philosophie du Christ - l’école cistercienne et les
chartreux - Troisième partie : La philosophie prophétique
- Evolution et inspiration des prophètes - Prophétisme
mystique au XIIe siècle - visages des prophètes - le
prophétisme politico-religieux - Messianisme -
Présence de l’invisible - naturel et surnaturel -
sens du merveilleux - la philosophie ascétique -
l’encratisme - le rôle de l’ascèse et les sens extérieurs et
intérieurs du moine philosophe - les noces du philosophe avec la
sagesse - la philosophie monastique - le monachisme
occidental - la communauté religieuse et le vêtement du
moine-philosophe - la pauvreté - Le Cantique
des Cantiques - la philosophie érémitique -
philosophie et vie angélique - le passage de la tente à la maison
de Sophia - |
16 L
la connaissance de soi |
M.M.
davy |
Edition PUF |
2000 |
||
A
une époque où le terme sagesse ne parait plus rien évoquer, les notions de
vie et de lumière conservant leur intensité et leur densité, ce sont elles
qu’il convient d’écouter et de retenir afin de continuer à chercher cette
connaissance de soi. La
connaissance de soi est une naissance à sa propre lumière, a son propre
soleil. L’homme qui se connait est un homme vivant, il aura su mettre en
pratique la devise grecque inscrite sur le temple de Delphes, Homme,
connait-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux » Au sommaire de cet ouvrage : Chapitre 1 : L’interrogation et sa réponse - Attention,
Lucidité, Amour inconditionnel - connaissance et savoir
- le sens de l’itinéraire - les moi et le
moi - méthodes et techniques - les
pédagogues spirituel - les écoles et leur rôle
- les obstacles antérieurs à l’appel -
Intériorité et extériorité - la nouvelle dimension
- Chapitre 2 : La découverte de la source de vie : l’expérience
du sujet connaissant - la beauté et l’amour
- la dimension cosmique et l’unité -
Purification et accès à la transcendance -
Transformation et personnalisation - le sujet connaissant
est-il un surhomme ? - l’homme microthéos
- l’homme microcosme - Aperçu concernant les symboles
du soi - |
la danse de l’amour et de l’humour
|
M.M.
DAVY |
Edition Présence |
1987 |
Dans
ce livre l’auteur fait passer les thèmes qui lui sont chers sous une forme différente.
Le fantastique se mêle à la rigueur, la gaîté à l’angoisse, la drôlerie au
sérieux. Quant à la danse, elle désigne le mouvement des pas en avant et en
arrière ; la conjugaison du féminin et du masculin engendrent un
dynamisme au sommet de leur union. À
travers les symboles présentés, le feu et la danse évoque le couple du temps
et de l’éternité, de l’ombre et de la lumière. Rarement nommée, la dimension
divine n’est jamais absente, elle œuvre d’une façon directe ou à travers des
intermédiaires dont il convient d’écouter les voix afin d’y découvrir leurs
messages de tendresse. L’homme
vit entouré de signes, pressé, ou encore englué dans le quotidien, il tente
rarement de les déchiffrer, lorsqu’il est « éveillé » et doué de
discernement, il saisit l’ampleur et la gravité de l’actuelle pollution des
cœurs, car malheureusement celle-ci s’étend même à certains maitres
spirituels. Accablé par le malheur de la condition humaine, chacun peut
devenir la proie du désespoir et de la folie. L’amour et l’humour remplissent
alors un rôle essentiel à l’égard de l’équilibre et du pouvoir
d’émerveillement. Au sommaire de ce livre : Beausapin - Madame Basile
- Obsèques - Sir le vent
- le choix - émerveillement
- Bouboule - la bouteille
magique - Naufrages -
Perruchon et Perruchette - Gérard et
Gigi - les yeux de Clara -
Sancte Joannes - la chute -
l’héritage d’Arthur - un déluge
- le temps suspendu - conte
écossais - |
la montagne et sa symbolique |
M.M.
DAvY |
Edition Albin Michel |
1996 |
||
L’expérience
authentique soulève en soi-même et chez autrui des résonnances, c’est une
sorte de brise faisant surgir des profondeurs inconnues, des niveaux de
conscience, des révélations différentes. Le fond désigne le sommet qu’on
pourrait nommer : Le mont des Révélation,
chacun a son Sinaï, d’où l’impossibilité de comparer les découvertes
conduisant à la nudité des rochers dont la cime n’est jamais atteinte de
façon définitive. Douter
de l’existence de la montagne intérieure
s’avère parfaitement normal car comment ne pas mettre en question ce qui n’a
pas été rencontré ? Enfouie dans le ventre, la semence se tait, seule
son apparition s’offre à la vision lorsque les bourgeons et le feuillage
apparaissent. La
connaissance et l’expérience de l’homme intérieur, favorisent la symbolique
intériorisée par l’acquisition et le progrès qui correspondent à un dénuement
en faveur de l’essentiel. L’homme se libère, tout ce qui a été utile, voire
nécessaire avant la montée… se retire. Faire l’ascension de la montagne
intérieure exige d’avoir auparavant vécu la condition humaine avec ses
problèmes et ses diverses manifestations. Tous les hommes ne sont pas
concernés par cette ascension, car on ne peut ignorer la fragilité de la
condition humaine, la montée et la dégringolade font parti du processus
initiatique. A chacun de nous de vouloir explorer sa propre montagne,
d’en tirer des conclusions et d’en rechercher le sens et l’équilibre que l’on
veut donner à sa vie spirituelle. Au sommaire de cet ouvrage : Préliminaires : La montagne et ses ornements – Montagnes et
sources - lacs - Ombre et lumière -
la montagne épouse du soleil - l’arc-en-ciel -
les amis de la montagne - Première partie : De l’horizontalité à la verticalité -
Maïeutique ascensionnelle - l’échelle et la tour - la
colonne et le temps vertical - l’homme-montagne - la
langage intérieur de l’homme des montées - Orient-Occident
- la montagne et le temps - Deuxième partie : La montée et sa symbolique - la
symbolique et la montée - voie royale - l’âme de la
montagne - pureté et dilatation du cœur - symbole du
rocher et de la montagne creuse - le thème de l’ascension
- l’ascension perpétuelle - la hauteur et ses
chantres - Troisième partie : Sacralisation et sanctification des
monts
- Aperçu sur le thème de la montagne dans l’Ancien et le Nouveau
Testament - les montagnes sacrées et saintes
- les pèlerinages - le Mont-Cassin - la montagne
et le monachisme - la montagne d’Arunachala et l’expérience
d’Henri le Saux - les épreuves de la
montée - la montagne de l’extase - montagne et
poésie - Quatrième partie : La montagne intérieure - le
mont de l’initiation - la montagne du Temple intérieur
- le mont de la solitude - la montagne et le désert
- vide et sonorité - apparition des ailes
- le mont de l’universalité et des Révélations
- le Dieu du mont des Mystères - le mont des
noces - l’émerveillement - |
LA NATURE ET SA SYMBOLIQUE |
Marie-Madeleine
Davy |
Edition Albin Michel |
2015 |
||
Celle qui ne parlait que debout, la
cigarette à la main, fut une médiéviste reconnue pour ses connaissances de la
« philosophie monastique » et l'originalité de son regard. Son itinéraire est
celui d'une femme engagée dans une recherche passionnée, et intériorisée, de
la vérité. Son écho nous poursuit... Celle qui avait fait sienne une phrase de
Dostoïevski dans Les Possédés, “Dieu a été le tourment de ma vie”, repose
depuis le dimanche 1er novembre 1998 au cimetière de Saint-Clémentin
(Deux-Sèvres). Sa tombe, anonyme, porte ces simples mots : “Sois heureux,
passant.” Enfant déjà, Marie-Madeleine Davy pousse comme une tige
libre, sans tuteur apparent. Suspendue toute l'année aux vacances d'été, elle
plonge avec ivresse et démesure dans une communion spontanée avec la nature.
Elle “se croit oiseau”, parle aux fougères, embrasse les grenouilles et se
nourrit de pétales de roses, de bégonias, de pivoines ou de soucis. ”Tu es
comme les chèvres”, lui dit sa grand-mère. Au fond d'elle-même, la jeune
Marie-Madeleine sent que sa sève vient d'ailleurs que d'une filiation
purement terrestre... C'est dans la maison familiale qu'elle
s'initie à deux goûts qui ne l'ont jamais quittée : celui du thé, qu'elle
dégustera jusqu'à la fin de sa vie cinq fois par jour, et celui de la
lecture, “bonheur suprême” qu'elle pratique assise ou debout, “jamais
allongée”. Elle lit à cinq ans. À l'âge où les petites filles fabriquent des
robes pour leurs poupées, elle dévore Victor Hugo et Voltaire. Elle découvre
très tôt la Bible, notamment les Psaumes, et bondit d'allégresse : elle
partage, dans un contact naturel avec l'invisible, les louanges de la nature
envers le créateur. À dix ans, elle commence à écrire ses premières
histoires. Précoce ? Sans doute. Et l'histoire s'accélère. Son enfance et son
adolescence se terminent un 16 septembre 1918 : sa sœur aînée meurt à vingt ans,
Marie-Madeleine en a quinze. Son amour de l'existence lui permet de triompher
de l'épreuve. Et puis, surtout, elle se réfugie dans la solitude, qu'elle
aime et “n'éprouve pas comme un isolement”. Avec le recul, elle parlera d'une
“plénitude comparable à une rondeur. Un secret. Celui de se sentir aimé et
d'aimer en retour. Une clôture translucide”. En 1921, à dix-huit ans, elle
s'inscrit à la Sorbonne et s'installe dans un studio boulevard Saint-Michel.
Cette attitude, scandaleuse à l'époque, provoque une rupture familiale.
Marie-Madeleine largue les amarres. “Très tôt, j'ai pu comprendre que le
Royaume est au-dedans. C'est vers ce dedans que j'ai tenté, plus ou moins
maladroitement, d'orienter mes pas.” Pendant plus de douze ans, elle va
étudier la philosophie, qu'elle envisage comme une sagesse, l'histoire et la
théologie. Première et seule femme admise à l'Institut catholique de Paris,
elle est marginalisée, reléguée au dernier rang de l'amphithéâtre. Elle ne
trouve personne à qui parler ouvertement de ce qui l'agite. Les théories sur
Dieu lui paraissent vaines : il lui semble que sa formation religieuse
“réglemente le dehors et déserte le dedans”. En “appétit de connaissances” et
en quête d'un enseignement “concret, vivant, animant l'être dans sa totalité”,
elle étudie également l'anglais, l'allemand, le grec, le latin et l'hébreu.
Elle se spécialise dans le latin médiéval et plus particulièrement dans le
XIIe siècle, qu'elle nomme le “siècle solaire”. Les mystiques - Maître Eckart
aura été, avouera-t-elle plus tard, son “grand amour” - deviennent ses “amis”
et lui enseignent la philosophie divine. Auprès d'eux, elle s'ouvre à la
découverte du détachement de soi, sublime abandon qu'elle ne cessera de
chercher à atteindre. Le choix de l'Absolu lui apparaît progressivement
comme celui de la plus grande liberté. Bernard de Clairvaux devient l'un de
ses compagnons quotidiens, lui qui lui enseigne : “Apprenez à ne répandre que
votre plénitude”. Pourtant, fort à propos, sa vigilance intérieure lui fait
prendre conscience qu'elle “inonde” ses terres de connaissances “livresques,
conceptuelles, mentales” quand l'essentiel ne peut naître que de
l'expérience. Suite à la rencontre d'un moine russe de passage en France,
elle plonge dans la mystique orthodoxe et c'est la révélation : la “patrie de
mon âme est orientale”. Loin de la théologie “pétrifiée”, sans âme et sans
esprit, qu'enseignent les clercs, loin de l'intellectualisme qu'elle qualifie
désormais de “borné et outrancier”, elle reprend contact avec une religion de
l'émerveillement. Sa respiration prend une nouvelle densité : elle ne cherche
plus à expliquer le mystère, elle l'éprouve à nouveau comme, enfant, elle
comparaît si simplement, si intuitivement, les oiseaux à des anges. La
sagesse n'est rien si elle ne transforme pas radicalement la vie quotidienne.
Il est temps de se “re-créer”. Elle
devient un temps boulimique de relations mondaines et amicales, fréquente ses
professeurs dans des salons, comme celui de Marcel Moré, reçoit chez elle
Gaston Bachelard, Vladimir Jankélévitch,... Elle discute des heures durant
avec tous les gens célèbres de son époque, sauf, dit-elle, Henri Bergson,
René Guénon et Jean-Paul Sartre ! Elle obtient son doctorat de philosophie en
1940 et celui de théologie catholique en 1941. Elle est nommée chargée de
cours à l'École pratique des hautes études, puis elle entre au CNRS pour
traduire du latin médiéval et devient maître de recherches. Elle a gagné sa
liberté extérieure et en profite pour voyager, pour faire de grandes tournées
de conférences. La Seconde Guerre mondiale agit comme
un détonateur dans son parcours. Elle entre dans la Résistance dès novembre
1940. Le réseau auquel elle appartient met à sa disposition le château de La
Fortelle, près de Rosay-en-Brie. Sous couvert de colloques culturels - qui
réunissaient des philosophes comme Jean Wahl et Maurice de Gandillac, le
docteur Lacan, Lanza del Vasto, Jean Grenier, Georges Bataille et toute une
jeune génération d'écrivains - Michel Butor, Gilles Deleuze, Michel Tournier
-, elle y cache les réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, les
juifs et les aviateurs anglais ou américains. Elle recevra pour son action la
légion d'honneur remise par De Gaulle ainsi que des décorations anglaises,
belges et américaines. Mais elle ira plus loin : à la Libération, ce même
château lui servira à cacher et sauver des pétainistes lors des jugements
sommaires. On n'enferme pas une amoureuse des oiseaux dans le politiquement
correct. Jusqu'à sa retraite, outre ses cours et
ses tournées de conférence, elle se consacre à l'écriture en rendant hommage
aux figures qui l'ont marquée. Ses premières publications correspondent à sa
carrière de médiéviste. Elle traduit beaucoup, des Traités de l'amour de
Dieu de Guillaume de Saint-Thierry (elle lui avait consacré sa thèse) aux
œuvres de Bernard de Clairvaux. De ses rencontres avec les hommes et les
femmes en vue de l'époque, elle n'aura pourtant été réellement marquée que
par peu d'intellectuels. Quatre “hommes de lumière”, “êtres ailés”, sont restés
gravés dans sa chair et son esprit : Louis Massignon, Henri Corbin, Nicolas
Berdiaev - “Près de lui je respirais, j'étais heureuse ; la Déité me semblait
plus proche et le monde habitable” - et Henri le Saux, auprès duquel elle
découvre le Transpersonnel : pourquoi donner un nom et une forme à l'Absolu ?
De fait, son éclectisme en matière de spiritualité n'est pas dispersion, il
est ouverture, “religieux déconditionné”. Elle fréquente aussi bien les
couvents de sœurs que des dominicains ou des chartreux, elle pénètre les
milieux juifs, orthodoxes, protestants, pratique le yoga... Mais, de tous ses
voyages intérieurs, elle revient toujours vers l'Orient. Et vers elle-même. En 1968, Marie-Madeleine prend sa
retraite et commence une seconde carrière, consacrée non plus à parler des
autres mais à faire connaître son aventure intérieure. Elle publie l'un de
ses maîtres-livres, L'Homme intérieur et ses métamorphoses (Coll.
“Espaces Libres”, Albin Michel), où elle rassemble les textes de ses
conférences. Pendant trente ans, elle va expliquer, inlassablement, que si
nous avons soif, la source, elle aussi, a soif d'être bue, comme le disait
Irénée de Lyon. Mais le guide, le “Maître intérieur”, se cache et doit être
découvert. L'Essentiel nous appelle. Pour s'approcher du mystère de l'espace
du dedans, il convient de retrouver ses “sens intérieurs” et de ne pas avoir
peur d'une certaine vacance. Le voyage ne peut être que solitaire. Celui qui
n'est pas à l'écoute de sa voix intérieure se perd dans la conscience commune
et “le voici isolé du cosmos, “clos” à l'écart de lui-même”, dévoré par le
temps qui passe, oubliant d'aimer la vie. S'orienter vers l'Être, vers l'Unité,
exige le détachement de soi parce que lui seul permet d'aimer : “Qu'il
s'agisse de l'Orient ou de l'Occident, nous ne sommes plus à l'époque des
maîtres, mais à celle du gourou intérieur, de l'Église intérieure.”
Marie-Madeleine l'a trouvé dans le silence et une “extrême solitude”. “Tout
silence équivaut à un au-delà, à une ascension.” Alors, le sacré peut surgir,
toujours inattendu, toujours neuf, pour une visite brève ou durable, et, le
temps d'une rencontre, “il n'y a plus rien à chercher”... Dans un de ses livres majeurs, Le
Désert intérieur (Coll. “Spiritualités Vivantes”, Albin Michel), elle dit
: “Celui qui sait... rend grâces... tout en se taisant. C'est bien au silence
qu'aboutit la démarche conduisant à la libération, du moins à son approche.
Celui qui a perçu le silence, ne serait-ce que de très loin, a commencé à
visiter un lieu inconnu. Sans l'avoir voulu, il se différencie de ceux qui ne
partagent pas le même choix. Il ne fera rien pour se mettre à part. Au
contraire, il tente d'avoir les mêmes gestes, un identique langage. Il ne
souhaite pas se faire remarquer. Tout en se mouvant à l'aise dans
l'existence, d'une façon d'ailleurs totalement relaxée, son seul effort
consiste à s'adapter, à chaque instant, à ce qui ne présente pour lui aucun
intérêt ou au contraire l'enchante... Le silence n'est pas vu et il est perçu
par l'oreille du dedans. Il n'est pas vu et il devient palpable. Il n'est pas
vu et il est possible de le toucher à la façon d'un océan.” Toute sa vie en quête du “sanctuaire de
l'homme intérieur”, Marie-Madeleine n'a cessé de prôner la voie de
l'intériorité et des dépouillements successifs : pour devenir un homme neuf,
choisissant une nouveauté de vie, le chemin du dedans, bien que sans repos,
est le plus court. Établie dans l'“arche” nue et vaste du désert, elle
regarde pourtant la foule avec tendresse et bienveillance : elle sait que
“tous sont appelés et qu'il y aura beaucoup d'élus”. “Actuellement, le désert
intérieur est comparable à une île habitée par quelques insulaires. Demain,
elle sera un continent devenant de plus en plus vaste.” L'élan vers
l'intériorité est pour elle invincible : “il vaincra”. Pour s'ajuster, autant
que possible, à la Présence ardente et lui rester fidèle, Marie-Madeleine
Davy est restée célibataire. Cela était pour elle un choix de vie : “Il
existe deux types de mariage, l'un est lié à la chair, l'autre à l'esprit. Ce
dernier se présente comme un authentique mariage.” Transfigurée par le
silence et sans cesse “démangée des ailes”, elle a terminé sa vie retirée du
monde, les mains ouvertes, loin de toutes influences indésirables. |
l’arbre |
M.M.
DAVY |
Collection
LES SYMBOLES |
1997 |
||
1. l’arbre, image du Cosmos 2. l’arbre de Vie, de la fécondité
inépuisable, source de l’immortalité 3. l’arbre, centre du monde et support de
l’univers
4. l’arbre de la connaissance 5. l’arbre du temps, l’arbre généalogique 6. l’arbre, lieu de théophanie et d’éveil 7. l’arbre des origines ou arbre renversé De manière générale, l’arbre représente le
Cosmos vivant, se régénérant sans cesse. Il est bénéfique car il est source
de fécondité physique, de protection psychologique et d’éveil spirituel. Les
nombreuses interprétations symboliques de l’arbre s’articulent autour de
l’idée du Cosmos vivant en perpétuelle régénérescence. Le déroulement de son
cycle annuel l’associe tout naturellement à la succession de la vie, de la
mort et de la résurrection. L’arbre est symbole de la vie en perpétuelle
évolution. Selon Mircea Eliade, il ne s’agit pas d’un
sentiment panthéiste de sympathie et d’adoration à l’égard de la nature, mais
d’un sentiment provoqué par la présence du symbole et stimulé par la
réalisation du rite. Jamais un arbre n’est adoré que pour lui-même, mais
toujours pour ce qui se révèle à travers lui. C’est en vertu de sa puissance,
en vertu de ce qu’il manifeste et qui le dépasse que l’arbre devient un objet
religieux. Au sommaire de cet ouvrage : L’arbre et la connaissance de soi - archétypes,
mythes et imagination - les forêts et leurs
mystères - la forêt et l’ermite - le vert
printemps - les arbres musiciens
- l’arbre et son ombre - les arbres
sexués - les arbres « gurus » des hommes
- les arbres et les visionnaires - dans la gnose
manichéenne - les chantres des arbres - Les arbres et leurs singularités : Acacia -
amandier - bouleau - cèdre
- chêne - cyprès - érable
- figuier - palmier-dattier
- peuplier -
pommier - tilleul - |
le berger du soleil |
M.M.
davy |
Edition
BUCHET – CHASTEL |
1965 |
Dans
un commentaire de la phrase d’Eschyle concernant Prométhée « Il est bon
d’aimer au point de paraître fou », Simone Weil ajoute : « La folie d’amour, quand elle a saisi un être humain,
transforme complètement les modalités de l’action et de la pensée. Elle est
apparentée à la folie de Dieu. »
À
travers des dépouillements successifs, tout en demeurant fidèle à son
expérience personnelle, il renoncera à ce qui est pour lui essentiel : orienter
les êtres vers la lumière. Répondant simplement à la faim des hommes il
choisira les humbles et les persécutés. Homme de lumière, fils du soleil il
en deviendra le berger. |
le dÉsert intÉrieur |
M.M.
davy |
Edition
ALBIN MICHEL |
1996 |
||
Il
y a donc l’idée d’un passage, une période de transition qui était inévitable,
et dont Jésus sort victorieux, ayant vaincu les offres du Malin et la mort
d’une terre hostile, où vivent les bêtes sauvages. Ce temps du désert répond
aux attentes de la période de Carême, montée vers Pâques. Comme descendants
d’Abraham, a qui le Seigneur a promis une « terre de lait et de miel », il
est frappant de voir les résonnances que le désert a dans notre vie
contemporaine spirituelle.
Au sommaire de ce livre phare dans l’œuvre de M.M. Davy : La double dimension - le sacré et la
désacralisation - les vicissitudes de
l’histoire - Comment va le
monde ? - les déserts - les deux
déserts - les déserts dans la
tradition - l’enseignement du désert intérieur
- l’école du désert intérieur - les
matières d’enseignement - les enfants des
mystères - Approche - Initié
au-dedans - les noces - |
les chemins de la profondeur |
M.M.
DAVY |
Edition
Albin Michel |
1999 |
Lors d’un entretien
M.M. Davy expliquait la phrase suivante: « Quand
le Christ conseille de vivre dans le monde sans être du monde, ou déclare que
son royaume n’est pas de ce monde, l’expression « ce monde » est
significative : il ne s’agit pas d’un lieu situé dans l’espace mais d’un
état, le monde désigne l’état d’obscurité refusant la lumière. Ce monde est
ignorance, confusion et mensonge et par conséquent délié de
Dieu, »quitter le monde » ne signifia pas nécessairement quitter ou
fuir un lieu extérieur, vivre en ermite ou entrer dans un monastère, car
« le monde » est dans l’homme. Toutefois renoncer au tumulte et à
l’agitation de l’extérieur favorise l’intériorité, la retraite, la solitude,
tous ces recueillements sont positifs et d’une certaine manière indispensable
à la vie intérieure et à la connaissance des intelligibles ». Cet ouvrage
remarquable donne un ensemble de la vie et de l’œuvre de M.M. Davy et surtout
nous apprend ses tournures d’esprit, ses différents fils rouges qui ont
jalonnés et structurer sa pensée, son mode de vie et sa façon d’appréhender
ce monde de folie en pleine déliquescence et désacralisé. Au
sommaire de cet ouvrage : L’instant
ultime :
rencontre entre M.M. Davy et Eric Edelmann Le sens de
l’écoute,
propos entre M.M. Davy et Maurice de Gandillac L’expérience
du silence
- L’art de la vie intérieure - la voie du
désert - Vers un érémitisme intériorisé -
la méditation - le regard contemplatif
- le mystère de certains espaces - le temps de
l’éternité - Entretiens autour
de : Louis
Massignon :
l’homme en qui Dieu verdoie Simone
Weil :
le secret du roi Henri le
Saux :
le moine intérieur, propos recueillis par Jacqueline Kelen Sociétés
et spiritualité :
L’ère des drogues - ordre ou désordre spirituel -
approche du sacré - équilibre masculin-féminin - Dernière
conversation entre M.M. Davy et Olivier Germain-Thomas : La séduction
de l’absolu - |
|||
|
les dominicaines |
M.
M. DAVY |
Edition
GRASSET |
1934 |
||
Le religieux comprend les motivations du catharisme :
l’Église n’agit pas toujours conformément à l’évangile en ce qui concerne la
pauvreté, la chasteté et la charité. En réaction, il fonde à Toulouse le
premier ordre prêcheur en 1215. Les Dominicains sont nés. Ils doivent
pratiquer la mendicité. A l’inverse des franciscains, ils sont appelés à
s’instruire sans relâche. Leur mission : l’apostolat et la
contemplation. Cet ordre est régit par une règle inspirée de celle de saint
Augustin. Une large place est laissée à la prière et la méditation. Un maître
est placé à sa tête. Tous les prêcheurs lui sont soumis. Le seul vœu des
frères : celui de l’obéissance. Durant des années, Dominique éveille et
entretient la flamme de ses frères. Il les veut appliqués sans relâche à
l’étude, à la prière ou à la prédication. Dominique meurt à Bologne en 1221. Son image est rattachée à
celle plus sombre de l’Inquisition. C’est pourtant deux ans après sa mort que
Grégoire IX confie l’Inquisition dès sa création à l’ordre prêcheur. Il le
choisit en raison de leur compétence en théologie et de leur proximité avec
le peuple. Pour pouvoir se consacrer, à cette mission, des dominicains sont
relevés de certaines des obligations de l’ordre. Ce qui cause un certain
relâchement dans la stricte observation de la règle. Aujourd’hui encore,
l’ordre dénombre des milliers de frères et de moniales, des dizaines de
milliers de dominicaines apostoliques et une centaine de milliers de membres
du tiers-ordre. Tout au long de son histoire, les dominicains fourniront de
grands saints à l’Église 800 ans après sa fondation, ce qui impressionne
quand on détaille la famille dominicaine, c’est la diversité de ses rameaux.
Si l’on s’en tient aux femmes, on découvre deux principales branches :
les moniales et les sœurs. Les moniales ont une vocation contemplative : en
2013, elles étaient plus de 2 700 moniales professes dans le monde et
vivaient dans 219 monastères. Il existe 13 monastères francophones réunis au
sein de la Fédération Notre-Dame des Prêcheurs, soit près de 200 sœurs. Ce
sont les monastères de Beaufort (département 35), Chalais (38), Dax (40),
Estavayer (Suisse), Langeac (43), Lourdes (65), Lunden (Norvège), Orbey (68)
(en photo), Paray-le-Monial (71), Prouilhe (11), Saint-Denis (La Réunion),
Saint-Maximin (83) et Taulignan (26). « S’établir d’un seul cœur dans la perpétuelle
mémoire de Dieu, tel est le but auquel toute la vie des moniales est
ordonnée » précise le Livre des Constitutions des moniales dominicaines.
Ces femmes consacrées vivent dans la prière, l’étude, le travail, la vie
commune et l’accueil. La seconde branche des dominicaines, beaucoup plus
importante en nombre, rassemble 35 000 sœurs apostoliques dans le monde
réunies en 150 congrégations, dont une trentaine francophones, rappelle le
site des dominicains de la province de Toulouse. On les retrouve notamment en
service dans l’église, dans des écoles ou encore des hôpitaux. « Ces
congrégations, dont l’appartenance dominicaine est reconnue par le Maître de
l’Ordre, gardent différents degrés d’indépendance et d’autonomie. Presque
toutes font partie des Sœurs Dominicaines Internationales (DSI) »
rappelle l’Ordre des prêcheurs. Parmi les congrégations francophones, on compte par
exemple les Dominicaines de la Présentation (voir portrait de Sœur Anne Lécu,
page suivante), les Dominicaines du Cœur immaculée de Marie ou encore les
Dominicaines de Béthanie, fondées respectivement en 1695, 1860 et 1866. Les
dominicaines de Béthanie ont vocation à accueillir dans la vie religieuse
d’anciennes détenues et d’ex-prostituées ; la seule à connaître le passé de
chacune est la prieure générale. A toutes ces communautés, concernant les
femmes, il faut ajouter les fraternités laïques, qui rassemblent des milliers
de membres. Il existe également des Instituts séculiers dominicains,
ainsi qu’une Société de vie apostolique : l’Institut des Dominicaines du
Saint-Esprit, rassemblant des vierges consacrées vivant en commun, gérant
actuellement six écoles, notamment à Pontcalec (56) et Draguignan (83), et
suivant pour leur part la forme extraordinaire du rite romain. Les moniales et sœurs dominicaines portent l’habit et le
scapulaire blancs de l’ordre, avec un voile noir ; certaines portent une
guimpe et un bandeau et d’autres non. D’autres encore sont en
civil. Au-delà de l’habit, c’est la principale devise de l’Ordre dominicain
qui unit toutes ces femmes : contempler, et transmettre la vérité
contemplée... pour le salut des âmes. |
L’ESPRIT DES HAUTS- LIEUX |
M.M. Davy et divers auteurs |
Edition Le Relié |
2012 |
Certains hauts lieux nous parlent plus que d’autres : on y sent une énergie particulière, une force tellurique qui nous parle et nous ressource, on y sent la présence de l’âme sacrée de la nature, un contact avec le cosmos, une porte ouverte sur le mystère qui nous fonde. On appelle à juste titre ces endroits magiques et sacrés des « hauts lieux ». Ils peuvent avoir été construits par l’homme ou être totalement naturels : forêts, clairières, bords de rivières et de lacs, montagnes et détours de chemin… En voici plus d’une centaine évoqués ici par quelques grands spécialistes dans cet ouvrage, dont Mircea Eliade qui dans sa formule « la fonction créatrice du décor » expliquait que ces lieux stimulent l’être et l’imaginaire et dès lors fraye la voie à une véritable renaissance et, autrement dit, à une régénération de tout l’être. C’est à la découverte des potentialités d’une telle alchimie que Marc de Smet nous convie à travers cet ouvrage. Lors de voyages, on est amené quelquefois à rencontrer des lieux magiques, d’une beauté surnaturelle, la plupart du temps les mots manquent pour exprimer cette beauté, mais cela prend l’être tout entier et déclenche une impression subtile et mystérieuse ; fulgurance de la beauté, âme de la nature, état de grâce, saisissement, silence inexprimable, états de perception d’autre chose, tout cela s’entremêle pour des moments de plénitude intense. Ce sont donc certains lieux magiques que nous racontent les personnalités suivantes : Marie-Madeleine Davy : Le mystère de certains espaces – Marc de Smet : L’esprit des lieux Jean Paul Clébert : Paysages mystiques – Jean-Yves Leloup : Un site sacré en cinq poèmes – Mario Mercier : Lieux initiatiques et espaces intérieurs – Notes sur le chamanisme et l’homme univers Jean Markale : La France magique, esquisses pour une géographie sacrée - Robert Roux-Guerraz : La mémoire des ruines – Pierre Crépon : Notre histoire inconnue : La France des églises et des villages - Emmanuel Muheim : Sénanque, une abbaye lumineuse – Aimé Michel : Notre-Dame de Paris – La France des hauts-lieux en 80 sites : les lacs - les iles - les monts et les sources - les forets - la France mégalithique - la France gauloise - la France chrétienne et cathare - les lieux alchimiques - |
les veilleurs du silence |
M.M.
davy |
Edition
DERVY |
1988 |
||
Le
silence se veut seul, aucune cohabitation ne lui agrée. Le Dieu arrive avec
son silence comme aura, celle-ci devance sa venue, l’annonce, son rayonnement
insolite écarte les badauds, les curieux, les touristes de la dimension du
dedans. Le Maître intérieur ne s’exprima que dans le silence, sinon il serait
impossible d’entendre sa voix Peut-on
atteindre le véritable silence ? Question difficile car un gourou
initiateur par exemple, ne saurait jeter dans le cœur de son disciple un
germe de silence susceptible de fleurir. Chaque terre possède une béance de
silence correspondant à sa propre singularité. Cependant il faut savoir que
le silence provient de la seule dimension divine, relevant de l’image de Dieu
incluse dès la naissance. Le
silence va au devant de celui qui l’accueille- non pas comme un visiteur
inconnu, mais à la façon d’un amant tendrement épris. Le silence se fait
passeur entre toutes les rives, le désert est sa patrie, mais il le
transforme en jardin et en verger. C’est l’apôtre Paul qui parle du silence
divin en disant « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en
moi », le silencieux pourrait dire également « Ce n’est plus moi
qui vit, mais le silence qui vit en moi » Le
mental définit le silence comme une absence de pensées. Cette définition est
juste, mais incomplète. Le silence est beaucoup plus qu’une absence de mots
ou de dialogues intérieurs où de petites voix dans la tête provoquent parfois
un vacarme ahurissant. Au
sommaire de ce superbe ouvrage sur le silence : M.M.
Davy :
Visages du silence Jean
Biès :
L’autre coté de la parole Yves
Albert Dauge :
Les centres silencieux de rayonnement Pascal
Bernuau :
Le Vivant et la transparence du réel Jacques Pialoux : Egypte, terre
d’alchimie Michel Camus : Les proverbes du
silence |
le thÈme de la lumiÈre
dans le judaïsme, le christianisme et l’islam
|
M.M.
davy |
Edition
BERG |
1976 |
Cette
édition dirigée par M.M. Davy nous parle du thème de la lumière dans les 3
grandes religions monothéistes. M.M. Davy y a fait la préface et la
conclusion. Abecassis nous fait pénétrer dans le judaïsme entre la lumière et
les divers symboles judaïques Renneteau et M.M. Davy nous parlent du christianisme avec la gnose,
les apocryphes, l’ancien et le nouveau testament, les ténèbres, le Christ, le
corps glorieux, l’homme illuminé, Hildegarde de Bingen, Maître Eckhart, Jean
de la Croix, les sacrements et la liturgie, M. Mokri nous informe de la lumière en Islam, le mazdéisme,
l’Iran ancien, le dualisme ténèbres – Lumière, le Blanc, le Noir, le Coran. Au sommaire de cet important livre de 500 pages : Préface de M.M. Davy Livre 1 : La lumière dans la pensée juive par A. Abecassis :
Genèse la Lumière - Variations bibliques sur la Lumière
- Lumière et connaissance - lumière et bonheur
- lumière et messianisme - La Lumière originelle et sa face
divine - le jour de YHWN - variations rabbiniques sur
la lumière - lumière, obscurcissement et lampe - un
candélabre à huit lumières - les hommes de Lumière -
le premier homme - Hénoch -
Moïse - Rabbi Chim Bar Yohay - Lumière et
amour - la Torah - les luminaires -
l’obscurité - lumière et amour - Livre 2 : La Lumière dans le christianisme par M.M. Davy et
J. Renneteau - Déploiement de la Lumière
- la lumière dans la Nouveau Testament - le Christ Lumière
du monde - le verbe lumière des hommes - la Gloire de
YHVH manifestée en Christ - Gloire du Christ, gloire du
chrétien - Lumière et ténèbres et comment devenir fils de
Lumière - Sacrements et liturgie - la Baptême
mystère de l’illumination - mystère pascal,
mystère de lumière - le symbole du cierge
pascal - la lumière du lucernaire -
la mort et la vision de la lumière - Apocryphes et
Gnose - Itinéraire de l’homme vers la Lumière
- Recherche et mystère de la lumière et de l’obscurité
- les diverses lumières - la lumière cosmique
- optique et pierres de lumière - la lumière dans la
musique et la peinture - la terre de lumière -
les organes de lumière et le cœur lumineux - Prière
ignée et expérience de la lumière - l’immersion dans la
lumière, connaissance lumineuse et illumination -
lumière déifiante - la naissance de l’enfant de lumière
- Lumière et eschatologie - le temps et la mort
- le corps de lumière : corps glorieux -
retour de la lumière originelle - l’enfer ténébreux et le
paradis lumineux - Lumière et Gloire - Lhomme
illuminé - Syméon le nouveau théologien -
Grégoire Palamas - Séraphin de Sarov
- la vision de la lumière incréée chez la staretz Silouane (1866-1938)
- Hildegarde de Bingen - Maître Eckhart
- Jean de la Croix - Livre 3 : La Lumière en Iran Ancien et dans l’Islam par M.
Mokri - Essai sur le thème de la Lumière et
son développement dans la mazdéisme - Notions
antérieures à l’Iran ancien - les mazdéens et les
iraniens - le ciel lumineux - le
soleil, source de la lumière - la clarté de la
lune - la lumière, parcelle de l’essence divine
- le dualisme lumière-ténèbres et les antonymes
blanc-noir - L’origine coranique de la lumière
et sa démystification en Islam - le coran
- un commentaire spirituel d’Al-Ghazali - Conclusion par Marie Madeleine Davy |
L’HOMME DU 8e JOUR |
M.
M. DAVY |
Edition Albin Michel |
1980 |
||
Au
sixième jour, l’homme est formé, il porte en lui l’image de son
Créateur et est décrit comme androgyne, c’est dire combien il se suffit alors
à lui-même ! Dominant la Nature,
il en est le Roi et l’Ordonnateur, toute créature ne lui est –elle pas
soumise ? Le septième jour, consacré au repos ne comporte ni matin ni
soir et apparaît comme le point culminant de la Création. Répétant
en quelque sorte le premier jour, il illustre un passage
dans l’Eternité, Dieu se repose dans le cœur de l’homme et l’homme se repose
dans le cœur de Dieu.
|
l’homme intÉrieur et ses
mÉtamorphoses |
M.
M. davy |
Edition
De l’Épi |
1989 |
||
Selon
Macaire (+ vers 390) le cœur est comparé à une terre dans laquelle Dieu jette
sa semence et possède son pâturage. Il est un univers avec son firmament
comprenant des étoiles, une lune et un soleil. Profond, il est aussi un abîme
privé de limites. Le cœur est assimilé à un char dont le noûs (esprit) est le
cocher, il réside au fond du cœur, d’où cette comparaison : l’esprit est au
cœur ce que la pupille est à l’œil. Éveillé, le cœur de l’homme intérieur
devient capable d’aimer. Nouveau, il répand un amour neuf qui ne rencontre
aucune limite, ne se heurte à aucune frontière. L’amour solaire se donne sans
distinction, il répond à la capacité de chacun. L’intuition opère une percée
car elle ne saurait rencontrer d’obstacles ou plutôt elle les franchit sans
les considérer comme tels. Le mystère de l’amour est un mystère de lumière. L’homme
intérieur se trouve en harmonie avec le monde entier. Selon la Genèse, Yahvé
a insufflé à Adam son esprit de vie lors de sa création, en recréant l’amour,
l’homme intérieur prolonge et parachève l’ouvre commencée. L’Évangile
conseille l’amour des ennemis et des persécuteurs (Mt.5, 44; Lc 6, 27-35). Or
il n’existe plus d’ennemi pour celui qui se situe au-delà de la dualité, il
n’est plus pour lui de persécuteurs. L’homme intérieur parvenu à une égalité
d’âme engendrée par l’Amour n’a plus à distinguer ceux qui lui veulent du mal
et tentent de le détruire. Tant qu’il différencie et catalogue, il n’a pas
subi la métamorphose qui le fait passer au-delà de toute dualité;
l’engendrement de l’amour ne s’est pas effectué en lui. L’amour
auquel doit parvenir celui qui opte pour la sagesse, la recherche de la
perfection ou la sainteté, « n’est pas comparable à une flamme qui jaillit
puis retombe, mais à une incandescence paisible et régulière trouvant en
elle-même son aliment ». Le plus difficile est d’arriver à la stabilité.
Cependant, seule la stabilité est efficace pour soi et pour autrui. L’amour
véritable ne s’impose pas, il se donne sans demander de retour, il est
entièrement dépossédé de toute attente et de toute inquiétude. Un tel
comportement ne saurait être privé de tendresse, bien au contraire,
l’affection chaleureuse est d’autant plus accueillante qu’elle ne tente pas
de monopoliser à son profit. Respectueux d’autrui, cet amour limpide provoque
autour de lui l’épanouissement et le mûrissement. Faisant allusion au mont
Athos, André Louf parle de certains moines rencontrés : « hommes de prière,
leur visage comme une flamme et leur regard comme un feu, pénétrant jusqu’au
fond et pourtant si infiniment doux, si totalement tendre; des hommes qui des
plus profondes profondeurs de leur être s’avancent vers toute chose et vers
chacun, rejoignant dans les hommes et dans les choses, le feu secret, le «
noyau caché », le centre le plus profond, dans un amour et une compréhension
sans bornes ». L’amour
de l’homme libéré libère. En sa présence les nœuds se dénouent, les chaînes
tombent. Il se produit un recouvrement de l’innocence et celle-ci est
éprouvée même par les animaux. Toute peur est supprimée. Dans les diverses
traditions, de nombreuses anecdotes se rapportent aux oiseaux et aux animaux
sauvages qui s’approchent de l’homme intériorisé dont l’amour n’est jamais
contraignant tout en dégageant un magnétisme qui ne crée aucun lien. Le sage
n’enchaîne pas, il apporte la liberté. Comment
naître à l’Amour ? « Si nous voulons savoir par exemple -écrira Heidegger- ce
que veut dire nager, nous ne l’apprendrons jamais d’un traité sur l’art de
nager. C’est le saut dans le fleuve qui nous le dira. » Il en est de même
pour aimer. Aucune lecture ne pourra nous enseigner sur ce point. Tous les
discours demeureront inopérants : il faut plonger dans l’océan de l’Amour.
Quand on a plongé on ne songe plus à revenir à la surface ou à cheminer sur
les rives. L’homme parvient à l’amour dans la mesure où il prend conscience
de sa dimension de profondeur, c’est-à-dire de son cœur. » Au sommaire : 1e partie : L’homme intérieur et son
évolution :
le fini et l’infini -
l’appel - la nostalgie - la conversion et le
secret - la loi d’évolution - présence et
absence - retour au pays natal - l’itinéraire du
dedans - solitude du noble voyageur - l’homme
intérieur et l’éros - la dimension de profondeur : le
cœur - 2e partie : Maladies, alimentation et
traitement de l’homme spirituel : les maladies de l’homme
intérieur - la tristesse - l’acedia
- le démon de Midi - les nourritures de l’homme
intérieur - le Maître spirituel et le
disciple - les techniques et
méthodes - le Yoga - le
Zen - l’Hésychasme - 3e partie : Mutations et Métamorphoses :
Découverte du Soi - l’obscurité - dé-création
et retour à l’état originel - repos et expériences -
lumière et déification - l’homme intérieur et le monde
contemporain - 4e partie : Habiter avec soi-même
- la dimension religieuse - les intermédiaires
- la suprême expérience - |
l’oiseau et
sa symbolique |
M.M.
davy |
Edition
ALBIN MICHEL |
1992 |
||
Le symbolisme de la colombe se retrouve tout au
long de la plupart des histoires, des cultures et des religions Ses origines
sont très anciennes. Dès l’Antiquité, on offrait des colombes en
sacrifice aux déesses de l'amour, telles Astarté et Aphrodite (Venus pour les
romains). Cette dernière est par ailleurs très souvent représentée avec
l’oiseau.
Au sommaire de cet ouvrage : Première partie : Spécificité des oiseaux :
oiseaux et serpents - le corps de l’oiseau - la
rondeur et l’aile - la plume - les couleurs et
les chants - la saison de l’oiseau, le printemps
- l’espace - la lumière et la liberté
- l’oiseau-esprit - Deuxième partie : Diversité des oiseaux :
l’alouette - la colombe - le coucou et
l’hirondelle - la huppe et le merle
- la mésange et le moineau - la paon et
le pélican - le rossignol -
les oiseaux mal aimés - la pie et le corbeau
- la chouette - la cigogne et
l’orfraie - les oiseaux
fabuleux - le phénix - l’oiseau de
paradis - le simorgh - Troisième partie : L’oiseau dans la culture :
L’oiseau dans l’art roman - Olivier Messiaen -
Chants d’oiseaux et musique - Jérôme Bosch : peinture
d’oiseau - Léonard de Vinci : l’oiseau
modèle - l’imaginaire - L’oiseau dans les
contes - histoire de perroquets -
l’oiseau et la poésie - l’oiseau dans la poésie
japonaise - l’oiseau et l’alchimie - vol
et ascension - l’oiseau et la mystique
- Hadewijch - Jean de la
croix - Tzzidin Al-Muqaddasi : des oiseaux et des
fleurs - Mohiddin Ibn Arabi -
Toukaram - Upanishad du yoga
- L’oiseau et le moine - l’oiseau et
l’ange - l’oiseau et l’arbre intériorisé
- l’oiseau dans la symbolique - |
16 M
MARIE-MADELEINE DAVY ou la liberté du dépassement |
Marc
Alain Descamps |
Edition
Le Miel et la Pierre |
2001 |
Après
des études de philosophie et d’histoire médiévale à la Sorbonne,
Marie-Madeleine Davy obtient son diplôme de Docteur en Théologie (catholique
et protestante), puis se spécialise dans la musique du XIIe siècle, âge d’or
cistercien, « Siècle Solaire », disait-elle. Parallèlement
elle s’intéresse à la mystique Rhénane et à Maitre Eckhart. Proche de Nicolas
Berdiaev, Marie- Madeleine Davy élargie le champ de ses recherches à la
spiritualité orthodoxe et orientale. D’autres rencontres marqueront son
itinéraire : Simone Weil, Pierre Teilhard de Chardin, Gabriel Marcel,
Gaston Bachelard, Vladimir Jankélévitch, Jean Daniélou, Henri Corbin (qui lui
fera rencontrer Carl Gustav Jung ou encore Antonin Artaud), Roger Godel. Esprit
indépendant et non conventionnel, elle participa avec enthousiasme à notre
époque de mutation et de métamorphoses, et publia plus de cinquante ouvrages,
et plus de cent articles. Elle fit inscrire sur sa pierre tombale « Sois heureux passant ! ». Un
premier colloque eut lieu à sa mémoire le 31 janvier 1999, avec ses nombreux
amis. Ce sont les actes de ce colloque qui nous sont proposés dans
cet ouvrage : Jean d’Ares : Mystique et symbolique
médiévales Odette Baumer-Despeigne : Parcours d’une amitié Michel Bertrand : Trouver Dieu dans la
solitude Jean Biès : Le cantique de l’intériorité Jacques Brosse : Hommage à
Marie-Madeleine Davy Marc-Alain Descamps : Pèlerinage à la source
de la vie Monseigneur Germain : Hommage à l’institut
Saint-Denis Jacqueline Kelen : La quête mystique des
Béguines Pir Vilayat Inayat Khan : Hommage Michel Random : Le cœur de la
connaissance François Roux : Une parole habitée Marie-Madeleine Davy : « Habiter avec
soi-même » Boris Tatzky : Paroles de Lumière Marc-Alain Descamps : Présentation de
Marie-Madeleine Davy Bibliographie |
MARIE-MADELEINE DAVY OU L’ORIENT INTḖRIEUR |
Archives
départementales des deux Sèvres |
Archives de France |
2012 |
||
La
nouveauté est que ce " sanctuaire " ne sera plus fréquenté par une très
faible minorité choisissant le désert extérieur comme lieu d’élection, mais
par un grand nombre vivant parmi la foule tout en se tenant dans le désert du
dedans. Les ermites extérieurs doivent abandonner leur famille,
leur patrie, leur demeure. Les ermites intérieurs sont aussi affrontés à une
séparation. Ils s’évadent de l’omnitude, de la conscience commune, des formes
sclérosées, des antihumanismes et parfois de certaines formulations
religieuses aliénantes. Les comparaisons claudiquent. On peut toutefois se
demander si les exigences du désert intérieur ne sont pas encore plus
rigoureuses que celles du désert extérieur. Quitter
famille, amis, lieu de naissance, métier s’effectue en une seule fois, même
si le voyageur se tourne vers son passé en le retenant encore dans sa mémoire
et dans son cœur. Rompre avec ses habitudes, les divers enseignements qui ont
pétri depuis le berceau, se sont mélangés à la chair et au sang ; avoir
éprouvé la chaleur grégaire - dilatante pour les faibles - et qui risque de
donner bonne conscience, tout cela ne peut se distancer que dans la mesure où
loin d’en être comblé on vivait sa faim, cherchant désespérément une porte de
sortie donnant accès sur un ailleurs. La recherche
tâtonnante, douloureuse, que nul enseignement donné du dehors n’informait,
avait heureusement à sa disposition des lectures : celles des Ecritures
sacrées. Encore fallait-il en comprendre le sens. Les Maîtres - appartenant à
l’Orient et à l’Occident - répondaient à un besoin d’exotisme pour les uns et
de prise en charge pour les autres. Les relations n’étaient pas sans danger. Actuellement
les jeunes possèdent à leur disposition des ouvrages se référant à
l’intériorité, à la vie du dedans dont témoignent maints auteurs. Les écoles
de méditations se multiplient, l’enseignement généralisé du yoga et du zen
favorise la vraie recherche. Bien entendu les mélanges foisonnent et nombreux
sont les imposteurs. Peu importe. Il y a choix et non pas défrichement comme
hier. Et ceux qui appartiennent aux précédentes générations savent combien il
leur a fallu de persévérance et de force pour continuer leur démarche au
milieu de ce qui leur apparaissait ombres, ruines, abêtissements sordides,
propositions édulcorées. Il leur fut nécessaire de se dévêtir des oripeaux
qui collaient à leur peau et qui durant longtemps leur servirent de
vêtements. Devant eux, une voie : le vide, le renoncement, la vacuité. Le
rejet n’était pas nécessaire ; il s’opérait naturellement. Le
christianisme étant institutionnalisé depuis des siècles, il importait non
pas de le quitter mais de le redécouvrir dans sa profondeur, en abandonnant
ses caricatures qui l’ensevelissaient en le défigurant. La
mort de Dieu avait été annoncée à grand fracas. Comme on pouvait s’y
attendre, elle fut suivie par la mort de l’homme. Qu’allions-nous faire sans
Dieu et sans homme, sinon attendre la mort du monde et laisser paisiblement
enterrer les morts sans avoir le goût de se recueillir sur leurs tombes.
Pour
découvrir l’auberge qui respecte l’anonymat de ses hôtes, prendre à son
compte la parole de feu, prononcée par Henri Le Saux : " J’ai découvert
le Graal ", il n’existe pas de voie, de système, de technique. Aucun
dogmatisme rassurant n’y conduit. " Atteindre le désert intérieur exige
d’opérer une percée à travers mille et une épaisseurs, dans des blocs de
granit ou de béton. " Ma Parole - dira l’Eternel à Jérémie - comme un
marteau fait voler en éclats les rochers ". Sable mouvant d’une plage
désertique, que le vent impétueux ou la brise légère soulève et transporte. A
peine la béance ouverte, elle tend à se combler. Ce qui signifie que durant
cette longue marche, il est impossible de s’assoupir car tout est
perpétuellement à recommencer. La rigueur, on pourrait dire l’extrême
rigueur, accompagne la longue quête. On pourrait dire avec simplicité que le désert
intérieur n’est pas un refuge pour les inadaptés, les individus mal dans leur
peau. Il
ne constitue pas une retraite offerte aux pusillanimes. Certes, il est arche
dans ce déluge qui nous inonde. Il apparaît surtout semblable à une chambre
secrète où les sens nouveaux naissent. Afin d’y parvenir et de pouvoir
accueillir la plénitude d’une nouveauté de vie, il importe de se débarrasser
de nos habitudes, de nos tabous, de nos jugements de valeurs, de nous libérer
de ce qu’on nous a appris durant notre enfance et notre adolescence.
Le passé n’est pas méprisé, il convient seulement de le
libérer de son opacité, en sachant que tout est mouvement, dynamisme,
éclosion. Il nous faut avoir l’audace d’appartenir à notre époque et de nous
y insérer. L’option pour l’intériorité ne se présente pas au détriment de
l’extériorité. Toutefois, il est évident qu’une remise en question bouscule
des formulations, des adhésions prises au sein d’une conscience commune.
|
muni - rÉcit
d’une expÉrience d’intÉrioritÉ |
M.M.
DAVY |
Edition Retz |
1985 |
||
Durant
longtemps, la démarche de Muni apparaît tâtonnante. La féminité, qu’il doit
en particulier à son éducation, freine sa maturité affective et sexuelle. Par
ailleurs, il rencontre sur sa route des pièges qu’il doit désamorcer. En
dépit de sa jeunesse, Muni devra faire face à l’ombre de la condition
humaine, à son obscurité, voire à sa noirceur. Il ne pourra en surmonter la
négativité qu’en faisant appel à la lumière. À la fois fils de la nuit et du
jour, séduit par la solitude et le silence, Muni accepte les renoncements qui
s’imposent à lui en donnant son consentement à ce qui l’abandonne. Il
comprend que l’aventure intérieure exige un au-delà des oppositions
illusoires. Chercher « l’Orient de l’âme », c’est avant tout le dépasser. Les premiers chrétiens, pour
désigner leur démarche, parlaient de la Voie. C’est intéressant à relever. Au
premier degré, la voie c’est ce qui relie différents points dans l’espace,
c’est donc un espace à parcourir pour aller vers quelque chose… un voyage, un
chemin, un passage. On peut suivre simplement la voie horizontale,
historique, matérialiste mais on peut aussi suivre la voie des profondeurs,
la dimension verticale, celle de l’intériorité, celle de la vie spirituelle.
L’homme n’est pas qu’un corps, l’homme n’est pas qu’une psyché, mais l’homme
est aussi esprit. Il y a en lui une dimension qui lui permet de s’ouvrir au
Vivant, au Créateur, à Dieu, c’est l’esprit. C’est ce qui donne un sens, une
orientation à notre passage sur la terre qui va du point de notre conception
en passant par notre naissance à celui de notre développement dans toutes nos
potentialités physiques psychiques et spirituelles jusqu’à notre mort. Mais
la mort ce n’est pas une chute finale et dramatique comme on a tendance à le
croire spontanément, si l’on suit seulement la voie horizontale. Non ! La
mort c’est notre passage à une autre dimension, c’est notre Pâque
personnelle. La voie chrétienne, qui est considérée comme connue, est en fait
méconnue : c’est d’abord une voie mystique, ce qui veut dire qu’elle
recherche une connaissance d’elle-même pour rencontrer expérimentalement
Dieu. Toute connaissance ne peut être qu’expérimentale, si elle est seulement
mentale, elle reste extérieure à nous, elle est celle d’un autre… Le chemin spirituel c’est la voie
des profondeurs, c’est la voie de l’intériorité, c’est donc une voie de
transformation, de travail sur nous-mêmes pour une maturation de tout notre
être : corps-âme-esprit. On ne peut pas suivre un chemin spirituel sans y
engager non seulement notre esprit, mais aussi notre âme c’est-à-dire notre
psyché, et notre corps. Le chemin spirituel c'est aussi la voie mystique qui
consiste à découvrir la vérité dans la vie, par l'expérience, de façon
pratique, dans une initiation quotidienne qui est le fruit d'une synergie
divino-humaine : d'une part, je travaille corps-âme-esprit à cette initiation
et d'autre part, je reçois gratuitement la grâce divine. Il ne se passe rien
par ma seule volonté mais il ne se passe rien sans un travail acharné. Le Christ nous dit dans l'Evangile
: « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Je ne peux donc atteindre la
connaissance de la vérité qui est la vie si je ne fais pas le chemin qu'est
le Christ lui-même. On voit comment, en fait, tout est intimement lié.
Différence entre religion et voie ? La religion, ça veut dire
étymologiquement : relier. Toutes les religions cherchent à relier l'homme à
la divinité. Et pour relier, il faut donc qu'il y ait une distance entre ce
qu'il faut relier. La réalité de l'homme aujourd'hui est effectivement qu'il est
coupé de sa source et qu'il la cherche généralement à l'extérieur de lui.
C'est là l'histoire de toutes les religions ! Mais avec Jésus, tout change
car Dieu lui-même devient homme. M.M. DAVY : études de philosophie à la Sorbonne, thèse de
doctorat sur un théologien mystique du XIIème siècle ; assistante à Berlin,
professeur à l’Université de Manchester, chargée de cours à l’École pratique
des Hautes Études (Sorbonne), maître de recherches au C.N.R.S. Elle a
toujours été passionnée par la recherche de l’Orient de l’âme » signifiant le
passage de la dimension psychique à l’esprit. Elle exprime cette recherche à
travers ses ouvrages et ses conférences ; et notamment dans le présent récit. |
16 N
Nicolas Berdiaev
– L’homme du 8ème jour |
Marie
Madeleine davy |
Edition
DU FÉLIN |
1991 |
Si
je m’interroge sur les hommes que j’ai pu rencontrer et que je connais, il
n’en est point qui, autant que Nicolas Berdiaev, témoigne d’une aussi grande
ouverture sur le transcendant. Cet
homme avait reçu, dès l’enfance, la marque indélébile du divin. Il était
habité par une présence et son regard, sa pensée, sa voix elle-même en
témoignait.
Au
sommaire de cet ouvrage : Première partie : Référence aux ouvrages de Nicolas
Berdiaev - le fils de la terre russe
- l’énergie religieuse de l’âme russe - un
homme essentiel - Seconde partie : L’amant et l’aimée ou le drame divin
et humain - Liberté et création -
Mystique et gnose - Troisième partie : La philosophie du conflit
- les temps nouveaux - Epilogue -
bio-bibliographie - ouvrages sur Nicolas Berdiaev
- |
NICOLAS
BERDIAEV (1874-1948) – UN
PHILOSOPHE RUSSE A CLAMART
|
Colloque collectif
|
Edition du Mercure
Dauphinois
|
2019
|
Sous ce titre, vous
trouverez les actes du colloque consacré au célèbre philosophe de Clamart qui
s’est tenu les 24 et 25 novembre 2018 à l’Hôtel de Ville de Clamart. Ce
colloque fut organisé par l’ACER, Action Chrétienne des Etudiants Russes en
collaboration avec la Municipalité de Clamart. Comme le rappelle Michel
Fromaget en introduction, Nicolas Berdiaev meurt à Clamart en 1948.
Marie-Madeleine Davy et Olivier Clément participeront au premier colloque sur
Berdiaev à la Sorbonne à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance,
vingt-sept ans après son décès. Puis, Berdiaev tombe dans le silence pendant
vingt-trois ans jusqu’au colloque organisé par L’Institut d’Etudes Slaves en
1998. Depuis, les temps de silence diminuent jusqu’à cette date de 2018.
Berdiaev mérite amplement que l’on s’intéresse à sa pensée et à son œuvre,
une pensée très actuelle quand nous savons, avec Antoine Arjakovsky, que les
Pussy Riot se réclame de la pensée de Berdiaev. Comme lui, elles veulent
chasser les marchands du temple. Michel Fromaget insiste : « La
liberté de pensée de Berdiaev, incontestablement le plus grand philosophe de
l’Âge d’argent de la culture russe, cette liberté est fascinante. ». Il s’en
explique : « La philosophie du maître russe n’a rien à voir avec la
philosophie conceptuelle et abstraite, seulement cérébrale, comme émasculée
et éviscérée, qui est privilégiée par les universités. Ce n’est pas une
philosophie d’intellectuel mais une « philosophie existentielle ».
Elle est celle d’un homme complet qui ne se contente pas de penser le monde
mais qui l’éprouve, le découvre et le comprend par toutes les facultés
dont il dispose : sensation, intellection, émotion, intuition. Berdiaev
ne s’approche pas du monde de manière cérébrale mais intégrale et
totale. Il dit lui-même que sa philosophie est
« existentielle », « qu’elle naît de la vie et qu’elle va vers
la vie ». Et c’est précisément en cela qu’elle nous intéresse et nous
parle aujourd’hui. » Stanislas Fumet essayiste de renom, dans sa belle
préface au grand ouvrage de Berdiaev "Le sens de la création",
écrivait : « L’esprit de Berdiaev, qui est la noblesse même se fraie des passages dans l’obscurité qui
font étinceler des splendeurs où nous sommes habitués à ne rien voir ». Les
organisateurs du présent colloque ne sauraient mieux dire la raison profonde
de l’indéfectible attachement qui les lie au vieux Maître russe. En 2013, en introduction d’un précédent colloque,
ils affirmaient ceci qu’ils tiennent à redire, car leur conviction demeure
identique, à ceci près qu’elle s’intensifie chaque jour : « La pensée de
Berdiaev - sur l’homme, sur Dieu, sur la vérité, sur la liberté, sur l’amour,
sur la beauté, sur l’acte créateur -, est à même d’exploser sans retour les a
priori conceptuels et les routines intellectuelles qui paralysent la pensée
et la vie de nos contemporains. Elle est à même de leur ouvrir des espaces de
méditation et de réflexion, de perception et de signification, de création et
d’action dont ils n’ont pas la moindre idée. » Oui, de découvrir la pensée du
philosophe de Clamart a sauvé le grand historien Olivier Clément de « la nuit
de l’âme ». Le vœu le plus cher de ce colloque c’est, qu’à son issue, chacun
ait perçu que cette découverte est vraiment à même de ré-enchanter la vie |
NICOLAS
BERDIAEV (1874-1948)
– CINQ MÉDITATIONS SUR L’EXISTENCE
|
Nicolas Berdiaev
|
L’Âge d’homme
|
2013
|
||
Une
constatation : toute théologie renferme quelque philosophie, sanctionnée
par la société religieuse… La théologie des docteurs de l’Eglise contenait
une dose très importante de philosophie… « Tandis que la conscience
religieuse des Grecs soumettait la vie au destin, leur philosophie la
subordonnait à la raison. Elle en a pris une portée universelle, et posé le
fondement de l’humanisme européen. » « C’est pourquoi il ne faut
pas s’attendre à ce que la philosophie renonce jamais à poser et si possible
à résoudre les problèmes dont traite la religion, que la théologie considère
comme son monopole. La philosophie comporte un aspect de prophétisme ;
et ce n’est pas sans raison qu’on a proposé de diviser la philosophie en
scientifique et prophétique. C’est précisément la philosophie prophétique qui
entre en conflit avec la religion et la théologie, car la philosophie
scientifique resterait neutre. Mais le philosophe authentique, l’homme qui
est philosophe par vocation, ne veut pas seulement connaître le monde, il
désire le modifier, l’améliorer, le régénérer. Comment pourrait-il en être
autrement s’il est vrai que la philosophie est avant tout une doctrine sur le
sens de notre existence, de notre destinée ? Le philosophe a toujours prétendu, non pas
seulement à l’amour de la sagesse, mais à la sagesse même, de sorte que
renoncer à la sagesse, c’est renoncer à la philosophie, la remplacer par la
science. Certes, la philosophie est avant tout connaissance ; mais c’est
la connaissance totalitaire, embrassant tous les aspects de l’homme et de
l’existence humaine. Il lui est essentiel d’ouvrir les voies à la réalisation
du Sens ; et parfois les philosophes ont cédé à un empirisme et à un
matérialisme grossier. Le propre du philosophe qui mérite ce nom, c’est
l’amour de l’au-delà, il cherche par-delà le monde ce qui le
transcende ; et il ne saurait se satisfaire d’une connaissance qui le
retienne ici- bas. Il appartient à la philosophie de percer les murs de
l’univers empirique, qui nous contraint et nous presse de toutes partes, pour
entrer dans l’univers intelligible, dans le monde transcendant ; et je pense
même que c’est la désaffection envers ce qui nous environne, le dégoût de la
vie empirique qui engendre l’amour de la métaphysique. » « Là est le principe
du tragique, comme il atteint le philosophe. D’une part, la philosophie ne
peut pas, ne veut pas dépendre de la religion ; de l’autre, dès qu’elle
est coupée de l’expérience religieuse, il faut que l’être lui manque et
qu’elle s’étiole. A vrai dire, c’est toujours à des sources religieuses que
la philosophie s’est rafraîchie. Les doctrines présocratiques étaient
intimement liées à la vie religieuse des Grecs, le platonisme a été en
rapport avec l’orphisme et les mystères. La philosophie médiévale, consciemment,
a été chrétienne. On peut trouver aussi des fondements religieux à la pensée
de Descartes, de Spinoza, et de Leibnitz, de Berkeley et bien entendu à
l’idéalisme allemand. » Avec les temps
modernes, à commencer par Descartes, le christianisme s’introduit dans
l’intimité même de la pensée et il transforme toute la problématique ;
conformément à la révolution opérée par le christianisme, l’homme est
installé au centre de l’univers. De par sa tendance essentielle, la
philosophie hellénique était tournée vers l’objet. Si la philosophie moderne
est tournée vers le sujet, c’est une conséquence du christianisme qui a
affranchi l’homme en le soustrayant au pouvoir du monde des objets, de la
nature ; et l’on voit apparaître le problème de la liberté que la pensée
grecque ignorait. » Max Scheler juge le
scientisme comme une rébellion d’esclaves : c’est la révolte de
l’inférieur contre le supérieur. « Pourquoi refuser de se soumettre à la
religion si l’on consent à se soumettre à la science ? Scheler pense
qu’au contraire, en se soumettant à la foi, la philosophie se serait rendue
maîtresse des sciences ; mais il faut le souligner, à la foi, non à la
théologie, à l’autorité extérieure de l’Eglise, à la religion en tant
qu’institution sociale, puisque la foi, expérience intérieur et spirituelle,
régénération de l’âme, ne peut asservir la philosophie, mais doit la nourrir.
Si elle s’en est détachée, si elle ne prend plus la foi comme la lumière
intérieure de la connaissance, c’est qu’elle a eu à lutter contre la religion
autoritaire qui punissait par le bûcher la témérité de la
connaissance ». « Le cœur et la
conscience demeurent les agents suprêmes de l’évaluation et de la
connaissance du sens des choses. » « Mais la raison devient autre
quand Dieu se révèle à l’homme : elle subit un ébranlement, se
transforme intérieurement, aperçoit nettement ses contradictions et ses
limites. Cependant, dans l’accueil même par lequel l’homme reçoit la
révélation, se trouve déjà, ne serait-ce qu’à l’état embryonnaire, quelque
philosophie. La Révélation fournit les réalités, les données d’ordre
mystique ; mais l’attitude de la pensée à l’égard de ces réalités et de
ces données n’a rien à voir avec la révélation elle-même, car c’est déjà
telle ou telle philosophie définie. » « Trois facteurs
concourent à la connaissance : l’homme lui-même, Dieu et la
nature ; elle résulte de l’action réciproque de la culture humaine, de
la grâce divine et de la nécessité naturelle ; et la tragédie du
philosophe provient de ce que l’on prétend restreindre sa connaissance,
tantôt en invoquant la grâce divine, tantôt en universalisant la nécessité
naturelle. La philosophie doit entrer en conflit avec la religion d’une part,
avec la science de l’autre, si elle se donne pour objet Dieu et la nature ;
mais son domaine, c’est par excellence l’existence humaine, la destinée
humaine, le sens humain. C’est de l’homme que le philosophe connaît Dieu et
la nature… » Comme tout acte créateur, l’acte de connaissance demande à
l’homme de choisir entre deux attitudes. Ou l’homme se met face au mystère de
l’être, face à Dieu ; et dans ce cas se forme la connaissance
initiatrice, originale, la philosophie authentique, l’homme reçoit
l’intuition et la révélation. Ou bien il se tourne face à autrui et à la société ;
et par ce mouvement la connaissance philosophique, comme la révélation
religieuse, s’adapte à la nature de la société et s’objective. C’est alors
que l’homme est le mieux défendu ; mais il achète trop souvent cette
protection en faussant sa conscience par le mensonge socialement utile.
Devant les autres, devant la société, tout homme devient un acteur car c’est
déjà l’être, que d’écrire. On joue un rôle parce qu’on occupe une place dans
la société. L’acteur dépend des autres, du public ; aussi sa fonction
est protégée par la police. Au contraire, l’homme qui pour connaître se tient
face à Dieu, non seulement parle peut-être dans le désert, mais il est exposé
aux attaques de la religion et de la science, devenues des institutions
sociales. Ainsi le veut la nature de la philosophie à sa naissance, ainsi la
tragédie du philosophe. » « Même quand elle aspire à l’objectivité, la
philosophie ne peut pas ne pas être personnelle. Toute philosophie de valeur
porte la marque de la personnalité de son auteur. Ce n’est pas vrai seulement
des philosophies très individualisées de saint Augustin ou de Pascal, de
Kierkegaard, de Schopenhauer ou de Nietzsche, car ce ne l’est pas moins de
celles de Platon et de Plotin, de Spinoza, de Fichte et de Hegel. La
personnalité du philosophe se manifeste déjà dans le choix des problèmes et
dans la préférence pour l’un des types de philosophie distingués plus haut,
puis dans la nature des intuitions prédominantes, dans la répartition de
l’attention, dans l’ampleur de l’expérience spirituelle. » « Ce qui connaît, ce n’est pas l’esprit universel, ou
la raison universelle, ni le sujet impersonnel, la « conscience en
général » ; c’est le moi, l’homme comme existence concrète, la
personne ; et le problème fondamental de la connaissance, c’est celui de
ma connaissance, de la connaissance personnelle de l’homme lui-même. Toute
pensée créatrice est intimement individuelle, non que l’individu y soit
emprisonné en lui-même, limité ; les rayons lumineux sortent d’un unique
foyer, mais la manière dont ils sont recueillis varie d’homme à homme. |
NICOLAS
BERDIAEV – ESSAI D’AUTOBIOGRAPHIE SPIRITUELLE
|
Nicolas Berdiaev
|
Ed. Buschet-Chastel
|
1992
|
Si l'on se dit œcuménique et passionné par l'histoire
des idées, on ne peut pas ne pas lire la biographie de Nicolas Berdiaev.
Indispensable pour la compréhension du christianisme orthodoxe dans sa
version éclairée. En théologie orthodoxe, il a fortement contribué à la
liberté d'esprit de "l'Ecole de Paris" qui a réuni les meilleurs
théologiens russes en France après la Révolution d'octobre. Un homme libre On
pourrait qualifier cet extraordinaire ouvrage posthume de véritable testament
spirituel. Le grand écrivain russe après avoir parlé de ses sources, de ses
parents, de son enfance, retrace sa première conversion, sa première
recherche du sens de la vie. Il fait revivre pour nous le monde
révolutionnaire russe du début du siècle et la renaissance culturelle qu'il a
suscitée. Puis c'est la révolution de 1917 et le communisme vu, si l'on peut
dire de l'intérieur. Enfin
les années d'exil, en Allemagne puis à Paris où Berdiaev trace des portraits
saisissants de ses rencontres. En même temps ou plutôt parallèlement à
l'évolution des événements, Berdiaev nous fait assister à sa propre conquête
spirituelle, depuis la tentative du christianisme, l'expérience de l'extase
créatrice jusqu'à la philosophie définitive et l'ultime connaissance de soi.
Cette autobiographie est l'écrit le plus significatif de Berdiaev.
|
NICOLAS
BERDIAEV – ESPRIT ET LIBERTÉ –
ESSAI DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE
|
Nicolas Berdiaev
|
Desclée de Brouwers
|
1992
|
Quand l’homme revient à Dieu après
une expérience d’apostasie, il connaît dans ses relations avec Lui une
liberté qu’ignore celui qui a passé sa vie dans une foi paisible et
traditionnelle, qui a vécu dans un « héritage patrimonial ». La
souffrance passe, mais avoir souffert ne passe jamais. Cette vérité est
exacte, par rapport à l’individu en particulier et par rapport aux sociétés
humaines. Nous vivons dans une époque transitoire de crise spirituelle, où
beaucoup de pèlerins errants reviennent au christianisme, à la foi de leurs
pères, à l’Église, à l’orthodoxie. Ces hommes reviennent, ayant passé par
l’épreuve de la nouvelle histoire, dont ils ont atteint les limites extrêmes.
Ces âmes de la fin du XIXe et du commencement des XXe siècles sont
des âmes tragiques. Ce sont de nouvelles âmes, dans lesquelles on ne peut
déraciner les conséquences de l’expérience vécue. Comment reçoit-on ces voyageurs
revenant à la Maison du Père ? Trop souvent autrement que ne fût
accueilli le fils prodigue de la Parabole. La voix du fils aîné, qui se
glorifie d’être resté auprès du Père et de l’avoir servi, se fait par trop
entendre. Cependant, parmi ces pèlerins de l’esprit, il n’y a pas seulement
des hommes dépravés, il y a aussi des affamés, des assoiffés de Vérité ;
et ils seront plus justifiés devant Dieu que d’innombrables « chrétiens
bourgeois », qui s’enorgueillissent de leur pharisaïsme et s’estiment
« grands propriétaires » dans la vie religieuse. L’âme humaine est devenue tout
autre qu’elle n’était quand elle reçut à l’origine le christianisme, alors
qu’enseignaient les grands docteurs de l’Église, que dogmatisaient les
conciles œcuméniques, que se formait l’état monastique, que dominait le
régime théocratique et se forgeait la religiosité médiévale et byzantine.
Cette transformation et cette épuration de la psyché se sont produites avant
tout sous l’influence de l’action mystérieuse, souvent invisible et profonde,
du christianisme même, qui triomphait intérieurement de la barbarie et de la rudesse de l’âme en
éduquant l’homme. Nous ne trouvons pas de réponse
aux angoissantes questions de Nietzsche dans les catéchismes et les
enseignements des « startzi » elles demandent dans le
christianisme un complément créateur. Tout notre mouvement de philosophie
religieuse russe des dernières décades, est passé par une expérience
ineffaçable qui ne peut pas ne pas enrichir le christianisme. Elle ne résulte
pas d’un processus de perfectionnement individuel ou d’une acquisition de
sainteté. Toutefois, l’esprit ecclésiastique réactionnaire (non pas l’Église)
s’oppose à la pensée créatrice de la philosophie religieuse et la renie. Le
monde orthodoxe, d’esprit traditionnel, ne comprend pas encore que le
christianisme cesse d’être, par excellence, la religion des simples d’esprit
et qu’il doit se tourner vers des âmes plus complexes et découvrir une
spiritualité plus profonde. Ceux qui ont connu une liberté
d’esprit illimitée et qui sont revenus en liberté à la foi chrétienne, ne
peuvent effacer de leur âme cette expérience, ou en renier l’existence. La
liberté, avec sa dialectique intérieure, la destinée tragique qu’elle porte
en elle, est une expérience d’un ordre particulier, inhérente au
christianisme même. Celui qui a surmonté d’une façon définitive les
séductions et les tentations de l’humanisme, qui a découvert le néant de la
divination de l’homme par l’homme, ne peut plus jamais renoncer à la liberté
qui l’a mené à Dieu, à cette expérience définitive qui l’a libéré du Mal. On
ne peut maintenir sur un terrain abstrait la question de la liberté
religieuse et la traiter d’un point de vue statique. Je suis venu au Christ
par la liberté, par l’expérience intime des chemins de la liberté ; ma
foi chrétienne n’est pas une foi de coutumes patrimoniales reçue en héritage,
elle fut obtenue par une torturante expérience de vie intérieure. Je ne
connais pas de contrainte dans ma vie religieuse, je ne connais pas
d’expérience de foi ou de religiosité autoritaires. Peut-on opposer à ce fait
des formules dogmatiques et des théologies abstraites ? Non, car pour
moi elles ne seront jamais réellement convaincantes. La liberté m’a mené au Christ et je ne connais pas d’autre chemin menant à Lui. Je ne suis pas
le seul qui soit passé par cette expérience. Tous ceux qui ont quitté le
christianisme-autorité ne peuvent revenir qu’au christianisme-liberté. C’est
là une vérité de la vie expérimentale et dynamique, que l’on ne peut
rattacher à aucune conception des relations de la liberté et de la grâce.
C’est une question d’un tout autre ordre. J’admets que la grâce m’a mené à la
foi, mais cette grâce, je l’ai vécue en pleine liberté. Ceux qui sont venus
au christianisme par la liberté, lui apportent un esprit de liberté. Leur
christianisme est nécessairement beaucoup plus spirituel, il est né dans
l’esprit et non pas dans la chair et le sang. L’expérience de la liberté
d’esprit est ineffaçable, mais l’arbitraire dans la liberté est un mal qui
doit être surmonté. Ceux dont la religiosité est autoritaire et héréditaire
comprendront toujours mal les hommes qui sont venus à la religion par la
liberté, par l’immanence tragique de l’expérience vécue. |
NICOLAS
BERDIAEV – LE NOUVEAU MOYEN-ÂGE
|
Nicolas Berdiaev
|
Ed. L’Âge d’homme
|
1990
|
Le
Nouveau Moyen Âge de Nicolas Berdiaev est à la Révolution
russe ressemble aux considérations sur la France de Joseph de Maistre. Les
deux hommes partagent une même lecture théologique et providentialiste des
événements historiques. Et Berdiaev n’hésite pas à rappeler tout ce qu’il
doit au Savoyard. « Joseph de
Maistre et le mouvement romantique du début du XIXe siècle fut une
réaction contre la Révolution française et les lumières du XVIIIe
siècle, mais c’était un mouvement créateur en avant qui a fécondé toute la
pensée du siècle suivant », écrit-il. Si la pensée de Maistre est
réactive, elle n’est pas à proprement parler « réactionnaire ».
Berdiaev dénonce d’ailleurs le caractère spécieux de certaines étiquettes
politiques : « Essayez
d’appliquer aux époques de l’histoire universelle vos critères de la réaction
ou de la révolution, de la droite ou de la gauche. Alors apparaissent tout le
ridicule de ces critères, tout le provincialisme pitoyable de la pensée qui
s’infiltre dans ces catégories. » Comme l’auteur des Soirées de Saint Pétersbourg, il
sait que le nouveau Moyen Âge ne pourra être un retour en arrière car il a
conscience du caractère tragique et irréversible de l’Histoire. Après la Révolution d’octobre,
Berdiaev renverse la perspective en affirmant que la volonté de conservation
de l’idéal des Lumières en décomposition constitue le véritable visage de la
réaction. Le monde d’hier, celui qui se meurt et vers lequel il ne peut y
avoir de retour, c’est celui de l’histoire moderne. La Révolution française,
elle-même héritière de l’Humanisme de la Renaissance, entérinait le déclin du
Moyen Âge, organisé de manière théocratique et aristocratique. La Révolution
de 1917 marque la fin des principes philosophiques qui se sont imposés au
XVIIe puis au XVIIIe siècle. « L’ancien monde qui s’effondre […] est
aussi le monde de l’histoire moderne avec ses lumières rationalistes, avec
son individualisme et son humanisme, avec son libéralisme et son
démocratisme, avec ses brillantes monarchies nationales et sa politique
impérialiste, avec son monstrueux système d’économie industriel capitaliste,
avec sa puissante technologie, ses conquêtes et ses succès extérieurs, avec
sa concupiscence sans retenue et effrénée de la vie, avec son athéisme et son
apathie, avec sa lutte furieuse des classes et avec le socialisme comme
couronnement de toute la voie de l’histoire moderne », martèle
Berdiaev. Berdiaev, comme Maistre, pense la révolution sur le modèle du
châtiment et de la purification. Mais la Russie possède un statut particulier
et son destin historique n’est pas analogue à celui de la France. « La Russie n’est jamais définitivement
sortie du Moyen Âge, de l’époque sacrale, et elle est en quelque sorte
presqu’immédiatement passée des restes de l’ancien Moyen Âge, de l’ancienne
théocratie, au nouveau Moyen Âge, à la nouvelle satanocratie »,
précise l’écrivain. La Russie a connu une modernisation
partielle et tardive avec Pierre le Grand qui accéda au trône en 1682. Son
régime politique est resté aristocratique jusqu’à la Révolution de 1917 et la
société est demeurée structurellement inégalitaire jusqu’à l’abolition du
servage en 1861. La Russie n’a pas connu de grands mouvements d’émancipation
philosophique et individuelle comparables à ceux qui eurent lieu en France ou
en Angleterre. La bourgeoisie, et l’idéologie qui l’accompagne, ne s’est pas
imposée en tant que classe dominante comme ce fut le cas à l’ouest du Vieux
Continent. En d’autres termes, la sécularisation de la société russe n’a pas
eu lieu et le matérialisme qui est la matrice conceptuelle du communisme est
tout imprégné de sacré. Pour Berdiaev, le monde moderne a enfanté deux
monstres : le capitalisme et le communisme. Si le premier a pour volonté
d’affaiblir le spirituel en l’homme par la négation, le second poursuit le
même dessein mais sur le mode de l’inversion. « Le communisme […] annule le principe autonome et séculier de
l’histoire moderne, il exige une société “sacrale”, une culture “sacrale”, la
soumission de tous les aspects de la vie à la religion du diable, à la
religion de l’Antéchrist », souligne l’auteur de L’Esprit de Dostoïevski. Aux yeux de Berdiaev, le
communisme est le signe de l’échec des valeurs du monde moderne. C’est tout
particulièrement l’individualisme qui est mis en cause car il a montré toute la vacuité
d’un concept de liberté anthropocentrique. « Il est impossible de libérer l’homme au nom de la liberté de
l’homme, l’homme lui-même ne peut-être le but de l’homme »,
assure le philosophe. Or le communisme a un mérite incontestable : il
réunit les hommes. Et pour Berdiaev « la
Vérité est réunion et non désunion et démarcation ». De même, le
bolchévisme se caractérise par son rejet virulent de la démocratie « liée à la suprématie de la couche
bourgeoise » et « au
système capitaliste industriel ». Pour reprendre l’analogie avec
Maistre, la Révolution russe est donc un Mal – elle est à proprement parler
satanique – mais elle est également providentielle dans la mesure où elle
permet l’avènement du nouveau Moyen Âge, bien qu’elle n’en soit pour
l’instant que son expression négative. Le nouveau Moyen Âge éclairé,
celui que Berdiaev appelle de ses vœux, renversera les valeurs qui avaient
fondé le monde moderne. À l’individualisme, il substituera la communion des
hommes ; au matérialisme, il substituera l’amour pour les choses de
l’esprit ; au rationalisme, il substituera la théosophie et le retour
aux sciences occultes ainsi qu’à la magie ; à la démocratie, il
substituera la monarchie. Le progrès sera quant à lui regardé comme une idole
dangereuse, comme le Dieu illégitime d’une époque révolue. |
NICOLAS
BERDIAEV – LE SENS DE L’ACTE
CRÉATEUR
|
Nicolas Berdiaev
|
Edition Esprit
|
1948
|
||
Mais, en Russie,
l’Église orthodoxe, dont le magistère se borne plus ou moins à méditer sur
les Pères grecs et à prêcher l’ascétisme, et qui n’a pas eu de tradition
proprement scolastique, s’effarouche moins que nos théologiens catholiques de
formulations aventureuses comme il s’en trouve à foison dans les livres de
Berdiaev. Non que la hiérarchie ait jamais fait sienne aucune des vues de
Berdiaev ni même qu’elle n’ait pas, à l’occasion, mis en garde les fidèles,
ici ou là, contre l’esprit révolutionnaire — ou frondeur — d’un homme que
tous admiraient pour son érudition, sa sincérité irréductible et sa valeur
morale, mais qui passait pour un original, un isolé, — ce qu’il était, —
peut-être pour un illuminé, — ce qu’il se sentait être. Illuminé, oui, car
c’est du cordonnier allemand Jacob Böhme, l’auteur du De signatura rerum,
ainsi que l’avait fait avant lui, en France, Louis-Claude de Saint-Martin qui
eut tant d’influence sur les esprits les plus distingués à la fin du XVIIIe
siècle, et du poète mystique Angélus Silesius, que se réclamait en premier
lieu Nicolas Berdiaev. Il se réfère plus souvent à Böhme ou à son
commentateur catholique, François Baader, qu’à saint Paul ou même à saint
Basile. Lorsqu’il nomme saint Thomas d’Aquin, c’est comme s’il parlait d’un
notaire, c’est-à-dire d’un de ces maîtres de l’objectivation,
« réalistes naïfs » qui se sont
figuré que l’on pouvait immobiliser une doctrine qui doit être
insaisissable et pur mouvement. C’est ainsi que Nicolas Berdiaev n’a
point l’air de se rappeler que saint Thomas a cette définition de Dieu,
propre à répondre dans l’absolu à tout ce que lui, en tâtonnant, cherche si
passionnément à évoquer : l’Acte pur. Mais, répétons-le, Berdiaev
n’était pas catholique, ou plutôt, je le répète, il n’était pas un
catholique, et il n’eut jamais souci de le paraître. Alors pourquoi,
demandera-t-on, les catholiques s’intéressent-ils à lui ? C’est bien
simple. L’esprit de Berdiaev, qui est la noblesse même — j’y insiste, — se
fraie des passages dans l’obscurité qui font étinceler des splendeurs où nous
nous étions habitués à ne rien voir. Et son cœur est si droit que, à travers
des propositions inacceptables pour le catholique, il apporte à celui-ci
mille raisons de se renouveler dans la foi. J’irai plus loin. Je ne crois pas
tellement hérétiques les hérésies de Berdiaev. Mais son culte de la Liberté
est si impérieux qu’il ne veut pas s’enclore dans une
« orthodoxie » contraignante. Ce serait faire injure à la seule
« dame de beauté » qu’il ait résolu de servir et qu’il doit, à tout
instant, élire à la place de la déesse Nécessité, laquelle ne se présente au
chrétien, pense-t-il, que comme une tentation. Par fidélité à la divine
Liberté, Berdiaev est un esprit qui refuse la maîtresse facile qui s’offre à
nous sous les formes communes de la pourvoyeuse de sécurité. Même s’il a la
vocation de l’orthodoxie, il lui faut échapper à ses objectivations, sous
peine de trahir cette seule chose qui, en nous, selon Berdiaev, soit incréée,
étant de la nature divine de l’esprit, parce que de l’Esprit divin lui-même,
la Liberté. C’est ici que le
métaphysicien pourra reprocher à Berdiaev de tout fonder sur un
postulat : la Liberté est avant l’Être. Il en serait du moins ainsi en
Dieu, et, par le phénomène du reflet, nous retrouverions ce processus dans
notre psychisme subjectif. Cet Urgrund de Jacob Böhme, c’est Un absolu
de Plotin, ce Non-Être primordial des mystiques spéculatifs, porte chez
Berdiaev le caractère de liberté. Et, tout le long du présent ouvrage, c’est
la liberté qui apparaît comme le moteur divin de cette création spirituelle
que Dieu attend de nous. Là est d’ailleurs le thème central du Sens de la
création et l’unique sujet, en deux temps : liberté, création, des
autres livres du philosophe russe. Or le fait que ce soit la liberté comme
telle qui, en Dieu, précède l’être, et non pas un ante-être qui serait, comme
d’autres l’ont dit, l’« être avant que d’être », et où le couple
liberté-nécessité ne se présente nullement comme contradictoire, mais comme
liberté (que seul à Dieu) de ne pas être du non-être, ce qui est nécessaire à
qui est l’Être, cependant, pour qu’il soit cause de lui-même, et il n’est
point d’autre liberté ; — le fait que Dieu doive être en propre liberté
et non point être (cet « être » n’étant, au demeurant, pour
Berdiaev, qu’une objectivation d’un esprit créé, limité, un concept
fatalement inadéquat, parce que pour Berdiaev l’analogie est trompeuse)
laisse entendre que le philosophe de la « liberté créatrice » s’est
fait de l’Être même une idée kantienne, qu’il a été privé, comme les
philosophes modernes dans leur généralité, de cette « intuition de
l’être » (et non de l’un de ses attributs) qui sacre le métaphysicien. En un mot ce
dialecticien n’est pas un métaphysicien. Et c’est probablement pourquoi ses
hérésies n’en sont pas d’authentiques. Mais, ce qui est authentique en lui,
c’est une vertu, ou la vertu, — le courage, disait-il, — qui détermine son choix. Son raisonnement
peut s’accommoder de formulations hérétiques, en fait sa volonté choisit le
vrai. C’est là un phénomène plus insolite qu’on ne le croit. On va me juger
paradoxal, mais je ne peux m’empêcher de sentir ceci, et je me fais un devoir
de le noter : une déviation doctrinale chez un philosophe catholique
contemporain de Berdiaev est plus grave, ou me paraît plus grave, que
plusieurs erreurs formelles aux yeux de la théologie exprimées par Berdiaev.
Et mon jugement se motiverait de la sorte. La moindre déviation doctrinale
dans la pensée d’un philosophe catholique diminue la portée de la
doctrine, elle rogne sur un tout. Les pseudo-hérésies de Berdiaev ne sont
jamais des choix mutilants ; elles procèdent d’une pensée insatisfaite,
d’une pensée « géniale », qui est toujours augmentant. C’est
que Berdiaev est schismatique par principe, comme le chevalier se met en
marge de « ce monde » qui est réservé aux profiteurs de la terre et
à ceux qui les envient, aux bourgeois accomplis ou aux bourgeois en devenir
(les Russes, depuis qu’ils ont lu Karl Marx, ont identifié dans le bourgeois,
le « petit-bourgeois », tout ce qui défie non plus seulement le
progrès social mais bien davantage l’infini), et Berdiaev habille ses
vérités, nos vérités, en « hérésies » pour les aimer librement. Et
sa dialectique a beau accumuler les risques d’hétérodoxie et de scandale, ce
qu’il veut dire est toujours juste, profondément et sublimement juste. Aussi se forge-t-il
de la philosophie une idée très éloignée de celle d’Aristote ou de saint
Thomas. La philosophie n’est pas chargée de « connaître » :
c’est le rôle de la science, avec laquelle toute jonction, aux yeux de
Berdiaev, est néfaste. Il écrit en 1914, avec [18] beaucoup de pertinence,
que chez Bergson les références à la science de son temps déshonorent sa
belle philosophie. La sienne refuse même de s’embarrasser de logique, elle
est l’art de la pensée, son génie plus exactement. En réalité, elle est, pour
Berdiaev, la manifestation intellectuelle de la liberté incréée mais
créatrice qui est dans l’homme, plus profondément que tout le reste, ainsi
qu’il est dit que dans le principe, le Verbe était en Dieu. C’est le même
Verbe, le même élan spirituel et créateur, qui est venu dans l’homme, et que
l’homme ne veut pas recevoir aussi longtemps qu’il refuse d’être
enfant de Dieu et de partager sa liberté (la « liberté des enfants de
Dieu »). La philosophie, pour Berdiaev, est un acte de l’esprit, qui
crée des valeurs vraies, parce qu’il émane, parce qu’il monte, de l’Urgrund,
de l’abîme de la liberté, ce quelque chose de sans fond antécédent à l’être.
On comprend, dès lors, que pour Berdiaev la philosophie, la sienne — celle de
la liberté créatrice, — ne soit plus qu’une expression de la spiritualité,
une illumination du cosmos, qu’elle débouche normalement sur le mystère et
soit contiguë, d’une part, à la prophétie et, d’une autre part, à la magie.
Tout cela ressort en clair des pages qui suivent. Ainsi nous pourrions
appliquer au philosophe russe ce qui a été dit, au XVIe siècle, du
jeune Pic de la Mirandole : qu’il a introduit l’esprit de tournoi et de
chevalerie dans la philosophie. Et l’auteur du Sens de la création en
a parfaitement conscience. C’est comme aristocrate que sa « dame de
beauté » l’a toujours amené à défendre, non pas en considération des principes
démocratiques, dont il avait horreur, mais de la seule dignité de l’image
et ressemblance de Dieu qu’est l’homme, qu’est tout homme, enfin de la
« personne humaine », pour
s’exprimer avec la banalité du langage moderne, ceux qui attaquent la fausse
paix du monde. Berdiaev était pour la lutte sociale et pour la guerre
spirituelle. S’il figurait parmi les révolutionnaires et les hommes de
gauche, c’est parce qu’il se plaçait philosophiquement du côté du changement.
Il était — nous allons en voir la raison — ennemi de toute immobilité, de
tout contentement « bourgeois », de toute sclérose artistique,
bref, de tout statu quo. Pour lui l’immobilité n’est qu’un
ensorcellement ; le héros sera cet homme qui mettra fin, par son acte de
créateur, aux enchantements de la forêt de Brocéliande. Il fut un des rares
penseurs du vingtième siècle qui osèrent préférer la vérité du
romantisme à celle du classicisme. Il rejoint sur ce point les positions
d’Ernest Hello, qui s’était abreuvé, il est vrai, aux mêmes sources
allemandes que lui. « La parole est un acte, c’est pourquoi j’essaye de
parler », avait écrit Hello, qui attendait peut-être de ce mot, proféré
solennellement en tête d’un de ses livres, comme un renouvellement de la
création.
Quand Berdiaev,
débarrassé de toute logique préventive et de tout appareil théologique,
s’engage, au nom de son amour de chevalier, sur les pistes des découvreurs de
Dieu, il rencontre une dualité, toujours la même : Dieu et l’Homme. Pas
n’importe quel homme : l’Homme absolu, la « véronique », la
véritable image et ressemblance de Dieu, l’Adam Kadmon des anciens, cet Adam
que Dieu (et homo factus est) s’est fait, ou que Dieu veut se
faire : le Christ. Pour Berdiaev, s’il y a Dieu et l’homme, quand il
veut regarder Dieu, c’est tout de suite le Christ qu’il a en vue. Il ne parle
guère de Duns Scot, mais l’idée scotiste du Christ éternel, de l’Homme
éternel, dans ce sens, eût pu et dû le séduire. Car, s’il reproche tant au
christianisme de ne pas avoir d’anthropologie et s’il voit là le secret de sa
faiblesse dans les temps actuels, c’est que lui est tout prêt à lui
substituer une christologie qui répondrait, pense-t-il, à tous les besoins de
l’humanité. Pour Berdiaev, en effet, ce que Dieu attend de nous, ce n’est pas
que nous nous perdions en lui, dans une effusion mystique qu’il pouvait juger
panthéiste, mais que nous acquérions cette taille de l’Homme absolu, que
l’obsession du péché et du salut à gagner, du salut individuel, phobie du
penseur russe, nous empêchera toujours d’atteindre. Est-ce que Berdiaev
conseillait de ne pas s’occuper du péché pour être pleinement homme, à
l’instar de trop de pseudo-mystiques, en se souciant peu de le
commettre ? Nullement. Pour Berdiaev, ne pas s’occuper du péché consiste
pratiquement à renoncer à lui, à s’en aller de lui. Le chapitre sur la
sexualité et le mariage, au malthusianisme si hardi, ne manquera pas de
dérouter les chrétiens modernes. Et pourtant comme il est évangélique dans sa
simplicité purificatrice, dans son grand élan pneumatique ! Mais ici
encore les idées de Berdiaev ne sont admissibles que dans leur rapport avec
l’esprit de création que Dieu nous a insufflé pour entreprendre ce que le
philosophe appelle « l’œuvre du huitième jour ». Ce doit être là
l’œuvre de l’homme. Dieu ne nous aurait créés, de son éternité, que pour être
créateurs, dans le temps, à son image. Et c’est là que Berdiaev se montre si
nouveau, car il ne s’agit pas à ses yeux de productions artistiques ou
scientifiques, les unes et les autres n’étant que des symboles : c’est
la réalité d’une création spirituelle qui est prévue et désirée pour nous par
Dieu, ou du moins par ce qui est créateur en Dieu, le Mouvement intérieur qui
fait que Dieu en trois personnes, tri-un, n’est point une impassibilité comme
il a semblé, mais un dynamisme créateur, un Dieu qui, si l’on reprenait le
mot de Nietzsche sur l’homme, serait, de façon ineffable, quelque chose —
l’Être — qui entend se surmonter éternellement. Folie sans doute, et Berdiaev
n’écrit pas cela, mais il m’a l’air de le penser et, quand il dit qu’il faut
que l’Homme naisse en Dieu comme Dieu naît dans l’Homme, pour que nous ayons
une christologie parfaite, une anthropologie absolue, il prévoit une autre
union que celle du mystique à Dieu, il prévoit un échange d’amour entre deux
personnes, comme il existe en Dieu, et l’on voit se dessiner, allant de l’un
à l’autre, le Saint-Esprit réalisant la transfiguration du monde. Mais, pour que le
Royaume arrive, le Dieu de Berdiaev veut que dans l’intervalle nous passions
par la fin du monde, la fin de « ce monde » pour qui le Christ n’a
pas prié, car il est un obstacle à sa gloire, à l’établissement du Royaume,
si l’on préfère : au règne du Saint-Esprit par l’Homme. Dans cette
optique nous ne lui demandons pas des précisions matérielles qu’il ne
pourrait pas nous fournir, mais dont nous avons des indices obscurément
révélateurs dans les successions non-évolutionnelles mais librement
contrastées de l’histoire. La philosophie de Berdiaev ne cesse de nous être
présentée par son auteur comme une eschatologie. Mais cette dernière, dans
son esprit de chrétien, n’a pour but que de nous délivrer de « ce
monde » des contraintes, de « ce monde » des limites, de
« ce monde », en un mot, de la nécessité, qui doit être
abattu. Malheureusement, avant l’action du chevalier, tous les faussaires de
l’Absolu, tous les possédés (ceux de
Dostoïevski), autrement dit les démons, s’attaquent aux limites de « ce
monde » dans un esprit totalement contraire à celui de la liberté. En
1900, le jeune Berdiaev, qui avait exorcisé son marxisme et combattu son
matérialisme, dans une œuvre qui en Russie avait fait du bruit, Subjectivisme
et individualisme dans la philosophie générale, le chevalier Berdiaev
n’avait pas fait l’expérience du communisme bolcheviste, il n’avait pas
assisté à l’éclosion du fascisme et à l’apparition du hideux blasphème nazi.
Avant de mourir il devait en éprouver un grand accablement, une douloureuse
amertume. « Après le bouleversement intérieur lié à l’expérience d’exaltation
créatrice par laquelle j’étais passé, je n’ai jamais trahi ma foi dans la
vocation créatrice de l’homme. Mais mon espoir d’une nouvelle époque
créatrice, que j’avais crue imminente, faiblit en raison des événements
catastrophiques. » C’est ainsi qu’il s’exprimera dans son Autobiographie
spirituelle. Ces catastrophes historiques, qu’il avait toujours prévues,
ne « créeront pas » des « mondes absolument nouveaux »,
elles n’en donneront que « l’impression ». Cependant, ajoutait-il,
« elles se montrent nettement défavorables à la création, telle que je
la concevais, telle que je l’imaginais pour l’imminente époque nouvelle,
religieuse-créatrice ». La Parousie est ajournée.
Si l’on juge cette
assertion bien prétentieuse, Berdiaev répond, ce qui est incontestable, que,
« si l’œuvre de rédemption et de salut peut se passer de
création », — de création humaine, — « pour le Royaume de Dieu
l’action créatrice de l’homme est indispensable ». Enfin Dieu nous
sollicite pour une collaboration qui est inscrite, si l’on veut, in
aeternum, dans le fait, qui a eu lieu, même si le péché de l’homme l’a
provoqué, de l’Incarnation du Verbe divin. Le christianisme pour Berdiaev ne
sera réalisé — ce qui se produit dans la vie des saints — que lorsqu’il le
sera « en tant que religion de l’humaine divinité ». Le philosophe
a, reconnaît-il, « l’audacieuse conscience du besoin que ressent Dieu de
l’acte humain créateur, de la nostalgie de l’homme créateur ressentie par Dieu ». Il s’explique :
« La création humaine continue la création du monde. La continuation et
la perfection de la création du monde est une œuvre humano-divine : Dieu
œuvrant avec l’homme, l’homme œuvrant avec Dieu. » La réalisation
plénière d’un chrétien ne consiste-t-elle pas à faire fructifier l’héritage
du Christ, Verbe incarné, — Verbe créateur incarné ? Et que l’on n’aille
pas nous dire, comme trop de catholiques timorés, qu’il suffit de faire
ici-bas son salut, car c’est un jeu de leur rétorquer l’impitoyable parabole
des talents. Le Maître des dons s’y affirme sévère et cupide : il faut
que les talents reçus produisent au minimum leur double. Celui qui, craignant
Dieu, enterre son talent pour le sauver, perdra ce qu’il avait reçu, au
profit du meilleur « réalisateur », comme l’autre (ou le même) perd
sa vie pour la vouloir sauver. Cette parabole, que Berdiaev, je crois, a
négligé de citer, est le meilleur argument chrétien, christologique, en
faveur de sa thèse. Ce philosophe
n’aimait pas le panthéisme, l’évolutionnisme ; ces doctrines consistent
à vouloir que le destin se fasse nécessairement, automatiquement, en privant
de leur liberté les rouages d’un tout qui échappent à la mécanique dès
l’instant que, grâce et beauté, ils savent qu’ils ont le pouvoir non
seulement de faire, mais aussi d’aimer la chose à faire : les hommes,
ces images et ressemblances de Dieu. Quant à la doctrine courante des
spirituels et même des mystiques, orthodoxes ou hétérodoxes, ceux de l’Inde
plus spécialement, qui tient qu’il suffit à l’homme de mourir à soi-même et
de laisser la place au Bien-Aimé, elle lui semblait, avec raison, incomplète,
si, comme il le suppose, l’union s’arrête à la mort mystique de la créature
et ne mène point à la résurrection de la vivante finitude immolée. Les apparences sont trompeuses (le
Christ après la Résurrection se confond pour l’Amoureuse elle-même avec le
jardinier), mais il n’est pas injuste de traiter d’incomplète une opération
qui laisserait le Saint-Esprit sur sa faim et ne conduirait pas le mystique
jusqu’à la récupération, sous une forme à peu près indescriptible, (les
catholiques disent cependant : union transformante) d’une
personnalité que son sacrifice divinise mais n’anéantit pas. Et l’on comprend
que Berdiaev ne se plaise pas à imaginer un Tout-Puissant qui crée un monde
pour le regarder tourner comme un manège perpétuel, sans que les vivants n’aient
rien d’autre à faire que mourir docilement et chacun à son tour. Ce n’est pas pour rien que Dieu vous donne
la vie, écrirait Berdiaev, c’est pour témoigner que vous êtes ses créatures
en devenant créateurs comme lui. Il regrette que le christianisme ait l’air
de prendre pour zéro ce que l’homme, sous le regard de Dieu, peut faire de
ses facultés, de son esprit, de son cœur, de ses mains, comme si la création
avait à être justifiée : c’est elle qui est justifiante, c’est elle qui
prouve que nous sommes « des dieux par participation »
(sainte Catherine de Gênes). Et, si l’homme reçoit ce pouvoir d’un Dieu qui
l’aime comme lui-même et le veut tel que Lui, c’est que tout a été fait pour
l’homme, image et ressemblance de Dieu, à travers le Christ. Il y aurait un
« humain prééternel en Dieu ». C’est là le fond de la pensée de ce
chrétien excentrique mais fidèle. Il déclare : « L’humain est
inhérent à la seconde Personne de la Sainte Trinité. » Mais,
naturellement, à lui aussi, Berdiaev, est venu ce sentiment d’étonnement
incoercible qui nous angoisse à la vue de l’homme réel, palpable, tel qu’on
l’a sous les yeux, fut-il d’une
moralité correcte, d’une intelligence un peu déliée et d’un physique
agréable — ce qui est loin d’être toujours le cas. Et sa foi n’en a pas moins
ce mot désinvolte : « La bassesse de l’homme empirique ne saurait
ébranler ma conviction à ce sujet. J’ai le pathos de l’humanité, bien
que je sois de plus en plus persuadé du peu d’humanité dans l’homme. » Et c’est ici que
Berdiaev se penche et nous oblige à nous pencher sur le mystère d’un gouffre
que peut-être Jacob Bœhme avait déjà exploré à sa manière, et les kabbalistes
avant lui, certainement, et que les humanistes ont tout fait pour
obstruer : ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, ce
n’est pas l’homme. Et c’est le « sens de l’acte créateur » qui nous
l’apprend, et, du coup, porte l’homme à se chercher au-dessus de lui-même,
non point dans le « surhumain » de Nietzsche, qui est aussi
fallacieux et décevant que le sous-humain des matérialistes, imposé à tous
par le monde actuel avec son numérotage anthropométrique. Si ce n’est pas en
Dieu que tu te cherches, tu ne te trouveras point. Berdiaev le répète
souvent, il nous l’assure et son œuvre le démontre à satiété :
« Dieu est humain, mais l’homme est inhumain. » Voilà pourquoi, par-delà l’Évangile, qui ne
manifeste pas toute l’anthropologie que pressent Berdiaev mais qui la donne
substantiellement dans l’Homme-Dieu, c’est-à-dire dans le Christ, en la
tenant plus voilée sur sa croix qu’au Thabor, le chevalier philosophe postule
un supplément de révélation et en ferait volontiers, comme d’autres y ont
songé avant lui, de Joachim de Flore à Léon Bloy, cet Évangile du
Saint-Esprit qui ouvrirait un âge que les faussaires parodient et que les
catastrophes déchaînées par les ennemis de l’homme, — les mêmes que ceux
de Dieu, — retardent autant qu’elles
peuvent. Cet âge serait celui d’une terre et d’un ciel nouveaux. Est-il
encore du temps et de notre vie mortelle, ce plus beau des mondes que dessine
à grands traits, à la fin de son livre, l’impatience de Berdiaev ? On y
passe, en effet, de « l’Église du Golgotha », comme il définit la
nôtre, à ce monde transfiguré que les Russes ont toujours tendance à faire
partir de Pâques. « L’amour ne s’est montré dans l’Église que symboliquement
et non réellement, dans la liturgie et non dans la vie », écrit ce
philosophe impitoyable. Mais lui-même traite plutôt l’Église, ici, comme un
symbole d’objectivation que comme une réalité mystique. Les signes efficaces
que sont nos sacrements, s’ils sont soutenus par une liturgie, fournissent
toutefois la vie réelle à des âmes réelles. Ce n’est d’ailleurs pas à la vie
sacramentelle que Berdiaev s’en prend dans sa critique de l’Église orthodoxe,
ou de l’Église romaine, c’est à des formes sociologiques de religion. Quand il
dit : « Le centre religieux se sera déplacé ; de la sphère
ecclésiastique et conservatrice, il passera dans la sphère prophétique et
créatrice », on n’est pas si loin de l’Apocalypse johannique :
« Dieu fera toutes choses nouvelles. » Mais, avec Berdiaev, on ne
sait pas très bien si le Royaume de Dieu, appelé à remplacer, avec notre aide
active, « ce monde », doit s’accomplir dans un temps comme celui
qui nous est octroyé ou post mortem. Il apparaît vague sur ce point.
Mais le philosophe est sûr, quant à lui, que son intuition ne le trompe
pas : des temps d’homme adviendront, qui ne seront plus contrariés par
tout ce que Berdiaev abomine et qui empêche le Créateur de trouver dans
l’Homme ce regard pur d’une image de Dieu libre de créer en Dieu cette réponse
humaine que Dieu sollicite de toute
éternité et qui ne peut être proférée que par une volonté libre. C’est
vraisemblablement cela, et le renouvellement de l’Univers qui en résulte, que
Berdiaev entendait par cette énigmatique naissance de l’homme en Dieu. |
NICOLAS
BERDIAEV – DE LA DESTINATION DE
L’HOMME
|
Nicolas Berdiaev
|
L’Âge d’homme
|
2010
|
Nicolas Berdiaev, ce
" prophète des temps nouveaux ", né à Kiev en 1874, est mort près de
Paris en 1948. On lui doit un grand nombre d'essais de philosophie, de
philosophie religieuse et d'histoire. Citons parmi ses grands ouvrages La
philosophie de la liberté, Le sens créateur, L'esprit de Dostoïevski, Le
nouveau Moyen Age, Christianisme et réalité sociale. De la destination de
l'homme est certainement l'un des livres les plus importants de Nicolas
Berdiaev, dans lequel il expose la totalité de sa doctrine éthique et sa
vision chrétienne de la mission de l'homme. Je cite : L’esprit est toujours vérité, vérité
orientée vers l’éternel. L’esprit échappe au temps et à l’espace. Par son
caractère intégral, il s’oppose au morcellement temporel et spatial. L’esprit
n’est pas être, mais il est le sens de l’être, la vérité de l’être. L’esprit
est également intelligence, mais une intelligence intégrale. L’esprit est
aussi bien transcendant qu’immanent. En lui le transcendant devient immanent
et l’immanent transcendant. L’esprit n’est pas identique à la conscience,
mais la conscience se construit par l’esprit, et c’est aussi l’esprit qui
transcende les limites de la conscience, qui atteint au supraconscient.
L’esprit présente un aspect prométhéen, il se révolte contre les dieux de la
nature, contre le déterminisme du destin humain ; l’esprit est une
évasion, une évasion vers un monde supérieur et libre. L’éternelle tragédie de la famille
est due à ce que l’homme et la femme représentent deux mondes distincts, dont
les fins ne coïncident jamais. Ce principe tragique existe déjà dans l’amour,
mais il se cristallise dans la famille, où tout s’alourdit, se solidifie, et
où le tragique lui-même acquiert un caractère banal. La femme a une structure
psychique et un sentiment de la vie qui se différencient radicalement de ceux
de l’homme. Elle attend de la famille et de l’amour incommensurablement plus
que lui. Il y a, en effet, dans son attitude à l’égard du sexe une
intégralité et une absoluté, auxquelles ne peuvent correspondre le
dédoublement et la relativité de l’attitude masculine. En somme, la plupart
des mariages sont malheureux. Ils dissimulent de pénibles conflits mettant
aux prises le conscient et l’inconscient. Le premier, élaboré par la
quotidienneté sociale, cherche à étouffer le second, qui engendre dans la
famille un nombre incalculable de difficultés. Seul l’amour authentique
parvient à surmonter leurs conflits et à résoudre merveilleusement leurs
relations. Mais l’amour véritable est une fleur rare dans notre monde, il
n’appartient pas à la quotidienneté. Lorsque l’amour existe, en tant
que fondement ontologique de l’union conjugale, la question de la nécessité
de la monogamie absolue ne se pose pas. Elle ne se pose que lorsque le
sentiment véritable a disparu, qu’il s’est refroidi ou a péri et que l’on
s’efforce de substituer à l’intérieur ce qui est extérieur, à l’énergie
bienfaisante, la loi. L’union monogamique absolue n’est créée qu’en prévision
d’un malheur possible, car dans le bonheur, on n’y songe même pas et il n’est
point utile d’avoir recours à la loi pour l’affirmer. La monogamie n’apparaît
contradictoire que dans l’amour malheureux, dans l’incompatibilité fatale. Et
il faut bien reconnaître qu’en fait elle ne correspond pas à la loi naturelle
de l’union sexuelle. Elle n’est en aucune façon inhérente à la « nature » ;
de l’homme, elle n’a pas toujours existé et ne s’est formée qu’à un certain
stade du développement humain. Si la monogamie est possible, elle ne l’est
réellement que selon la grâce, mais nullement selon la nature ou selon la
loi. Elle est bien plus un phénomène d’ordre spirituel et mystique que
d’ordre naturel et social. C’est en cela que réside
d’ailleurs son paradoxe fondamental. En effet, le mariage monogamique est
revendiqué par la quotidienneté sociale, à laquelle précisément il n’est pas
inhérent par sa nature. Nous sommes donc amenés à reconnaître qu’on ne peut
l’affirmer que nominalement, mais non réellement. Dans le royaume de la
banalité civilisée, le foyer monogamique trouve son corrélatif et son
correctif dans l’effroyable phénomène de la prostitution, au sens large du
terme, un des phénomènes les plus infamants de la vie humaine, légalisés par
la quotidienneté. à vrai dire, la monogamie réelle n’existe pas dans la
société contemporaine ; elle n’est qu’un mensonge, qu’une hypocrisie
conventionnelle et qu’un nominalisme de la loi. Aussi une révolte contre la
vieille famille monogamique était-elle absolument normale. Nicolas BERDIAEV, De la Destination de l’homme, Essai d’éthique paradoxale,
1931. |
NICOLAS BERDIAEV OU LA RÉVOLUTION DE L’ESPRIT |
M.M.
DAVY |
Edition
Albin |
1999 |
|||
|
16 Q
question de nouvelles Émergences |
M.M.
DAVY |
Edition
ALBIN MICHEL |
1989 |
M.M.
Davy
écrit 2 articles dans ce livre ou plusieurs auteurs parlent de l’espérance, de
la conscience, de l’éveil, de l’esprit et du mental. Tout
d’abord un premier article intitule : l’Être
ou elle nous parle, de l’Amour, du silence, de la solitude, de la Déité, des
éclairants, du corps de gloire. Un
deuxième article qui est une chronique où elle développe l’humilité. Au sommaire de cet excellent ouvrage : Marie-Madeleine Davy : L’être et
l’humilité. Marc de Smet : De l’espérance Jacques Salomé : Devenir un meilleur
compagnon pour soi-même Jacques Castermane : Cinq ans au quotidien
avec Graf Durkheim André Moreau : La conscience comme
acte pur Marcus : Eveil à la conscience biologique Joëlle de Gravelaine : De la distance et de la
coïncidence Jean-Yves Leloup : Médecine et santé Frithjof Capra : Les dialogues de Big
Sur Jean Charon : Esprit, mental et
matière en physique contemporaine Guitta Pessis Pasternak : Le nouveau paradigme
scientifique, entretien avec Frithjof Capra Pierre Crépon : La nutrition
orthomoléculaire David Bohm : Le sens du temps |
16 T
tout est noces |
M.M.
DAVY |
Edition
ALBIN MICHEL |
1993 |
||
Troisième partie : Les fiançailles -
dogmatisme et approche des mystères - l’unité et la
dualité - la voie du détachement -
la dimension divine et l’unité de l’esprit - les fruits de
l’unité - repos et déification - Quatrième partie : Les noces - à
propos de la non-dualité - Héraclite - Raymond
Lulle - Nicolas de Cues - Egide de Viterbe
- Problèmes concernant les rencontres des opposés
- Dieu et l’homme - le soleil et la
lune - le bien et le mal - l’homme
et la femme - l’oreille et l’œil - le paradis et
l’enfer - le Ciel et la Terre - Ténèbre et
lumière - dépassement et secret des noces - |
traversÉe en solitaire |
M.M.
davy |
Edition
ALBIN MICHEL |
1988 |
||
M.M.
David dit dans son livre : J’ai aimé avec passion
l’écriture et la lecture, passion que je conserve encore aujourd’hui (1987).
J’aurais souhaité mieux savoir exprimer mon amour pour la solitude, lui
prouver ma gratitude, la célébrer sur le mode d’hymnes de louanges. Elle
seule donne accès à la chambre des trésors, c’est alors qu’éclate le chant de
la bergère au berger, de l’aimée à l’amant. Puis surgit le silence devant la
Présence innommable, et le silence s’engouffre à la façon du vent qui burine
le visage. Le silence est devenu soleil. On voudrait exprimer l’ampleur
de la tente dressée et devenue la demeure d’un passant, les mots défaillent.
Ensuite, l’existence se poursuit d’une façon différente, tout se calme et
s’apaise. On pourrait évoquer le lac d’amour du béguinage de Bruges sur
lequel voguent des cygnes blancs. Le symbole de leur dernier cri, avant de
trépasser, présente le sens du message. Chaque existence se déroule suivant sa propre singularité,
lorsque l’Absolu séduit, elle peut comporter un mouvement se dirigeant vers
l’essence, dans un tel cas, la démarche n’est pas toujours aisée, elle se
transforme en une continuelle ascension, comportant parfois des reculs. Il
est difficile d’échapper aux attraits de l’école buissonnière. Quand le monde invisible s’entrouvre, le recueillement devient
festif. Au-dedans, une atmosphère de fête se déroule, et cette joie,
propulsée dans l’espace, rejoint tous l « les mendiants de l’Absolu » |
16 U
un itinÉraire
– à la dÉcouverte de l’intÉrioritÉ |
M.M.
davy |
Edition
DESCLÈE DE BROUWER |
1992 |
Après
avoir frôlé la mort, M.M. Davy éprise d’absolu, à la vision de l’ombre
des « portes de la mort ». Elle va dorénavant rechercher le silence et le non
attachement. Ces
pages relatent cette expérience d’intériorité enrichie des traditions
orientales et occidentales. Séduite
dès son enfance par l’Absolu, elle s’est adonnée avec ferveur à cette
recherche, et soudain dans la vision de l’ombre des « portes de la
mort », cette démarche est définitivement suspendue, c’est par le vide,
le silence et le non-attachement que l’Absolu se révèle ; l’au-delà de
Dieu et l’au-delà de l’homme coïncident. Ces
pages traduisent une expérience d’intériorité, racontée avec simplicité,
elles relatent une démarche enrichie par les traditions de l’Orient et de
l’Occident, qui l’une et l’autre tendent à s’effacer dès l’approche
du « fond secret » que tout homme porte en lui dans le mystère
de sa vocation humaine. Un
cheminement simple et magnifique. Au sommaire M. M. Davy nous parle de : Le vide - la mort
- rencontre avec la Beauté - le
silence - au-delà de Dieu -
au-delà de l’homme - ghettos et
communautés - index des noms propres et des
sujets
-
|
un philosophe itinÉrant : gabriel marcel |
M.M.
DAvY |
Edition Flammarion |
1959 |
||
Tel est le fondement de la
distinction fameuse du mystérieux et du problématique : « Le
problème est quelque chose qui barre la route. Il est tout entier devant moi.
Au contraire, le mystère est quelque chose où je me trouve engagé, dont
l'essence est, par conséquent, de n'être pas tout entier devant moi » (Être
et Avoir). Irréductible, transcendant par définition toute technique
concevable, l'existence est de l'ordre du mystérieux. C'est dire que l'être
prime la connaissance (Position et approches concrètes du mystère
ontologique). Le danger serait même que le mystère se dégradât en problème,
et que se perdît ainsi, au niveau des concepts, la spécificité de l'intuition
existentielle première.
Gabriel
Marcel fut habité par une assurance invincible : fondée sur l'amour,
l'espérance doit triompher du désespoir. Et il appartient au philosophe de
guider ses lecteurs sur le chemin de cette victoire. Penseur de l'être
incarné, il fut particulièrement sensible aux liens que les rencontres créent
entre ces êtres fragiles et inventifs que nous sommes. En amitié ou en amour,
la fidélité créatrice ouvre aux existants le mystère de l'être. La
métaphysique se laisse guider par la réflexion sur la sainteté : dès
lors, les fils se nouent entre le donné le plus concret de l'existence et
l'ouverture spirituelle la plus profonde. Dieu prend la figure du Toi absolu.
C'est en lui et par lui que se fonde l'assurance d'une immortalité
bienheureuse : « L'espérance n'est pas seulement une protestation
dictée par l'amour, elle est une sorte d'appel, de recours éperdu à un allié
qui est amour lui aussi. » Gabriel
Marcel a cherché à penser une foi qui transcende le savoir. Il fut ainsi le
premier en France à construire, dans son « Journal métaphysique »,
une philosophie de l'existence, ouverte au mystère de l'être. Il se
singularise par le lien qu'il établit, hors de tout dogmatisme, entre la
recherche philosophique et la spiritualité chrétienne. C'est au sein de notre
monde effectif, marqué par les totalitarismes, que Gabriel Marcel a poursuivi
ces orientations fondamentales. Dans le contexte chaotique et eschatologique
de notre époque, il propose un humanisme chrétien dont l'espérance est le fil
conducteur. Il garde ainsi toute la liberté du philosophe, soumis à cet
esprit de vérité qui relativise toutes nos vérités particulières. En ce sens,
il appartient bien au temps de la confrontation et du dialogue entre les
religions. Au sommaire de cet ouvrage : Première
partie :
Esquisse d’un portrait - chemins de l’écriture
- la condition itinérante - la chrétien
- une première vocation : la musique - le
protestataire - Deuxième
partie :
Le dramaturge - vocation théâtrale - conception et
caractéristiques d’un théâtre - la dimension
religieuse - l’atmosphère temporelle - le
théâtre - le seuil invisible - la grâce -
le palais de sable - quatuor en fa dièse - la
chapelle ardente - l’insondable - un homme de
Dieu - le monde cassé - le chemin
de Crête - le dard - la soif
- vers un autre royaume - l’émissaire
- le signe de la croix - Rome n’est plus dans Rome
- Croissez et multipliez - pour les lecteurs et
spectateurs - le comique dans le théâtre de Gabriel Marcel
- Troisième
partie :
Le philosophe - Sens d’un itinéraire
philosophique - le journal d’un philosophe
itinérant - une philosophie concrète
- le moi et le toi dans la fidélité et la disponibilité -
Métaphysique et espérance - Quatrième
partie :
L’homme des confins - sens de l’invisible - la
mort - les sciences paranormales -
l’immortalité - diverses pièces de théâtre
représentées - |
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